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Classiques Garnier

Parody, satiric ritual, and joyful culture in the quarrel between Marot and Sagon (1534–1538)

  • Publication type: Journal article
  • Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2019 – 1, n° 37
    . varia
  • Author: Bichüe (Jérémie)
  • Abstract: The quarrel between Marot and Sagon (1534-1538) demonstrates how parody can affect models of polemic exchange, giving way to a new kind of sociability that connects contemporary authors. Although applied for strategic purposes, parody rapidly evolves into a principle of poetic continuation. Still, the texts produced by the quarrelling poets present us with a problematic reception of parodic literature, questioning the connections between festivities, satire and controversy in public space.
  • Pages: 297 to 313
  • Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406097013
  • ISBN: 978-2-406-09701-3
  • ISSN: 2273-0893
  • DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09701-3.p.0297
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 12-17-2019
  • Periodicity: Biannual
  • Language: French
  • Keyword: parody, polemic, literary quarrel, Marot
297

Parodie, rituel satirique
et culture joyeuse dans
la querelle Marot-Sagon (1534-1538)

Le différend entre Clément Marot et François Sagon aurait commencé en août 1534 au mariage dIsabeau dAlbret, la belle-sœur de Marguerite de Navarre. « Mais onc ne fut et est à commencer / Nopce, ou festin sans aulcun mal penser1 » rappelle Sagon, en précisant les circonstances de la brouille :

Car toy et moy devisans dessus lherbe,

Le lendemain au beau parc dAllençon,

Apres souper eusmes noise et tenson

Pour la leçon de la foy catholicque2.

Le débat aurait ensuite dérivé sur les « temples sainctz », le « jeusne » et les « oraisons », épineuses questions théologiques que Marot aurait abordées avec un prosélytisme particulièrement brûlant. La confrontation senvenime et attire les curieux (« Tu tobstinas et ta fureur descent, / Tant quen une heure y en vinst plus de cent3 »), au point que Marot aurait menacé Sagon dun poignard. Au mois doctobre de la même année survient laffaire des Placards. La découverte daffiches condamnant la messe dans Paris et dautres grandes villes de France, et en particulier Amboise où François Ier réside alors, provoque la colère du roi. Inquiet, Marot prend la fuite à Bordeaux où il est arrêté. Il parvient toutefois à senfuir et rejoint Marguerite de Navarre en ses terres de Nérac avant lhiver. Sur ses recommandations, il prend ensuite la direction de la cour de la duchesse de Ferrare en Italie où il 298demeure près de deux ans. Pendant ce temps en France, deux poètes, François Sagon et Charles de la Hueterie, multiplient les manœuvres individuelles pour sintroduire en cour et prendre la place de labsent. Quelques mois après son retour en France à lhiver 1536, Marot réplique en publiant le Valet de Marot contre Sagon4. Cette réponse cinglante provoquera la réaction de nombreux auteurs qui se jetteront dans la bataille jusquà la fin de lannée 1537. Peu à peu le différend privé se change en événement éditorial et laffrontement individuel en exercice de satire collective5.

Les auteurs de la querelle recourent volontiers à la parodie. Sagon compose ainsi un pastiche moqueur intitulé « Dieu gard », qui imite le célèbre pardon que Clément Marot adresse aux poètes de France à son retour dexil6. Cet exemple correspond bien à la définition de la parodie donnée par le Trésor de la Langue française : « texte, ouvrage qui, à des fins satiriques ou comiques, imite en la tournant en ridicule, une partie ou la totalité dune œuvre sérieuse connue ». La critique littéraire a cependant élargi cette définition en y incluant les pastiches sérieux dun texte ou dun style, les détournements ludiques avec ou sans visée satirique, des phénomènes variés dintertextualité, posant ainsi la question des sources, des procédés et de lintentionnalité de lécriture parodique7. En ce qui concerne la Renaissance, Patricia Eichel-Lojkine insiste notamment sur léclectisme des modèles détournés :

Ce ne sont pas toujours des textes, des productions achevées, des objets culturels clos, mais des formes relevant de loralité, des raisonnements tout 299faits, des discours, des performances et des rituels langagiers que la parodie exporte et transpose, décontextualise et recontextualise8.

Dans le cadre de la querelle Marot-Sagon, ces opérations de décontextualisation et de recontextualisation affectent le modèle même de léchange polémique. Au gré des ajustements tactiques et des interactions entre les divers auteurs, la querelle prend alternativement ou simultanément la forme dune dispute sérieuse ou légère. Cette ambivalence sexplique en grande partie par lintroduction de modes dexpression de la culture joyeuse dans le conflit. Par les thèmes quelle convoque, lagitation quelle provoque, la querelle va même jusquà sinspirer des formes de certains rituels festifs. Plus ou moins intentionnels, ces détournements confinent à une forme déroutante de dialogisme qui rend parfois délicate lidentification du geste parodique lui-même et perturbe la réception des textes : le sens du conflit se trouve en permanence renégocié en fonction des lectures propres à chaque intervenant. Cette incertitude favorise pourtant la naissance dinteractions entre des auteurs qui reconnaissent le potentiel créatif et ludique de la querelle Marot-Sagon.

