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Classiques Garnier

Investissement d’impact Vers une diversification de la recherche en finance ?

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2017 – 2, n° 2
    . varia
  • Auteur : Lagoarde-Segot (Thomas)
  • Résumé : Cet article analyse les implications du développement de l’investissement d’impact pour la recherche en finance. Il aborde les implications sociétales de ce type d’allocation et l’analyse à travers le prisme de la théorie de l’agence, pour révéler une discordance épistémologique. Afin de surmonter les difficultés évoquées, l’article présente deux agendas de recherche, l’un basé sur l’inclusion de fonctions d’utilité interdépendantes en finance, l’autre sur l’adoption d’une posture subjectiviste.
  • Pages : 155 à 174
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406073901
  • ISBN : 978-2-406-07390-1
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07390-1.p.0155
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 22/12/2017
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Finance, soutenabilité, épistémologie, impact, implication sociétale
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Investissement dimpact

Vers une diversification de la recherche en finance ?

Thomas Lagoarde-Segot

Kedge Business School – Marseille1

Introduction

Linvestissement dimpact totalisait en 2015 un montant global dactifs de 60 milliards de dollars US (J.-P. Morgan, 2015). Paradoxalement, la recherche et lenseignement en sciences de gestion ne se sont pas encore saisis de cet objet détude2. Afin dexpliquer cet état de fait, il est possible dinvoquer des facteurs dordre épistémologique. La théorie financière moderne, qui postule une séparation stricte entre propriété et contrôle, sinscrit en effet dans un cadre épistémologique principalement fonctionnaliste et positiviste (Ardalan, 2008 ; Lagoarde-Segot, 2014). Dès lors, elle peut sembler mal équipée pour appréhender lémergence3 de linvestissement dimpact. Bien quétant le produit de la libéralisation financière, ce dernier constitue en effet une entité irréductible 156à cette base (Lagoarde-Segot, 2014 ; Artis, 2013). En établissant une relation circulaire entre épargnant, entrepreneurs, investisseurs, tout en découplant le taux daccumulation du capital de son allocation par la prise en compte des externalités, linvestissement dimpact induit un important bouleversement conceptuel. La « fonction finance » est en effet traversée par deux forces contradictoires : ramenée à un statut doutil permettant à lorganisation de pérenniser son activité et de remplir sa mission éthique, elle fait simultanément lobjet dune complexité accrue, liée à linclusion de critères sociétaux dans la fonction de décision des détenteurs de capitaux, et à ladoption dun mode de gestion participatif.

Dans ce cadre, la contribution de cet article sera de mettre à jour les zones de tension épistémologiques, ontologiques et méthodologiques séparant linvestissement dimpact de la théorie financière standard – non pas dans un objectif polémique, mais avec pour ambition de dégager de nouvelles perspectives pour la recherche en finance. Plus particulièrement, nous montrons quétudier linvestissement dimpact pourrait favoriser la diversification paradigmatique que plusieurs chercheurs appellent aujourdhui de leurs vœux (Lagoarde-Segot, 2015 ; Paranque & Pérez, 2015 ; Lagoarde-Segot & Paranque, 2016 ; Schinckus, 2015 ; Faugère, 2014 ; Alijani & Karyotis, 2016 ; Boussard, 2016).

Nous revenons tout dabord sur la vocation sociétale et les caractéristiques opérationnelles de linvestissement dimpact, que nous illustrons par une étude de cas (le Slow Money Alliance). Puis, nous déplaçons la discussion au plan épistémologique afin dexpliciter la réticence des chercheurs en finance à se saisir de cet objet détude. Enfin, nous introduisons deux agendas de recherche en finance pour surmonter les difficultés évoquées. Lun est basé sur linclusion de fonctions dutilité interdépendantes dans les modèles traditionnels, lautre appelle ladoption dune posture ontologique subjectiviste en finance. Ces deux approches, qui sont davantage complémentaires que contradictoires, sinscrivent pleinement dans la perspective de la diversification de la finance académique.

La suite de cet article se présente comme suit. La section 2 revient sur les fondements de linvestissement dimpact. La section 3 analyse les rapports entre linvestissement dimpact et la théorie financière sous langle épistémologique. La section 4 offre de nouvelles perspectives pour la recherche en finance, et la section 5 rassemble nos conclusions.

