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Classiques Garnier

La corpo-réalité de l’homme invisible La mise en écrit de l’auteur dans les manuscrits auctoriaux de deux traducteurs français du xve siècle, Laurent de Premierfait et Jean Miélot

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2018 – 2, n° 36
    . varia
  • Auteur : Delsaux (Olivier)
  • Résumé : Cet article étudie les stratégies mises en place par les traducteurs français du xve siècle pour inscrire leur figure d’auteur dans la matérialité des manuscrits de leurs textes. À partir de l’examen des traces visibles laissées dans leurs manuscrits originaux par les traducteurs, l’article vise à éclairer la nature, les enjeux et la fonction de ces stratégies de corpo-réalité, tant pour l’auteur que pour le lecteur. L’étude se concentre sur les cas de Laurent de Premierfait et de Jean Miélot.
  • Pages : 279 à 309
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406089537
  • ISBN : 978-2-406-08953-7
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08953-7.p.0279
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 29/01/2019
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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LA CORPO-RÉALITÉ
DE LHOMME INVISIBLE

La mise en écrit de lauteur dans les manuscrits auctoriaux de deux traducteurs français du xve siècle,
Laurent de Premierfait et Jean Miélot

Lobjectif de cet article est déclairer les stratégies mises en place par les traducteurs français du xve siècle pour exploiter la matérialité des manuscrits auctoriaux1 de leurs traductions en vue dy inscrire et dy afficher leur figure dauteur et dainsi créer un effet de « corpo-réel2 ». Cet article entend ainsi compléter nos propres recherches sur les stratégies des écrivains de la France des xive et xve siècles pour se mettre en escript dans les manuscrits copiés et/ou corrigés de leur main3. En effet, suivant une tendance commune aux études littéraires sur les lettres françaises de laube de la première modernité, nous avions concentré notre attention sur les auteurs de textes « originaux », négligeant de ce fait les traducteurs4.

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Or, bien que leurs textes et leur figure dauteur trouvent leur origine dans le discours et la figure dune autre figure auctoriale (celle de lauteur-source), nous sommes convaincu que les traducteurs constituent des acteurs à part entière du champ littéraire, dont les stratégies auctoriales furent essentielles dans la construction dune figure dauteur moderne. Dans les prologues médiévaux, le traducteur se présente, certes, comme lhumble transmetteur dun texte dont lautorité lui échappe, mais souvent aussi comme lintermédiaire indispensable à la translatio studii5. Qui plus est, à la fin du Moyen Âge, il nous semble que lon assiste à lémergence progressive dune mise en scène du traducteur comme un auteur à part entière, désireux de mettre en avant lindividualité et lautonomie de son travail, allant jusquà mettre en cause le choix des textes que le prince lettré souhaite voir traduire, ce qui nest guère le cas des traducteurs de la génération de Charles V ou de Charles VI6. Les prologues y sont de moins en moins centrés sur la relation du traducteur avec le dédicataire ou sur lautorité du texte-source, mais davantage sur le processus décriture, le plaisir de la traduction et lesthétique du texte-cible, souvent dailleurs par influence des stratégies auctoriales des humanistes italiens quils traduisent (quil sagisse de Boccace ou de Pétrarque). Cest dans cette perspective que cet article entend modestement contribuer à la mise en valeur de lauctorialité des premiers traducteurs français.

Un autre élément nous a encouragé à focaliser notre étude sur les traducteurs. La critique et la « culture commune » se plaisent à associer lessor de lemploi des signes daffichage personnels – qui sont au centre des procédés utilisés par les auteurs français de la fin du Moyen 281Âge pour construire la corpo-réalité de leur figure dauteur dans leurs manuscrits7 – avec lHumanisme et la Renaissance et l« émergence » de l« individu8 ». Or, les premiers humanistes de la littérature française sont précisément des traducteurs et ils se sont souvent investis dans la production des manuscrits de leurs textes9. Il est donc pertinent dexaminer leur emploi des outils de la corpo-réalité pour en déterminer le caractère inaugurant ou non.

Pour des raisons de faisabilité et afin de maintenir un niveau danalyse suffisamment précis, nous avons choisi de nous concentrer sur deux auteurs, deux figures majeures et représentatives de la traduction à la fin du Moyen Âge : Laurent de Premierfait, réputé être le premier humaniste français à avoir traduit, et Jean Miélot, considéré comme le premier traducteur français professionnel. Outre notre connaissance de première main des manuscrits de ces auteurs – élément indispensable pour une telle entreprise –, dautres facteurs justifient ce choix. Laurent de Premierfait et Jean Miélot sont deux auteurs connus, par ailleurs, pour leur attention à la matérialité du texte et leur intervention très concrète dans la production des manuscrits de leurs textes10. De plus, contrairement à dautres traducteurs « occasionnels » ou « polygraphes », ils ont concentré la majorité de leur travail décriture en français sur 282les traductions et celles-ci constituent un corpus significatif dœuvres (au moins une dizaine de traductions). Enfin, tous deux appartiennent à des champs littéraires-clés dans lhistoire de la littérature française à la fin du Moyen Âge, en général, et dans lhistoire des traductions et des figures dauteur, en particulier : le Paris humaniste à lépoque de Charles VI (pour Laurent de Premierfait) et la cour de Bourgogne de Philippe le Bon (pour Jean Miélot).

Reste à préciser que lorganisation de larticle suit un principe de présentation chronologique et non typologique (par ex., type de manuscrit, type dutilisation, destinataire du manuscrit, type et fonction de la marque de corpo-réalité, etc.). Ce choix répond à une double préoccupation. Dune part, pouvoir mettre en évidence des traces dévolution dans les pratiques auctoriales dun traducteur donné. Dautre part, pouvoir considérer chaque codex comme un tout, en sachant que les pratiques de corpo-réalité ne font la plupart du temps sens que dans le rapport ponctuel et contingent dun livre offert par un auteur à un lecteur.

LAURENT DE PREMIERFAIT

En 1400, Laurent de Premierfait (ca. 1365-1418)11, poète et humaniste champenois ayant jusque-là écrit exclusivement en langue latine, achève son premier ouvrage en langue française : la traduction du De casibus virorum illustrium de Giovanni Boccaccio12. Un seul manuscrit original en a été conservé (Bruxelles, KBR, IV 92013) ; il sagit dun 283manuscrit destiné à la diffusion14 et non dun manuscrit de composition (sans pour autant que lon connaisse son destinataire). Bien que nous ayons pu montrer que ce manuscrit avait été relu et corrigé de la main de lauteur15, ce manuscrit ne présente, à première vue, aucune trace de corpo-réalité. Au contraire, lors de sa relecture et de sa correction du manuscrit, lauteur a pris soin de gratter la seule mention de son nom, qui apparaissait dans lintitulé de clôture – uniquement visible aujourdhui sous lumière ultra-violet – et qui a été remplacée, par grattage, par une formulation générique :

Cy fine le livre de Jehan Boccace « Des cas des nobles hommes et femmes » translaté en françois [*par moy Laurent de Premierfait] / selon le droit latin\16

(Bruxelles, KBR, IV 920, fol. 236r).

Nous pouvons postuler que le traducteur désirait supprimer la seule apparition de son nom dans le manuscrit parce quil naurait plus assumé cette première version, trop latinisante17 ; la corpo-réalité nexiste ici quen creux. Lauteur était bien présent et identifiable dans la matérialité de ce manuscrit, mais uniquement aux yeux de lauteur, voire de ceux qui lui étaient familiers. En effet, dans la majorité des chapitres quil a relus, figure un signe fait de trois vaguelettes ; ce signe indique que lauteur a relu et vérifié le texte du chapitre et quil a validé sa conformité avec le modèle18. Cette marque est propre à Premierfait et il lutilise dans les documents de chancellerie que lon a conservés par ailleurs19. En effet, cette marque apparaît dans des souscriptions autographes de copies conformes et authentifiées, où ce signe vise à attester 284que Premierfait a été présent lors de la confection des copies et quil a vérifié leur conformité avec leur modèle, sur le principe du vidimus20. Dans ces souscriptions autographes, laffirmation de lautographie et donc la publicité de la mise en écrit du corps de lauteur dans le support manuscrit lors de sa confection sont beaucoup plus fortes que dans les manuscrits de ses textes littéraires. En outre, les suscriptions sont accompagnées de la signature personnelle et non reproductible de Premierfait, à savoir son « grand seing manuel », que lon ne trouve dans aucun des manuscrits conservés :

Et ego, Laurentius de Primofacto, clericus Trecensis diocesis, publicus apostolica et imperiali auctoritate notarius, quia superscriptas imperiales litteras originales michi ad exemplandum per perfatum honnorabilem et circumspectum virum Johannem Chanteprime [] et per me de eodem ad predictas originales litteras una cum notario superscripto et testibus pernotatis facta collatione diligenti ipsum cum eisdem litteris concordare [] huic presenti exemplo seu transcripto signum meum proprium unacum signo et subscriptione dicti notarii superius appositi hic me manu mea subscribens apposui rogatus in fidem et testimonium omnium et singulorum (copie authentifiée dune lettre écrite au nom de lEmpereur Charles IV et nommant Charles VI de France, vicaire impérial du royaume dArles, Paris, AN, J 612, no 46bis [souscription et seing manuels autographes]) ;

Nos vero Michael Lalouyer, magister in artibus, et Laurentius de Primofacto, clerici rothomangensis et trecensis diocesis, notarii publici auctoritate apostolica et imperiali quia persnobilem et prudentem virum Johannem Chanteprime domni nostri regis Francie consiliarium et ipsius regis privilegiorum et cartarum thesaurarium, fuimus cum instancia requisisti et rogati ut de eisdem literis regiis in lingua vulgari ispanica superius per dominum Fernandum de Pace [] Ideo eisdem transcriptis suscriptiones nostras ac signa nostra manualia in fidei et veritatis robustius firmamentum descripsimus et apposuimus (copie vidimée de lettres échangées entre Henry III, roi de Castille et Charles VI, Paris, AN, J 916, no 16 [souscription et seing manuels autographes]) ;

Nos vero Laurentius de Primofacto, et Michael Lalouyer, magister in artibus, clerici Trecensis et Rothomangensis diocesum, publici apostolica et imperiali auctoritate [] Idcirco eidem transcriptis suscriptiones nostras ac signa nostra manualia in fidei et veritatis robustius firmamentum descripsimus et apposuimus (ibid., no 19 [souscription et seing manuels autographes]).

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Dans la traduction qui suit dans la carrière du traducteur, celle du De senectute de Cicéron (fin 1405)21 , aucune intervention du traducteur napparaît dans le manuscrit original conservé (Paris, BnF, lat. 778922), qui est dailleurs probablement le manuscrit de diffusion offert au dédicataire, Louis de Bourbon. Cependant, deux choix codicologiques paraissent avoir eu pour fonction de rendre visible et présent lauteur au moment du don et de la lecture du texte, voire dattester de sa présence lors de la confection du manuscrit.

Dune part, le copiste a resserré lécriture de la première page du prologue afin de terminer celle-ci sur le syntagme moi Laurent et dainsi mettre en évidence le prénom de lauteur :

Cy fine le livre de Tulle, « De vieillesse », translaté de latin en françois du commandement de tresexcellant, glorieux et noble prince Loys duc de Bourbon par moi, Laurent [v] de Premierfait, cinquiesme jour de novembre mil quatre cens et cinq. (Paris, BnF, lat. 7789, fol. 104r-v).