Partant de ces constats, nous souhaiterions voir sous quelles conditions la pratique parodique donne naissance, lors de la querelle Marot-Sagon, à une forme de festivité polémique. Nous verrons dabord comment la parodie, utilisée à des fins stratégiques, permet de désamorcer la gravité du conflit, transformant le différend en une dispute destinée à susciter le rire. La reconnaissance par les lecteurs et les auteurs du détournement des formes de la culture joyeuse donne par conséquent naissance à une sociabilité agonistique originale où la querelle devient un phénomène littéraire associé au plaisir et à la fête. Le trouble jeté par cet objet littéraire invite alors à sinterroger sur les liens entre polémique, satire et rituel festif, à travers lintervention dans la querelle de la confrérie joyeuse des Conards.

300

Tactique de la parodie

Dans son Coup dessay composé au début de lannée 1536, Sagon reproche à Marot sa conduite morale, allant même jusquà le suspecter dhérésie. Voici les mots quil adresse à deux sœurs9 auxquelles Marot avait lui-même envoyé une épître de tonalité évangélique depuis Ferrare :

Fuyez devant, evitez, [sic] le derriere

Et nescoutez la chanson ne la voix

De lypocrite avec ses mille croix

Qui tost mourra nonobstant repentance

En feu, en croix, en roe, ou en potence10.

Ces menaces, que reprendront en chœur les détracteurs de Marot, donnent un aperçu de la gravité des enjeux entre lannée 1535 et lannée 1536. Dans le Valet, Marot rédige une réponse quil fait endosser à son valet fictif, façon de signifier à son adversaire quil ne le juge pas digne dune réplique en son nom propre. À travers la voix de Fripelippes, il raille la bêtise et le style de Sagon tout en évitant scrupuleusement la question religieuse. En réalité, le coup de force du Valet consiste à modifier la forme même du conflit, en utilisant lécriture parodique comme un leurre. Jouant sur lambivalence de la dispute qui peut prendre la forme de la controverse ou de son envers dérisoire, Marot programme un conflit burlesque qui interfère avec le débat initial.

Pour cela, il puise en premier lieu dans limaginaire de la farce, où la dispute est bien souvent le moteur dune intrigue rudimentaire qui provoque le rire. La gravure au titre du recueil, qui représente le valet Frippelippes battant le Sagouin, avatar onomastique de Sagon, évoque une action typique de la farce. Marot veille en outre à ne pas préciser lappartenance générique de son texte. Si celui-ci prend la forme dune épître, il nen porte pas clairement le nom. Le titre de la plaquette annonce simplement « Valet de Marot contre Sagon », se contentant de décrire ce qui relève autant dune situation énonciative épistolaire que potentiellement 301dramatique. Cet effet de théâtre est encore plus perceptible à la lecture de certains vers qui jouent de lambivalence du discours ancré dans la situation dénonciation pour faire jaillir sous les yeux du lecteur, devenu spectateur le temps de quelques vers, une saynète de bastonnade :

Zon dessus lœil, zon sur le groing

Zon sur le dos du Sagouyn

Zon sur lasne de Balaan.

Ha villain, vous petez dahan,

Le feu sainct Anthoine vous arde.

Ça ce nez. que je le nazarde

Pour tapprendre avecques deux doitz

À porter honneur où tu doys.

Enflez villain, que je me joue

Sus, apres, tournez lautre joue

Vous cryez ? Je vous feray taire []11.

Certains vers évoquent des gestes et mentionnent même, à la manière dune didascalie interne, la réaction de la victime. En mots dabord : « Vous cryez ? », puis en geste : « Ha villain, vous petez dahan ». À la manière de ce que lon a souvent noté au sujet des sermons joyeux, le texte de Marot « [fait] état de [son] caractère écrit tout en jouant de la pragmatique théâtrale12 ».

Tous ces procédés contribuent donc à modifier le lieu imaginaire du dialogue polémique, du tribunal aux tréteaux, neutralisant au passage linquiétante rhétorique judiciaire de Sagon. La parodie sape les « fondements de la parole13 » et la raillerie portée par la voix dun valet autorisé à toutes les grossièretés, permet demporter ladhésion des rieurs. Le leurre parodique témoigne en définitive des capacités dinvention de 302Marot lui-même, devenu parfait dupeur de farce. Le tour est à ce point réussi que cest essentiellement le caractère dérisoire de la querelle qui restera dans la mémoire collective. En témoignent ces quelques mots que Du Bellay adresse à ses détracteurs dans la seconde préface de LOlive : « Si quelques uns vouloient renouveler la farce de Marot et de Sagon, je ne suis pour les en empescher : mais il fault quilz cherchent aultre badin pour jouer ce rôle avecques eux14 ».

Dans ses diverses réponses au Valet, François Sagon devra désormais composer avec ces différents détournements, sévertuant à séparer le sérieux du comique, le digne de lindigne :

Ton parler de si povre estoffe

Ne sent en rien son philosophe

Mais son badin, ou gaudisseur

Son tabourin, ou son farceur

Qui tant mestonna dinsolence

Quil mengendra ung temps silence15.