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I. Linvestissement dimpact

Principes et mode de fonctionnement

I.1. Soutenabilité et fonction finance

Linvestissement dimpact peut être pensé comme une réponse des acteurs au contexte global de crise de soutenabilité. Il importe donc dans un premier temps de revenir sur ce concept, et sur ses implications pour la fonction finance. La définition canonique de la soutenabilité implique que la génération actuelle « gère les ressources naturelles de telle manière que la qualité de vie moyenne dont nous disposons puisse potentiellement être partagée par les générations futures » (Asheim, 1994). Les économistes distinguent cependant la soutenabilité faible de la soutenabilité forte (Neumayer, 2013). De façon simplifiée, la forme faible de la soutenabilité requiert que la dynamique économique stabilise le stock de capital agrégé K :

Avec « Kn » le capital naturel, « Kh » le capital humain et « K» le capital manufacturé. Lépuisement du capital naturel « Kn » peut dès lors être compensé par une augmentation réciproque du capital humain « Kh » et du capital manufacturé « K», de manière à stabiliser le stock global de capital « K ». Capital naturel et capital manufacturé sont ainsi conçus comme des « substituts de production » fournissant le même type de bien-être (Stiglitz, 1979). La soutenabilité résulte ainsi dun mécanisme de marché : à un niveau donné de demande agrégée, lépuisement des ressources naturelles « Kn » entraîne une augmentation de leur prix. Cette inflation incite les producteurs à innover pour produire des substituts de qualité (hausse de « Kh » et « K»), ce qui contribue à réduire la pression exercée sur les ressources naturelles et, in fine, permet de stabiliser le stock global de capital « K ».

La soutenabilité forte décrit en revanche un système dans lequel la diminution du capital naturel « Kn » ne peut être compensée par la 158hausse des autres types de capital (Georgescu-Rogen, 1979). Le capital naturel est en effet défini comme « un ensemble de systèmes complexes consistant en des éléments biotiques et abiotiques, dont linteraction détermine la capacité de lécosystème à fournir directement ou indirectement aux sociétés humaines un large ensemble de fonctions et de services » (Pemenc et Ballet, 2015). Le capital naturel, le capital humain et le capital manufacturé sont alors modélisés comme des compléments de production. Dans ce cadre, la compensation entre les trois types de capitaux propre à la soutenabilité faible est inopérante. La soutenabilité requiert alors trois conditions nécessaires : (i) le taux dutilisation des ressources naturelles renouvelables doit être égal à leur taux de renouvellement ; (ii) le taux démission des déchets ne doit pas dépasser la capacité dassimilation de lenvironnement ; et (iii) le taux dexploitation des ressources naturelles non renouvelables ne doit pas dépasser leur taux de remplacement par des ressources renouvelables.

Quelle que soit la forme retenue, la soutenabilité nécessite un arbitrage inter-temporel. Cet arbitrage est illustré par la figure 1, où, pour un niveau donné de technologie, un investisseur peut choisir, à la période « t1 », entre deux stratégies dallocation du capital : la maximisation du taux de rendement de court terme – ce qui se solde par un effondrement à long terme – ou lobtention de profits inférieurs, mais stables dans le temps.

Cette figure met en évidence une tension fondamentale entre le raisonnement financier conventionnel et la contrainte de soutenabilité. En effet, seule la prise en compte de la génération suivante (à la période « t») dans sa fonction dutilité peut amener un investisseur à choisir un portefeuille « sous-optimal » au sens financier (cest-à-dire à subir un coût dopportunité représenté par laire « ABC »). Une condition nécessaire à la soutenabilité est donc lutilisation par les investisseurs dun « taux de rendement requis » inférieur au rendement déquilibre de marché donné par le MEDAF. Seul cet ajustement permettrait daccroître leffet marginal des flux de long terme sur la valeur actuelle nette des projets dinvestissement, et daligner ainsi les choix dinvestissement avec les critères de soutenabilité (Baur et Lagoarde-Segot, 2016).

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Figure 1 – Trajectoire économique et soutenabilité. Source : Wilson (2008).

Lenjeu est donc de modifier la fonction de décision des investisseurs. Mais cet impératif induit une complexification significative de la « fonction finance » : en effet, le financement conventionnel – quelle que soit la forme retenue (prêts, achats dobligations, achats dactions, investissements en fonds propres, création de fonds spécialisés…) – repose sur les valeurs monétaires fournies par la comptabilité. Celles-ci sont utilisées pour développer des outils décisionnels basés sur des critères de solvabilité et daccumulation capitalistique. Mais la prise en compte de la soutenabilité déplace lobjectif de linvestissement de laccumulation de monnaie vers laccumulation de valeur. Dans le Logos financier, ces deux termes sont synonymes. Pourtant, si la monnaie est linstrument permettant de mesurer la valeur, elle ne constitue cependant pas la valeur elle-même, qui, dans la perspective de la soutenabilité, revêt des aspects sociaux, environnementaux, et se matérialise dans le temps long. Dans ce cadre, linnovation apportée par linvestissement dimpact est didentifier correctement les externalités des activités économiques, de leur affecter un « prix4 », et enfin dincorporer ce dernier dans un processus décisionnel participatif.