Dautre part, dans la miniature qui ouvre la traduction (fol. 34r), la représentation du manuscrit offert par le traducteur au duc de Bourbon correspond à lidentique au manuscrit actuellement conservé, notamment sa reliure de velours rouge. Ce choix iconographique a pu viser à accentuer leffet de corpo-réel de la miniature de dédicace et à renforcer sa dimension performative, dautant plus importante dans le cas où le traducteur naurait, en réalité, pas été présent lors du don effectif du manuscrit au prince23.

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Cinq ans plus tard, dans deux des manuscrits de diffusion originaux conservés (Paris, Arsenal, 5193, sans doute offert au duc de Bourgogne Jean sans Peur24, et Genève, BPU, fr. 190, offert au duc de Berry, dédicataire et commanditaire de la traduction25) de la seconde version de sa traduction du De casibus virorum illustrium de Boccace (1409-1410), Laurent de Premierfait eut pour la première fois recours à une signature (au sens moderne de lemploi autonome du nom de lauteur, indépendamment dune fonction syntaxique dans la phrase). Linterprétation à donner à cette signature a fait débat.

En 1903, H. Hauvette26 était le premier à lidentifier, dans le seul manuscrit Arsenal 5193, où, en effet, le prénom de lauteur apparaît deux fois. La première, à la fin du premier prologue du traducteur, où il est isolé par un blanc et où il est suivi dun signe en forme de trèfle à trois points, fréquemment utilisé par le copiste27 :

Cy fine le premier prologue sur le livre « Des cas des nobles hommes et femmes » translaté de latin en françois [trèfle] [blanc de deux mots] Laurens. (fol. 6b [main T])

La seconde, après lintitulé de clôture de la traduction du Livre i du De casibus, séparé de lui par un blanc et mis en évidence par un bout-de-ligne, sans trèfle :

Cy fine le premier des neuf livres de Jehan Boccace « Des cas des nobles hommes et femmes »

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[1UR] 

Laurent28 [bout-de-ligne] (fol. 48a [main S]).

Pour H. Hauvette, la signature aurait été une sorte de « marque de fabrique » visant à authentifier les manuscrits comme des originaux, contrôlés et autorisés par lauteur.

En 1910, P. Durrieu reprenait cette hypothèse29 et létendait au manuscrit de diffusion original de la traduction, par Premierfait, du Decameron, aujourdhui conservé au Vatican (BAV, pal. lat. 1989, offert au duc de Bourgogne Jean sans Peur30) ; le nom, désormais complet, du traducteur apparaît après lintitulé de clôture du texte, selon une configuration similaire à celle du manuscrit de lArsenal :

Cy fine le livre appellé « Decameron » [] qui nagueres a esté translaté premieremant en latin et secondemant en françois à Paris [] par moy Laurent de Premierfait, familier dudict Bureau, lesqueles deux translations par iii ans furent acomplies le xve jour de juing, lan mil quatre cens et quatorze. [trèfle] 

[1UR] 

Laurent de Premierfait [trèfle] 

(Vatican, BAV, pal. lat. 1989, fol. 327d [main T]).

P. Durrieu estimait que dans les deux manuscrits, la signature était de la main du copiste du texte et il émettait donc lhypothèse quil pourrait sagir de la main de lauteur, qui aurait copié ces deux manuscrits en entier, signature comprise.

En 1974, C. Bozzolo découvrait deux signatures similaires dans le manuscrit original de Genève de la seconde version du De casibus (voir supra). La signature apparaît à la fin du prologue de lauteur et à la fin du Livre II, à chaque fois précédée de ce « trèfle » :

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Et que il conduye ma plume diligemment escrivant sanz langoreuse peresse au commun proufit de tous et a louange divine [trèfle] [pied-de-mouche] Laurens

(1er prologue du traducteur Genève, BPU, fr. 190, I, fol. 5d [main T])

Cy fine le second des neuf livres de Jehan Boccace Des cas des nobles hommes et femmes [trèfle] Et tantost aprés les rubriques du tiers livre [trèfle] Laurent [bout de ligne] 

(Livre II, Genève, fol. 82d [main T]).

Elle relevait également que les deux signatures du manuscrit de lArsenal apparaissaient dans des sections du manuscrit transcrites par des mains différentes, que nous avons identifiées par la suite comme les deux mains principales des manuscrits originaux de Laurent de Premierfait (la main S et la main T).

Selon C. Bozzolo, le fait que cette signature soit transcrite par des mains différentes remettrait de facto en cause leur caractère autographe31. Ces signatures témoigneraient simplement du fait que le manuscrit de lArsenal et le manuscrit de Genève seraient la reproduction mécanique, comme en fac-similé, dun modèle quant à lui pourvu dune signature autographe de lauteur, qui aurait cherché à authentifier le manuscrit-modèle aux yeux des artisans du livre. Des copistes auraient ensuite reproduit cette signature de façon automatique ; il ne sagirait pas dune manière pour le traducteur de se rendre présent au lecteur et/ou dauthentifier son manuscrit. Reprenons la question.

Il importe de souligner que toutes les signatures, sauf une (celle du Livre i dans lArsenal), ont été réalisées par une même main, la main T32. Il sagit de la main principale des manuscrits auctoriaux de Premierfait, cest-à-dire celle qui a copié le plus grand nombre de manuscrits originaux conservés et celle qui agit avec le plus dautorité sur le texte ; lon pourrait estimer que la signature du Livre i du manuscrit de lArsenal, transcrite par la main S, soit alors la seule à correspondre au cas derreur ou de reproduction mécanique décrit par C. Bozzolo.

Dans lhypothèse où la main T serait la main de lauteur, les trèfles que cette main utilise à des endroits stratégiques du texte, souvent dailleurs à proximité du nom du traducteur, renforceraient la présence du traducteur dans son manuscrit. Cependant, au vu du profil textuel 289de cette main33, lon ne peut exclure quil sagisse dun simple copiste ou plutôt dun collaborateur du traducteur. Dans ce cas, ces trèfles pourraient afficher une figure, scribale, qui entrerait en concurrence avec celle du traducteur et discriminerait deux types dinscription dans le manuscrit : au traducteur, linscription textuelle et matérielle quest la signature ; au transcripteur, linscription uniquement matérielle quest le trèfle. Lon soulignera que la délégation de la signature à un collaborateur ne démotive pas sa fonction de corpo-réalité ; on peut le supposer vu quà lépoque, la réalisation dune signature pouvait être déléguée à un secrétaire, tout en restant authentique34.

En toute hypothèse, il est probable que les signatures présentes dans ces trois manuscrits nidentifient pas seulement un artisan, lacteur dune production matérielle, mais un auteur, lauteur dune production intellectuelle ; la signature renverrait au texte et non au volume et sa fonction de « corpo-réalité » pourrait être nulle. Le confirmerait le fait que dans les exemples cités, à lexception de celui du Decameron – le plus tardif (ce qui pourrait témoigner dun changement de pratique) –, la signature nest pas redondante avec celle du texte puisque les intitulés de clôture ne nomment pas lauteur ; la signature a donc plus une fonction textuelle que matérielle35. Sa mise en œuvre matérielle au sein du manuscrit relèverait donc autant, sinon plus, dune façon jusqualors inédite de signer un texte français, par lemploi autonome du nom de lauteur, comme dans une lettre – ce qui est dailleurs le cas pour la signature qui clôt lépître dédicatoire quest le premier prologue du traducteur dans la seconde version du Des cas des manuscrits Genève et Arsenal36 –, que dun désir dattirer lattention du lecteur sur la matérialité du nom de 290lauteur et donc sur sa présence possible au moment de la confection et/ou de la validation du volume.

Dans le cas du traducteur Laurent de Premierfait, notaire avec autorité apostolique et impériale et actif à la chancellerie de Charles VI37, les signes de corpo-réalité témoignent probablement du transfert, au sein de manuscrits littéraires, des signes dauthentification et de validation utilisés en chancellerie – sur le modèle, déjà bien documenté, des humanistes italiens38 – ; ces signes visaient à rendre visible la présence dun serviteur de lÉtat ou dun gouvernant au moment de la confection dun acte et à, ainsi, renforcer son authenticité. Ce transfert nest sans doute pas gratuit ; il ne relève pas dune simple déformation professionnelle de la part du notaire Premierfait. Dans le manuscrit littéraire, ces signes pourraient sexpliquer par le statut de Laurent de Premierfait dans le champ littéraire de lépoque ; bien quaffichant ses traductions comme des commandes de grands princes (Louis de Bourbon, Jean de Berry) ou de riches et puissants serviteurs de lÉtat parisiens (Jean de Chanteprime, Bureau de Dammartin), rien nindique quil nait jamais été au service de lun dentre eux de façon fixe et officielle. Ces signes de corpo-réalité ont pu lui servir non seulement à authentifier les volumes quil leur offrait – encore eût-il alors fallu que la notion de copie authentique ait eu quelque valeur pour les manuscrits littéraires –, mais également à se rendre présent auprès du premier possesseur du manuscrit alors quil ne létait pas physiquement. Lon pourrait également émettre lhypothèse que cette signature sinscrivait dans les pratiques épistolaires et essayait dinstaurer avec le prince-dédicataire une relation personnelle, sur le modèle du commerce damitié, alors en plein essor chez les premiers 291humanistes européens, dans le sillage de leur redécouverte des Lettres familières de Cicéron39 – stratégie que lon observe, par ailleurs, dans le texte de ses prologues40. Sur ce point, la situation du traducteur suivant diffère, en partie, de celle de Premierfait.

JEAN MIÉLOT

Dès le début de sa carrière, le traducteur, remanieur de textes et artisan du livre Jean Miélot a disposé dun statut particulier dans le champ littéraire bourguignon du milieu du xve siècle41. Il est le seul à avoir été payé, sur une base régulière, pour la réalisation de traductions et de livres à destination de Philippe le Bon. Cette situation privilégiée lui a non seulement ouvert la voie à une créativité et à une liberté sans équivalent dans la production des textes et des livres fournis au Grand Duc dOccident42, mais elle lui aura également permis dinstaurer une relation personnelle privilégiée avec le prince, dont il était effectivement le « serviteur ». Ce type de relation donne aux signes de corpo-réalité que nous avons pu y trouver une autre dimension et une autre fonction que celles que lon pouvait dégager des manuscrits de Laurent de Premierfait ; cette situation pourrait également expliquer quil soit, à notre connaissance, le seul homme de lettres bourguignon à avoir eu recours à des procédés de ce type43.

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À loccasion du premier travail connu quil réalise pour Philippe le Bon, une traduction du best-seller médiéval quest le Speculum humanae salvationis (1459), Jean Miélot offre au duc un manuscrit de diffusion entièrement autographe : texte, titres, titres-courants et illustrations sont entièrement de sa main (Bruxelles, KBR, 9249-9250), comme lindique le colophon et comme le confirme une expertise moderne44. Cette prise en main totale de la mise en écrit du texte par le traducteur est mise en évidence de façon spectaculaire aux seuils du manuscrit. Jean Miélot y met en abyme ses compétences calligraphiques et artistiques en structurant lintitulé douverture autour de trois lettres à pleine-page (M, S et A, dune part, et C, E et A, dautre part), décorées et colorées selon le modèle de la lettre cadelée des documents de chancellerie (en gras dans les citations qui suivent)45 ; à nouveau, lon observe donc cette intersection entre le littéraire et le juridique des pratiques daffichage de la présence de lauteur intellectuel. Dans le délié de chacune des trois lettres, Miélot a dessiné et peint des figures humaines ou animales :

Minute [deux hommes avec bonnet rouge ; représentant lAT et NT ?] (fol. 1r)

Sensuit le Miroir de la salvation humaine [dragon] (fol. 1v)

Au commandement [] jay à mon pouoir translaté de latin rymé en cler françois ce miroir de la Salvation humaine puys hystoirié, cadelé et escript de ma main, lan 144[9>8] [homme avec chaperon et devise « Savoir vault mieulx que avoir »] (fol. 2r)

[]

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Cy fine le Miroir de la Salvation humaine [homme avec chapeau turc ?] (fol. 110v)

Escript et translaté de latin rymé en françois [gueule de chien tirant la langue] (fol. 111r)

À Lille, à Brouxelle et à Bruges [homme de type oriental] (fol. 111v).