La rime entre « farceur » et « gaudisseur », éclairée par le mot « badin », montre à quel point Sagon considère lécart farcesque et le recours au style bas comme une forme dinconvenance. Plus grave encore, Marot commettrait avec le Valet une infraction éthique en parlant sous le masque de son valet de fiction. Comme le rappelle Pauline Dorio dans sa thèse sur lépître en vers au xvie siècle, « la transparence de lénonciation épistolaire et lengagement moral de lépistolier constituent deux conditions primordiales à la réalisation du genre16 ». La transgression du poète serait alors le reflet de lhypocrisie de lhomme et in fine la preuve même de sa nature vicieuse :

Escrips moy donc sans secretaire

Si tu as desir voluntaire

Destre desormais diligent

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Doster le roil davec largent,

Et de ton corps faire à ton ame

Ung vaisseau pur sans vice ou blasme17.

Pour samender, Marot devrait donc distinguer le joyeux du sérieux, « oster le roil davec largent », ce quil ne fera bien entendu jamais. On le voit bien, la querelle finit par porter sur la pratique polémique elle-même, qui est comme le reflet des antagonismes originels entre les deux auteurs. Cependant, la transposition joyeuse de la dispute rend également possibles de nouvelles interactions, qui dépassent laffrontement singulier. Les lecteurs et futurs auteurs de la querelle identifient clairement lopération parodique de Marot qui devient progressivement lun des moyens de la perpétuation ludique du différend.

Festivité polémique

En parodiant les codes de la farce, Marot semble définir en creux lexistence dun public qui assiste au spectacle du châtiment de Sagon. La mise en scène du différend – au sens quasi littéral – témoigne ainsi dune volonté de triompher publiquement et collectivement de ladversaire. Les nombreuses références à des rituels festifs dans les textes de la querelle poursuivent ce même objectif. Lun des soutiens de Marot, à la veille de son retour, invitait déjà à la réjouissance générale en évoquant la fête antique des Saturnales :

Voy cy Triton sonant sa grant coquille

Creuse et tortue, et qui saulte et fretille,

Prest de getter en lair une gambade :

Lequel pourtant donne si doulce aubade,

Quil fait soubz luy les Nymphes voltiger,

Voulans, ce semble, en noz jours eriger,

(Comme jadis) les festes Bacchanales,

Ou de Flora, ou quelques Saturnales []18.

304

Quelques mois plus tard, lhumiliation de Sagon, en texte et en image, confirme le retour en grâce de Marot sur la scène littéraire. Contre lusurpateur les libelles se multiplient, linfamie est châtiée par le rire collectif et la querelle prend la forme dun rituel dintégration-exclusion. Voilà qui explique en partie les fréquentes comparaisons de Sagon à un âne. La bête était en effet au centre de plusieurs rituels festifs comme celui de la Fête de lânesse de Balaam, qui se tenait à Rouen, ville dont est originaire Sagon19 : « Zon sur lasne de Balaan20 » peut-on lire sous la plume de Marot qui ne conserve de la cérémonie que limage de la procession, mise au service de la charge satirique : Sagon seul au milieu de tous et puni par chacun. À ce titre, la répétition parfois pénible dinjures dans le corpus de la querelle ne doit pas seulement être interprétée comme un défaut de littérature. Elle est en fait la reproduction lexicale dune brimade collective, de lacharnement punissant la déviance, du scandale sanctionné par le bruit.

De fait, la plupart des termes employés dans les textes de lépoque pour qualifier la querelle rendent compte de lagitation collective née du conflit dans lespace public. Ainsi en va-t-il du substantif « huterie21 », probablement dérivé de « hutin » qui signifie « querelle, bruit, manifestation bruyante », mais aussi du mot « tabut22 » ou du substantif « tintouyn23 ». Lon mesure surtout ce vacarme de papier à lextraordinaire nombre de publications émises en un temps très court, entre lété 1537 et le début de lannée 1538 tout au plus. Tout porte à croire que lon suivait avec passion la querelle Marot-Sagon, comme un « feuilleton illustré » selon les mots de Philippe Desan24 :

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Les gens en ont les cerveaulx assotez

Et estourdiz, Car ung petit follet

Sen va criant, le debat du vallet

Clement Marot contre Françoys Sagon

Ung aultre vient qui crie en son jargon

Portant o soy de papiers ung pacquet

Qui veult qui veult : le rabaiz du caquet

De Fripelipe et de Marot Clement

Dict rap[e][]25.

Ce passage évoque une situation courante, celle du crieur de rue ou du libraire ambulant, paquet de papiers sous le bras ou dans une hotte, assurant la réclame des nouveautés littéraires. Les cris de la querelle seraient-ils assourdissants au point den donner des maux de tête ? Lun des bois gravés dun libelle, à la facture rudimentaire, laisserait presque deviner un homme se tenant la tête dune main ou se bouchant les oreilles26. Nest-ce pas le même engouement que décrivent ces quelques vers de Sagon adressés à Marot ?

Car je te promectz que jay dueil

De veoir que par jugement dœil

Nous sommes au peuple une histoire

Ou fable en chascun auditoire27.