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Une telle complexification de la « fonction finance » a pour effet de ré-encastrer celle-ci dans le domaine sociétal : les liens interpersonnels (capital social, coopération…) ne sont plus considérés comme des notions « hors-champ », mais constituent le cadre partagé dans lequel se déterminent la gouvernance organisationnelle et lallocation des capitaux. Les informations comptables et les outils managériaux dérivés sont ainsi ramenés au rang de conventions sociales et sont mis en balance avec les « rendements sociaux et environnementaux5 » de lactivité financée. Dès lors, lactivité de financement prend une dimension axiologique : cest l« Homme, sa liberté, son bonheur » qui constituent la seule « valeur », et cest uniquement en ce quils permettront de développer cette « valeur » que profits et dividendes trouvent la justification de leur existence (Benedikter, 2010).

I.2. Étude de cas : le Slow Money Alliance

Lassociation Slow Money Alliance, créé en Californie en 2009 et présente en France, en Australie, au Canada et au Japon se propose de « réparer léconomie par la base ». Ses membres affirment ainsi lexistence dune relation négative entre la rapidité de circulation du capital et la préservation des sols (Tasch, 2008). La « financiarisation » des économies aurait en effet débouché sur le développement de cartels dentreprises agro-alimentaires dont les activités compromettent la soutenabilité (détérioration de la qualité de lalimentation, baisse continue de la fertilité des sols, conséquences délétères sur la santé humaine – cancers, obésité…). La réponse apportée par les acteurs du Slow Money Alliance consiste alors à mobiliser lépargne pour la canaliser vers des entreprises de proximité à impact positif sur la fertilité des sols. Les acteurs financiers sengagent donc dans un processus de transformation économique et culturelle en « étendant leur responsabilité fiduciaire au maintien du cadre de vie, de la diversité biologique et culturelle, à la préservation des communs et à la non-violence » (Tasch, 2008).

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Le Slow Money Alliance se présente comme un intermédiaire financier participatif : la relation entre bailleurs de fonds et porteurs de projet est circulaire, et prend la forme dassemblées de parties prenantes (figure 1). Lallocation des investissements implique schématiquement trois catégories dacteurs : le porteur de projet (entrepreneurs, fermiers, ONG…), la société et lenvironnement (qui sont les bénéficiaires de limpact souhaité), et le financeur. Si la décision de financement incombe à linvestisseur, les trois parties prenantes participent néanmoins à la mesure et à linterprétation des effets induits, dans lobjectif de générer un gain partagé. Les décisions sont ainsi basées sur des discussions approfondies avec lensemble des parties prenantes du projet, afin de parvenir à une évaluation « au cas par cas6 ».

Les services financiers offerts par le Slow Money Alliance concernent la totalité du bilan des entreprises. Les associations de Slow Money Alliance peuvent ainsi fournir des liquidités de court terme aux entrepreneurs, en leur achetant en avance les biens ou services vendus. Elles leur allouent également des crédits de court et de moyen terme, par le biais dassociations de regroupement de prêteurs (« Beetcoin »). Ces crédits peuvent également servir de collatéral dans le cadre dune demande de prêt auprès du secteur bancaire traditionnel. Enfin, elles injectent des fonds propres dans ces entreprises afin de renforcer leur solidité financière. Le tableau 1 recense quelques exemples dinitiatives et de produits financiers offerts.

À nos yeux, lémergence de linvestissement dimpact au plan mondial constitue un phénomène de premier plan en ce quil constitue une réponse des acteurs à la crise de soutenabilité. Mais, comme nous lavons noté précédemment, il reste encore très largement exclu du champ détude des publications scientifiques en finance (et par conséquent de nos domaines denseignement). Nous suggérons que ce paradoxe nest pas le fruit du hasard ou dun effet dhystérèse7, mais quil traduit une discordance épistémologique, dont nous tenterons, dans la section suivante, de préciser les contours.

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Figure 2 – Les parties prenantes de linvestissement dimpact.
Source : Lagoarde-Segot (2014).

