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Classiques Garnier

Introduction [au cahier « Finance & Société ». L’investissement d’impact]

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2017 – 2, n° 2
    . varia
  • Auteur : Ninet (Jacques)
  • Pages : 129 à 131
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406073901
  • ISBN : 978-2-406-07390-1
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07390-1.p.0129
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 22/12/2017
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Introduction

Jacques Ninet1

La Française Asset Managment

Après un premier cahier « Finance et Société » consacré aux problématiques de la dette et du rapport entre finance et éthique à travers le concept dISR, notre deuxième numéro aborde un autre courant représentatif de la « finance autrement », linvestissement dimpact (« impact investing »).

Bien que le montant global des encours, 60 Mds de dollars, paraisse encore confidentiel au regard des masses de capitaux gérés dans les circuits traditionnels et même des encours ISR, linvestissement dimpact connaît un développement rapide dans le monde de léconomie sociale et solidaire et de lentrepreneuriat social.

Parce quil remet en question, comme lISR, le postulat de séparation entre propriété et contrôle de la firme et quil réintroduit les externalités dans les critères dallocation, linvestissement dimpact constitue à coup sûr un champ particulièrement novateur pour la recherche en finance. Le conflit entre les pratiques de léconomie sociale et solidaire, linvestissement dimpact, dun côté, et la théorie financière standard de lautre, est abordé par les deux articles proposés dans ce numéro, à partir de points de vue à la fois complémentaires et symétriques. Le premier adopte une approche institutionnelle à partir des problématiques financières et managériales des acteurs de la « finance autrement » quand le second sintéresse, au plan théorique, à la confrontation de la théorie 130financière standard avec les novations de léconomie sociale et solidaire et les exigences de soutenabilité.

Après avoir rappelé quelques caractéristiques des entreprises collectives de léconomie sociale et solidaire et souligné les difficultés quelles rencontrent pour satisfaire leurs besoins de financement, Nicole Alix livre un large panorama de linvestissement à impact social en Europe, en insistant sur lintérêt que lui porte la puissance publique (UE) parce quelle y voit un substitut à la diminution des aides directes pour cause de restrictions budgétaires. Mais larrivée des investisseurs privés dans le champ de lESS ne va-t-il pas avoir à son tour un impact sur les comportements des entreprises de lESS ? Cest ce dont sinquiète Nicole Alix, en sappuyant sur les travaux mettant en évidence le pouvoir quont les investisseurs de transformer les modèles daffaires des entreprises. Dans les solutions quelle propose pour éviter que la logique des investisseurs lemporte sur celle des acteurs, on retrouve lidée, partagée par certains gestionnaires de fonds de pensions (Établissement de Retraite Additionnelle de la Fonction Publique, ERAFP), dinclure dans la valorisation du capital la préservation des équilibres, financiers ou naturels, sur le temps long.

Thomas Lagoarde-Ségot se place quant à lui dans la position du théoricien en finance confronté à lirréductibilité apparente entre la valeur ontologique donnée au principe de maximisation de la valeur boursière de la firme et la prise en compte de critères extra-financiers, comme dans linvestissement dimpact. Rejetant lidée que cette pratique relèverait dun dysfonctionnement de la gouvernance dentreprise, à la Milton Friedman, ou devrait être purement et simplement écartée du champ de la théorie financière, il montre les effets performatifs de lontologie objectiviste de la théorie financière et sa migration en idéologie. La prise en compte de fonctions dutilité interdépendantes est une piste proposée pour mettre à jour la théorie du portefeuille et celle de la gouvernance dentreprise en conservant lunicité méthodologique de ces disciplines. Une autre piste, plus complémentaire quopposée à la première, consisterait à rapprocher la finance académique des sciences sociales en acceptant le caractère axiologique de la théorie et en acceptant alors de la confronter aux exigences de soutenabilité dans une approché interdisciplinaire. Il y a là lébauche dun programme de recherche réellement novateur face aux blocages dune théorie qui non seulement ne répond plus enjeux 131environnementaux et intertemporels de notre temps mais a irrémédiablement failli à prévoir et expliquer la crise financière de 2008 et ses conséquences non résolues sur lendettement public.

1 jninet@lafrancaise-group.com