Un « auditoire » désigne, outre la salle daudience dun tribunal, un « lieu où on sassemble pour écouter quelquun » et, par métonymie, « un ensemble de personnes réunies pour écouter quelquun28 ». Sans confondre cette dernière définition avec le concept bakhtinien de « place publique », il est pourtant clair que la querelle porte en elle la possibilité dune convivialité dans lespace public, surtout en milieu urbain. On se lit, on commente, on intervient dans cette querelle en fonction de ses affinités et les lecteurs deviennent vite auteurs à leur tour. En rééditant à souhait les libelles, limprimerie permet lavènement dune scène discursive sur laquelle le conflit se pratique sur le mode ludique 306de la compétition, entre des auteurs issus de zones géographiques et de catégories sociales variées29. Le tout prend lallure dune mascarade énonciative : lanonymat, le recours aux prête-noms, à lanagramme et aux avatars permettent à chacun de se livrer à lexercice polémique en engageant sa personne à des degrés de sincérité variables. Les personnages du Sagouin, de Frippelippes et autres sont réemployés, remaniés au gré de linventivité des participants. Lorsque des réconciliations entre les deux ligues sont organisées, elles prennent naturellement lapparence dune ordonnance parodique :

Veu et consideré que cest do vivre en bonne paix (dict honneur) après parties par nous oyes ensemble les conditions proposées par nostre bien aymé Clement Marot. Nous à la requeste de Sagon tenons par ratiffiée la paix accordée entre les dictz Marot Sagon et aultres cy presentz30.

Au « banquet dhonneur » sont convoqués tous les acteurs dune distribution polémique qui mêle les poètes et leurs avatars :

Venes y tous, entre autres viens Marot,

Viens tost paige laisse brusler ton rot

Suis ton maistre Sagon, toy Huterie

Fais bonne myne et garde que ne rye,

Fripelippes ne demeure derriere

Aupres ton maistre auras place premiere31.

Cette réconciliation burlesque autorise peut-être à rapprocher la forme de la querelle dautres manifestations festives reposant sur le conflit et la parodie épique. On pense en particulier à la Bataille et paix du glorieux pensard à lencontre de Caresme, dans lequel le rituel calendaire est illustré par une sorte de jeu-combat entre Charnau, Carême et leurs ligues. Après de nombreuses provocations, les opposants finissent par se livrer une bataille comique à laide daliments gras contre maigres. Cest à coup de boyaux que les troupes de Charnau sen prennent à celles de Carême :

307

Len ma gecté par le visaige

Ung boyau tout ort et merdoulx,

Quil nest homme, tant soit il saige,

Qui nen eust plus dung an la toux32.

Entre les belligérants de la querelle, les « mauvais ditz » – est-ce un hasard si le mot trippe, appelé à la rime par « Fripelippes » est lun des grands leitmotiv de la querelle ? – constitueraient autant d« aspersions sales33 » que séchangent les deux ligues, Marotins et Sagontins. On le voit bien par ce dernier exemple, la modification de la dispute par Marot aboutit à une perpétuation joyeuse du différend, pensée selon des modèles familiers de réjouissance collective. Lidentification des modèles détournés – cest-à-dire de lopération parodique elle-même – fournit aux intervenants un outil de compréhension du différend, mais aussi un principe dinvention poétique. Mais sagit-il encore là de parodie ? Ne faut-il pas plutôt conclure à une forme de dialogisme où lon verrait le rituel festif et la culture joyeuse servir de modèle dintelligibilité à une querelle dont on ne percevait pas, à lépoque déjà, les frontières et la nature exacte ? Est-ce à dire, par conséquent, que la reconfiguration parodique du différend ait neutralisé la dangerosité et la part scandaleuse de la querelle pour la transformer en pur objet de joyeuseté ? Lintervention de la Confrérie joyeuse des Conards de Rouen révèle les limites de la connivence et permet dévaluer les rapports complexes entre polémique, satire et rituel festif.

Une concurrence satirique et joyeuse ?

Cest un fait bien connu que lintervention dans la querelle de la confrérie des Conards, qui avait en charge, notamment à Rouen, la production des festivités en période de Carnaval34. Les dignitaires des Conards sont les 308auteurs avérés de trois libelles, dont deux sattachent à réconcilier Clément Marot et François Sagon. Labbé des Conards de Rouen signe un sermon parodique dans son Appologie35 où il appelle les deux adversaires à la paix, mais on lui connait également un texte intitulé La premiere leçon des matines ordinaires du grand abbé des Conardz de Rouen36 dans lequel il répond à lun de ses contradicteurs. Dans De Marot et Sagon les treves37, Constantin le Grant, « secrétaire de labbé des Conards à Caen », fixe les conditions dune trêve entre les deux ligues, qui doit commencer aux alentours du mois daoût 1537, quelques mois à peine après la parution du Valet. Ces interventions faites en qualité dappointeurs38 cachent toutefois des enjeux plus profonds, relatifs à la fonction sociale de cette confrérie joyeuse.