Organisation

Éligibilité

Investissement plancher

Maturité

Description

RSF Social Finance: Social Investment Fund

Grand public

1000 $

90 jours

Produit dinvestissement
dans les entreprises solidaires.

http://rsfsocialfinance.org/services/investing/overview

Equal Exchange CD

Grand public

1000 $

3 ans

Produit hybride comprenant un certificat de dépôt et une participation dans une coopérative de commerce équitable ou agro-alimentaire.

http://www.equalexchange.coop/eecd

Montana CDC

Grand public

5000 $

2 ans

Produit dinvestissement à faible rendement financier mais fort impact communautaire (État
du Montana).

http://www.mtcdc.org/howtoinvest.html

The Carrot Project

Grand public

5000 $

3 ans

Investissement de soutien aux petites et moyennes fermes de
la région du Nord Est des USA.

http://www.thecarrotproject.org/for_investors

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Conservation Fund: Natural Capital Investment Fund

Grand public

50 000 $

Variable

Financer les besoins en crédit et en fonds propres de petites entreprises impliquées dans la sauvegarde du capital naturel.

http://www.ncifund.org

RSF Social Finance: Mezzanine Fund

Investisseurs accrédités

500 000 $

7 ans

Fournir des ressources en fonds propres pour permettre aux entreprises solidaires de croître
en restant fidèles à leur mission.

http://rsfsocialfinance.org/services/investing/overview

The Sustainability Group Impact Portfolio

Investisseurs accrédités

500 000 $

5 ans

Portefeuille dinvestissement
à fort impact environnemental.

http://www.sustainabilitygroup.com/contct-us

Farmland LP

Investisseurs accrédités

50 000 $

3 ans

Achat de terres agricoles conventionnelles pour une conversion en agriculture biologique.

http://www.farmlandlp.com/contactus.html

Tableau 1 – Fonds dinvestissement Slow Money. Source : www.slowmoney.org

II. Investissement dimpact et finance

La discordance épistémologique

II.1. Linvestissement dimpact : une notion « hors champ » ?

Rappelons tout dabord que la théorie de lagence analyse la gouvernance comme un problème dordre technique, survenant lorsque le propriétaire dune entreprise (le principal) en délègue la gestion au dirigeant (lagent). Dans cette situation, le dirigeant est incité à privilégier son intérêt personnel au détriment de celui du propriétaire de lentreprise, ce qui tend à diminuer la valeur de celle-ci, par ailleurs 164déterminée par des marchés financiers supposés efficients (Jensen et Meckling, 1976). Ce cadre conceptuel ramène ainsi la gouvernance dentreprise à un ensemble de procédés permettant de maximiser la « valeur » de la firme, elle-même mesurée par la valorisation boursière de ses fonds propres8. Les actionnaires sont ainsi présentés comme les dépositaires du bien-être collectif, dans un cadre méthodologique où la rationalité utilitariste est lunique moteur de laction individuelle et collective. La relation entre conflits dagence et valorisation boursière de lentreprise a fait lobjet de nombreuses vérifications économétriques (Shleifer et Vishny, 1997). Néanmoins, ce cadre théorique nous semble insuffisant pour appréhender linvestissement dimpact. Il appelle en effet lune ou lautre des deux attitudes intellectuelles suivantes :

La première attitude consiste à calquer la théorie de lagence sur linvestissement dimpact, ce qui revient à considérer ce dernier comme un dysfonctionnement de la gouvernance dentreprise. En effet, sous lhypothèse dune rationalité économique étroite, la prise en compte de critères extra-financiers se solde par une diminution du taux dinvestissement, une hausse des coûts de production, une diminution des parts de marché, une diminution de la rentabilité financière, et une baisse de la valeur de la firme. Linvestissement dimpact serait donc amené à disparaître puisquil témoigne dune forme dirrationalité9. Cet argument, dont les origines se retrouvent chez Friedman (1970), semble néanmoins contredit dune part, par la croissance mondiale de léconomie sociale et solidaire, et dautre part par les controverses empiriques concernant lexistence dune prime financière associée à la responsabilité sociétale (Lagoarde-Segot 2014, Revelli et Viviani, 2015).