Comme lavait déjà suggéré B. Cardon, lhomme peint dans la cadelure du A au folio 2r pourrait être Miélot : sa main pointe vers le texte et il présente la même figuration que Miélot offrant son livre au duc dans le manuscrit original Bruxelles, KBR, 9278-928046.

Ces cadelures pourraient constituer un rappel insistant fait au lecteur de ses compétences de copiste ; elles témoignent également de son travail hic et nunc de transcription, dont on peut encore observer « en direct » et de façon immédiate le résultat. Ce procédé fréquent dans les manuscrits produits dans le Nord de la France à cette époque47 rend donc présent au lecteur le traducteur dans son travail, non seulement de copie, mais également de traduction vu que ces deux activités sont mises sur le même pied et inscrites dans une continuité dans les intitulés douverture et de clôture du manuscrit (« translaté [] puys hystoirié / cadelé et escript de ma main » fol. 2r et « escript et translaté » fol. 111r). Ces intitulés insistent sur cette performance, en particulier de par la mention précise des villes dans lesquelles a été traduit et transcrit le texte, qui correspondent aux principaux lieux de déplacement du duc cette année-là48, une translation accompagnant lautre. Enfin, la correction de la date de la confection du volume (fol. 2r) renforce cette impression dun artéfact sorti tout droit et encore « tout chaud » des mains du traducteur et qui constitue un prolongement physique du travail du traducteur.

Une dernière modalité dinscription de lauteur dans la matérialité de son texte apparaît au folio 112r ; celle-ci, comme les cadelures, réapparaîtra dans les prochains manuscrits auctoriaux des traductions de Jean Miélot. En effet, lexplicit est précédé dun signe en forme de trèfle et suivi dun 294petit seing manuel, forme simplifiée du grand seing manuel et réputée encore plus personnelle et non falsifiable49. Le premier réapparaît dans plusieurs titres-courants du texte et dans certains lieux stratégiques dans lesquels Miélot aurait pu être désireux de rappeler sa présence, comme lintitulé de clôture du prologue de Vincent de Beauvais ajouté après la traduction du Speculum proprement dite (fol. 102v) ; par contre, le second, qui devait être la signature personnelle de Miélot, est le seul exemple observable chez Miélot et a fortiori dans ce manuscrit. Lon pourrait penser que Miélot a distingué deux types de signature : une signature littéraire (le trèfle), distinguée de sa signature officielle, administrative (le petit seing manuel), mais quen 1449, fraîchement entré au service du duc à titre tout à fait officiel, il lui avait paru logique demployer, face au prince, une signature conforme à son statut de serviteur ; lon avait pu observer cette distinction entre signe de corpo-réalité officielle et littéraire chez Laurent de Premierfait.

De façon globale, dans ce manuscrit destiné au commanditaire et protecteur ducal, la corpo-réalité semble destinée à créer et affirmer un lien personnel et intime avec le prince. Lon notera dailleurs que nulle part Miélot ne se nomme dans le manuscrit ! Pour le traducteur et pour le duc, il était clair que le je qui avait traduit et produit le manuscrit et qui laffirmait aux seuils de son livre était Miélot. Dans le manuscrit Paris, BnF, fr. 6275 du même texte (transcription autographe, non affichée), Miélot se nommera, mais, fait peut-être significatif, il sy désigne à la troisième personne, sortant peut-être de cette logique performative – moderne – de lénonciation par le je :

lequel a esté translaté par.Jo. Mielot sans y riens mettre du sien50 (fol. 50c).

Lon ignore la destination initiale du manuscrit parisien ; il est peu probable que le manuscrit ait été destiné à Philippe le Bon, vu labsence de 295marque de propriété et son absence dans les inventaires, où apparaissent pourtant la majorité des manuscrits de Miélot offerts au duc. La corpo-réalité « pure », cest-à-dire dépourvue du nom même de lauteur comme dans lexemplaire bruxellois, est réservée à un lecteur précis et choisi ; cest dailleurs pourquoi il est peu probable que Miélot ait produit ce manuscrit à son propre usage51.

Moins dun an plus tard, Jean Miélot offre au duc Philippe le Bon le manuscrit Bruxelles, KBR, 10958 (transcription autographe, non affichée). Il sagit dun manuscrit de diffusion de la Vie et des miracles de saint Josse (1449), traduction et mise en prose de sources latines diverses consacrées au saint52. Nulle part dans le manuscrit, en particulier dans les intitulés de clôture des différentes sections du livre, Miélot ne recourt à des affichages spectaculaires de son travail de copie (du type cadelure à pleine-page) et il ne fait pas mention de son travail de transcription ; voir par exemple :

Cy fine la vie du glorieux confez et ami de Dieu saint Josse, second fil de Juthael, roy de Bretaigne la Grant, qui maintenant sappelle Angleterre, et fu translatee de latin en françois lan mil ccccxlxi (fol. 64v)

Cy fine lapparition de la main de Nostre Seigneur beneiçant lostie lors que saint Josse celebroit messe le jour saint Barnabé, et fu translattee de latin en cler françois par Jo. Mielot lan de grace mil quatrecens xlix (fol. 75v)

Cy finent aucuns miracles du glorieux confés et amy de Dieu, monseigneur saint Josse, second fil de Juthael, roy dAngleterre, et furent translatez de latin en cler françois par Jo. Mielot, lan mil quatre cens quarante neuf (fol. 141v [fin du manuscrit]).

Lon notera que Miélot utilise systématiquement la 3e personne et quil ne se nomme que deux fois, à la toute fin du manuscrit (fol. 141v) et lorsque précisément il est question de lapparition de la main de Dieu (fol. 75v).

Deux années plus tard, en 1451, Jean Miélot achève la transcription de deux manuscrits de diffusion de sa troisième traduction, celle du 296Miroir de lame pecheresse, traduction du Speculum aureum anime peccatricis (expertise moderne et affichage dans le ms.). Miélot y reprend et approfondit les procédés quil avait mis en œuvre dans son premier manuscrit auctorial (KBR 9049) ; il nest dailleurs sans doute pas anodin quil sagisse dans les deux cas de miroirs, dont le principe textuel spéculaire a pu lui inspirer ce désir de se montrer au lecteur copiant à la main le texte que celui-ci, de lautre côté du miroir, pouvait lire et suivre à la main (voir infra). En effet, dans lintitulé de clôture Jean Miélot affirme, affiche et accomplit lautographie du manuscrit, fournissant dailleurs, comme pour le Miroir de la salvation, des précisions sur la localisation de son travail et insistant sur limmédiateté de son geste (« nouvellement escript »). Ce procédé crée également encore un continuum entre son travail de traduction et celui de copie53, assurant donc la présence de sa figure auctoriale de traducteur à travers sa figure de copiste et de fabricateur de livres54 :

[La Haye, KB, 76 E 955]

Sensieut la translation du (fol. 1r[motif identifiable dans la cadelure : serpent]

Miroir de lame que fit jadis en latin (fol. 1v[deux visages] 

[miniature avec moine écrivant] ung chartreux Et puis a esté (2r)

Nouvellement escript et translaté (fol. 2v) [motifs géométriques]

De latin en françois et achevé (fol. 3r) [motifs géométriques]

Par Jo. Mielot né de Picardie (fol. 3v) [motifs géométriques] 

À Brouxelles lan mil cccc l ung (fol. 4r) [motifs géométriques]

En la fourme et stile qui sensuit (fol. 4v) [motifs géométriques] 

[Bruxelles, KBR, 1112356]

Prologue sur ce petit traictié translaté de latin en françois lan mil iiiic cinquante i (fol. 2r) [motifs géométriques]

[] 

Cy fine ung petit traictié intitulé [] puis a esté translaté de latin en françois et escript par.Jo. Mielot lan 1451 (fol. 79r).

297

Cette insistance sur le geste autographe et sur la présence de lauteur dans le manuscrit explique sans doute son choix de reprendre le procédé des cadelures à pleine-page, non convoqué dans Saint Josse.

Le manuscrit de diffusion Bruxelles, KBR, 11035-11037, produit un an plus tard, atteste à nouveau de lanonymat quautorise lintervention autographe de lauteur-traducteur dans un manuscrit de son texte. Fait notable, ce manuscrit est un livre dheures de Philippe le Bon, quil reçut en héritage de son grand-père Philippe le Hardi et quil fit ensuite compléter57. Miélot y transcrit plusieurs prières, en latin et en français, mais surtout sa mise en prose des Vigiles de morts de Pierre de Nessons, qui en constitue lunique exemplaire connu à ce jour et sans doute le manuscrit princeps58. Miélot ne sy nomme pas, mais précise, à louverture et à la fermeture du texte, le lieu et la date de traduction du texte :

et puis translatees en prose lan de grace mil cccc cinquante et ung en la fourme qui sensuit (fol. 99v)

[] translatees en prose a Brouxelles lan mil cccc et l ung (fol. 144r).

Miélot transcrit ici un texte dans un livre « intime » de Philippe le Bon, qui pouvait probablement, sinon reconnaître la main de son serviteur Miélot, à tout le moins être au fait de lauteur de ce dérimage et de son intervention dans le manuscrit. Dans ce contexte, la prise en main de la copie du texte lui permettait vraisemblablement de se rendre présent auprès de son destinataire.

Reste à examiner les trois derniers manuscrits auctoriaux de Jean Miélot connus à ce jour : ces trois manuscrits se distinguent du reste des manuscrits originaux et auctoriaux du traducteur par leur facture moins luxueuse (absence de dorure, emploi dune lettre courante, illustrations 298à lencre, variation importante dans la mise en page dune section à lautre du volume). Cette facture a conduit la critique à émettre des hypothèses sur la destination et la fonction de ces manuscrits, dans une perspective qui nest pas anecdotique pour notre propos. En effet, la critique a souvent estimé quil sagissait de manuscrits préparatoires et/ou de manuscrits personnels, qui nauraient pas été destinés à des lecteurs, a fortiori princiers. Plus récemment, la critique a reconsidéré cette vision pour considérer que ces manuscrits constituaient des manuscrits de diffusion particuliers, éventuellement susceptibles dun autre type dappropriation de la part du lecteur59 puisquaucun élément textuel ou matériel (par exemple des fautes ou des accidents) nempêche une lecture linéaire et efficace de ces textes.

