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Classiques Garnier

L’articulation marchand-non marchand Cadre général d’analyse et application à la nouvelle économie numérique

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Entreprise & Société
    2017 – 1, n° 1
    . varia
  • Auteur : Pérez (Roland)
  • Résumé : Cette étude présente une réflexion sur l’articulation marchand/non marchand au niveau des organisations humaines finalisées. Celles-ci concernent tant les organisations à vocation marchand que les organisations non marchandes. L’analyse met l’accent sur les effets directs exprimant l’activité de l’organisation et sur les effets induits, ces derniers pouvant conduire à des organisations duales telles que les marchés bifaces. Elle revisite ensuite certaines questions qui animent le débat social contemporain.
  • Pages : 51 à 96
  • Revue : Entreprise & Société
  • Thème CLIL : 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
  • EAN : 9782406068426
  • ISBN : 978-2-406-06842-6
  • ISSN : 2554-9626
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06842-6.p.0051
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 10/03/2017
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
  • Mots-clés : Organisations marchandes/non marchandes, modèle économique, effets directs/induits, externalités/internalités, marchés bifaces, économie numérique, économie collaborative, ubérisation, gouvernance, régulation
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Larticulation
marchand-non marchand

Cadre général danalyse et application
à la nouvelle économie numérique1

Roland Pérez

Lépoque que nous vivons est déconcertante à maints égards. Les faits, quils soient technologiques, économiques et sociétaux, se succèdent à un rythme inégalé, laissant les analyses qui les concernent, inadaptées et vite obsolètes. Ce décalage entre la réalité des évènements et leur représentation conceptuelle a pu donner lieu à des observations critiques, parfois ironiques, comme le sous-titre donné à ce récent colloque sur les Business Models de la gratuité : « Marx lavait rêvé, GAFA la fait ». La plupart des analystes – quils soient chercheurs ou professionnels du conseil – tentent de faire face à ce hiatus en renouvelant, autant que faire se peut, leur conceptual framework, recommandant à leurs disciples/lecteurs/clients dabandonner leurs anciens modes de pensée pour de nouveaux, 52mieux à même, selon eux, pour comprendre/interpréter/agir au sein du « Nouveau Monde » qui est désormais le nôtre… Cette course éperdue à la nouveauté aboutit parfois, par des effets de mode autour de tel ou tel gourou, à une littérature parfois vite écrite, vite lue, vite oubliée…

Lambition de ce papier est tout autre. Il propose au contraire de sappuyer sur les acquis les plus significatifs des sciences humaines et sociales pour effectuer cette tâche de comprendre/interpréter/agir au sein de ce nouvel écosystème dans lequel nous sommes entrés. Dans cette perspective, nous présentons une réflexion générale sur les relations marchandes vs non marchandes des organisations humaines finalisées (OHF), celles-ci concernant tant les organisations dites marchandes (OM), cest à dire les entreprises, que les organisations dites non marchandes (ONM) de divers types (services publics, associations privées).

En préambule, on rappellera quelques traits majeurs des relations entre individus et groupes sociaux en termes déchanges marchands versus contrainte et dons/contre dons en se référant notamment à la typologie dumézilienne

Dans une première partie, on proposera un cadre danalyse commun aux diverses OHF (OM et ONM), permettant détudier, pour chacune dentre elles, son système de management, défini comme la mise en œuvre dun modèle économique sous un régime de gouvernance. Lanalyse mettra laccent, au-delà des effets directs exprimant lactivité première de lorganisation, sur les effets induits, ces derniers pouvant être de type marchand ou non marchand, externes ou internes à lorganisation concernée.

Dans une seconde partie, le cadre conceptuel présenté permettra danalyser léco système lié à lère numérique et plus généralement le passage à « lâge de laccès » (Rifkin). Cela permettra aussi de poser – parfois de « revisiter » – certaines questions qui animent le débat social contemporain, ainsi autour de léconomie collaborative et de lubérisation, voire sur la question civilisationnelle, abordée par plusieurs chercheurs (Mintsberg, Ostrom, Sen.) sur « économie de marché » vs « société de marché ? »

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Préambule

Sur les relations entre les hommes
à propos de lusage des choses

Lespèce humaine étant sociale par nature, les relations entre les communautés constituées et, au sein de celles-ci, entre les membres qui les composent, ont depuis longtemps été étudiées dans leur diversité tant temporelle que géo-politique et culturelle. Ces études ont concerné tout particulièrement les voies et moyens par lesquels personnes et groupes se procurent les ressources nécessaires à leur subsistance et, au-delà, lexercice de leurs activités au sein des communautés constituées.

Cest ainsi que plusieurs formes majeures ont fait lobjet de travaux significatifs relevant de lanthropologie, de « lhistoire longue », de la sociologie et de léconomie :

les ressources obtenues par la contrainte ont été étudiées, depuis les formes les plus classiques dans des collectivités traditionnelles vivant de collecte et de prédation vis-à-vis de leur environnement, jusquaux formes contemporaines distinguant celles qui relèvent de la contrainte légale (impôts et taxes) définie par lautorité régalienne et, à lopposé, celles qui sont considérées comme illégales (vol, escroquerie) et combattues comme telles par les dites autorités.

Le don et son double le contre-don ont fait lobjet de nombreuses analyses portant tant sur les sociétés dites primitives correspondant aux premières formes dhumanisation que sur les sociétés contemporaines elles-mêmes très diverses par leurs modes dorganisation et leurs cultures. LÉcole française danthropologie a apporté à ces analyses des contributions remarquables2.

Enfin, les conditions davènement de léchange marchand – quil soit réduit à de simples opérations bilatérales de troc ou organisé/médiatisé via des marchés organisés et monétisés – ont 54également fait lobjet de nombreux travaux, notamment ceux, bien connus, de lÉcole des Annales3.

Il est clair, en effet, que les différentes formes dobtention dobjets et ressources par telle ou telle personne ou tel ou tel groupe ne peuvent être dissociées du statut social de cette personne ou de ce groupe ; ces formes ne peuvent donc être étudiées en absolu, mais apparaissent contingentes aux sociétés qui les abritent et les produisent.

Dans cette perspective, la grille danalyse dumézilienne paraît particulièrement appropriée en distinguant trois grandes catégories dacteurs dans une société organisée (Georges Dumézil, 1968/1971/1973) :

les acteurs publics, chargés des dimensions régaliennes (ex : maintenir lordre, lever limpôt…) ; ces « bellatores » représentent « la force », la « protection »…,

les acteurs privés, directement en prise avec les opérations concernées par le monde matériel. Ils peuvent être hétérogènes, voire conflictuels (ex : producteurs vs distributeurs, patronat vs syndicats…) ; ces « laboratores » représentent « le travail productif », « léchange marchand »…,

entre ces deux ensembles, une catégorie, a priori moins nombreuse et moins apparente, représente « lesprit » dans ses différentes dimensions immatérielles (intellectuelles, spirituelles…) et son expression (la parole et lécrit) : ces « oratores » peuvent influencer/guider les autres fonctions4.

Cette catégorisation trifonctionnelle à la Dumézil, permet ainsi de caractériser, au-delà des groupes sociaux, les modes dobtention des ressources nécessaires à leur subsistance et à laccomplissement de leurs missions

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les « oratores » (fonction no 1), exerçant une activité immatérielle, vivent souvent du don ou de ressources attribuées volontairement par les autres acteurs de la communauté

les « bellatores » (fonction no 2), assurant la protection (à lintérieur du groupe social et vis-à-vis de lextérieur), disposent du monopole du pouvoir de contrainte et des moyens matériels qui lui sont liés

les « laboratores » (fonction no 3), assurant la production de biens matériels et les échanges marchands, vivent directement de ces activités.

Même si une telle catégorisation a pu être contestée dans ses prétentions hégémoniques, on la retrouve dans maintes sociétés humaines, tant dans lespace (Europe, Inde, Amérique…) que dans le temps5.

Cette typologie des modes dacquisition et de circulation des ressources entre échanges marchands versus non marchands (via contraintes et dons/contre dons) est apparue assez robuste pour être reprise, avec déventuelles variantes, par de nombreux chercheurs, tant en anthropologie et sociologie (Testart, 2007) quen histoire du « temps long » (Braudel, 1967-79 ; Wallerstein, 1974-2010) ou en économie (Perroux, 1960).

Cest dans cette perspective que nous situons le présent cadre général danalyse (I) et son application au contexte contemporain de la nouvelle ère numérique (II).

I. Cadre général danalyse
des relations marchandes/non marchandes
dans les organisations humaines finalisées

Notre réflexion porte sur les « organisations humaines finalisées » (OHF) formées dun nombre plus ou moins élevé de personnes réunies dans une structure de coordination de leurs activités. Ce dernier aspect est essentiel ; il permet ainsi de distinguer une organisation humaine 56finalisée dun rassemblement contingent de personnes, à un moment et sur un lieu donnés.

Une OHF est définie par un double référentiel :

lun en termes de lien social reliant les personnes qui composent lOHF – ce lien pouvant être très différencié, fondé ici sur le contrat, là sur la contrainte, ailleurs encore sur le don et le contre-don

lautre en termes de finalisation, cest à dire de « missions » assignées à lOHF, finalités elles-mêmes susceptibles dêtre très diverses, tant au niveau des contenus (plus ou moins complexes, plus ou moins homogènes), quau niveau des modes délaboration et dexplicitation.

Ces deux référentiels – celui du lien et celui des finalités – ne sont évidemment pas sans relation lun à lautre, lexistence dune finalité commune pouvant constituer un lien puissant pour lOHF concernée. Une OHF ne peut être étudiée isolément et in abstracto, mais son étude doit tenir compte de lensemble des relations nouées avec les autres acteurs du champ social – notamment les autres OHF ; relations définissant un « encastrement » multi-dimensionnel (historique, juridique, politique, culturel, cognitif…) spécifique à chaque OHF. Le management des OHF porte sur les différents aspects de leur fonctionnement, y compris ceux relatifs à la nature et à lévolution du lien social et des finalités qui les fondent au sein dune société donnée.

On précisera quelques concepts (organisations marchandes/non marchandes, modèle économique, régime de gouvernance, système de management, effets directs et induits), puis on mettra laccent sur les effets induits et sur larticulation marchand/non marchand dans la dynamique des organisations.