Labbé des Conards reproche en premier lieu à Marot et à Sagon leurs propos inconvenants, rappelant à lordre ces deux poètes qui ont en leur esprit « de toutes les muses [] les graces infuses39 ». Il entend ainsi « reformer les vices / De ces deulx folz, noz glorieux novices40 », leur défendant « ne user de coups, faire, dire, nescrire / Faictz quilz ne soient joyeux et bons pour rire41 ». La position d« appointeur » occupée par labbé et ses sous-fifres est ainsi relativement conforme à ce que lon sait du rôle joué par les dignitaires des confréries joyeuses dans la société. Katja Gvozdeva, sappuyant sur les travaux dAdolphe Rochas, rappelle quà lAbbaye joyeuse de Pierrelatte, « labbé prêtait le serment dentretenir la jeunesse en bonne paix et amitié42 ». Il est vrai que ce qui tourmente les 309dignitaires des Conards en 1537, cest la place prise dans lespace public par la querelle Marot-Sagon, la bruyante passion pour ce différend à Rouen et en Normandie. Labbé des Conards redoute que les adversaires en viennent aux mains : « Ne reste plus quà jouer des cousteaulx / ce quilz feront quelque ung de ses matins / Ou se mordront comme font les mastins43 ». Le secrétaire de labbé des Conards à Caen craint des violences plus grandes encore entre les partisans des deux ennemis : « Si que souvent maint homme se querelle / À son amy, et grans debatz sen sourdent / Jusquà tuer44 ». De tels propos laissent perplexe. Les avis étaient-ils à ce point tranchés quon en fût venu au point de se tuer en défense de Marot ou de Sagon ? Peut-être y a-t-il une part de vrai, dans la mesure où lauteur anonyme de la Responce à labbé des Conards se sent tenu de rappeler la limite infranchissable entre les paroles et les gestes :

Là où tu parles de cousteaux.

Je ne voy que les Maroteaulx

(Comme tu dis) ou Sagouyns

Demy barbares, et Touyns

Aient escript, ou faict, ou dict

Ung seul mot qui vienne à ton dict45.

Il faudrait donc admettre que les textes de la querelle ont dû cesser dêtre perçus comme des objets joyeux pour que cet auteur fût obligé de rappeler leur caractère inoffensif. Dans le même recueil, lauteur conteste définitivement la réelle dangerosité de la querelle :

Or entre se batre, et escrire

Y a plus dune lieue à dire :

Et par sentrepicquer de plume,

Lesprit se resveille, et sallume.

Seulement par joyeuseté

On escript maint petit traicté46.

310

Faut-il alors prendre au sérieux les inquiétudes de labbé des Conards ? Dans la mesure où lAppologie faicte par le grand Abbé des Conards prend la forme dun sermon joyeux, sans doute pas. De fait, à la lecture des textes, on devine surtout lenthousiasme des confrères pour laffaire Marot-Sagon. Le secrétaire des Conards à Caen décrit tout autant les plaintes que la franche gaîté que suscite le conflit dans les rangs mêmes de la confrérie : « Tous noz conardz en font gemissemens / Et moy aussy, ensemble nostre abbaye / Mais tout le monde en rit la gueulle baye47 ». On rit certes des injures parce quelles sont ridicules, mais peut-être aussi parce quelles réjouissent. Au sujet des Conards, Michel Rousse affirmait dans sa thèse :

[] il semble quils [les Conards] aient joui dune certaine autorité intellectuelle et morale, non seulement à Rouen, mais bien au-delà. Et cest sans doute ce qui explique lintervention de labbé des Conards dans la querelle Marot-Sagon48.

Le constat demeure juste, mais peut être nuancé. Émettons lidée selon laquelle lattitude des différents dignitaires ne témoigne pas tant de linquiétude de voir le conflit dégénérer que de celle dassister impuissants à une manifestation satirique publique dont ils sont habituellement les principaux promoteurs, en période de Carnaval notamment :

Some of these groups were there simply to display their magnificent costumes ; others including those who accompanied the carts, were part of amusing, or satirical set pieces. They often carried placards of handed out printed broadsheets with relevant lines of poetry, or else recited verses aloud49.

En surestimant la gravité du conflit, que Marot avait cherché à atténuer dans le Valet, les Conards ne chercheraient-ils pas à neutraliser les effets de cette actualité brûlante qui leur dispute à coup de libelles lexclusivité dune performance joyeuse dans lespace urbain ? Eux-mêmes avaient fait de limprimerie lun des supports privilégiés de leurs événements festifs. Le Triumphe de lAbbaye des Conards50, qui constitue la description détaillée 311de lune des parades de la confrérie, insiste précisément sur le recours à des feuillets placardés ou distribués à la foule, appelés « umbres de Conardie ».

Mais la concurrence se situe peut-être à un niveau plus profond, posant la question des limites de la satire et de son lien avec le rituel festif. Les Conards de Rouen, en temps de Carnaval, avaient pour habitude de faire la satire de vices généraux ou des différents états, mais lon sait que celle-ci a parfois pu dégénérer en calomnie, visant des personnalités nettement identifiables51. En 1509, les Conards avaient mis en scène sous forme dune farce un scandale local : deux chapelains avaient été surpris en train de se faire lire les lignes de la main par des gitanes52. En 1536, soit quelques mois avant leur intervention dans la querelle Marot-Sagon, la confrérie était frappée dun décret du Parlement leur interdisant les attaques ad hominem durant leurs festivités53. La même année, le Parlement de Paris rappelait aux membres de la Basoche la défense de porter atteinte nommément à quiconque54. On comprend mieux dès lors linquiétude des Conards vis-à-vis de laffaire Marot-Sagon. Lannée même où la confrérie voit son droit à la satire restreint, la querelle propose une forme originale de divertissement scandaleux qui, 312en mêlant le vrai au faux, calomnie et parodie, rend possible la critique ad hominem et loutrage en échappant, jusquà preuve du contraire, à toute forme de contrôle. La situation était dautant plus insolite que les libelles mettaient en cause une personnalité rouennaise, en la personne de François Sagon. Du reste, ce ne sera pas la seule fois où les Conards sattacheront à rappeler leur monopole en matière de divertissement public. On a conservé une « criée » de labbé des Conards de 1586 qui défend « de ne porter masque sans son congé » :

Chacun ne peut ignorer que la court

Nait deffendu par arrest magnifique

À toutes gens ayant long nez ou court,

De ne troubler son regne pacifique,

Ny de porter sans sa grace authentique

Masque de jour ny de nuict nullement,

Sur peine à tous que leurs biens on confisque,

Comme infracteurs de son commandement55.