Commençons par le manuscrit de diffusion autographe Bruxelles, KBR, II 239, produit une dizaine dannées après le manuscrit Bruxelles, KBR, 110135-110137 que nous venons dexaminer60. Dans ce manuscrit, Jean Miélot renoue avec le principe de la performance et du « tour de force » calligraphique du début de sa carrière61. Outre lexécution des illustrations et des arbres généalogiques, un examen paléographique montre que Miélot a assuré la copie de lensemble de ce manuscrit conçu en « mode paysage », en ajustant en permanence le texte de sa traduction pour le conformer aux contraintes dune telle mise en page, produisant un texte aux variantes textuelles uniques62. Certes, le manuscrit ne présente pas de cadelure à pleine page, mais il commence sur une double mise en escript spectaculaire. Tout dabord, le livre souvre sur une 299vignette autographe figurant la présentation du livre par Jean Miélot à Philippe le Bon (fol. 1r). Le manuscrit enchaîne, ensuite, directement sur une autre prouesse calligraphique, une mappemonde entièrement de la main de Miélot (fol. 1v), mappemonde géocentrée et dont les éléments sont disposés en cercles concentriques. Lexécution autographe de celle-ci a pu viser à suggérer le rôle central et conducteur de Miélot dans la confection et la lecture du manuscrit et servir de métonymie de sa prise en main de lensemble du livre. La dimension auctoriale de ce geste autographe pourrait dailleurs être confirmée par linsertion dun paraphe en forme de trèfle à cet endroit.

Si, dans ce manuscrit, Miélot ne fait nulle part mention de son travail de copie – peut-être parce quil était évident pour un serviteur actif depuis plus de dix ans à la cour ducale et dont la main était devenue reconnaissable –, il actualise les dates données dans les seuils de la traduction. Ces dates constituent une sorte de journal du travail de lauteur, à la fois traducteur et artisan dun livre. En effet, la traduction date de 1452 (voir fol. 2r et filigranes des fol. 1-36), mais le manuscrit témoigne dun état du texte continué et actualisé par Miélot en 146063. Cependant, la confection du manuscrit bruxellois semble avoir été commencée en 1462-146364 et achevée vers 1468-147265. Dans cette situation, il est étonnant que Jean Miélot ait maintenu les dates de 1452, 1460 et 1462-1463. Cependant, ces « incohérences » et ces « maladresses » ont 300peut-être été voulues. Elles auraient visé à témoigner du travail in progress de traduction et de révision du texte, dune part, et de confection du livre, dautre part, sans que Miélot nait éprouvé le besoin – propre au philologue moderne – de lisser ces dates. Ces accidents pourraient être destinés à rendre conscient le lecteur de la présence, bien humaine et donc imparfaite, du traducteur-transcripteur dans le livre66.

Cette dimension performative – et presque ludique – apparaît encore dans la dernière section du manuscrit (fol. 60r-69v)67, constituée de diverses généalogies copiées par Miélot, dont celle de Philippe le Bon (qui termine la section et le manuscrit). Celle-ci se termine par lexplicit-colophon « Fait à Lille lan de grace Mil cccc soixante iii » (fol. 69v [en module dune taille triple par rapport au reste de la page]), date qui correspond à celle des filigranes des folios de cette section68 ; le traducteur-copiste y met donc en évidence son travail, global, de rédaction et de copie69.

Enfin, selon nous, la transcription par Miélot de son arbre généalogique dans le manuscrit nest pas entièrement conjoncturelle, destinée quelle serait à combler un verso vierge à la fin de la première section70. Cet arbre constitue la signature du livre et vise sans doute à entrer en écho avec celui du protecteur de Miélot, celui de Philippe le Bon, à la fin de la troisième section.

Le manuscrit Paris, BnF, fr. 17001 (ca. 1468-1470) – entièrement autographe, illustrations comprises – procède également dune ouverture généalogique et auctoriale de la main de lauteur. Ce manuscrit a souvent été considéré par la critique comme le paradigme du travail 301calligraphique de Jean Miélot71. Pour comprendre la fonction des stratégies de corpo-réalité à lœuvre dans ce manuscrit, il importe, comme pour le précédent manuscrit, de bien en saisir sa composition. Le manuscrit se structure selon trois sections, copiées à des dates différentes72.

La première section souvre par une réflexion sur la nomination des êtres (fol. 2r) ; ce court développement dune page sur le nom attribué par Dieu à Adam semble en fait un prétexte à lintroduction du dévoilement du nom du producteur du manuscrit (Miélot), qui se déploie sous la forme dun labyrinthe au verso (fol. 2v) ; la toute fin du texte du fol. 2r le précise, dans une phrase matériellement mise en évidence par lemploi dun module décriture réduit et qui se clôt sur un explicit précisant la date et le lieu de la copie :

Semblablement, se aucun vuelt savoir le sournom de celluy qui a pourtrait les lettres, cadeaulx ou caracteres de ce livret, il prendra son chemin vers Orient, puis vers Midy, en tirant vers Occident et, par le North, vers Septentrion, jusques a tant quil parvendra au centre ou quel est la maison de Dedalus, quon dist laberinthe, et en contournant par les chambrettes de ladicte maison de Dedalus cy aprés descripte, en chascune recueillant par ordre une seule lettre, enfin, à layde de Dieu, il obtendra son optat, comme il appert bien a plain en le practiquant.

[trèfle] Explicit.1468. [trèfle]

Fait a Lille lan iiiic lxviii

(Paris, BnF, fr. 17001, fol. 2r)

Le choix du terme pourtraire pour désigner le travail calligraphique de Miélot nest pas gratuit : certes, le mot, à la première lecture, dit le travail de « traçage » voire d« ornementation » accompli, mais il pourrait 302suggérer le processus même de mise en écrit de la figure de lauteur au travers de ce travail décriture (le sens de « représenter qqch/qqn par le dessin » est attesté, voir DMF).

Si le nom de lauteur napparaît pas au lecteur avant quil ait atteint le verso, ses trèfles caractéristiques entourent lexplicit et pourraient tenir lieu de marque personnelle à un lecteur familier, comme le furent, semble-t-il, la majorité des destinataires de ses manuscrits auctoriaux. De toute manière, au verso, le lecteur trouvera le nom de Miélot, présenté sous la forme dun labyrinthe (fol. 2v). P. Schandel73 a eu raison de rapprocher le labyrinthe du folio 2v de ceux que lon trouvait sur le sol de la nef de certaines cathédrales du Nord de la France et qui donnent le nom de leur architecte. Lon peut également remarquer que la résolution du labyrinthe oblige le lecteur à suivre avec son doigt les tracés de lauteur et donc à entrer en contact direct avec les tracés laissés par la main de Miélot, dans une logique presque spéculaire et réflexive de touchant-touché (voir supra).

Après ce portique qui met en évidence le nom du transcripteur et de lauteur de la majorité des textes du manuscrit, Miélot a inséré, avant la copie du premier texte proprement dit, un intitulé faisant office de colophon (fol. 3r-5v), en reprenant le format de la séquence de pages à cadelures à pleines-pages quil avait mis au point au début de sa carrière. Miélot y recourt à nouveau, mais en introduisant une variante ; son nom nest plus inscrit tel quel, avec des lettres, mais sous la forme dun rébus, résolu par P. Schandel :

Copye (fol. 3r) [dans le délié de la lettre : dessin des parents de saint Fursy]

Dune belle (fol. 3v) [dans le délié : dessin de saint Fursy]

Minute (fol. 4r)

Minutee par (fol. 4v) [dans le délié : dessin de Saint Folian et de saint Ultain, frères de saint Fulsy]

Jo. Mielot (fol. 5r [= rébus imagé]).

Le choix de saint Fursy et de ses parents pour orner les déliés des lettres sexplique, comme la montré P. Schandel, par lhistoire personnelle de Miélot, natif de Gaissart les Ponthieu, qui abritait une châsse de saint Fursy : Miélot vouait sans doute un culte particulier à ce saint74 ; il 303écrira également, à lépoque de la confection du manuscrit Paris, BnF, fr. 17001, une Vie et miracles de saint Fursy75.

Lemploi de ce « feu dartifices » calligraphique à louverture du livre vise sans doute à attirer lattention du lecteur sur ses compétences et sa performance de copiste, mais également à rendre présente sa figure dauteur. Dans un geste publicitaire dinvite à ladmiration et à la contemplation, la taille des lettres et les dessins insérés dans les déliés attirent nécessairement lattention du lecteur sur son travail de copie, à la fois celui qui est en train de se faire en même temps quil est énoncé et celui qui suit dans le manuscrit, et qui a probablement déjà été accompli au moment où ce seuil est transcrit.

Après cette ouverture spectaculaire, suit, au folio 5v, la traduction par Jean Miélot de lEpistre à Quintus de Cicéron, dédiée à Charles le Téméraire76, qui souvre sur le prologue du traducteur et un dessin autographe de présentation du livre au prince77 ; le prologue présente un trèfle (fol. 6r) et de petites cadelures de quelques lignes de hauteur, qui reprennent des motifs utilisés dans dautres manuscrits de Miélot, par exemple la gueule ouverte (fol. 6r, 7r, 8r) et qui tiennent donc, sans doute, lieu de leitmotiv et de rappel visuel de la figure de lauteur78. Le prologue ne fait aucune mention dun travail de copie et ne donne aucune précision géographique ou chronologique, lintitulé douverture géant en tenant probablement lieu. Par contre, la traduction se termine, comme elle souvrait, sur un développement à pleine page des éléments du péritexte relatifs à lhic et nunc de la copie et à la figure de lauteur-transcripteur, avec pour nouveauté 304lemploi, plutôt quune seule lettre à pleine-page et de lettres minuscules, de plusieurs lettres « à pleine page » sur une même page :

Cy fine une tresbelle epitre de Tulle laquelle il escripvy jadis à Quintus son frere lors quil avoit la charge du gouvernement de la province de Asie, et fu translatee de latin en françois par.Jo. Mielot prebstre natif du diocese dAmiens &c lan mil cccc soixante huyt & cetera. (fol. 25v)

FAIT À LILLE (fol. 26r)

PAR MOY (fol. 26v)

MIELOT [labyrinthe donnant le nom Mielot] (fol. 27r) [les folios 27v, 28r-v nont pas été transcrits].

Lauteur et son travail de copie y sont clairement présentés pour le lecteur et inscrits sur la page à la manière dune écriture épigraphique monumentale.

La formulation « minute minutee » du manuscrit Paris, BnF, fr. 17001 (fol. 4r-4v) ne nous semble pas insignifiante. Elle pourrait constituer un clin dœil et confirmer laspect ludique de ces signes de corpo-réalité : étymologiquement, une minute est un document écrit en lettres menues. Au vu des emplois du mot à lépoque79, les manuscrits que lon nommait minutes étaient le plus souvent des manuscrits préparatoires ou des manuscrits-modèles de manuscrits de diffusion plus luxueux (en lettres grosses) et soumis à lapprobation du destinataire, soit des manuscrits de diffusion encore inachevés. Or, ici, le manuscrit Paris, BnF, fr. 17001 nest ni un document préparatoire, ni un texte en lettres menues, mais un manuscrit transcrit en lettres anormalement développées et dans un livre dont le format est celui des livres habituellement offerts aux destinataires des manuscrits originaux de Jean Miélot. Selon nous, les minutes de Miélot – comme le BnF, fr. 17001, ici considéré, ou le KBR 9049, explicitement désignés comme des minutes, auxquels on pourrait ajouter les manuscrits KBR II 239 et Copenhague, KB, Thott. 1090, qui sen rapprochent codicologiquement (voir supra et infra) – nauraient pas été des manuscrits préparatoires ou inachevés. Il aurait pu sagir de manuscrits de diffusion répondant à une esthétique et à un usage différents de ceux des manuscrits de diffusion généralement produits par lauteur, inscrivant peut-être le livre dans un autre type de rapport au livre, plus individuel80.