I.1. Sur quelques concepts

Après un rappel sur les notions dorganisation marchande (OM) et non marchande (ONM), on précisera les termes de modèle économique, de régime de gouvernance et de système de management utilisés dans le présent cadre danalyse. Enfin, on fera une première présentation des concepts deffets directs et deffets induits.

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A. Organisation marchande (ON),
organisation non marchande (ONM)

La répartition des organisations entre OM et ONM est a priori bien établie :

les premières visent à mettre à disposition des biens et services à travers des opérations dites de marché (achats/ventes contre monnaie ou contre la remise dune créance/dette). La position doffreur sur un marché neuf (dit « primaire ») qualifie la catégorie « entreprise » ;

les secondes obéissent à dautres finalités : elles noffrent pas de biens et services en vue dune transaction sur un marché ; elles peuvent produire des biens et services mais pour lusage personnel de ses membres (autoconsommation), ou pour être fournis à des tiers, mais sans contrepartie transactionnelle directe (dons).

Cette distinction est en pratique moins tranchée : dune part, parce que certaines activités peuvent, pour partie, relever de la sphère marchande et, pour partie, de la sphère non marchande ; dautre part, en raison des effets induits sajoutant aux effets directs de lactivité considérée (voir infra).

B. Modèle économique,
régime de gouvernance, management

B.a. Modèle économique

Toute organisation, quelle soit OM ou ONM, doit pouvoir se procurer les ressources nécessaires à lexercice de son activité, que celle-ci appartienne ou non à la sphère marchande. Nous appellerons « modèle économique » (par extension du concept de « business model »)les voies et moyens par lesquels une organisation se procure ses ressources (matérielles, financières, humaines) et les utilise pour exercer ses activités. Ainsi, toute organisation, même une ONM, dispose dun modèle économique.

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B.b. Régime de gouvernance

Toute organisation est insérée dans un système de type politique, qui définit les « règles du jeu », celles-ci incluant les procédures relatives à la désignation des dirigeants de lorganisation, à leur mode de fonctionnement et au contrôle de leurs actions. Nous appellerons « régime de gouvernance » (par extension du concept de « corporate governance ») les voies et moyens par lesquels une organisation définit son système de direction et le mode de contrôle de celui-ci, constituant ce que nous avons pu appeler « le management du management » (Pérez, 2003/2009). Ainsi, toute organisation, quelle soit OM ou ONM, se réfère à un régime de gouvernance.

B.c. Le management comme mise en œuvre
dun modèle économique sous un régime de gouvernance

Si toute organisation – OM ou ONM – dispose dun modèle économique (explicite ou implicite) et se réfère à un régime de gouvernance (également explicite ou implicite), alors se pose la question de larticulation entre ces deux catégories déléments. Nous définirons le management comme la fonction assurant cette articulation ; plus exactement le management dune organisation assure la mise en œuvre (parfois la conception) du modèle économique auquel se réfère cette organisation, dans le cadre du régime de gouvernance qui la concerne.

Cette définition doit être un minimum commentée. La fonction du management nest pas une simple médiation entre modèle économique et régime de gouvernance. Ces deux composantes ne sont pas de même statut, ni de même nature :

le modèle économique est lié au système opérationnel (« operating system »), lui-même exprimant la finalité de lorganisation en termes dopérations concrètes en lui adjoignant les informations pertinentes (exemples : prix et autres conditions daccès aux ressources, contraintes dutilisation, etc.) ;

le régime de gouvernance est, lui, lié au système politique de lorganisation et aux règles juridiques, spécifiques (statuts) ou générales (lois et règlements), qui en régissent les modes de fonctionnement, notamment au niveau de dirigeants (désignation et contrôle).

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Par là même, le management sinscrit dans deux « postures » a priori distinctes :

la première est celle de « lingénieur » qui tend à appliquer aux organisations humaines la même démarche que celle quil appliquerait à des systèmes techniques (exemples : construction dun pont, lancement dun satellite, etc.) ; cest-à-dire une démarche dengineering, rationnelle, cartésienne, distancée par rapport à son objet, mettant en œuvre une séquence de type « prévisions–programmation–budgétisation–réalisation–contrôle–évaluation–corrections éventuelles » ;

la seconde est celle de « lacteur social », inséré lui-même dans lorganisation quil est chargé de gérer/manager, en relation à la fois avec les autres membres de lorganisation, avec les autres organisations et institutions socio-politiques, notamment avec celles dont il dépend via le régime de gouvernance qui le concerne. Les démarches sont cette fois plus subjectives, impliquées, parfois heuristiques, selon des processus dits de « co-construction » (Le Moigne, 1994/1995) ou de « stratégie chemin faisant » (Avenier, 1997).

On comprendra que ces deux postures correspondent à des conceptions distinctes, parfois antagonistes, du management. Nous avons pu parler du « choc des paradigmes » à cet égard (Pérez, 2004).

C. Effets directs et effets induits

Une OHF génère deux types deffets. Les premiers, que nous appellerons effets directs – ou « primaires » – sont représentatifs de lactivité de lorganisation et sont liés aux finalités qui sont les siennes. Ainsi certaines organisations – les OM ou entreprises – produisent des biens et services marchands divers (produits agricoles, biens manufacturiers, services, etc.) ; dautres – les ONM – produisent des « biens publics » offerts en principe à tous (sécurité, infrastructures, etc.), des « biens clubs » réservés aux membres qui font partie du dit « club » (exemples : associations sportives, artistiques, culturelles, etc.), voire participent à des « biens communs » – des Common-Pool Resources au sens dE. Ostrom, 1990 (ex : forêts, prairies, pêcheries, nappes phréatiques, …)

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Les seconds, que nous appellerons effets induits – ou « secondaires6 » – sont ceux qui ne sont pas directement représentatifs de lactivité et des finalités de lorganisation, mais qui, cependant, apparaissent pour plusieurs raisons :

soit en fonction de la dite activité : ils constituent en quelque sorte une « production jointe » à la production principale – ou un « sous–produit » de celle-ci, pas forcément dans de même nature et pas forcément évaluable ;

soit en fonction dautres facteurs, généraux ou contingents, non directement liés à lactivité principale de lorganisation. Ainsi des événements positifs ou négatifs (crises) peuvent se produire au sein de lorganisation, comme dans tout ensemble humain, sans relation immédiate avec lactivité. En particulier, le temps est, en lui-même, un facteur dévolution des organisations et, plus généralement, des systèmes socio-techniques, en fonction des processus de vieillissement, dobsolescence ou dentropie que ces systèmes peuvent connaître.

Si les effets directs peuvent être marchands ou non marchands, il en va de même des effets induits ; mais, alors que les premiers caractérisent, par définition, la nature – OM, ONM ou mixte – des organisations concernées, les seconds ne sont pas spécifiques à une catégorie dorganisation. Une OM, qui produit des biens et services marchands, peut générer des effets induits dont certains seront de type marchand (et donc intégrables à son modèle économique) et dautres de type non marchand. De même, une ONM, qui « produit » des biens et services non marchands, peut, elle aussi, générer des effets induits dont certains seront marchands et dautres non.

Comme on le voit, la distinction marchand/non marchand tend à se complexifier dès que lon va au delà de la constatation des effets directs, pour prendre en compte les effets induits. Ces derniers représentent, pour utiliser une image classique, la « face immergée » du fonctionnement des OHF dont les effets directs représenteraient la « face émergée ».

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I.2. Analyse des effets induits
– externalités/internalités

On distinguera deux grandes catégories : les effets apparaissant entre lOHF et son environnement (dont les classiques « externalités ») et ceux qui sexpriment au sein même de lOHF et que nous qualifierons deffets endogènes ou « internalités »

A. Effets induits externes

Il est possible dopérer une différenciation entre les effets induits externes marchands et les effets induits externes non marchands. Ils concernent autant les OM que les ONM, mais à des degrés différents.

A.a. Effets induits externes marchands

Ces effets nont pas le même statut selon le type dorganisation.

Pour une OM, ils apparaissent « naturels » et ils sintègrent volontiers dans son modèle économique. La théorie micro-économique de la firme exprime bien cette intégration : la firme offre sur le marché des biens et services correspondant à ses activités ; pour cela elle est amenée à vendre les sous-produits issus de son activité principale, à acheter divers biens et services, à intervenir sur le marché du travail ; lensemble constituant sa fonction de production, elle-même au cœur de son modèle économique. Depuis longtemps, les responsables dentreprises, comme les économistes industriels et les personnes en charge du développement économique, savent que le poids dune firme ne se mesure pas seulement sur les marchés sur lesquels elle offre ses produits principaux, mais aussi sur tous ceux sur lesquels elle intervient dune façon significative.

Pour une ONM, il en va de même, bien que les finalités de lorganisation soient distinctes. Toute ONM a besoin, pour accomplir ses missions, de diverses ressources dont la plupart doivent sinscrire dans lunivers marchand. Pour les établissements dune certaine taille, ces achats (équipements, fournitures, etc.), ainsi que les possibilités demploi quelle offre, peuvent représenter des débouchés importants pour les acteurs économiques susceptibles dy répondre, notamment dans les lieux où cette ONM est implantée.

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A.b. Effets induits externes non marchands :
les « externalités »

Nous sommes ici sur un terrain familier, celui dits des « externalités », concept bien connu en analyse économique7. Ce concept classique peut être mis à profit pour exprimer la distinction entre OM et ONM :

les OM, en principe, ne devraient pas se soucier des externalités, par définition même de ces dernières les situant dans lunivers des relations hors marché. De ce fait, la littérature managériale sest, jusquà une époque récente, peu souciée de ces effets externes. En pratique, il nen nest souvent rien, les OM mettant en œuvre, en fonction des situations qui se présentent, des comportements contrastés vis-à-vis des différentes types dexternalités rencontrées, cherchant, ici à marchandiser les externalités positives, là à se prémunir des externalités négatives (cf.infra).

Les ONM, au contraire, sont très concernées par les externalités qui sont souvent consubstantielles à leur mission, laquelle les amène souvent à produire/gérer des biens « publics », « clubs » ou « communs » générateurs dexternalités positives actuelles ou potentielles ou, en sens contraire, à corriger des externalités négatives actuelles ou potentielles.