Tout se passe comme si le recours aux pages et valets fictifs, à lanagramme, aux prête-noms, avait rendu possible un débordement de la satire que les Conards eux-mêmes ne pouvaient sautoriser, de surcroît en temps de fête. Mais surtout, la querelle Marot-Sagon constitue un spectacle satirique fortuit. Non seulement elle ne semble ne jamais devoir finir, ce qui est contraire au principe de la fête qui suppose une activité intense mais limitée dans le temps, mais elle se déroule dans une période qui ne correspond a priori à aucun rituel calendaire établi. Voilà donc peut-être pourquoi le secrétaire de labbé des Conards réclame une trêve qui devra durer « jusques au temps que floriront les febves56 », cest-à-dire jusquà lavènement de la période de Carnaval. À supposer que les outrages 313entre Marot, Sagon et leurs ligues reprennent à la fin de cette trêve, ils trouveront leur place dans le cadre réglé de la fête.

Si lon a pu quelques fois envisager la parodie comme un phénomène d« imitation déceptive57 », dans le cas de la querelle Marot-Sagon, cette définition résiste partiellement. La parodie à lœuvre dans le Valet de Clément Marot ne vise pas un hypotexte précis, mais emprunte les codes dun sous-genre dramatique, celui de la farce, pour modifier peu à peu le sens du conflit. Le coup de génie tient à cet usage spécifique de la parodie qui mêle le vrai et le faux et propose, à la manière dune anamorphose, deux images concurrentes dune même réalité. Cette ambivalence ouvre la voie à un phénomène de création collective, de convivialité polémique où les belligérants sadonnent à une pratique ludique du blâme. On pourrait alors envisager de rattacher cette querelle à certaines formes de sociabilités agonistiques bien connues pour la période du moyen français. On songe en particulier à la querelle de la Belle Dame sans mercy, qui se développait déjà selon un principe de collaboration permettant aux continuateurs daméliorer leurs compétences poétiques58. La persistance de cette culture agonistique dans les années 1530-1540 expliquerait linventivité avec laquelle les auteurs de la querelle Marot-Sagon perpétuent leur œuvre polémique commune. Mais le caractère ponctuel et incontrôlable du différend, dont témoignent les efforts plus ou moins sincères des Conards pour le réguler, révèle aussi lembarras suscité par un objet littéraire hybride, dont on peine encore aujourdhui à proposer une lecture univoque. Resterait à approfondir lenquête pour mettre au jour toutes les richesses de cette « povre matiere59 ».

Jérémie Bichüe

Université Paris III Sorbonne-Nouvelle

1 F. Sagon, Deffense de Sagon contre Clement Marot, Paris, Pierre Vidoue, [1537], in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8737) fol. B1v.

2 Ibid.

3 Deffense de Sagon, fol. B2r.

4 [C. Marot], Le Valet de Marot contre Sagon cum commento, Paris, Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1584).

5 Le terme satire sera employé dans les lignes qui vont suivre non pas pour désigner une forme poétique particulière, mais pour qualifier, durant la période qui nous intéresse, une intention, un ton satirique, toujours le fruit dune « conscience morale » selon les mots de P. Debailly (La Muse indignée. La Satire en France au xvie siècle, t. 1, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 11). Partant de ce constat, lactivité polémique peut être définie comme une forme de dialogue satirique « allant de lattaque ad personam à la réfutation théorique » (C. Kerbrat-Orecchioni, « La polémique et ses définitions », dans Le Discours polémique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1980, p. 3-40, ici p. 27).

6 Deffense de Sagon, fol. G3r.

7 Pour une présentation synthétique des différents enjeux de la parodie, nous renvoyons à la mise au point de D. Bertrand dans un dossier consacré à la question (« Introduction : état des lieux », Seizième Siècle, no 2 (La Parodie), 2006, p. 7-19).

8 P. Eichel-Lojkine, Excentricité et Humanisme, Genève, Droz, 2002, p. 202.

9 C. Marot, Œuvres complètes, « Aultre Epistre de Marot qui mandoit aux Damoiselles », éd. F. Rigolot, Paris, Flammarion, vol. 2, p. 557.

10 F. Sagon, Coup dessay, Paris, [Olivier Mallard], 1537, in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8736 (1)), fol. E3v.

11 Valet, fol. B2r.

12 Nous empruntons lexpression à F. Manuel, « Pronostications joyeuses et théâtre polémique : une rencontre paradoxale », Le Théâtre polémique français. 1450-1550, éd. M. Bouhaïk-Gironès, J. Koopmans, K. Lavéant, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 33-47, ici p. 38. Nous renvoyons également à létude de J.-C. Aubailly qui évoque le caractère « mimique » du monologue dramatique : « même les œuvres destinées à être lues sont écrites en fonction dune mise en scène rudimentaire et il est hors de doute que lart de la lecture mimée était fort cultivé » (Le Monologue, le Dialogue et la Sottie. Essai sur quelques genres dramatiques de la fin du Moyen Âge et du début du xvie siècle, Paris, Champion, 1984, p. 4).