305

Pour Miélot, la minute autographe pourrait bien être un manuscrit expérimental. La minute serait un type de manuscrit de diffusion où le transcripteur exécuterait comme à limpromptu une copie selon un format établi arbitrairement à lavance, en fonction duquel il adapterait son texte (ajout déléments de remplissage ; suppression ; resserrement de lécriture ; développement de cadelures) et qui serait réservé à des auteurs. Les manuscrits Bruxelles, KBR, II 239 et Paris, BnF, fr. 17001 sont exemplaires de cette démarche dessai puisque les variations textuelles que lon observe pour leur copie respective de la Briefve compilacion sont le plus souvent dues aux contraintes codicologiques spécifiques de chacun des deux manuscrits, le premier étant transcrit en mode « paysage », le second en mode « portait81 ». Le tour de force quest la minute autographe afficherait clairement lauteur dans la dimension matérielle de son activité ; doù lemploi de ces jeux calligraphiques monumentaux à louverture de ces manuscrits.

La section II souvre, comme la première, sur la précision performative et auto-admirative de Miélot que le lecteur est face à une « minute minutee » par lui-même, avec les cadelures à pleine-page du M, qui devaient revêtir une valeur particulière pour Miélot vu quil sagissait de linitiale de son nom (quil nabrège jamais, au contraire de son prénom) :

Minute (fol. 36r) [motifs géométriques] 

Minutee (fol. 36v) [motifs géométriques].

Cette section débute sur une Genealogie de Nostre Seigneur (jusquen 1460), dont lintitulé douverture prend la forme dune séquence de cadelures, avec, nouvelle variation – qui confirme la dimension ludique de ces inscriptions péritextuelles monumentales –, le placement de deux cadelures par page :

Cy commence La geanealogie (fol. 37r) [gueule pour le C]

De nostreseigneur Jhesucrist Translatee en françois (37v)

Par Jo Mielot Chanoine de Lille (38r) [gueule pour le C]

306

Lan mil CCCC lx En la fourme qui sensuyt (38v).

Suit une courte prière en latin (fol. 39r). Si le péritexte (« pour lacteur » -titre courant- ou pour « pour lacteur qui a fait ou translaté ceste genealogie de nostreseigneur Jhesucrist » -titre-) reste ambigu, le portrait, autographe, qui louvre semble plus clairement destiné à auto-représenter Jean Miélot, assis devant un bureau et face à un feuillet inachevé – et non face à un livre82. Le portrait autographe pourrait avoir pour fonction de rendre Jean Miélot présent au lecteur, au moment justement où il est invité à prier pour son âme – dans une fonction similaire à celle dune pierre tombale ou de lex-libris dun livre donné en héritage83.

Ensuite, après la courte vision dÉzéchiel (fol. 39v-40r), apparaît le texte principal de la section II, la Compilation des histoires de la Bible (fol. 40v-87v), traduction du texte de Jean dUdine, que Miélot avait déjà transcrite dans le manuscrit autographe Bruxelles, KBR, II 239 (voir supra). Lintitulé du texte et le prologue du traducteur débutent tous deux sur une lettre cadelée (un C à gueule). Comme dans le KBR II 239, le texte souvre sur une mappemonde, de la main de Miélot (fol. 41v), et sur une miniature – autographe – représentant le don du livre au dédicataire (fol. 42v). Contrairement à la copie du KBR II 239, mais de façon parallèle au texte principal de la section précédente, la Compilation se termine par un labyrinthe, inachevé (transcrit sur un folio ajouté sur onglet)84.

307

Quant à la section III, elle contient uniquement lanonyme Mors de la pomme (fol. 107r-114v)85. Le manuscrit se clôt par un explicit « mis en scène » : un personnage barbu, dessiné par Miélot en bas à droite du dernier folio porte le texte « Cest cy listoire du mors de la pomme » (fol. 114v).

Comme pour le manuscrit précédent, la destination initiale du manuscrit nous est inconnue ; son statut de manuscrit personnel a été déduit par la critique de ce « sur-affichage » de lauteur dans son manuscrit. Pourtant, selon nous, la présence de jeux sur le nom de lauteur et sa volonté de se mettre en écrit ne sont pas incompatibles avec sa destination à un lecteur tiers, comme on la vu avec les manuscrits destinés à Philippe le Bon, notamment le premier manuscrit auctorial connu dun texte de Jean Miélot quest le KBR 9049 ; pour autant, il a dû sagir dun lecteur connu de lui, avec lequel il avait développé ou comptait développer une relation privilégiée86 et qui était en mesure dapprécier ces jeux auctoriaux et calligraphiques. Enfin, lon notera que la manière dont Miélot se met en scène dans ce manuscrit, de façon souvent monumentale, pourrait sinscrire dans les préoccupations de certains écrivains de la cour de Bourgogne : le souci de construire, par son œuvre, un lieu de mémoire pour son nom et pour celui du prince, sur le modèle du temple ou du tresor87.

Reste à évoquer le troisième et dernier manuscrit du trio final des manuscrits auctoriaux de Jean Miélot : le manuscrit Copenhague, KB, Thott 109088, manuscrit-recueil qui est contemporain du BnF, fr. 17001 (1468) et qui présente un texte commun avec lui : la traduction de lEpistula ad Quintum de Cicéron. Le manuscrit est également, selon notre expertise, entièrement autographe, texte, corrections, titres et miniatures comprises. Par contre, les signes de lauteur y sont limités. Outre 308lexécution autographe des portraits de lauteur89, lon trouve une dizaine de trèfles, dont certains placés à des endroits stratégiques dun point de vue textuel, par exemple la fin de lintitulé douverture de lEpistre à Quintus (fol. 44r), ou matériel, par exemple lexplicit-colophon de cette même Epistre (« [trèfle] Explicit anno lxviii [trèfle] », fol. 66r) ou celui du remaniement par Miélot dune section du Livre des Eschez amoureux moralisés dÉvrart de Conty (« Escript en la ville de Lille lan de grace mil cccc lxviii [trèfle] », fol. 71v). Dans le cas de ce manuscrit, ces signes, comme ceux utilisés par Premierfait, ne sont probablement pas orientés vers le lecteur, mais uniquement vers lauteur, seul à même de les reconnaître.

Cet aperçu des pratiques, contrastées90, de corpo-réalité de ces deux traducteurs français du xve siècle témoigne des évolutions dans les modalités de production et de consommation du texte littéraire, en particulier le lien personnel qui sinstaure désormais entre lauteur et le lecteur et les pratiques de lecture qui supposent un rapport personnel et visuel du lecteur avec le manuscrit. Malgré tout, il semble que certains signes de corpo-réalité peu spectaculaires naient pas été conçus pour être perçus et vus par le lecteur ; ils témoignent peut-être du seul désir de lauteur-traducteur de laisser une trace de son intervention dans le manuscrit, au moment où précisément il doit sen séparer.

Nous pensons également avoir pu montrer que les traducteurs ont autant, sinon plus – en raison justement de leur statut auctorial 309problématique parce que partagé –, cherché à se construire une figure auctoriale forte et, pour le faire, à user de toutes les ressources à leur disposition, notamment le manuscrit, lieu symbolique fort au sein du champ littéraire et culturel de lépoque. Dans cette perspective, semble logique laffichage de la figure du traducteur dans les manuscrits originaux de ces textes selon des procédés scripturaires destinés à la rendre visuellement présente au lecteur. Elle semble même nécessaire pour rendre présent un « homme invisible ».

Cet article entend dailleurs encourager à lexploration des pratiques dautres traducteurs, en particulier ceux de la toute fin du xve siècle et du début du xvie siècle, pour déterminer notamment si lémergence du livre imprimé moderne et la valorisation croissante du statut de traducteur ont eu un impact sur les stratégies de corpo-réalité. Une telle étude suppose le retour aux exemplaires conservés des textes des traducteurs91.

Olivier Delsaux

Université Saint-Louis de Bruxelles

Université catholique de Louvain

1 Par manuscrit auctorial, nous entendons « un manuscrit produit sous la direction de lauteur et dans lequel apparaissent aujourdhui des traces visibles de son intervention (quil sagisse, par exemple, dun travail de copie ou de correction) ». Sur cette typologie, voir O. Delsaux et T. Van Hemelryck, Les manuscrits autographes en français au Moyen Âge. Guide de recherches, Turnhout, Brepols, 2014.

2 Dans le cadre de cet article, nous envisageons la corpo-réalité comme le procédé textuel et/ou matériel par lequel un individu, absent, tâche dafficher sa présence physique aux yeux dun autre individu.

3 O. Delsaux, Manuscrits et pratiques autographes à la fin du Moyen Âge. Lexemple de Christine de Pizan, Genève, Droz, 2013. Sur cette question, voir également S. Lefèvre, « Signatures et autographes : lexemplaire Antoine de La Sale », Auctor et auctoritas : invention et conformisme dans lécriture médiévale, éd. M. Zimmermann, Paris, ENC, 2001, p. 429-456 ; S. Lefèvre, Antoine de La Sale. La fabrique de lœuvre et de lécrivain. Suivi de lédition critique du « Traité des anciens et des nouveaux tournois », Genève, Droz, 2006.

4 Pour un plaidoyer en faveur dun changement de perspective sur ce « corps » du champ littéraire, voir Quand les auteurs étaient des nains. Stratégies auctoriales des premiers traducteurs français, éd. O. Delsaux et T. Van Hemelryck, Turnhout, Brepols, à paraître.

5 Sur ces stratégies chez certains traducteurs médiévaux, voir B. Ribémont, « Jean Corbechon, traducteur encyclopédiste au xive siècle », Cahiers de recherches médiévales, 6, 1999, p. 75-98 ; A. Schoysman, « Les prologues de Jean Miélot », Lanalisi linguistica et letteraria, 8, 2000, p. 315-328 ; C. Croizy-Naquet, « Constantes et variantes de lexorde chez Jean de Vignay », Seuils de lœuvre dans le texte médiéval, éd. E. Baumgartner et L. Harf-Lancner, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2002, t. 2, p. 37-58 ; A. Schoysman, « Le statut des auteurs “compilés” par Jean Miélot », Lécrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge, éd. T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck, Turnhout, Brepols, 2006, p. 303-314 ; N. Labère, Défricher le jeune plant. Étude du genre de la nouvelle au Moyen Âge, Paris, Champion, 2006, p. 142-187.

6 Voir O. Delsaux, « Nouvelles perspectives sur la réception de la littérature castillane en français à la fin du Moyen Âge : la traduction française de la Crónica abreviada de Diego de Valera et des Crónicas de los reyes de Castilla de Pero López de Ayala », Zeitschrift für romanische Philologie, à paraître.

7 Voir Delsaux, Manuscrits et pratiques autographes à la fin du Moyen Âge, chap. 3.

8 Voir, entre autres, P. F. Campa, « Lâge dor des emblèmes », LÉpoque de la Renaissance (1400-1600), t. 4, Crises et essors nouveaux (1560-1610), éd. T. Klaniczay, Amsterdam, 2000, p. 199-210 ; Y. Giraud, LEmblème à la Renaissance, Paris, SEDES, 1980 ; Emblèmes et devises au temps de la Renaissance, éd. M.-T. Jones-Davies, Paris, Touzot, 1981.