B. Effets induits endogènes ; les « internalités »

Les effets induits naissent et se propagent, non seulement à lextérieur des organisations, mais aussi à lintérieur de ces organisations. Nous avons appelés « internalités » – par symétrie avec le concept dexternalités – ces effets induits internes (Pérez, 2005)

Ces internalités nont pas, jusquà présent, retenu lattention des économistes qui, dans leur quasi-totalité8, sont restés dans une conception micro-63économique classique dune « firme-point », lieu de calcul doptimisation à partir dinformations considérées comme des données, ou dans une approche macro-sociale de type marxienne pour laquelle lorganisation nexiste que comme lieu dexpression de rapports de production. Que la firme représente une « boîte noire » ou lexpression dun conflit de classes, ce qui sy déroule à lintérieur ne présente, pour ces courants de pensée, quun intérêt mineur, limportant nétant pas le processus mais le résultat de ce processus en termes de décisions et dactions. Par là même, les effets induits par ce processus, ou par toute autre cause, nont pas été mis au programme de travail de la communauté des économistes.

Pour aller à lessentiel, nous pouvons classer ces divers effets induits dans trois grands sous-ensembles (non disjoints) : les internalités liées aux pouvoirs, aux savoirs et aux valeurs.

B.a. Internalités et pouvoirs dans lorganisation

Ce thème est celui qui a le plus retenu lattention des analystes. Psychosociologues, politologues, conseils en organisation et GRH, etc., ont été nombreux à se pencher sur la structuration de lorganisation et son évolution consécutive aux choix stratégiques arrêtés (exemple : fusion-absorption avec une autre entreprise) et/ou aux crises subies (exemple :plan social). Ainsi, que lorganisation concernée soit une OM ou une ONM, lactivité liée à la réalisation des missions met en jeu les équilibres de pouvoirs dans lorganisation et peut déclencher une crise interne et/ou un nouvel équilibre de pouvoirs. Cette remise en cause peut être le fait dévénements non directement liés à lactivité ; cest par exemple le cas de la relève dun dirigeant de lorganisation qui souvent se traduit par une période dinstabilité.

B.b. Internalités et savoirs dans lorganisation

Ce second thème est un peu plus récent en management mais suscite, depuis quelques années, un véritable engouement ; ce dernier étant justifié dans la mesure où nous sommes entrés dans une « société de la 64connaissance » dans laquelle cette dernière constitue à la fois un trait de civilisation et le principal facteur de compétitivité (voir le processus de Lisbonne). Les spécialistes des sciences de linformation et des sciences cognitives ont permis de mieux comprendre comment se constituaient ces « savoirs organisationnels », comment ils évoluaient, se capitalisant ici, se transmettant là, se dégénérant ailleurs… Là également, de tels effets induits sobservent, en liaison avec lactivité ou indépendamment de celle-ci, tant dans les OM que dans les ONM.

B.c. Internalités et valeurs dans lorganisation

Dans ce thème sur les « valeurs dans lorganisation » nous regroupons – dune manière peut-être trop cursive – différents items relevant de considérations éthiques, idéologiques et affectives qui concernent toutes les organisations humaines finalisées. Ces dernières sont, par définition, formées de personnes dont chacune sinscrit dans un référentiel concernant ces différents aspects éthiques, idéologiques, affectifs, etc. Comment et par quels processus arrive-t-on à définir un « climat organisationnel », une « culture dentreprise » (ou de telle catégorie dONM), un système de valeurs communes, etc. ?

I.3. sur larticulation marchand/non marchand
dans la dynamique des organisations

Si la distinction marchand/non marchand est claire en ce qui concerne les effets directs, car elle fonde la définition même des OM vs ONM, elle est beaucoup moins évidente en ce qui concerne les effets induits, lesquels peuvent être marchandisés sous certaines conditions. Ce constat amène à concevoir des organisations duales sous divers formes (marchés bifaces, ONF mixtes…)

A. La marchandisation des effets induits

Certains effets induits par lactivité dune OHF (quelle soit OM ou ONM) ont été reconnus comme étant marchands, via les politiques dinvestissements ou dachats des biens et services nécessaires à lexercice de son activité (cf.supra). En revanche, les autres effets induits – externalités et internalités – sont, a priori, hors du champ marchand ; les OHF concernées les « produisant » ou les subissant via leurs activités principales.

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Ces effets induits non marchands peuvent, cependant, entrer dans un processus de marchandisation si les responsables de lOHF concernée le souhaitent et/ou si lenvironnement sociétal lexige et sous réserve que soient résolues les étapes préalables didentification et de valorisation.

a. Reprenons chacun de ces éléments pour ce qui relève des externalités.

souhaits des responsables de l OHF : ils concernent principalement les externalités positives que la dite OHF procure à son environnement du fait de son activité principale. Les responsables dune OM, comme dune ONM, pourront se prévaloir de cet « impact sociétal » (social impact)9 positif pour rehausser leur image et, à loccasion, demander une subvention ou une participation de la collectivité à une infrastructure (ex : desserte du parc Disneyland Paris par le RER)

exigences de l environnement sociétal : elles concernent, dans lautre sens, les externalités négatives générées par lactivité de lOHF (ex : pollution…). Ces nuisances pouvant entrainer un contentieux, lequel pourra déboucher sur des sanctions (amende, interdiction, …), il conviendra de pouvoir les identifier et les évaluer

identification et évaluation : ces deux phases techniques, bien connues des professionnels du droit, de lassurance et de la comptabilité, constituent des préalables à tout processus de marchandisation des externalités. Il faut en effet pouvoir indiquer avec suffisamment de précisions de quelle externalité il sagit et, en second lieu, obtenir un consensus (ou un arbitrage) sur lévaluation de son impact sociétal (positif ici, négatif là).

b. Pour ce qui concerne les internalités, ces dernières étant, par définition, endogènes à lorganisation, ne sont pas insérées dans une transaction marchande. Ceci ne veut pas dire quelles ne soient pas identifiables, valorisables et par là susceptibles de faire lobjet dune transaction à une autre étape de la vie de lorganisation, soit vers lextérieur (marchés normaux), soit vers lintérieur (quasi-marchés ou marchés internes). Ainsi, une OM sera encline à tirer profit des internalités qui seraient devenues 66marchandisables (i.e. identifiables et valorisables) en les intégrant ainsi dans son modèle économique (ex : un carnet dadresses, une marque réputée). Cela est particulièrement le cas – comme on le verra – des entreprises concernées par la nouvelle économie numérique

Même des ONM, bien que non orientées vers la marchandisation, sont parfois amenées à de telles opérations, si leur modèle économique les y contraint, par exemple pour compléter leurs ressources habituelles. On peut en voir maints exemples, notamment via des accords de franchises permettant lutilisation de la « marque » dune ONM réputée10.

B. Organisations duales – marchés bifaces/
organisations mixtes/Janus

Une situation significative de ces relations de marchandisation combinant effets directs et effets induits peut être représentée par des organisations duales, combinant, au sein dun même ensemble, deux composantes distinctes, mais reliées entre elles par les effets induits de lune sur lautre. On peut en esquisser une typologie selon la nature OM ou ONM de chacune de ces composantes

B.a. Structure OM-OM ou « marché biface11 »

Les marchés dits « bifaces » sadressent à deux catégories dacteurs sous des formes spécifiques, mais complémentaires – lune appuyant lautre (ex : support de presse sadressant dune part à des lecteurs, dautre part à des annonceurs ; carte de paiement proposée dune part aux usagers, dautre part aux commerçants). Les modèles économiques concernés combinent les caractéristiques des deux « faces » de ces nouveaux marchés, lune (face A) apportant le niveau de fréquentation (grâce à une politique incitative), lautre (face B) assurant des revenus substantiels. La politique incitative de la face 67A, peut aller à vendre au prix coûtant, voire à perte, voire même à fournir gratuitement un bien ou un service, afin daugmenter le « périmètre » des usagers et rendre ainsi la face B plus attractive et, par là, plus rentable.

Dans cette perspective, le recours à la gratuité ne relève pas dune économie du don, mais constitue une utilisation marchande du non marchand : le bénéficiaire du produit offert à perte ou gratuitement sur la face A apporte ses données et le potentiel client quil représente ; lesquels pourront être valorisés sur la face B. Cette situation est parfois résumée par ladage « si un produit test proposé gratuitement, cest que cest toi le produit12 ».

B.b. Structure ONM-OM ou organisation duale mixte

La structure étudiée diffère de la précédente dans la mesure où la face A est clairement celle dune ONM dans sa dénomination comme dans sa pratique ; ces activités non marchandes peuvent être diverses (éducatives, culturelles, sportives, religieuses, de loisirs…). La face B est celle dune OM alimentée, comme dans les marchés bifaces, par les effets induits de la face A, avec des situations concrètes qui peuvent être contrastées :

ici, lactivité non marchande de la face A est largement prédominante et lactivité marchande de la face B secondaire ou dappoint (ex : clubs sportifs ou artistiques avec une activité principale correspondant à leurs missions et un département annexe consacré à la commercialisation de produits dérivés)

là, au contraire, la face marchande B a pris une telle importance par rapport à la face non marchande A que lon peut légitimement se poser la question de savoir sil sagit encore dune organisation de type mixte, ou dun dispositif classique damorçage du marchand par le non marchand, comme cela a été rappelé ci-dessus13.

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B.c. Structure ONM-ONM ou organisation Janus

Nous évoquerons seulement cette dernière catégorie (car nous sortons du cadre danalyse de larticulation marchand-non marchand), mais elle représente la même démarche : une activité non marchande en face A, alimente une autre activité, également non marchande mais différente, en face B. Les dites activités peuvent être très diverses, depuis celles qui naissent naturellement de relations suivies au sein dune communauté (ex : création dune chorale ou dun orchestre amateur au sein dune école ou dun club de quartier) à dautres qui peuvent être plus inquiétantes, car au départ cachées et aux conséquences potentiellement importantes (ex : prosélytisme de type politique, religieux, voire sectaire comme lhistoire – y compris récente – peut en donner maints exemples). Nous appellerons « organisations Janus » ces OHF duales, dont lune et lautre faces ne sont pas celles de marchés bifaces, mais relèvent de la même famille dorganisations articulant effets induits et effets directs.