La seconde attitude consiste à affirmer que linvestissement dimpact obéit à des principes qui le situent demblée à lextérieur du champ détude de la théorie financière. Mais cette affirmation en amène immédiatement une autre, selon laquelle le seul objet détude 165légitime de la finance serait la société capitaliste, et la seule forme de rationalité considérée, une rationalité utilitariste. Cette attitude est problématique dès lors que lon établit une distinction entre « lentreprise » (un des moyens dassurer laction collective, indépendant de lépoque et du lieu) et la « société » (une des formes principales prise par lentreprise depuis la Révolution Industrielle) (Paranque, 2014). Placer linvestissement dimpact hors du périmètre la théorie financière reflète donc une confusion liée au glissement sémantique de « lentreprise » à la « société ». En effet, si la rationalité économique peut jeter un éclairage utile sur la « société » ; en revanche, elle ne permet pas, à elle seule, dappréhender « lentreprise ». Cette dernière est nécessairement enchâssée dans un contexte social et historique, et son existence présuppose des institutions (telles que le droit des contrats et la propriété du capital).

Dans la section suivante, nous suggérons que lincompatibilité avérée entre la théorie financière et linvestissement dimpact ne peut être pleinement résolue par le puzzle-solving ou même par lintroduction de nouvelles métaphores de recherche en finance (Morgan, 1980). Afin de comprendre les tenants et aboutissants de ce paradoxe, nous devons déplacer la discussion sur le plan plus fondamental du paradigme.

II.2. Ontologie objectiviste et idéologie financière

La grande majorité des travaux de recherche en finance postulent lexistence dune réalité financière indépendante et objective, quil serait possible de mettre à jour par une méthodologie scientifique. Les chercheurs en finance partagent la conviction semi-consciente que lutilisation dun processus hypothético-déductif leur permet de saisir simultanément lobjet détude (par exemple, lentreprise), et de vérifier la correspondance entre ce dernier et les outils conceptuels développés (par exemple, la théorie de lagence). La relation entre la théorie financière et son objet (le monde économique et financier) est ainsi considérée comme une relation de « correspondance neutre », cest-à-dire une relation purement externe qui naffecte en aucune manière les caractéristiques intrinsèques de lobjet. En posant demblée une dichotomie observant/observé dune part, et une identité observation/réalité dautre part, cette hypothèse ontologique constitue le socle permettant aux économistes financiers dadopter une démarche « scientifique » caractérisée par le 166respect des principes de logique interne et de validation par confrontation aux données10.

Néanmoins, les limites de cette « ontologie objectiviste » apparaissent dès lors que lon considère le problème philosophique de la description. En effet, on distingue généralement les énonciations descriptives (qui renvoient à des méthodes, textes et affirmations qui décrivent une réalité qui leur est extérieure) des énonciations performatives (qui renvoient à des méthodes, textes et affirmations qui effectuent leur propre référence) (Austin, 1962). La relation principal-agent appartient à la seconde catégorie, dans la mesure où elle a vocation à servir de guide à la gouvernance dentreprise (MacKenzie, 1995 ; Boussard, 2016). Par ailleurs, comme lindique Muniesa (2015), lobjet détude de la théorie de lagence nest pas une réalité externe, mais un ensemble de contrats. Or, un contrat nest rien dautre quun écrit qui décrit un comportement attendu, et les termes dun paiement. La façon dont lobjet détude (le contrat) est rédigé va structurer le fonctionnement réel de lentreprise. On retrouve donc ici deux niveaux de performativité imbriqués : dune part, la théorie de lagent effectue les contrats, et dautre part, les contrats eux-mêmes, objets détude de la théorie de lagence, concrétisent la réalité économique et financière.

Enfin, à un troisième niveau, soulignons que lontologie objectiviste retenue par la théorie financière exerce également des effets performatifs. Comme nous lavons évoqué plus haut, poser une relation de « correspondance neutre » entre la théorie de lagence et la gouvernance dentreprise nécessite de réduire lobjet détude (l« entreprise ») à sa forme observable (la « société »). Dans ce cadre, une organisation nacquiert un statut de réalité objective, et nest traitée comme telle par la communauté scientifique, que si elle se conforme à ses attentes concernant le « réel » (cest-à-dire, si elle prend la forme dune « société »). Par conséquent, réduire « lentreprise » à la « société », dans un cadre objectiviste, confère à un mode dorganisation socialement et historiquement déterminé le statut de réalité indépendante et objective. Le choix ontologique propre à 167la finance académique contribue donc à rigidifier le réel11, dans la mesure où il fige les règles par lesquelles les observations sont transformées en objets conceptuels.