9 Sur le premier humanisme français et, plus particulièrement, sur leurs manuscrits, voir, entre autres, G. Ouy, « Autographes calligraphiés et scriptoria dhumanistes en France vers 1400 », Bulletin philologique et historique (jusquà 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques (Année 1963). Actes du 88e Congrès national des Sociétés savantes tenu à Clermont-Ferrand, 1966, p. 891-898 ; G. Ouy, « LHumanisme et les mutations politiques et sociales en France aux xive et xve siècles », LHumanisme français au début de la Renaissance (xive Colloque international de Tours), Paris, Vrin, 1973, p. 27-44 ; J.-P. Boudet, « Un prélat et son équipe de travail à la fin du Moyen Âge : remarques sur lœuvre scientifique de Pierre dAilly », Humanisme et culture géographique à lépoque du Concile de Constance. Autour de Guillaume Fillastre, éd. D. Marcotte, Turnhout, Brepols, 2002, p. 127-150 ; N. Pons, « Leonardo Bruni, Jean Lebègue et la cour. Échec dune tentative dhumanisme à litalienne ? », Humanisme et culture géographique, p. 95-125 ; O. Delsaux, « Textual and Material Investigation on the Autography of Laurent de Premierfaits Original Manuscripts », Viator. Medieval and Renaissance studies, 45, 2014, p. 299-338.

10 Au-delà de la seule intervention sur la mise en page et le programme iconographique de lœuvre, à linstar dun Nicole Oresme par exemple (voir Cl. R. Sherman, Verbal and Visual Representation in Fourtheen-Century France, Berkeley, UP, 1995).

11 Sur Laurent de Premierfait, voir Un traducteur et un humaniste de lépoque de Charles VI, Laurent de Premierfait, éd. C. Bozzolo, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004.

12 Sur cette traduction, voir H. Hauvette, De Laurentio de Primofato, Paris, Hachette, 1903, ici p. 11-45 ; C. Bozzolo, Manuscrits des traductions françaises dœuvres de Boccace (xve siècle), Padoue, Liviana, 1973 ; St. Marzano, « La traduction du De casibus virorum illustrium de Boccace par Laurent de Premierfait : entre le latin et le français », La traduction vers le moyen français, éd. Cl. Galderisi, Turnhout, Brepols, 2007, p. 283-295 ; St. Marzano (éd.), Édition critique du « Des cas des nobles hommes et femmes », thèse de doctorat, Toronto, UP, 2008 [numérisation disponible sur le site des Archives et bibliothèques du Canada].

13 Sur ce manuscrit, voir Sotheby & Co. Bibliotheca Phillippica. Medieval Manuscripts. New Series. Part VI, Catalogue of Manuscripts on Papyrus, Vellum and Paper of the 7th to the 18th Century. Day of Sale. Tuesday 30th November 1971, Londres, Sothebys, 1971, no 506 ; Cinq années dacquisitions 1969-1973. Exposition organisée à la Bibliothèque royale Albert Ier du 18 janvier au 1er mars 1975, Bruxelles, KBR, 1975, no 18 ; Delsaux, « Textual and Material Investigation », p. 320-323.

14 En attestent lécriture (lettre courante soignée), la présence de décorations peintes et dorées, la rubrication des titres, le rehaussage des lettres à lencre rouge.

15 Voir Delsaux, « Textual and Material Investigation on the Autography of Laurent de Premierfaits Original Manuscripts ».

16 « selon le droit latin » transcrit de la main de lauteur sur le grattage dune vingtaine de lettres, dont les tracés, bien quillisibles, semblent correspondre à la leçon des manuscrits Baltimore, WAG, 314 et Manchester, JRL, Fr 164, soit « par moy Laurent de Premierfait ».

17 Voir O. Delsaux, « La ou les traduction(s) française(s) du De casibus virorum illustrium de Giovanni Boccaccio au xve siècle ? Mise au point sur lhistoire d“un” texte et prolégomènes à lédition du texte », Revue dHistoire des textes, 12, 2017, p. 321-351.

18 Comme en témoigne le fait quil soit accompagné au folio 39r de la mention correctus.

19 Paris, AN, J 612, no 46bis ; Paris, AN, J 916, no 16 et 19.

20 Voir A. Giry, Manuel de diplomatique, Paris, Alcan, 1894, p. 567, 601-607 ; A. de Boüard, Manuel de diplomatique française et pontificale. I. Diplomatique générale, Paris, Picard, 1929, p. 176-177, 330-331 ; O. Morel, La grande chancellerie royale et lexpédition des lettres royaux de lavènement de Philippe de Valois à la fin du xive siècle (1328-1400), Paris, Picard, 1900, p. 45.

21 Sur ce texte, voir Laurent de Premierfait, Livre de vieillesse, éd. St. Marzano, Turnhout, Brepols, 2009 ; St. Marzano, « Laurent de Premierfait : entre le latin et le français », Lécrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge, éd. T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck, Turnhout, Brepols, 2006, p. 229-238 ; O. Delsaux, « La philologie au risque des traditions mixtes. Le cas du Livre de vieillesse de Laurent de Premierfait », Revue belge de philologie et dhistoire, 91, 2013, p. 935-1009.

22 Sur ce manuscrit, voir E. Pellegrin, « Notes sur deux manuscrits enluminés contenant le De senectute de Cicéron avec la traduction française de Laurent de Premierfait », Scriptorium, 12, 1958, p. 276-283 ; A. D. Hedeman, « Making the Past Present in Laurent de Premierfaits Translation of De senectute », Excavating the medieval image : manuscripts, artists, audiences. Essays in honor of Sandra Hindman, éd. D. Areford and N. A. Rowe, Londres, Ashgate, 2004, p. 59-73 ; A. D. Hedeman, Translating the Past Present Laurent de Premierfait and Boccaccios De Casibus, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 208, p. 24-35.

23 Sur cette question, voir C. Stroo, De celebratie van de macht : presentatieminiaturen en aanverwante voorstellingen in handschriften van Filips de Goede (1419-1467) en Karel de Stoute (1467-1477), Bruxelles, Académie royale, 2002 ; P. Schandel, Scènes de présentation et images de dédicace à la Cour des Ducs de Bourgogne, mémoire de Master inédit, U. de Strasbourg, 1989-1990.

24 Sur ce manuscrit, voir P. Durrieu, « Découverte de deux importants manuscrits de la librairie des ducs de Bourgogne », Bibliothèque de lÉcole des chartes, 71, 1910, p. 64-69 ; H. Martin, Le Boccace de Jean sans Peur. Des cas des nobles hommes et femmes. Reproduction des cent cinquante miniatures du manuscrit 5193 de la Bibliothèque de lArsenal, Bruxelles, Van Oest, 1911 ; Bozzolo, Manuscrits des traductions françaises, p. 51-53.

25 Sur ce manuscrit, voir Bozzolo, Manuscrits des traductions françaises, p. 145-147 ; M.-H. Tesnière, « Notice », Boccaccio visualizzato : narrare per parole e per immagini fra Medioevo e Rinascimento. Part III, éd. V. Branca, Turin, Einaudi, 1999, no 21 ; A. D. Hedeman, « Notice », Imagining the Past in France. History in Manuscript Painting. 1250-1500, éd. E. Morrison et A. D. Hedeman, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, 2010, no 35.

26 Voir Hauvette, De Laurentio de Primofato, p. 55-57.

27 Cette main utilise des petits signes en forme de trèfle tout à fait caractéristiques et ce, à des endroits stratégiques du texte (fin de chapitre, fin de titre, fin dun explicit) ; par exemple, Genève, BPU, fr. 190, vol. I, fol. 128v et vol. II, fol. 69r ; Paris, Arsenal, 5193, fol. 6r, 24v ; Vatican, BAV, pal. lat. 1989, fol. 25r, 291v.

28 Lhésitation Laurens/Laurent pour la graphie du nom de lauteur apparaît ailleurs dans les manuscrits originaux de Laurent de Premierfait ; la graphie Laurens a pu être ressentie comme plus latinisante (bien quelle ait pu être ressentie comme un cas sujet) et, en tout cas, elle se calque sur la graphie Laurentius quil utilise dans les manuscrits de ses textes latins.

29 Voir Durrieu, « Découverte de deux importants manuscrits », p. 66.

30 Sur ce manuscrit, voir Bozzolo, Manuscrits des traductions françaises, p. 163-165 ; P. Durrieu, « Le plus ancien manuscrit de la traduction française du Decameron », Comptes rendus des séances de lAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1909, p. 347-349 ; M. Meiss, « The First Fully Illustrated Decameron », Essays presented to Rudolf Wittkower on his Sixty-fifth Birthday, éd. D. Fraser, Londres, Phaidon, 1967, p. 56-61 ; M.-H. Tesnière, « Notice », Boccacio visualizzato, no 83.

31 Voir Bozzolo, Manuscrits des traductions françaises, p. 14.

32 Sur lidentification des mains, voir Delsaux, « Textual and Material Investigation », p. 320-323.

33 Voir Laurent de Premiefait, Decameron, éd. G. Di Stefano, Montréal, Ceres, 1998, p. viii-ix.

34 Voir B. Guenée, « Authentique et approuvé. Recherches sur les principes de la critique historique au Moyen Âge », La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge, Paris, CNRS, 1981, p. 215-230 ; Cl. Jeay, « La naissance de la signature dans les cours royales et princières de France (xive-xve siècle) », « Auctor » et « Auctoritas ». Invention et conformisme dans lécriture médiévale, éd. M. Zimmermann, Paris, ENC, 2001, p. 458-476, en part. p. 461 ; B. Fraenkel, « La signature : du signe à lacte », Sociétés et Représentations, 25, 2008, p. 13-23.

35 Dailleurs, dans les manuscrits originaux précédents (1re version du Des cas des nobles hommes et Livre de vieillesse), la signature napparaît pas puisque lintitulé contient le contient le nom de lauteur (« par moy Laurent de Premierfait » et « par moi Laurent de Premierfait », voir supra).

36 Sur une telle utilisation, plusieurs dizaines dannées plus tard, voir le cas exemplaire dAntoine de La Sale, admirablement étudié par S. Lefèvre (La fabrique de lœuvre et « Signatures et autographes. Lexemplaire Antoine de La Sale », « Auctor » et « Auctoritas », p. 429-445).

37 Voir R. C. Famiglietti, « Laurent de Premierfait : The Career of a Humanist in early fifteenth century Paris », Journal of Medieval History, 9, 1983, p. 25-42.

38 Voir A. Petrucci, « Alle origini del libro moderno. Libri da banco, libri da bisaccia, libretti da mano », Italia medioevale e umanistica, 12, 1969, p. 295-313 ; A. Petrucci, « Minuta, autografo, libro dautore », Atti del convegno internazionale « Il libro e il testo ». Urbino, 20-23 settembre 1982, Urbino, Università degli studi, 1984, p. 397-414 ; V. Colli, Giuristi medievali e produzione libraria. Manoscritti, autografi, edizioni, Stockstadt, Keip, 2005 ; R.-H. Bautier, « Chancellerie et culture au Moyen Âge », Cancelleria e cultura nel Medioevo, Vatican, BAV, 1990, p. 1-75 ; N. Pons, « Les chancelleries parisiennes sous les règnes de Charles VI et Charles VII », Cancelleria e cultura nel Medioevo, p. 137-138.

39 Voir E. Ornato, « Les humanistes et la redécouverte des classiques », Préludes à la Renaissance. Aspects de la vie intellectuelle en France au xve siècle, Paris, CNRS, 1992, p. 1-45 ; E. Ornato, « La redécouverte des classiques, révélateur de ruptures et de continuités dans le mouvement humaniste en France au xve siècle », Laube de la Renaissance, éd. D. Cecchetti, Genève, Droz, 1991, p. 83-101.