En termes analytiques, on peut en effet appliquer à la plupart de ces organisations duales (notamment les marchés bifaces) le cadre danalyse présenté précédemment. En effet, ce sont les effets induits des activités pas ou peu lucratives de la face A qui alimentent les activités lucratives de la face B (ainsi, la gratuité dun média permet une audience importante qui en fait un support publicitaire recherché des annonceurs…). Il est clair – comme on la rappelé – que ces effets induits peuvent émaner de toute forme dOHF, quelle soit OM ou ONM.

On peut représenter les modèles économiques de ces organisations duales par un schéma simple :

Face A

Face B

Type dOHF

ONM ou OM

OM

Mission

Activités marchandes ou non marchandes diverses (information, sport, culture, éducation…)

Activités marchandes

Effets directs

Satisfaction des usagers de A

Commercialisation produit B

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Effets induits

Marché potentiel pour B

Non spécifiques

Indicateurs de performance

Croissance

et nombre dutilisateurs

Profit (niveau et taux)

Fig. 1 – Modèles économiques des organisations duales
(marchés bifaces ou OHFmixtes).

Synthèse

Nous disposons ainsi, progressivement, dun cadre conceptuel élargi pour analyser les relations marchandes/non marchandes dans les organisations humaines finalisées.

Ce cadre danalyse peut être résumé en plusieurs propositions (cf. Pérez, 2005, 2006, complété) :

Proposition 1 : Les organisations humaines finalisées (OHF) peuvent être définies comme organisations marchandes (OM), organisations non marchandes (ONM) ou mixtes en fonction de leurs finalités et, par là, de leurs activités et de lexpression de celles-ci (effets directs).

Proposition 2 : Toute organisation dispose dun modèle économique reflétant son mode dacquisition et dutilisation des ressources nécessaires à laccomplissement de ses activités.

Proposition 3 : Toute organisation sinscrit dans un régime de gouvernance reflétant sa structure de pouvoir et les modalités de fonctionnement et de contrôle de ses dirigeants.

Proposition 4 : Le système de management dune organisation assure la mise en œuvre (parfois la conception) du modèle économique auquel se réfère cette organisation, dans le cadre du régime de gouvernance qui la concerne.

Proposition 5 : Toute organisation produit, en plus des effets directs exprimant son activité, des effets induits par cette activité ou par toute autre cause (notamment le temps).

Proposition 6 : Les effets induits par une organisation peuvent se manifester à lextérieur ou à lintérieur de cette organisation.

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Proposition 7 : Les effets induits externes peuvent être marchands ou non marchands, que lorganisation concernée soit une OM ou une ONM.

Proposition 8 : Les effets induits externes marchands sont intégrés au modèle économique de lorganisation concernée

Proposition 9 : Les effets induits externes non marchands correspondent aux externalités, au sens de la théorie économique.

Proposition 10 : Les effets induits endogènes ou « internalités » affectent lorganisation concernée (quelle soit OM ou ONM) en termes de pouvoirs, de savoirs et/ou de valeurs.

Proposition 11 : Les effets induits non marchands – externalités et internalités – peuvent, sous certaines conditions (identification et évaluation), entrer dans un processus de marchandisation

Proposition 12 : Les effets induits pouvant affecter tant le modèle économique que le régime de gouvernance de lorganisation concernée, doivent être pris en compte par le système de management de cette organisation.

Proposition 13 : Les organisations duales, combinent, au sein dun même ensemble, deux composantes distinctes, mais reliées par les effets induits de lune sur lautre

Propositions 14 : Une organisation duale dont les deux composantes sont de nature marchande constitue un marché biface

Propositions 15 : Une organisation duale dont au moins une des composantes est non marchande constitue une OHF duale mixte ou de type Janus

II. Application à la nouvelle
économie numérique

Nous avons tenté de montrer que toute activité dune OHF – et au-delà toute action dun acteur – génère en plus du « produit principal » correspondant à ses missions (biens & services marchands, prestations non marchandes…), des « effets induits », se diffusant, soit à lintérieur de lOHF (effets endogènes), soit à lextérieur (effets externes). Lun et lautre de ces effets – considérés comme « secondaires » et, à ce titre, le plus souvent négligés – peuvent se révéler importants, voire vitaux.

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Du fait même de cette diversité de situations à étudier, le cadre danalyse proposé nous a conduits à le considérer comme un point de départ pour un programme de travail collectif. Parmi les pistes de réflexion relatives à des « chantiers » à mener, plusieurs constituaient autant de questions ouvertes : comment, dans un ensemble social et un contexte technique donné, définir les équilibres entre activités marchandes et non marchandes ? Comment, pour un secteur dactivité ouvert à la fois aux OM et ONM, définir les « règles du jeu » de leurs relations incluant modèles économiques et régime de gouvernance ? Comment, pour une organisation mixte – pour partie OM, pour partie ONM – définir un modèle économique, un régime de gouvernance et un management appropriés ?

Le champ dapplication qui sest imposé a été celui dit de « lère numérique14 ».

Les idées directrices qui seront développées sont les suivantes :

la Révolution numérique fait entrer lÉconomie et la Société dans une nouvelle ère avec un nouvel écosystème, modifiant drastiquement les modèles économiques.

Cet écosystème numérique offre des opportunités à de nouveaux modes dorganisation et de management fondés sur la coopération et le partage… ; modes qui tendraient à mieux conjuguer efficacité économique et aspirations sociétales ; mais qui peuvent aussi entrainer une destruction, pas forcément créatrice, des modèles économiques et des organisations professionnelles, aboutissant à une hyper-marchandisation de ces modèles et de ces relations (« ubérisation »).

Entre économie collaborative et hyper-marchandisation léquilibre sociétal dépendra, dune part de la gouvernance des entreprises et organisations concernées, notamment des plates-formes numériques, dautre part dune coopération souhaitable entre les autorités nationales de régulation.

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II.1. Lécosystème de lère numérique
et ses modèles économiques

Cette « troisième Révolution industrielle » dont parle Jérémy Rifkin (2012), représente un véritable tsunami technologique qui fait entrer des sociétés humaines dans une nouvelle période, dite de lère numérique. Cette révolution technologique bouleverse les écosystèmes actuels et contribue à lémergence dun nouvel écosystème, lequel fait émerger de nouveaux modèles économiques.

A. Les caractéristiques de lécosystème numérique

Ce nouvel écosystème a fait lobjet de maintes analyses15. Pour aller à lessentiel, nous nous focaliserons sur trois caractéristiques qui paraissent significatives eu égard au thème étudié : linformation sans limites, la montée de limmatériel et le décloisonnement généralisé.

A.a. Linformation sans limites

Il sagit, évidemment, de la caractéristique majeure, la révolution numérique étant portée par les technologies de traitement de linformation. Chaque décennie permet de nouvelles avancées et propose des prestations dont la plupart étaient inconcevables la décennie précédente. Ce « no limit » concerne à la fois :

les quantités dinformations traitées ou accessibles, lesquelles sont devenues gigantesques (Big Data),

la rapidité daccès à ces données, grâce aux moteurs de recherche (ex : Google),

le coût daccès à ces données et à leur traitement, tendant vers ce « coût marginal zero » dont parle Rifkin (2014).

A.b. La montée de limmatériel

Les nouveaux produits font une part de plus en plus importante à limmatériel. Ainsi dans le couple traditionnel en informatique 73matériel-logiciel (hardware-software), lattention était autrefois portée sur le matériel et la firme de référence était IBM, qui construisait les ordinateurs ; elle sest progressivement déplacée sur les logiciels et la firme dominante est devenue Microsoft, qui était initialement un des sous-traitants dIBM.

De même, dans la plupart des produits issus des industries dites manufacturières, la partie numérique embedded est de plus en plus importante ; ainsi pour les véhicules de transport (aéronautique, automobile…). Par ailleurs, on consomme de plus en plus de services, que ce soit évidemment de linformation, mais également dans les secteurs de la santé, de la culture, de la sécurité… Au total, limmatériel, soit incorporé dans le matériel, soit sous la forme de services, constitue une part de plus en plus importante des valeurs ajoutées et des échanges économiques et sociaux (cf. Walliser et Bessieux-Ollier, 2011).

A.c. Le décloisonnement généralisé

Ce dernier aspect nest pas le moindre et expriment bien en quoi lère numérique correspond bien à une révolution non seulement technologique mais aussi sociétale. Les différentes dimensions de la vie collective et personnelles en sont en effet concernées.

a. Décloisonnement géographique, mondialisation

Si avec Paul Valéry, on sait que « le temps du monde fini commence », il est clair que la révolution numérique accentue cette finitude. Les immenses possibilités offertes par linformation et son traitement aboutissent à ce « rétrécissement de lespace-temps » qui caractérise le monde actuel. Ce dernier a pu être qualifié de « village mondial », chacun dentre nous pouvant être informé, en temps réel, de tel ou tel évènement survenu à lautre bout de la planète, pouvant envoyer des messages ou des documents à des partenaires disséminés à travers le monde, tenir une visioconférence, etc. Cet effacement des frontières au niveau du numérique – malgré les tentatives de maints États autoritaires pour les rétablir – est dautant plus saisissant que ces frontières – voire des murs – sont plus que jamais présents pour ce qui concerne les mouvements de biens matériels et a fortiori des personnes.

b. Décloisonnement temporel entre les périodes

Lobservation précédente sur le rétrécissement de lespace-temps à lheure dinternet, des téléphones portables et des chaines dinformations 74en continu, se concrétise, au niveau de chacun, par un décloisonnement des différentes périodes de sa vie quotidienne, notamment entre vie professionnelle et vie privée. Autrefois, il était à peu près possible de délimiter ces différentes périodes (cf. les débats sur le temps de travail, les pauses, les trajets…). À lère numérique, ces limites deviennent plus perméables et, sauf à sastreindre à des protocoles stricts (par exemple sur sa messagerie), le numérique permet des intrusions de plus en plus prégnantes de la sphère professionnelle dans la sphère privée.

c. Décloisonnement entre les statuts des acteurs du numérique

Là également la situation était autrefois relativement claire et définie : dans un écosystème donné, X était un consommateur, Y était producteur, éventuellement Z, comme commerçant permettait de relier X à Y., …Sous lère numérique, ces statuts apparemment distincts tendent à sestomper et ceci, à double titre. Dune part, X peut être demandeur de tel ou tel bien pour sa consommation personnelle, puis le proposer ensuite à dautres consommateurs en se mettant ainsi en position doffreur. Dautre part, par leurs opérations successives, les acteurs de léconomie numérique génèrent des effets induits qui sont, comme va le voir, des éléments essentiels des modèles économiques concernés (marchés bifaces ou organisations duales) ; ils se retrouvent ainsi à la fois consommateur de A et producteur de B.