Ces considérations nous amènent à remettre en question la validité de la relation de « correspondance neutre » évoquée plus haut, et à souligner la nature nécessairement idéologique12 de la recherche en finance. En effet, comme tout système politique, la gouvernance actionnariale ne peut se maintenir uniquement par la coercition, mais nécessite un certain degré de consentement. Avançons ici que le rôle idéologique de la théorie de lagence est datténuer les tensions entre la prétention à la légitimité revendiquée par le pouvoir (marchés financiers et les actionnaires) et la croyance effective en cette légitimité de la part des parties prenantes, en fournissant un code dinterprétation commun. En outre, si lon suit Hegel, une idéologie nest quun produit transitoire des conditions fluctuantes de la vie des hommes en société. Il en découle que la théorie de lagence ne reflète pas de principe universel, mais constitue plutôt un système intellectuel historiquement déterminé, et dont les critères de validité sont eux-mêmes soumis à des changements liées aux exigences et aux opportunités de la vie humaine. Son évolution, étant donné le contexte de crise mondiale de la soutenabilité, parait inéluctable. Mais comment enclencher le processus qui permettrait aux chercheurs dappréhender linvestissement dimpact et de générer les effets performatifs qui permettront la nécessaire refonte de la « fonction finance » ? La section suivante tente de tracer quelques pistes qui, nous lespérons, nous permettront de relever collectivement le défi de linvestissement dimpact.

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Iii. Appréhender linvestissement dimpact

Iii.1. Lapport des fonctions dutilités interdépendantes

La première piste proposée ici reste conforme au programme positiviste propre à la finance, mais vise à élargir la cocneption de la rationalité individuelle, par la prise en compte de fonctions dutilités interdépendantes (Bergstrom, 1999). En effet, la fonction dutilité la plus couramment utilisée en finance pour décrire le comportement dun investisseur est une fonction dutilité quadratique de la forme , où W représente la richesse et b le degré daversion au risque13. Il pourrait être opportun de réexaminer les résultats obtenus par la théorie financière (théorie du portefeuille, théorie de lagence, etc.) en prenant pour point de départ des fonctions dutilités interdépendantes telles que décrites par exemple par Bergstrom (1999) et Bramoullé (2001). Dans le cas le plus général, ces fonctions dutilité peuvent être décrites comme suit.

Supposons une économie avec N agents et k biens disponibles, dans laquelle les allocations de biens sont définies par le vecteur (où représente la quantité de bien i allouée à lagent j) et les allocations individuelles sont représentées par le vecteur . Les C préférences de chaque agent j sont déterminées simultanément par une fonction dutilité privée et une fonction dutilité interdépendante . Le niveau dutilité globale atteint par chaque agent est donné par . En notant le niveau dutilité atteint par lensemble des agents à lexception de lagent j, la fonction dutilité interdépendante individuelle prend donc la forme suivante :

Une propriété essentielle du système de préférences interdépendantes ainsi obtenu est quil détermine un système correspondant de fonctions 169dutilité indépendantes représentant les préférences de chaque agent pour chaque allocation des bien C. En posant une fonction dutilité indépendante pour chaque individu , on peut en effet définir une fonction vectorielle dans laquelle la je composante de est . Bergman (1999) montre alors quun système de fonctions dutilité interdépendantes induit le système suivant de fonctions dutilité indépendantes à bienveillance normale (normal benevolence) :

Où chaque est une fonction monotone et croissante de chaque . Des travaux théoriques pourraient alors mettre à jour la théorie du portefeuille (frontière defficience, modèle dévaluation des actifs financiers…) et la théorie de la gouvernance dentreprise (théorie de lagence, théorie des contrats), en substituant ce type de fonction dutilité aux fonctions usuelles14. Les résultats obtenus pourraient ensuite faire lobjet de tests empiriques, et auraient pour conséquence de contribuer à redéfinir dune manière robuste la notion de « rendement ». Notons toutefois quune telle approche impliquerait, en amont, la mise en place dindicateurs quantitatifs, ce qui renvoie aux difficultés de mesure de la performance sociétale mis en exergue notamment par Revelli et Sentis (2012).

Lavantage de cette approche serait de préserver lunicité méthodologique de la discipline, et dobtenir des résultats généralisables. Son principal inconvénient, outre les difficultés évoquées quant à lopérationnalisation empirique des résultats obtenus, est cependant dêtre exposée au dilemme ontologique discuté dans la section précédente : la subjectivité du chercheur interviendrait nécessairement dans le choix dune fonction dutilité.

Iii.2. Une ontologie subjectiviste

Une piste alternative consisterait à rapprocher la finance académique des sciences sociales en favorisant le développement de travaux basés sur une ontologie subjectiviste (dont la filiation philosophique peut être établie, par exemple, chez Fichte ou Husserl).