40 Voir Laurent de Premierfait, Le livre de la vraye amistié, éd. O. Delsaux, Paris, Champion, 2016.

41 Sur Jean Miélot, voir P. Perdrizet, « Jean Miélot, lun des traducteurs de Philippe le Bon », Revue dHistoire littéraire de la France, 14, 1907, p. 472-482 ; Le moyen français, 67, 2010, no spécial, Jean Miélot, en particulier O. Delsaux, « Bibliographie de et sur Jean Miélot », p. 157-202 ; Miniatures flamandes. 1404-1482, éd. B. Bousmanne et Th. Delcourt, Paris, BnF, 2011, passim.

42 Voir T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck, « LEpistre Othea en contexte bourguignon. Des efforts de Christine de Pizan aux prouesses de Jean Miélot », Le moyen français, 67, 2010, p. 111-128.

43 La critique a prétendu que le manuscrit Bruxelles, KBR, 9083 du Debat de felicité de Charles Soillot (ca. 1460) présentait la signature de lauteur, après lintitulé de clôture (La librairie de Philippe le Bon. Exposition organisée à loccasion du 500e anniversaire de la mort du Duc, Bruxelles, KBR, 1967, p. 14). Or, il sagit de la signature autographe dun de ses possesseurs, Charles de Croÿ, comte de Chimay (fol. 88r).

44 Sur ce manuscrit, voir P. Perdrizet, Étude sur le « Speculum humanae salvationis », Paris, Champion, 1908 ; B. Cardon, Manuscripts of the Speculum Humanae Salvationis in the Southen Netherlands (ca. 1410-ca. 1470). A Contribution to the Study of the 15th century book illumination and of the function and meaning of historical symbolism, Louvain, Peeters, 1996 ; B. Cardon, « Jean Miélot als ontwerper van verluchte handschriften : De Miroir de la salvation humaine uit 1449 in de Koninklijke Bibliotheek te Brussel », De Gulden Passer, 64, 1986, p. 15-46 ; O. Delsaux, « La traduction française du Speculum humanae salvationis de Jean Miélot : léchec dun traducteur à lessai », Le moyen français, 67, 2010, p. 37-62.

45 Définis comme des « Traits de plume entrecroisés, à effet décoratif, qui forment certaines parties de la lettre ou qui en prolongent la haste » dans la version électronique du Dictionnaire codicologique de D. Muzerelle (http://codicologia.irht.cnrs.fr/accueil/vocabulaire). Sur ces cadelures, Gh. Brunel, Images du pouvoir royal. Les chartes décorées des archives nationales, xiiie-xve siècle, Paris, CHAN, 2005 ; G. Labory, « Les manuscrits de la Grande Chronique de Normandie du xive et du xve siècle », Revue dhistoire des textes, 28, 1999, p. 183-233, ici p. 227.

46 Sur ce manuscrit, voir Fr. Johan, « Notice », La librairie des ducs de Bourgogne, volume 2, Textes didactiques, éd. B. Bousmanne, C. Van Hoorebeeck et T. Van Hemelryck, Turnhout, Brepols, 2003, p. 78-82 ; D. Vanwijnsberghe et E. Verroken, « Notice », Miniatures flamandes, éd. B. Bousmanne et Th. Delcourt, Paris, BnF, 2011, no 33.

47 Voir P. Schandel, « De lombre à la lumière. Germain Picavet, bourgeois de Lille, clerc de la gouvernance, scribe occasionnel de Philippe le Bon (1454) », Revue du Nord, 80, 1998, p. 65-89.

48 Voir H. Vander Linden, Itinéraires de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1419-1467) et de Charles, comte de Charolais (1433-1467), Bruxelles, Académie royale, 1940, p. 258-260.

49 Voir, par exemple, G. Ouy, Le recueil épistolaire autographe de Pierre dAilly, Amsterdam, North-Holland publishing company, 1966 ; H. Millet et E. Poulle, Le vote de la soustraction dobédience en 1398, vol. 1, Introduction. Édition et fac-similés des bulletins du vote, Paris, CNRS, 1988 ; G. Ouy, « Jean Lebègue (1368-1457), auteur, copiste et bibliophile », Patrons, Authors and Workshops. Books and Book Production in Paris around 1400, éd. G. Croenen et P. Ainsworth, Louvain, Peeters, 2006, p. 143-171.

50 Le syntagme sans y riens mettre du sien est une précision courante dans le métadiscours des traducteurs, qui affichent, dans une perspective archéologique et philologique, vouloir suivre au plus près le texte-source. On ne peut la lire comme un commentaire sur le processus dinscription du traducteur dans la matérialité du manuscrit.

51 D. Vanwijnsberghe et E. Verroken émettent lhypothèse que « Miélot ait produit cet exemplaire de sa propre initiative et quil lait gardé par devers lui, attendant les occasions de le faire illustrer ou den tirer quelque profit. » (« Notice », Miniatures flamandes, p. 236).

52 Sur ce texte, voir Vie et miracles de saint Josse de Jean Miélot, éd. N.-O. Jönsson, Turnhout, Brepols, 2004. Sur ce manuscrit, voir G. Dogaer et M. Debae, « Notice », La librairie de Philippe le Bon, Bruxelles, KBR, 1967, no 73 ; Cl. Lemaire et M. Henry, « Notice », Isabelle de Portugal. Duchesse de Bourgogne, 1397-1471, Bruxelles, KBR, 1991, no 9.

53 Comme le suggère également la précision « En la fourme et stile qui sensuit ».

54 Lon notera que Miélot choisit souvent les mêmes lettres pour ses cadelures à pleine-page (par exemple, le S ou le P), créant un effet de répétition et donc de reconnaissance de sa figure auctoriale.

55 Sur ce manuscrit, voir E. van der Vlist, Schitterende Schatten. Verluchte handschriften in de Koninklijke Bibliotheek, Amersfoort, Bekking & Blitz, 2011, p. 92 ; E. Brayer et A. S. Korteweg, Catalogue of French-language medieval manuscripts in the Koninklijke Bibliotheek (Royal Library) and Meermanno-Westreenianum Museum The Hague, La Haye, KB, 2003, p. 9.

56 Sur ce manuscrit, voir Dogaer et Debae, La librairie de Philippe le Bon, no 58.

57 P. De Winter, « The Grandes Heures of Philip the Bold, duke of Burgundy : the Copyist Jean LAvenant and his Patrons at the French Court », Speculum, 57, 1982, p. 786-842, en part. p. 791 ; Cl. Lemaire, « Notice du ms. », La Librairie des ducs de Bourgogne, vol. 1, Textes liturgiques, ascétiques, théologiques, philosophiques et moraux, éd. B. Bousmanne, T. Van Hemelryck et C. Van Hoorebeeck, Turnhout, Brepols, 2000, p. 264-272 ; A. van Buren, « Dreux Jehan and the Grandes Heures of Philip the Bold », Als ich can. Liber Amicorum in Memory of Professor Dr. Maurits Smeyers, éd. B. Cardon, J. Van der Stock et D. Vanwijnsberghe, Louvain, Peeters, 2002, p. 1377-1414 ; H. Wijsman, « Jean Miélot et son réseau. Linsertion à la cour de Bourgogne du traducteur-copiste », Le moyen français, 67, 2010, p. 129-156.

58 Sur ce texte, voir O. Delsaux, « La mise en prose des Vigiles des morts de Pierre de Nesson, texte inconnu attribuable à Jean Miélot », Le Moyen Âge, 109, 2013, p. 143-181.

59 Sur cette question, voir A. Schoysman, « Les minutes de Jean Miélot : le cas de la Briefve compilation de toutes les histoires de la Bible dans les mss Paris, BnF, fr. 17001 et Bruxelles, KBR, II 239 », Le moyen français, 67, 2010, p. 70-100 ; O. Delsaux, « La traduction française du Speculum humanae salvationis de Jean Miélot : léchec dun traducteur à lessai », Le moyen français, 67, 2010, p. 37-62 ; O. Delsaux, Manuscrits et pratiques autographes, chap. 2.

60 Il est à noter quen 1455, Jean Miélot achève, à destination de Philippe le Bon, sa traduction du Directorium ad passagium faciendum ; des deux manuscrits possédés par le duc de Bourgogne, seul lun serait autographe, le Bruxelles, KBR, 9095. Cependant, Miélot ny mentionne pas son travail de copie ; les intitulés du manuscrit sont identiques à ceux du manuscrit orignal, non copié de sa main, Bruxelles, KBR, 9087, notamment « a esté translaté en cler françois par.Jo. Mielot, chanoine de Lille en Flandres » (fol. 1r).

61 Il contient principalement sa traduction des Historia scolastica de Jean dUdine (Geneaologie de Nostre Seigneur) et sa traduction de la Compilatio Nova super tota Biblia du même auteur (Briefve compilation des histoires de toute la Bible tant du viel Testament comme du nouvel et des Histores scolastiques).

62 Sur cette question, voir Schoysman, « Les minutes de Jean Miélot ».

63 Date donnée également dans le manuscrit auctorial Paris, BnF, fr. 17001, voir infra.

64 En effet, cest la date donnée aux premiers folios du manuscrit, dans le prologue du traducteur (fol. 1r), la date butoir des généalogies transcrites par Miélot aux folios 39v-54r (dont le titre douverture précise pourtant quelles ne sétendent que jusquen 1452 !) et la date de facture de la généalogie de Messire Jehan Mielot lui-même, transcrite de sa main au verso de la généalogie : « faict lan iiiic lxiii » (fol. 54v). Cette tranche chronologique semble confirmée par la date des filigranes majoritaires de cette section (fol. 1-54), datables de 1451-1456 (Piccard XI 2179, 2181, 2184).

65 Il est probable que Miélot ait acquis les feuillets de son manuscrit au moment de la première étape dachèvement de la traduction, mais quil nait commencé à les copier que vers 1462-1463, pour le parachever sans doute jusque vers 1468-1469. En effet, les folios des cahiers 37-50 et 51-54 de la fin de cette section présentent plusieurs filigranes datables de vers 1468 (fol. 37-54 [variante de Briquet 2988]), donc postérieurs à la date affichée de 1462-1463. En outre, folio 54r, comme lont noté les auteurs du Catalogue des manuscrits datés (t. 4, 1461-1468, Bruxelles-Gand, Story-Scientia, 1982, p. 93), se trouve transcrite, de la main de Jean Miélot, la relation dévènements postérieurs à 1462, jusquen 1469. Enfin, le nombre irrégulier de folios des cahiers 37-50 et 51-54 par rapport aux autres cahiers du manuscrit témoigne indéniablement dun travail in progress de confection, au départ dune quantité de papier insuffisante.

66 La logique de corpo-réalité de ce manuscrit pourrait presque sembler rejoindre certaines caractéristiques de publications contemporaines types « blog » ou « tweet », notamment la logique de datation et de géo-localisation des contenus. Voir par exemple A. Compagnon, Petits spleens numériques, Paris, Équateurs parallèles, 2015.

67 La section fol. 55-59 est constituée de folios vierges (filigranes proches de Piccard V. 82 [vers 1470]) et a sans doute été ajoutée après lachèvement de la 1re section (vers 1469-1470).