B. Les modèles économiques du numérique
et leurs implications

Le nouvel écosystème numérique bouleverse les écosystèmes traditionnels, lesquels, selon le cas, se protègent, sadaptent ou disparaissent. On peut observer cette diversité de réactions dans les modèles économiques de ces écosystèmes ; ce qui appellent de nouvelles méthodes de management et dévaluation…

B.a. Modèles économiques – marchés bifaces

Au départ, cette nouvelle révolution industrielle semblait se cantonner à des changements technologiques, comme les sociétés humaines les connaissent, depuis plusieurs siècles : après la machine à vapeur et après lélectricité, pourquoi pas lordinateur ? Plus que pour les révolutions 75précédentes, le processus de passage de la Science à lIndustrie, via la Technique (Perroux F, 1965), a fait apparaitre, non seulement des nouveaux produits, et de nouvelles technologies pour les produire, mais aussi de nouveaux modes dutilisation.

Plutôt que le bien lui-même, c est son usage qui devient l objet central des marchés. On observe un transfert progressif – parois rapide – dun objet matériel vers le service procuré par le dit objet. Ainsi, en informatique et applications, après le couple IBM-Microsoft est venue la période de Google (moteur de recherche), puis de Facebook (réseau social). De même, en téléphonie mobile : avant on vendait des appareils, maintenant on vend le service (à lunité ou via un abonnement), lappareil étant fourni gratuitement ou pour un prix symbolique.

Ainsi, les business models de lère numérique sont très différents de ceux de léconomie traditionnelle, car « le digital modifie la chaine de valeur » (Tirole J., 2016, p. 497). Nous sommes en effet au sein de ces « marchés bifaces » (cf.supra), voire « multifaces16 ». Cette adéquation de ce concept de marché biface à léconomie numérique tient aux caractéristiques fondamentales de cette dernière, reposant sur les données collectées et les algorithmes qui les traitent :

le recueil massif de données est indispensable ; elles sont apportées par les utilisateurs de la face A du marché biface, justifiant que les responsables de lorganisation de la collecte favorisent au maximun ces utilisateurs, par le recours à la gratuité (ex : open access) ou par une tarification très modique.

le rôle de plus en plus prégnant de lalgorithme utilisé renforce la position des acteurs qui lont conçu ou en possèdent les droits dexploitation.

Ces deux caractéristiques se combinent pour faire des plates-formes numériques les interfaces incontournables de ces nouveaux marchés bifaces/multifaces de lère numérique.

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B.b. Méthodes de management et dévaluation

Lessor du numérique – et plus largement de limmatériel – tant au niveau des produits eux-mêmes quà celui des systèmes de production et des modèles économiques concernés, oblige à en revoir les fondements et, au plan des entreprises, à mettre en œuvre des innovations managériales au niveau des différentes fonctions concernées : lorganisation du système de production et son contrôle, le marketing, la GRH, la finance et les méthodes dévaluation…

Au plan des modèles managériaux, on est dans une véritable « rupture paradigmatique » au sens de Kuhn (1962) ; chercheurs et praticiens doivent sépauler pour renouveler la panoplie actuelle des outils de gestion. Tout particulièrement, le contrôle de gestion doit être repensé pour devenir « un pilotage intégrant stratégie, cognition et finance » (Mignon-Teller, 2009).

Au plan financier, les traitements diffèrent selon les types de biens considérés :

un bien matériel est produit selon un processus donné ; sa reproduction demandera, dans un état donné des technologies, le même processus et aura grosso modo un coût comparable (hors rendements déchelles et effets dapprentissage). Ensuite, il sera consommé ou utilisé/usé/amorti via son utilisation répétée ;

un bien immatériel (brevet, marque, logiciel, base de données, réseau social…) obéit à de toutes autres lois : sa production peut être plus ou moins complexe et coûteuse, sans garantie de résultat. En revanche, sa reproduction, si elle est autorisée (problème des copyrights), est facile et avec un coup marginal proche de zéro. Surtout, un bien immatériel, non seulement ne suse pas, mais au contraire peut se renforcer du fait de son utilisation.

Évidemment, beaucoup dentreprises utilisent les deux types de biens. Ainsi, Schlumberger, entreprise de services pétroliers (forages), utilise des équipements (pour forer) et une base de données (issues des forages précédemment effectués) ; les premiers doivent être amortis et renouvelés plus ou moins vite, la seconde au contraire senrichit à chaque nouveau forage.

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En termes de méthodes dévaluation, lincertitude caractérisant lère numérique se traduit par la non applicabilité des modèles classiques dévaluation (actualisation des flux futurs de revenus) au profit dautres types de modèles qui apparaissent parfois comme des martingales (ex : pour un réseau : valeur = multiple du carré du nombre dadhérents) mais qui sont en phase avec la nature « biface » du marché considéré (la face A, a priori non rentable, apportant la « clientèle potentielle » qui pourra être valorisée sur la face B).

Si les modèles économiques sont drastiquement transformés par le numérique, nécessitant de nouveaux modes de management et dévaluation, on observe, en revanche, un retard dadaptation des systèmes de gouvernance et des dispositifs de régulation qui leur sont usuellement associés, tant au niveau des acteurs impliqués que des territoires concernés.

II.2 . Les effets contrastés de la révolution numérique
sur la relation entreprise et société

La révolution numérique nous fait-elle franchir une nouvelle étape vers des relations humaines pacifiées ou, au contraire, favorise-t-elle une hyper-marchandisation de ces relations, reflétant une régression en termes sociétaux ? Pour présenter les arguments en faveur de lune et lautre thèse, on sappuiera sur les caractéristiques de la nouvelle ère numérique rappelées ci-dessus, en les traduisant en termes dopportunités versus risques concernant la relation de lentreprise à la société.

A. Les opportunités pour une économie collaborative

Ces opportunités sont diverses et tiennent aux caractéristiques du nouvel écosystème numérique rappelées ci-dessus.

A.a. Au niveau des acteurs : pour une économie
fondée sur la coopération et le partage

Les arguments plaidant pour cette orientation sont nombreux :

laccès à linformation sans limite permet à tout acteur de sinformer et de rechercher les meilleures solutions,

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le « coût marginal zéro » permet de nouveaux modèles économiques, fondés sur une économie du partage,

les réseaux sociaux permettent de concrétiser cette économie collaborative,

la montée de limmatériel (tant incorporée au matériel que en services) met laccent sur les facteurs humains et sociaux (intelligence, coopération, esprit collectif),

la primauté donnée à lusage (même temporaire) des objets, plutôt quà leur détention exclusive garantie par les droits de propriété, modifie la relation des humains à ces objets, et par là celle des humains entre eux.

Ces nouvelles situations et configurations ont pu être conceptualisées, mettant en avant le rôle des « communs » au sens des « common-pool resources » étudiés, notamment Elinor Ostrom. Cette dernière sétait tout dabord focalisée sur les communs liés aux ressources naturelles (eau, forêts, pêcheries…) et avait démontré, quentre la marché et lÉtat, des formes dorganisation collective pouvaient être efficaces (Ostrom E. 1990). Elle avait ensuite élargi ses terrains détudes en étudiant des ressources immatérielles, comme la connaissance (cf. Hess C. et Ostrom E., 2007), aspirant à contribuer à une construction théorique plus générale « We hope…to contribute to the development of an emprically valid general theory of self-organization and self-governance » (interview Elinor Ostrom, 2009). La prise en considération de lapproche en termes de communs a même parfois permis dinverser laffirmation de Hardin (1968) sur « la tragédie des communs » en proclamant « la tragédie des anti-communs » (Teller M.A., 1998)17.

A.b. Au niveau des territoires : pour une mondialisation
fondée sur la solidarité

La réduction drastique des distances géographiques grâce aux technologies de la communication et les potentiels, quasi illimités, de traitement 79de linformation, ont pu laisser espérer une transformation rapide des systèmes de production et, par-là, des espaces économiques concernés. Puisque lon peut, en temps réel, communiquer entre tel grand centre urbain – à Londres, New-York ou Tokyo – et telle région périphérique dans un pays dAfrique, dAmérique Latine ou du sud-est asiatique, il devient a priori possible de concevoir des organisations intégrées, réparties sur des pays et des espaces socio-économiques variés, mais participant à un même projet collectif.

Ces initiatives sont dautant bienvenues quelles sont orientées vers la satisfaction des besoins des catégories sociales les moins favorisées, lesquelles sont souvent les plus nombreuses, constituant cette « base de la pyramide » (« The Bottom of the Pyramid » BoP) décrite par de grandes figures comme M. Yunus (2007) ou C. K. Prahalad (2008).

Par ailleurs, il est apparu possible de recourir à des modèles économiques fondés sur « linnovation frugale » – la « Jugaad Innovation »– dont le slogan est : « Think Frugal, Be Flexible – Generate Breakthrought Growth » (Radjou N., Ahaja S., Prabhu J., 2013). Cette orientation vise à adopter des modes de production économes en termes de consommations intermédiaires (matières premières, énergie…), nexigeant pas des investissements trop lourds et des qualifications trop élevées et, enfin, limitant les impacts environnementaux.

Ainsi, laction collective peut sexprimer également dans la solidarité entre les territoires et entre les générations ; lécosystème généré par la révolution numérique permet de lespérer et, pour certains acteurs, de tenter de le mettre en œuvre. On donnera pour exemples le peer-to-peer prôné par M. Bauwens et ayant donné lieu à des expérimentations en Amérique centrale (Bauwens M, 2015) ; également les expériences relatées par the Commons Strategic Group à travers le monde (Bollier D. & Helfrich S., 2012, 2015).