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Rappelons que pour les subjectivistes, l« objectivité » en sciences sociales est conçue comme une intersubjectivité, cest à dire une interaction entre les consciences individuelles : les normes intersubjectives ne sont pas acceptées par les chercheurs car elles sont objectives, mais elles leur semblent objectives car elles sont collectivement acceptées. Dans ce cadre, la gouvernance dentreprise est un phénomène transitoire assis sur un contexte historique et culturel spécifique : séparer lentreprise de ses parties prenantes, ou séparer les actionnaires des parties prenantes, constitue une simplification excessive de la réalité et na que peu dutilité pour déchiffrer la complexité du monde social. Dans la mesure où lobjet détude se construit, se déconstruit et se reconstruit différemment selon les situations, la recherche en finance est donc nécessairement une activité normative dont la fonction est danalyser, dapprécier et de reconstruire les principes par lesquels sont gérées les organisations. Les relations financières étant le produit dun cadre socio-historique, il existe nécessairement plusieurs définitions de la « bonne gouvernance », toutes dépendantes de leur contexte.

Ladoption dune telle posture ontologique en finance permettrait de développer des travaux pluralistes partant du constat que la gouvernance dentreprise nest pas seulement fondée sur les principes de rationalité et defficience, mais également par les courants idéologiques, politiques, philosophiques, les systèmes juridiques, les conventions sociales, les cultures, les modes de pensée, les méthodologies… Une telle ontologie impliquerait donc également une diversification des méthodes utilisées, et favoriserait ainsi le dialogue interdisciplinaire en finance15. Par ailleurs, la subjectivité du chercheur étant reconnue demblée, il deviendrait possible dévaluer les contributions de différents modes dorganisation de gouvernance dentreprise à un projet politique de soutenabilité sociale et écologique – si nécessaire, en posant les limites des formes dorganisations dominantes, dans lobjectif assumé de faire émerger des alternatives au statu-quo. Dans la mesure où la recherche en finance assumerait son aspect idéologique discuté plus haut, les chercheurs pourraient se libérer du carcan du positivisme pour afficher un 171objectif de remplacement du contrôle technique de lentreprise par ses actionnaires par un principe de préservation de la nature et de réalisation du potentiel humain. Néanmoins, cette approche nest pas non plus sans limites. En effet, le produit de la recherche subjectiviste nest pas une relation de causalité, mais une théorie permettant dexpliquer le processus de construction de la réalité sociale spécifique à une situation donnée. Par conséquent, la définition retenue de la « connaissance » est beaucoup plus modeste, et la recherche court le risque de sombrer dans le relativisme ou laffrontement idéologique. Par ailleurs, le choix dune ontologie alternative rendrait la comparaison difficile avec le corpus théorique déjà établi.

Conclusion

Cet article partait du constat dun décalage entre la croissance globale de linvestissement dimpact et son absence des programmes de recherche – et denseignement – en finance. Après avoir brièvement présenté les ressorts conceptuels et les principales innovations managériales apportées par linvestissement dimpact, nous avons avancé lhypothèse que le manque dintérêt manifesté par la communauté scientifique reflète une discordance épistémologique liée au choix dune ontologie objectiviste en finance. Puis, nous avons illustré ce propos par un retour sur la question de la gouvernance dentreprise, avant de tracer quelques pistes pour surmonter les difficultés évoquées, en présentant deux voies possible pour le développement de la recherche en finance : lune, demeure dans un cadre positiviste, adopterait linclusion de fonctions dutilité interdépendantes dans les modèles financiers, tandis que lautre reposerait sur ladoption dune posture ontologique subjectiviste.

Suggérons pour conclure que les deux approches présentées sont davantage complémentaires que contradictoires : en effet, il serait tout à fait envisageable dadopter une démarche subjectiviste pour établir une hypothèse de recherche, avant de généraliser les résultats obtenus sur une base hypothético-déductive. Par ailleurs, notons que développer des connaissances dans des directions différentes, voire opposées – sans 172nécessairement chercher à déterminer quelle approche est la plus pertinente – enrichirait considérablement notre compréhension du monde financier. Linteraction et le dialogue entre les différentes approches permettrait certainement de synthétiser, transformer, polariser, et clarifier les différences de point de vue, sans viser à obtenir un référentiel uniforme. Elle aurait également pour corollaire de responsabiliser les chercheurs en les rendant pleinement décisionnaires du protocole de recherche. Ils auraient en effet à se justifier explicitement de lapproche retenue, des hypothèses posées, et des objectifs de leur recherche, en fonction de la nature du problème posé, et des alternatives existantes. Ces agendas de recherche parallèles sinscrivent donc pleinement dans la perspective de la diversification de la finance académique défendue par ailleurs (Lagoarde-Segot, 2015 ; Paranque & Pérez 2015 ; Schinckus, 2015 ; Faugère, 2014). Nos travaux futurs sattèleront à la réalisation de ce programme scientifique.