68 Variante de Briquet 6644-6651 (vers 1463).

69 La dimension performative de laddition est dautant plus nette que Miélot ajoute, en marge supérieure, postérieurement à la copie du reste de la page (y compris lexplicit-colophon), la précision « Cestui Phelippe regne vivant en lan mil cccc lxiii », qui, quant à elle, vu lécriture, date sans doute de la copie des parties datables de 1468, donc postérieurement à la mort du duc (15 juin 1467), justement mentionnée dans les derniers évènements de la généalogie du folio 54r.

70 Cest la suggestion des rédacteurs du Catalogue des manuscrits datés : « na probablement dautre fonction que de garnir le verso du dernier f. du ms. » (ibid., p. 94).

71 Sur ce manuscrit, voir R. Bossuat, « Jean Miélot, traducteur de Cicéron », Bibliothèque de lÉcole des chartes, 99, 1938, p. 82-124 ; G. Mombello, « Per la fortuna del Boccacio in Francia. Jean Miélot traduttore di due capitoli della Genealogia », Studi sul Boccacio, 1, 1963, p. 415-444 ; G. Mombello, « Quattro poesie latine di Jean Miélot », Miscellanea di studi e ricerche sul Quattrocento francese, éd. Fr. Simone, Turin, Giappichelli, 1967, p. 213-240 ; P. Schandel, « A leuvre congnoist on louvrier. Labyrinthes, jeux desprit et rébus chez Jean Miélot », Quand la peinture était dans les livres. Mélanges en lhonneur de François Avril, éd. M. Hofmann et C. Zöhl, Paris-Turnhout, BnF-Brepols, 2007, p. 295-302 ; S. Lefèvre, « Jean Miélot, traducteur de la première Lettre de Cicéron à son frère Quintus », La traduction vers le moyen français, éd. Cl. Galderisi, Turnhout, Brepols, 2007, p. 125-147 ; M. Colombo Timelli, « Jean Miélot, Les vii Sacremens de lEglise », Studi francesi, 55, 2011, p. 61-79 ; P. Schandel, « Notice », Miniatures flamandes, no 96.

72 La véracité de ces dates est confirmée par les filigranes et par les mentions explicites du péritexte.

73 Voir Schandel, « A leuvre congnoist on louvrier. Labyrinthes, jeux desprit et rébus chez Jean Miélot ».

74 Comme latteste le fait de lui avoir consacré, dans la collégiale de saint-Pierre de Lille, une chapellenie en 1470 sur lautel saint Adrien ; voir G. Durand, « La châsse de saint Fursy à Gueschart », Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scientifiques, 1890, p. 42-45.

75 Voir E. Barale, Édition critique de la « Geneaologie, la vie, les miracles et les merites de saint Foursy de Jean Miélot (ms. Wien, ÖNB, Series Nova 2731) », thèse de doctorat, U. de Turin et U. de Louvain, 2014.

76 La section I se termine par quelques textes courts : la traduction, par Miélot, du chapitre xiv du De genealogia deorum de Giovanni Boccaccio (fol. 29r-31v) ; quelques généalogies (fol. 32r-33v) ; quatre poèmes latins, peut-être de Jean Miélot (fol. 33v-34r) ; une table chronologique allant jusquen 1470 (fol. 34v) ; le folio 35 est vierge. Les signes personnels de Miélot y sont limités (un P cadelé caractéristique de Miélot et un trèfle à la fin de lintitulé douverture au folio 29r).

77 « <C>omment Maistre Jehan Mielot prestre indigne chanonnne de Lille, presente sa translation » (fol. 5v).

78 Voir, par exemple, une logique similaire dans les manuscrits originaux de Christine de Pizan, dont Jean Miélot a dailleurs copié et remanié lEpistre Othea : D. McGrady, « What is a Patron ? Benefactors and Authorship in Ms. Harley 4431, Christine de Pizans Collected Works », Christine de Pizan and the Categories of Difference, éd. M. Desmond, Minnesota, 1998, p. 195-214.

79 Voir Delsaux, Manuscrits et pratiques, p. 264-270.

80 Cette esthétique caractérise dautres entreprises de publication que celles qui se nomment minutes ; voir le cas des manuscrits auctoriaux dAntoine de La Sale ou de Jean de Wavrin : A. Naber, « Jean de Wavrin, un bibliophile du quinzième siècle », Revue du Nord. Histoire & Archéologie. Nord de la France. Belgique. Pays-Bas, 69, 1987, p. 281-293 ; Fr. Johan, Le Maître de Wavrin. Étude codicologique et stylistique, mémoire de master, Bruxelles, ULB, 1998-1999 ; P. Schandel, « Le Maître de Wavrin », Miniatures flamandes, p. 358-360. Ou encore celui de certaines mises en prose bourguignonnes anonymes : T. Van Hemelryck, « Le livre mis en prose à la cour de Bourgogne. Réflexions pour une approche codicologique dun phénomène littéraire », Mettre en prose aux xive-xvie siècles, éd. M. Colombo Timelli, B. Ferrari et A. Schoysman, Turnhout, Brepols, 2010, p. 245-254.

81 Voir Schoysman, « Les minutes de Jean Miélot » ; Van Hemelryck et Van Hoorebeeck, « LEpistre Othea en contexte bourguignon ».

82 Sur cette la fonction iconographique de la distinction feuillet/livre, voir, entre autres, Br. Roux, « Lencyclopédiste à lœuvre : images de la compilation », Le recueil au Moyen Âge. Le Moyen Âge central, éd. O. Collet et Y. Foehr-Janssens, Turnhout, Brepols, 2010, p. 157-183 ; É. Palazzo et al., Portraits décrivains. La représentation de lauteur dans les manuscrits et les imprimés du Moyen Âge et de la première Renaissance, 23 juillet – octobre 2002, Poitiers, Médiathèque François-Mitterand, 2002 ; E. Salter et D. Pearsall, « Pictorial Illustration of Late Medieval Poetic Texts. The Role of the Frontispice or Prefatory Picture », Medieval Iconography and Narrative, Odense, UP, 1980, p. 100-123 ; C. Segre Montel, « Autore, copista e miniatore : immagini a confronto », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa. Classe di lettere e filosofia 4e série, 2, 2003, p. 39-52.

83 Voir G. Hasenohr, « Lessor des bibliothèques privées aux xive et xve siècles », dans Histoire des Bibliothèques françaises, t. 1 [Les bibliothèques médiévales, du vie siècle à 1530], dir. A. Vernet, Paris, Promodis, 1989, p. 215-263, ici p. 243.

84 Suivent quelques arbres généalogiques (fol. 89r-98v), dont ceux de saint Fursy, Louis IX et Charles le Téméraire ; lintitulé qui les clôt donne la date et le lieu de leur rédaction (« Fait à Lille en Flandres, lan mil iiiic lxiii », fol. 97v [même explicit final folio 69v du KBR II 239 à la fin dune note généalogique sur Philippe le Bon]). La section II se termine par la copie des Sept sacrements rédigés par Miélot (fol. 99v-106r).

85 Dont lattribution à Jean Miélot est douteuse ; voir éd. P. Morabito, Messina, Peloritana, 1968, p. 447-467.

86 Formellement, le manuscrit BnF, fr. 17001 ne diffère guère du manuscrit KBR 9049 possédé par Philippe le Bon. Cest pourquoi, suivant lhypothèse de S. Lefèvre et dH. Wijsman, il est plausible que ce manuscrit ait été offert au protecteur de Miélot à lépoque, soit Louis de Luxembourg. Voir Lefèvre, « Jean Miélot, traducteur », p. 129 ; Wijsman, « Le connétable et le chanoine », p. 129.

87 Voir, par exemple, E. Doudet, Poétique de George Chastelain (1415-1475). Un cristal mucié en un coffre, Paris, Champion, 2005.

88 Sur ce manuscrit, voir N. Abrahams, Description des manuscrits français du Moyen Âge de la bibliothèque royale de Copenhague, Copenhague, Thiele, 1844, p. 31-33 ; Bossuat, « Jean Miélot, traducteur de Cicéron » ; Évrart de Conty, Le livre des éschez amoureux moralisés, éd. Fr. Guichard-Tesson et B. Roy, Montréal, Ceres, 1993, p. xxiii.

89 Lauteur offrant son livre au prince, fol. 1v et 67r ; lauteur plume à la main dans son étude, fol. 13v.

90 Lon peut suggérer plusieurs éléments pour tenter dexpliquer les réserves de Laurent de Premierfait à utiliser des procédés de corpo-réalité aussi spectaculaires que ceux de Miélot : les livres princiers de son époque étaient très standardisés et laissaient peu de place à des audaces de mise en page (Paris 1400. Les arts sous Charles VI, Paris, Fayard, 2004) ; le profil davantage humaniste de Laurent de Premierfait la peut-être conduit à une certaine sobriété et à se concentrer sur la seule signature ; lintervention plus lâche dans la production des manuscrits réduisait les possibilités dadaptation dans la mise en page ; la fonction du livre et en particulier du manuscrit de dédicace dun texte nétait pas la même quà la cour de Bourgogne, où la vie du texte passe aussi et avant tout par la présentation du livre et par la célébration de la capacité du prince à avoir pu rendre possible une performance – au sens français et anglais du terme – matérielle (voir, par exemple, T. Van Hemelryck, « Tourner autour du manuscrit. Le livre espace du pouvoir à la cour des ducs de Bourgogne », Les lettres romanes, 61, 2007, p. 3-13). Enfin, la personnalité de Miélot nest pas à négliger et les pratiques de Laurent de Premierfait se rapprochent davantage de la norme que celles de Miélot, y compris si on compare Laurent de Premierfait à dautres traducteurs bourguignons, tels Jean Wauquelin ou Vasque de Lucène.

91 Deux cas mériteraient dêtre approfondis. Dune part, celui du manuscrit de la traduction française du De Temporibus de Matteo Palmieri par Giovanni Cossa offert à Jeanne de Laval, actuellement en collection particulière (ex-Phillipps 216), et qui présente les armes du traducteur au dernier folio (M.-E. Gautier et Fr. Avril, Splendeur de lenluminure. Le Roi René et les livres, Angers-Paris, Ville dAngers, 2009, p. 370 ; P. Durrieu, « Les manuscrits à peinture de la bibliothèque de sir Thomas Phillips à Cheltenham », Bibliothèque de lÉcole des chartes, 50, 1889, p. 400). Dautre part, les manuscrits du traducteur Simon Bourgouin, dont plusieurs manuscrits présentent sa devise et/ou son monogramme, notamment le manuscrit de dédicace La Haye, KB, 134 C 19 de sa traduction de trois biographies des Vies parallèles de Plutarque – qui présente sa devise (« À tousjours mais » et le monogramme « SB » à lencre rouge et bleue, juste après lintitulé douverture de la vie de Cicéron (fol. 254r) – et les manuscrits de dédicace de sa traduction des Triomphes de Pétrarque, qui présentent sa devise à plusieurs endroits (« Plus que assez » ou « Donec optata veniat ») ; vu que son nom apparaît déjà dans lintitulé, la signature et la devise visent donc bien autre chose que lidentification de lauteur du texte, mais ont très certainement une fonction de corpo-réalité. Sur le cas de Simon Bourgouin, voir Simon Bourgouin, Triomphes, éd. G. Parussa et E. Suomela-Härmä, Genève, Droz, 2012, p. 11 et 61-66 ; J. P. Carley et M. D. Orth, « Plus que assez. Simon Bourgouyn and his French Translation from Plutarch, Petrarch and Lucian », Viator, 34 2003, p. 328-363 ; M. D. Orth, « The Triumphs of Petrarch illuminated by Godefroy le Batave », Gazette des Beaux-Arts, 104, 1984, p. 197-206.