B. Les risques dune hyper-marchandisation
et dune concurrence exacerbée

Ces risques se situent tant au niveau des acteurs économiques dans une société donnée quentre les différents territoires dun monde globalisé.

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B.a. Au niveau des acteurs :
lhyper marchandisation de la société

Lécosystème numérique a une double conséquence sur les relations marchandes :

dune part, il « casse » les modèles économiques traditionnels, notamment les formes dorganisation assurées par les acteurs des professions concernées, directement ou via les pouvoirs publics concernés (ex : ordres professionnels). Il permet à de nouveaux acteurs dentrer sur le marché, en concurrence, voire en substitution des acteurs précédents ;

dautre part, il permet de « marchandiser », par des particuliers et via des plates-formes numériques, des biens et services qui ne létaient pas ou seulement à titre exceptionnel (ex : location temporaire dun logement ou dun véhicule).

Il est convenu dappeler « ubérisation » ce double mouvement de déstructuration des circuits économiques traditionnels et dentrée sur le marché de nouveaux offreurs, au départ non professionnels. Si la plateforme numérique Uber est la plus connue dans le domaine du transport en « voiture de tourisme avec chauffeur » (VTC) – en concurrence donc avec les taxis professionnels – on sait quil existe maintes autres plateformes numériques dans divers autres secteurs dactivité, tels quAirBnb pour le logement temporaire, …

Il est possible de proposer une typologie permettant de distinguer différents degrés allant du don à lhyper-marchandisation, en passant par les différents types déconomie collaborative :

Échelle DECMA

(Don – Économie Collaborative – Marchandisation)

Catégorie : Don

Niveau 1 : économie du don

Catégorie : Économie collaborative

Niveau 2 : économie collaborative non monétaire

Niveau 3 : économie collaborative monétarisée (à des degrés variables)

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Catégorie : Économie marchande

Niveau 4 : économie marchande « grise »

Niveau 5 : économie marchande « standard »

Niveau 6 : hyper-marchandisation (« uberisation »)

Fig. 2 – Adapté de Mignon S, Pérez R., Walliser E. (2016).

Le niveau 1 est celui de léconomie du don et non de léchange marchand. Proposer à lenfant de votre voisin de prendre place dans votre voiture, – comme, accueillir chez soi un ami de passage ou donner de la nourriture aux Restos du cœur… – sont des gestes effectués dans un esprit altruiste, sans esprit mercantile et sans support monétaire. Certes, on sait que le « don » appelle très généralement un « contre-don », les deux éléments se complétant dans des rituels socialement codifiés (cf. Mauss, Dumézil…) ; mais ces échanges socialisés et étalés dans le temps ne constituent pas directement un échange marchand singularisé et monétarisé.

Les niveaux 2 et 3 correspondent à ce qui est communément dénommé économie collaborative. Ils représentent cependant des situations dont la diversité va au-delà de la simple nuance :

les situations de type 2 relèvent dune forme intermédiaire ; elles se rapprochent de la catégorie précédente dans la mesure elles ne sont pas monétarisées et restent exprimées en termes dactions réciproques (échanges de transport, de logements, de repas…). Elles ne relèvent cependant plus de lapproche en termes de don/contre-don, dans la mesure où ces échanges, bien que non monétaires, sont clairement identifiés et spécifiés dans leur réalisation.

Les situations de type 3 se distinguent à la fois des précédentes (types 1 et 2) dans la mesure où elles commencent à être (plus ou moins) monétarisées et aussi des suivants (types 4-5-6) dans la mesure où elles ne prennent pas en compte la valorisation du travail effectué par les acteurs concernés, lesquels ne sont pas rémunérés. La partie monétarisée peut être très différente dun cas à lautre, concernant, ici seulement les coûts variables, là lensemble des coûts hors travail (y compris lamortissement des biens durables utilisés).

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Enfin, les niveaux 4, 5 et 6 relèvent de léconomie marchande, avec, là également, des spécificités inhérentes à chaque catégorie étudiée :

les situations de type 5 sont les plus nettes ; elles appartiennent sans conteste à léconomie marchande. Quels que soient leur statut (auto-entrepreneur, EURL, SARL ou SA…), des personnes qui offrent des produits – biens ou services (ici un transport, là un logement ou un repas…) à des « clients » et qui vivent – plus ou moins aisément – de la vente de ces produits, correspondent à la situation classique dacteurs dune économie que nous qualifierons déconomie marchande « standard ».

Les situations de type 4 sont légèrement infléchies par rapport aux précédents, selon limportance de ces « indemnités compensatoires » accordés aux acteurs concernés (ici le transporteur occasionnel, là le logeur ou le cuisinier…). Si elles sont élevées, elles correspondent à une rémunération du travail accompli (que celui-ci soit déclaré ou non) ; si elles sont faibles, elles relèvent partiellement (pour la différence par rapport au coût du travail) de léconomie collaborative, voire de léconomie de don. Nous qualifierons les cas de ce type déconomie marchande « grise » pour marquer ces nuances (et parce que maintes situations de ce type relèvent de statuts « non officiels » – notamment vis-à-vis du fisc – à linverse de ceux des acteurs de léconomie marchande standard)

les situations de type 6 sont, au contraire, accentuées par rapport au cas standard. Elles sont totalement marchandisées, au sens que la fonction principale des plates-formes numériques qui se sont créées à limage dUber…, a pour objet, non pas de fabriquer le produit lui-même mais de créer le marché concernant ce produit, sans se soucier a priori, ni de ses conditions de production/utilisation, ni du statut des acteurs concernés et des contraintes institutionnelles (réglementation, fiscalité…), ni a fortiori des conséquences directes ou indirectes (externalités) générées par ces activités déchanges. Nous appellerons « hyper-marchandisation » cette forme débridée déconomie marchande.

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B.b. Au niveau des territoires :
une mise en concurrence exacerbée

Le nouvel écosystème numérique a pu offrir des partenariats favorisant le développement. Un certain nombre de réalisations ont pu témoigner de ces opportunités offertes par lessor des économies dématérialisées ; ici des centre dappels, là des bureaux détudes, ailleurs des services dappui externalisés pouvant intervenir via internet… Le télé-travail a pu ainsi constituer une voie particulièrement féconde dans lévolution des processus de production et dorganisation du travail dans la nouvelle ère numérique.

Cependant, il convient de ne pas trop idéaliser de telles transformations : les structures de pouvoir – notamment au plan financier – restent très concentrées, comme en témoignent le poids des places financières comme la City à Londres ou Wall Street à New-York ou la « nationalité » des grandes FMN, notamment celles de lère numérique, tant les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) que les nouvelles « licornes » comme Uber, AirBnb…

Surtout, cette mondialisation accélérée permise par la révolution numérique accentue la mise en concurrence des différents territoires, les acteurs économiques pouvant effectuer leurs emplettes au sein du « village mondial » sur la base du moins disant, sans considération particulière sur les conditions dobtention de ces avantages comparatifs, notamment en termes dimpacts environnementaux et sociétaux. Cette mise en concurrence des territoires est particulièrement nette en matière fiscale, comme on a pu lobserver à maintes reprises, avec les domiciliations au Luxembourg ou en Irlande18. Les principaux acteurs de la nouvelle ère numérique recourent – comme on le sait – largement à ce type doptimisation fiscale, facilitée par la nature immatérielle de leurs activités, ce qui leur permet déchapper aux habituels contrôles des flux de marchandises.

Au-delà des avantages recherchés en termes marchands (dans une logique de coûts comparés à la Ricardo), y compris de ceux résultant 84dune optimisation fiscale, linternationalisation des activités a souvent comme objectifs, parfois avoués, le plus souvent implicites, de profiter des faiblesses des systèmes nationaux en matière de protection sociale ou environnementale. Le pouvoir du numérique sert alors à intégrer, dans un même business model, les différentes composantes des activités dune firme multinationale, sans se soucier des externalités négatives, plus ou moins importantes, générées par ces activités sur les différents territoires concernés.

II.3. Entre économie collaborative
et hyper-marchandisation : gouvernance et régulation

Les effets contrastés de la numérisation sont parfois difficiles à apprécier en termes sociétaux ; ils le sont dautant moins quune même opération (ex : mise à disposition temporaire dun logement, dun véhicule, dun équipement…) peut ici relever dune économie fondée sur la coopération et le partage, là dune hyper-marchandisation revendiquée comme telle. Pour permettre dapprécier, au cas par cas, les situations ainsi créées, nous mettrons laccent sur le rôle central de la gouvernance des plates-formes numériques et sur la coopération souhaitable entre les autorités de régulation.

A. Le rôle central de la gouvernance
des plates-formes numériques

Quest-ce qui différencie le comportement dun particulier qui, disposant de locaux dont il na pas actuellement lusage, propose, via les réseaux sociaux auxquels il a accès, de les louer dans des conditions à débattre (allant de la quasi-gratuité à un prix plus ou moins élevé) et celui dune plate-forme numérique comme AirBnb spécialisée dans ce type dopération ? Il ny a pas a priori de solution de continuité entre ces deux comportements et on ne peut exclure que le particulier en question, sil narrive pas à réaliser directement son projet, sadresse à la plateforme dédiée pour le finaliser. Lhistoire des différentes plateformes numériques, y compris parmi les plus mondialisées, montre dailleurs que, souvent, elles sont nées dans léconomie de la coopération et du partage19.

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Pour tenter de cerner la finalité dune plate-forme numérique, il semble nécessaire danalyser son régime de gouvernance ; i.e. se poser un certain nombre de questions de base concernant le statut et le mode dexercice des responsables de lorganisation concernée (qui nomme qui ? comment sont décidées les missions ? à qui rendre compte et sous quelle forme ? quelles régulations ?…).