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Références

Alijani S. et Karyotis C. (2016), Sustainability: Finance, Economy, and Society. Emerald Group Publishing, UK.

Ardalan K. (2008), On the Role of Paradigms in Finance. Alternative voices in contemporary economics, Ashgate, Hampshire, UK.

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1 thomas.lagoardesegot@kedgebs.com

2 En décembre 2015, une recherche sur le site Science Direct avec les mots clés « impact investment » et « social finance » retournait moins de dix articles publiés depuis 2005.

3 Au sens ontologique, lémergence renvoie à « lapparition soudaine de quelque chose qui nétait pas totalement prévisible et qui comporte des caractéristiques nouvelles ; mais qui produit à partir dune base de réalité dune certaine complexité une propriété ou une entité irréductible à cette base, et dont lapparition marque un saut qualitatif (…) limprévisible nouveauté, le jaillissement des qualités est la marque de lémergence » (Nef, 2009).

4 Les techniques de monétisation des résultats extra-financiers peuvent, par exemple, sappuyer sur la méthode des préférences révélées par le marché (qui consiste à dériver le prix dun bien non marchand du prix dun bien marchand) ou des préférences déclarées par les agents (qui consiste à évaluer le prix que donnent les agents à un service non financier).

5 Des outils managériaux spécifiques, tels que le social return on investment (SROI), sont ainsi mobilisés à des fins évaluatives (menées rétrospectivement sur la base de résultats passés) ou prédictives (pour anticiper la valeur créée par un investissement).

6 Cette particularité distingue notamment le Slow Money Alliance dautres agences dinvestissement dimpact telles que les agences de notation extra-financières, les grandes banques et les fonds dinvestissements. Ces investisseurs favorisent en effet généralement les outils quantitatifs, qui utilisent données passées et prédictions dans le cadre de protocoles statistiques (régressions, analyses coût-bénéfice…).

7 En effet, cest plutôt la théorie financière qui précède les pratiques, et non linverse (McKenzie & Millo, 2003).

8 Ces procédés incluent par exemple mécanismes juridiques, procédés de contrôle interne, procédés de contrôle externe, concurrence sur les marchés de produit… Il existe ainsi une vaste recherche empirique se donnant pour objectif de comprendre les origines des coûts dagence, de mesurer leur impact sur la valeur de marché des fonds propres de lentreprise, et de proposer des stratégies permettant de les atténuer.

9 La rationalité étant ici entendue au sens le plus courant en finance : la maximisation dune fonction dutilité au second degré définissant lutilité totale dun investisseur comme la somme de son revenu anticipé et lécart type de ce revenu.

10 Rappelons ici, en reprenant la typologie dAuguste Comte, que les connaissances scientifiques émergent lorsque dune part, les observations effectuées peuvent être rationnellement corrélées les unes aux autres, et dautre part lorsque les phénomènes individuels peuvent être rangés dans des « classes de phénomènes », elles-mêmes liées à dautres « classes de phénomène » par des lois de causalité (la théorie est alors une « loi dynamique ») ou de coexistence (la théorie est alors une « loi statique »).

11 Cette remarque nimplique pas que les résultats de la théorie de lagence soient dénués de validité. Mais elle entre en résonnance avec lavertissement lancé par Kant : le prix à payer pour établir des « jugements synthétiques » (en finance comme dans les autres disciplines) est de restreindre leur application au monde des phénomènes observables.

12 Nous entendons ce terme au sens de Weber, cest-à-dire la légitimation dun système de domination et dautorité (Herrschaft).

13 Une des raisons du succès de la fonction dutilité quadratique est quelle permet dexprimer lutilité anticipée, qui sécrit , en termes de moyenne et de variance. Si lon définit la variance anticipée comme , lutilité anticipée devient en effet : .

14 Une application évidente serait de donner une forme quadratique aux fonctions v.

15 Les méthodes de recherche privilégiées par les subjectivistes incluent les études de cas, et les travaux ethnographiques (description des mœurs et coutumes), phénoménographiques (étude de lémergence de compréhensions subjectives du monde) et éthnométhodologiques (étude phénoménologique des faits sociaux) (Ardalan, 2008).