13 F. Manuel emploie à lorigine cette expression au sujet des pronostications joyeuses (« Les Pronostications Joyeuses : la parodie au service dune poétique négative », Albineana, Cahiers dAubigné, no 20, 2008, p. 133-148, ici p. 140).

14 J. Du Bellay, La Deffense et illustration de la langue française et LOlive, éd. J.-C. Monferran, Paris, Droz, 2001, p. 238.

15 F. Sagon, Epistre à Marot par François de Sagon pour luy monstrer que Frippelipes avoit faict sotte comparaison des quatre raisons dudit Sagon à quatre oysons, Paris, Gilles Corrozet et Jean André, 1537, in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8736 (13)), fol. A2v.

16 P. Dorio, « La Plume en labsence ». Le devenir familier de lépître en vers dans les recueils imprimés de poésie (1527-1555), thèse de doctorat, Université Sorbonne Paris Cité-Université Paris III Sorbonne Nouvelle, 2017, p. 312.

17 Epistre à Marot, fol. A4v-B1r.

18 Les Disciples et amys de Marot contre Sagon, « Apologie de Maistre Nicole Glotelet, de Victry en Partoys, pour Clement Marot, contre le Coup dessay faict par ung cerité ou mathelineux, nommé Sagon », Paris, [Louis Blaubloom pour] Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1582), fol. A3v.

19 Durant la cérémonie, on rejouait lépisode biblique dans lequel lânesse du devin Balaam, soudainement douée de parole, sen prend à son maître. Cétait semble-t-il un clerc qui revêtait le costume de lanimal et qui recevait en outre, conformément au texte, les coups portés par Balaam. Ce scénario est évoqué dans le Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, Niort, L. Favre, 1883-1887, à lentrée « festum », disponible en ligne sur le site des Éditions en ligne de lÉcole des Chartes (Élec).

20 Valet, fol. B2r.

21 Disciples, fol. E2v.

22 Valet, fol. B2v.

23 Disciples, fol. G3v.

24 Ph. Desan, « Le feuilleton illustré Marot-Sagon », La Génération Marot. Poètes français et néo-latins (1515-1550), Actes du Colloque international de Baltimore, 1996, éd. G. Defaux, Paris, Champion, 1997, p. 348-380.

25 De Marot et Sagon les treves, donnez jusquà la fleur des febves. Par lauctorité de labbé des Conardz, [Paris ?], [Antoine Bonnemère ?], [1537], in-8o, Paris, BnF (Rothschild no 2594 (620 A) (16)), fol. A4v.

26 Les Treves de Marot et Sagon, Données jusques à la fleur des febves Par lauctorité de Labbé des Conardz à Caen., [Paris ?], [Pierre Gromors ?], 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1591).

27 Epistre à Marot, fol. A3v.

28 Entrée « auditoire » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de lATILF.

29 É. Rajchenbach évoque justement la « fonction communautaire » de la querelle (« Une querelle poétique : la querelle des dames parisiennes et des lyonnaises », La Poésie à la cour de François ier, éd. J.-E. Girot, PUPS, 2012, p. 101-119, ici p. 112).

30 Le Banquet dhonneur sur la Paix faicte entre Clement Marot, Françoys Sagon, Fripelippes Hueterie et aultres de leurs ligues. Nouvellement imprimé, [Paris ?], [Alain Lotrian ?], 1537, in-8o, fol. B4r, Paris, BnF (Rothschild no 621 (18)), fol. B4r.

31 Le Banquet dhonneur, fol. A3r.

32 Deux Jeux de Carnaval de la fin du Moyen Âge, éd. J.-C. Aubailly, Genève, Droz, 1977, p. 51.

33 J.-C. Aubailly, « Théâtre médiéval et fêtes calendaires », RHR, no 11-1, 1980, p. 5-12, ici p. 5.

34 « As with many urban festive societies, the primary function of the Abbey of the Conards was the organization of the carnival celebrations in Rouen every year. » (D. Reid, « Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », The Sixteenth Century Journal, vol. 31, no 4, 2001, p. 1027-1055, ici p. 1030.)

35 Appologie faicte par le grant abbé des Conards sur les invectives Sagon, Marot, La Huterie, Pages, Valetz, Braquetz, etc., [Paris], [Antoine Vidoue], [1537], in-8o, Paris, BnF (Rothschild 2594 (620 A) (12)).

36 La premiere leçon des matines ordinaires du grand abbé des Conardz de Rouen, souverain monarcque de lordre, contre la response faicte par ung corneur à lapologie du dict abbé, [Rouen], [Cardin Hamillon], 1537, in-4o. Reproduction du texte par P. A. Bourdier à Paris en 1857, Paris, BnF (Rés. Ye 4610).