On saperçoit alors de la grande diversité, voire lhétérogénéité des situations :

ici, un collectif, organisé autour dune association, dune coopérative ou dun réseau social, sefforce dapporter aux membres de ce collectif et des organisations concernées les avantages rendus possibles par les opportunités quoffre le nouvel écosystème numérique. La structure mise en place est animée par des salariés ou par des bénévoles ; il ny a pas denrichissement personnel ; les dirigeants rendent compte de leur activité ; … Il est clair que la relation entreprise et son environnement sociétal peut être renforcée dans lère numérique, le système de gouvernance en étant le témoin et le garant ;

là, quelques personnes (parfois une seule), souvent jeunes et accrocs au numérique ont une idée innovante pouvant être mise en œuvre dans le cadre du nouvel écosystème numérique. Ces geek se lancent, rêvant de devenir une « licorne » (i.e. entreprise dont la valorisation dépasse le milliard de dollars en moins dune année dexistence), étant aidés, dans leur projet, par des investisseurs avisés (business angels). Il est clair que la relation entreprise et société est cette fois inexistante, le système de gouvernance ne sintéressant quà la « shareholder value20 .

Le rôle central des platesformes numériques est maintenant reconnu (Benavent C., 2016, Cingolani P., 2016) et, en conséquence celui du contrôle de leur mode de gouvernance (Benavent C., Lebraty J-F, 2016)

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B. La coopération souhaitable entre les autorités de régulation.

Le nouvel écosystème numérique facilitant le recours à la mondialisation sans autre préoccupation que de profiter, ici de bas salaires et dune faible protection sociale, là dune réglementation laxiste en matière environnementale, ailleurs dune fiscalité accommodante…il apparait souhaitable que les autorités de régulation interviennent. Le monde contemporain étant ce quil est, on ne peut attendre, au niveau international, que des comportements spontanément éthiques freinent ces recours systématiques aux partenaires moins disant, aux effets daubaine, à linversion fiscale…

Dans chaque territoire, des autorités de régulation, quand elles existent, ont la charge de veiller à un respect minimal, via par exemple des codes de déontologie ou une réglementation professionnelle. Ces codes et ces réglementations sont eux-mêmes sous légide des autorités régaliennes chargées dexprimer la position des pouvoirs publics des pays concernés et des instances juridiques susceptibles dêtre saisies. Cest ainsi, que lentreprise emblématique Uber a fait lobjet de nombreux litiges dans différents pays – dont la France (plainte déposée par des taxis professionnels considérant les VTC comme une concurrence déloyale) et les USA (prestataires californiens demandant la requalification des leur statut comme salariés). Les autorités politiques (gouvernements-parlements) ont été, par là même, amenées à intervenir pour mieux codifier la situation des uns et des autres.

Larticulation des différentes composantes des systèmes de régulation (organisations professionnelles, tribunaux, autorités politiques) permet, en effet, daffiner la situation en mettant, si nécessaire le « curseur » au bon endroit. Par exemple, pour rester sur le cas emblématique dUber, des décisions de justice, en France, ont pu permettre de distinguer, entre le co-voiturage, relevant de léconomie du partage et le VTC tel que défini par Uber, relevant dune activité commerciale ; Uber a ainsi écopé dune amende pour avoir présenté son activité comme relevant du co-voiturage. Des situations comparables peuvent être observées dans dautres secteurs : logement, restauration… LÉtat, à son tour, sen mêle, notamment via les dispositions fiscales visant à taxer les activités relevant du commercial, avec éventuellement une franchise préservant celles relevant de léconomie collaborative.

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Entre les territoires, seule une coopération entre les diverses autorités de régulation concernées, permettrait déviter une concurrence exacerbée et, ainsi, de préserver un minimum de relations pacifiées dans le nouvel univers numérique.

Cette régulation souhaitable/nécessaire amène à prévoir un nouvel échelon dans léchelle DECMA qui devient DECMAR (Don – Économie Collaborative – Marchandisation – Régulation) ; ce dernier échelon se situant au niveau dune économie régulée dans une société plurielle.

Les modes de régulation dans l échelle DECMAR

(Don – Économie Collaborative – Marchandisation – Régulation)

Niveau 1 : économie du don

Régulation « légère »

Niveau 2 : économie collaborative non monétaire

Régulation. « légère »

Niveau 3 : économie collaborative monétarisée

Régulation « moyenne »

Niveau 4 : économie marchande « grise »

Régulation « forte »

Niveau 5 : économie marchande « standard »

Régulation « classique »

Niveau 6 : hyper-marchandisation (« uberisation »)

Situation « conflictuelle »

Niveau 7 : société plurielle – économie régulée

« Nouvelle régulation »

Fig. 3 : Adapté de Pérez R., Mignon S, Walliser E. (2016a).

Aux niveaux 1 et 2, correspondant à une économie du don ou à une économie collaboratrice non monétaire, la régulation peut se permettre dêtre « légère », i.e. vérifier que les activités concernées relèvent bien de ces catégories et respectent les réglementations générales (ex : normes de sécurité).

Au niveau 3 dune économie collaborative qui commence à être monétisée et, a fortiori, au niveau 4 dune économie marchande dite « grise », la régulation est forcément plus intrusive, les activités visées pouvant – souvent à juste titre – être suspectées de vouloir échapper aux réglementations en vigueur (travail non déclaré).

Si, par définition, le niveau 5 de léconomie marchande dite « standard » est soumis au mode de régulation « classique » (i.e. correspondant au dispositif institutionnel en vigueur dans léconomie considérée), le nouveau contexte dhyper-marchandisation lié à léconomie numérique, entraine – comme on le voit depuis quelques années – des situations souvent conflictuelles, du fait de lobsolescence du dispositif de régulation (niveau 6).

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Une « nouvelle régulation » (niveau 7) apparaît ainsi nécessaire/souhaitable pour une société plurielle intégrant léconomie numérique. Économistes, juristes et politistes commencent à apporter analyses et propositions en ce sens21.

Conclusion

Marchand et non-marchand
entre contingence et équilibre

Deux idées-forces, largement répandues, se réfèrent à des concepts de management et de gouvernance appliqués à des organisations humaines finalisées.

La première, plus ancienne et argumentée souvent en termes polémiques, vise les organisations non marchandes et plus particulièrement les services publics décriés comme inefficaces, mal gérés et mal contrôlés ; constat de carence qui appelle, selon les contempteurs de ces structures souvent étatiques, leur privatisation ou, pour le moins, leur mise aux normes des critères de management et de gouvernance des entreprises, critères synonymes de modernité. Tour à tour, les grands monopoles publics dans le domaine des infrastructures dénergie et de transport, puis les organismes de recherche et de formation, le logement, la santé, la culture, voire la sécurité… sont incités à adopter des modes dorganisation, de fonctionnement et de régulation sinspirant de ceux des entreprises (cf. le courant du New Public Management22).

La seconde, plus récente et provenant dautres cercles de lopinion, vise au contraire les organisations marchandes, cest-à-dire les entreprises et les institutions qui leurs sont dédiées (y compris les marchés eux-mêmes). La critique qui leur est adressée est fondamentalement différente, voire opposée à la précédente ; ce nest pas leur efficacité qui est en cause, mais, pourrait-on dire, leur trop grande efficacité : à force 89de vouloir augmenter la rentabilité des capitaux engagés, et, dans cette perspective, de comprimer leurs coûts afin de dégager des marges, les entreprises, notamment les multinationales, nen finissent pas de se restructurer, de redéployer leurs portefeuilles dactivités, leurs sites de production, leurs réseaux dachats et de sous-traitance…sans considération particulière tant vis-à-vis des salariés concernés que, dans bien des cas, des autres acteurs économiques et des écosystèmes dans lesquels elles opèrent. Aussi, des appels à la « responsabilité sociale de lentreprise » (RSE) se sont faits de plus en plus pressants, notamment pour prendre en compte la possibilité pour les générations futures de pouvoir vivre dans un environnement naturel et humain non dégradé ; objectifs diffus rassemblés sous le vocable de « développement durable » (DD).

Ainsi, se mettent en place les éléments dune pièce dont les décors ont certes évolué, mais dont la thématique na pas fondamentalement changé : partisans et adversaires des services publics dun côté, des entreprises privées de lautre, senvoient respectivement des reproches de nature différente, « inefficacité versus injustice ». Tenter de clarifier le débat impose un effort danalyse.

Dans cette perspective, nous avons proposé un cadre danalyse commun aux OM et ONM, permettant à la fois de souligner la spécificité de leurs finalités, leurs modes de management respectifs et les systèmes de gouvernance qui leur sont associés. Ce détour analytique a permis de reprendre le débat sur les items initialement rappelés afin de mieux en situer le cadre, les enjeux, et faire ressortir limportance de larticulation entre marchand-non marchand dans le cadre du nouvel écosystème issu de la Révolution numérique.

Lobservateur qui tente de réfléchir sans a priori ne peut se permettre que des conclusions provisoires, des « propos détape » dans une réflexion collective qui se nourrira elle-même des prochaines étapes attendues de cette nouvelle ère numérique et des échanges que les mutations en cours ne manqueront pas de susciter. Nous aimerions cependant mettre en débat les deux propositions suivantes.

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La perception de la relation
marchand-non marchand est contingente

« Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà » dit le diction ; cela est encore plus vrai pour la perception de la relation de lentreprise à la société, car elle nous parait contingente, à la fois dans le temps et dans lespace. Autrefois, un armateur de Bordeaux ou Nantes, un planteur de canne à sucre aux Antilles, … pouvaient avoir une perception « normale » de la relation entreprise-société dans la mesure où ils assuraient avec soin leurs missions, respectaient leurs collègues et leurs employés, payaient leurs impôts… sans cependant se poser des questions sur le « commerce triangulaire » i.e. léconomie de traite fondée sur lesclavage, qui sous-tendait leurs activités.

De nos jours, le jeune étudiant qui dans la Silicon Valley lance une application numérique lui faisant espérer de devenir milliardaire pense être également être normal, même si ladite application va détruire un pan entier de léconomie mondiale ou créer des externalités négatives irrémédiables. Après tout, sil devient réellement milliardaire, il pourra, à linstar de ces devanciers de lépopée numérique – Bill Gates (Microsoft), Zuckenberg (Facebook) – créer à son tour une fondation à laquelle il donnerait lessentiel de sa fortune, dans la bonne tradition des succes stories américaines (Rockefeller, Carnegie, …) ; la relation « équilibrée » à la société serait ainsi sauvegardée !

Ailleurs, un tel comportement ne serait pas vraiment considéré comme un idéal à imiter, la véritable relation de lentreprise à la société devant sexprimer hic et nunc, dans lentreprise actuelle, avec ses partenaires internes (salariés) et externes (clients & fournisseurs, société civile, environnement…), en cherchant à éviter des externalités négatives, …Cette relation prend alors les habits de la responsabilité sociale de lentreprise, qui est, comme on le sait, un thème dactualité (Capron M., Quairel-Lanoisellée F., 2015).

La société numérique
est à la recherche dun nouvel équilibre

Dans son dernier essai, Henri Mintzberg plaide pour une « société rééquilibrée » dans laquelle les marchés privés, les pouvoirs publics et la société civile assument leurs responsabilités respectives : “A healthy society 91balances a public sector of respected governments, a private sector of responsible businesses, and a plural sector of robust communities” (Mintzberg H ; 2015). H. Mintzberg, comme E. Ostrom et M. J. Sandel, comme avant eux F. Perroux, retrouvent une typologie tridimensionnelle, classique depuis G. Dumézil, sur les formes de relations entre les humains à propos de lusage des choses – le don, la contrainte et léchange – et la structuration sociétale qui leur correspond, avec un secteur public assurant les fonctions régaliennes et ayant le monopole de la contrainte légale, un secteur privé animant les relations marchandes et un « tiers secteur » plus orienté vers des activités « autres » (éducation et culture, arts et sports, cultes…), pour la plupart immatérielles et faisant largement appel aux relations de solidarité (dons et contredons).

Le contexte du nouvel écosystème numérique appelle un réexamen de ces différentes formes de relations afin de mettre en relief leurs évolutions respectives et détudier les conditions dun rééquilibrage, encore plus nécessaire que pour les périodes précédentes. À défaut la relation entre marchand et non marchand risque dêtre longtemps mal posée et mal résolue.

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1 Le présent article repose initialement sur un exposé de lauteur, au colloque sur « Les business models de la gratuité », organisé le 9 avril 2015, à la Maison de lEurope à Paris, par lISERAM (ISEG Group), en partenariat avec le CIAPHS (U. Rennes 2) et lISMEA. Pour cet exposé introductif et pour sa mise à jour, nous nous sommes appuyés sur des travaux menés ces dernières années, à titre personnel ou en collaboration. Certains de ces travaux ayant été publiés, nous donnons, dans le texte et en bibliographie, les références des dites publications. Nous remercions vivement les collègues et amis qui nous ont incités à rédiger la présente synthèse et nous ont procuré de précieux commentaires sur la première version de ce travail, notamment Faouzi Bensebaa, Pierre-Jean Benghozi, Michelle Bergadaa, Martine Brasseur, Denis Dupré, Romain Laufer, Michel Marchesnay, Yvon Pesqueux, Jean-Claude Thoenig, Henri Zimnovitch… Une mention particulière envers Sophie Mignon et Elisabeth Walliser, co-auteures des travaux sur la nouvelle économie numérique utilisés pour la seconde partie de cet article et qui, à ce titre, doivent être considérées comme co-auteures de cette partie.

2 Cf. Marcel Mauss (1923), Claude Lévi-Strauss (1950), Georges Dumézil (1968/71/73), Maurice Godelier (1996), Alain Testart (2007), …

3 Ainsi Fernand Braudel (1967-79) sur les « instruments de léchange » annonciateurs du capitalisme contemporain On citera, pour la période récente, les deux ouvrages publiés respectivement par Laurence Fontaine (2014) et par Isabelle Hillenkamp et Jean-Michel Servet (2015).

4 Il convient dobserver que cette fonction a beaucoup évolué dans le temps : sorciers, chamanes, conseil des anciens dans les sociétés dites primitives ; prêtres, religieux de divers types ; scientifiques, notamment depuis l« Ère des Lumières » ; hommes/femmes de médias (presse, audio-visuel, internet…) actuellement. Les tâches de transmission (savoirs, croyances…), notamment léducation des plus jeunes sont assurées par ces différentes composantes (les « anciens », les religieux, les scientifiques…), chacune avec ses particularités, ses codes, ses rivalités…

5 Cf. les « trois Ordres » – Clergé, Noblesse, Tiers-État – composant les États Généraux de la France jusquà 1789.

6 Les termes « directs-induits » ont été préférés à « primaires-secondaires » pour ne pas donner à penser que ces derniers sont secondaires au sens de « négligeables », alors quils sont parfois dune importance majeure.

7 Voir les travaux fondateurs de T. Scitovsky (1953), J. Meade (1954) et R. Coase (1960/1988).

8 On mentionnera cependant les auteurs représentant le courant « schumpétérien » auquel se rattachent les approches dune vision dynamique de la firme (Penrose, 1959 ; Wernefeld, 1984 ; Teece et al., 1997o. En France, on rappellera les travaux de F. Perroux à lISEA (1960…), dA. Martinet (1984) et H. Savall à lISEOR, ceux de Marchesnay (1969, 2002). Plus récemment, le concept dinternalité, en symétrie de celui dexternalité, a été utilisé par J. Tirole (2016), dans un développement sur « les limites morales du marché » (cf. son récent traité sur l« Économie du bien commun » chap. 2, p. 55-91), en prenant comme exemple le cas du dopage sportif « Le contrôle du dopage se justifie à la fois par une internalité (la santé à long terme du sportif concerné est sacrifiée au désir de reconnaissance, de gloire ou dargent) et par une externalité (un sportif qui se dope dégrade limage de son sport et affecte négativement ses confrères) (op. cit., p. 62).

9 Nous traduisons par « impact sociétal » le concept anglo-saxon de social impact, car en France le qualificatif « social » est le plus souvent restreint aux seules relations avec le monde du travail (emploi, salaires…).

10 On peut donner lexemple de convention de partenariat entre tel ou tel établissement prestigieux (La Sorbonne, le Louvre…) et tel ou tel partenaire, en France ou à létranger… Sur un autre plan, pour faire écho à la trilogie dumézilienne évoquée en préambule, on peut prendre lexemple dunions entre un descendant dune grande famille au nom illustre mais désargentée et une héritière de moindre extraction mais bien dotée. Une « marque » a priori non marchande sil en est (ce nom illustre) peut être ainsi valorisée sur le « marché » matrimonial…

11 Étudiés notamment par J-Ch. Rochet et J. Tirole, 2003 ; M. Armstrong, 2006 ; G. Weyl, 2010.

12 Une autre image de représentation des marchés bifaces avec une face A gratuite et une face B valorisable est celle de la pèche à la ligne : le pêcheur « donne » un appât au poisson (face A) ; ce dernier mord – ou non – à lhameçon (face B) et sera mangé ou vendu par le pêcheur qui rentabilisera ainsi son investissement initial.

13 Lexemple le plus connu, par la franchise, voire le cynisme, de son auteur, est formulé par P. Le Lay, PDG de TF1 : « Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective business, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, cest daider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour quun message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : cest-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, cest du temps de cerveau humain disponible ». (extrait tiré du livre Les dirigeants face au changement, par Les Associés dEIM, 2004).

14 La présente partie résulte dune coopération, sur les thèmes liés à lère numérique, avec Sophie Mignon et Elisabeth Walliser, collègues travaillant respectivement sur la pérennité des organisations et les processus dinnovation (SM), sur léconomie immatérielle et son évaluation (EW). Cf. SM-EW (2014), EW-SM (2014), SM-EW-RP (2015), et plus particulièrement les travaux récents RP-SM-EW (2016 a,b), SM-RP-EW (2016) qui sont repris dans la présent synthèse.

15 Cf. Anderson, 2009 ; Benghozi, 2011 ; Brousseau et Curien, 2007 ; Cingolani, 2016, Colin et Verdier, 2012 ; Rifkin, 2014 ; Escande et Cassini, 2015, Nakhla, 2016, Sagot-Duvauroux, 2015 ; Staune, 2015 ; Tirole, 2016, Weil, 2015…

16 Comme le note J. Tirole, les marchés bifaces peuvent être même multifaces, « par exemple Microsoft Windows doit attirer les utilisateurs, les fabricants dordinateurs et les concepteurs dapplications » (op. cit., p. 499).

17 En France, pays de tradition étatique où seul lÉtat parait être en mesure de faire face aux dérives des marchés, lapproche par les « communs » est plus récente, mais elle devenue présente, notamment avec le développement du numérique – cf. le mouvement VECAMwww.vecam.org, lANR PROPICE « Propriété intellectuelle, communs et exclusivité » www.mshparisnord.fr/ANR-PRPICE/ et Coriat B (2015), – le réseau francophone des biens communs echanges@bienscommuns.org, www.remixthecommons.org/

18 Cf. le projet de méga-fusion (150 Mds $) dans le secteur de la pharmacie (Pfizer –Allergan) qui aurait permis au géant américain de domicilier son lieu dimposition en Irlande (ce qui a amené les autorités US à réagir) ; cf. aussi le redressement fiscal de 13 Mds euros que lUnion européenne souhaite appliquer à Apple pour les impôts que cette firme aurait du payer en Irlande.

19 Cest notamment le cas de lexemple cité AirBnb, créé en 2008 par deux jeunes américains qui nayant pas trouvé dhôtel libre lors dun voyage à Paris, avaient, de retour à San Francisco, imaginé proposer, via internet, un hébergement sommaire (matelas pneumatique) – « AirBed and Breakfast » – à des voyageurs en difficulté.

20 Il convient de noter que lanalyse du système de gouvernance ne doit pas se fier seulement aux apparences, lesquelles peuvent être trompeuses, de lorganisation concernée, mais chercher à cerner la réalité de son fonctionnement. On a pu, en effet, rencontrer parfois des situations paradoxales ; ainsi, ces organisations à buts non lucratifs, a priori dédiées à des missions « non profit », qui ont été convaincues de manquements graves à léthique, voire à la légalité (cf. les affaires qui ont défrayé la chronique : lARC, la FIFA…).

21 Cf. notamment les travaux de lARCEP et, au niveau des juristes, ceux de M-A Frison-Roche (2016).

22 Cf. les travaux dY. Pesqueux (2002, 2007) et le no thématique dY. Chappoz et P-Ch. Pupion (2012).