37 De Marot et Sagon les treves, fol. B1v.

38 Le terme est synonyme de médiateur selon lentrée du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de lATILF.

39 De Marot et Sagon les treves, fol. A3r.

40 Appologie, fol. A2r.

41 Appologie, fol. A3v.

42 K. Gvozdeva, « Le Jeu du Sacre dans les contextes ludiques, rituels et polémiques », Le Théâtre polémique français. 1450-1550, p. 89-107, ici p. 92. Voir également le travail source dA. Rochas, « Labbaye joyeuse de Pierrelatte daprès des documents inédits et les traditions populaires », Grenoble, X. Drevet, 1887. Il est toutefois douteux que dans le cas de lAbbaye des Conards, le haut dignitaire ait lui-même été issu de la jeunesse. Voir sur ce point les réserves émises par Reid dans « Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », p. 1036.

43 Appologie, fol. A3r.

44 De Marot et Sagon les treves, fol. B1r.

45 Responce à labbé des Conars de Rouen, Paris, Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rothschild no 2594 (620 A) (13)), fol. A3r. Lentrée « touin » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de lATILF donne le sens de « saligaud », « cochon ».

46 Responce à labbé des Conars de Rouen, fol. A3v.

47 De Marot et Sagon les treves, fol. A3v.

48 M. Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, « La Confrérie des Conards de Rouen. Textes de farces, documents darchives », thèse de doctorat, Université de Rennes, 1983, p. 12.

49 Reid, « Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », p. 1030.

50 Les Triumphes de lAbbaye des Conards de Rouen, éd. M. de Montifaud, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1874.

51 A. Floquet, « Histoire des Conards de Rouen », Bibliothèque de lÉcole des Chartes, 1840, t. 1, p. 105-123, ici p. 112.

52 « The first record of their activities comes in 1509, when the cathedral chapter made a note that two chaplains had been caught having their palms read by gypsies, and that the Conards had re-created the scene the next day for the amusement of the public » (Reid, « Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », p. 1039).

53 Archives Départementales Seine-Maritime, Registres du Parlement, 1 BP 9100, Registres darrêts, 7 avril 1536-30 mai 1536 : « La court advertye que aulcuns eulx se disans et nommans conars et leurs complices et alliez se sont vantez et vantent faire quelques amatz et preparatifz pour deshonnorer, injurier et scandaliser aucuns bons personnages de la ville par libelles diffamatoires et autrement en lieux publiques. Et sur ce oy le procureur general du Roy, a ordonné et ordonne que inhibicions seront et sont faictes ausd. eulx disans conars, leurs complices adherens et alliez quils naient à injurier ou scandaliser par parolles diffamatoires ne de faict, par effigie ou paincture ne autrement en lieux publics ne autres, aucunes personnes quelz quilz soient sur peine de punicion corporelles, amendes et autres peines à la discretion de ladite Cour [] » (Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, p. 28). Linformation est reprise par D. Reid : « [] in 1536, the Parlement issued a decree directed at the Conards forbidding them from mocking individuals in their festivities » (« Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », p. 1039) et on la trouvait déjà dans Recherches sur les origines et lhistoire du théâtre à Rouen, avant Pierre Corneille, Rouen, E. Cagniard, 1868, p. 46).

54 Arrêt du 20 mai 1536 : « [] deffenses de ne jouer à la monstre de la Bazoche prochaine, aucuns jeux, ne faire monstration de spectacles, ne escripteaux taxans ou notans quelque personne que ce soit, sois peine de nen prendre à eux [] » (Arch. Nat. X1a 1539, fol. 293). Lextrait est cité par M. Rousse dans Les Clercs de la Basoche et le théâtre comique (Paris, 1420-1550), Paris, Champion, 2007, p. 140.

55 Les Triumphes de lAbbaye des Conards, p. 93. Un décret du Parlement daté de 1570 va dans le même sens. Archives Départementales Seine-Maritime, Registres de Parlement, 1 BP 9283, Registre darrêts, 3 octobre 1569-28 février 1570, vendredi 3 février (Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, p. 88).

56 De Marot et Sagon les treves, fol. B1v.. La fève joue un rôle important dans les rites antiques. Sa nature embryonnaire symbolise la fécondité et le renouveau. Cest la raison pour laquelle elle et se trouve fréquemment associée au rituel du Carnaval qui célèbre le passage de lhiver au printemps. Comme le précise Claude Gaignebet : « daprès les textes pythagoriciens, il faut quarante jours pour que la fève se développe à la manière dun embryon à lintérieur dun homme []. Quarante jours après la fève des Rois, nous parvenons en février, en pleine période de Carnaval. » (C. Gaignebet et M.-C. Florentin, Le Carnaval, essais de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974, p. 149.)

57 Bertrand, « Introduction : état des lieux », p. 9.

58 Voir sur ce point, A. Armstrong, The Virtuoso Circle : Competition, Collaboration, and Complexity in Late Medieval French Poetry, Tempe, Arizona Press University, (« Arizona Center for Medieval and Renaissance Studies » 415), 2002. On renverra également à louvrage de E. Cayley, Debate and Dialogue : Alain Chartier in his Cultural Context, Oxford, Clarendon Press, 2006.

59 Deffense de Sagon, fol. E1v. Cest ce que nous appliquons à faire dans notre thèse consacrée aux stratégies éditoriales et aux sociabilités polémiques de la querelle Marot-Sagon, actuellement en préparation sous la direction de Nathalie Dauvois et de Guillaume Berthon.