L’écriture vive
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Valère Novarina
- Auteur : Née (Laure)
- Pages : 7 à 16
- Collection : Écrivains francophones d’aujourd’hui, n° 2
Article de collectif : 1/31 Suivant
L’écriture vive
L’écriture de Valère Novarina pratique le « débordre ». D’emblée, le lecteur a l’impression d’horizons diffractés1 sans possibilité de saisir l’unité de l’œuvre, qui joue avec les frontières génériques et ne se limite pas à un champ de savoir particulier. La traversée du temps la rend plus vertigineuse encore tant est dense la ramification d’un livre à l’autre, en quarante années d’écriture. De l’expérience que nous faisons à lire Valère Novarina, grand lecteur de Lautréamont, on pourrait reprendre ce que Blanchot dit dans la préface aux Chants de Maldoror : « Lire Maldoror, c’est consentir à une lucidité furieuse dont le mouvement d’enveloppement, d’embrassement, se poursuivant sans trêve, ne se laisse reconnaître qu’à son terme et comme l’accomplissement d’un sens absolu, indifférent à tous les sens momentanés par lesquels cependant doit passer le lecteur pour atteindre le repos d’une suprême signification totale2 ». Et l’on pourrait continuer à suivre la préface de Blanchot car, mot pour mot, les phrases du critique épousent mon sentiment de lectrice de Valère Novarina : « Oui, la “raison” est étonnamment ferme chez Lautréamont, aucun lecteur “raisonnable” ne peut en douter. Mais justement cette raison est si forte, elle est d’une telle étendue qu’elle semble aussi embrasser tous les mouvements de la déraison et pouvoir comprendre les plus étranges forces aberrantes, ces constellations souterraines sur lesquelles elle se guide et qu’elle entraîne cependant avec elle sans se perdre et sans les perdre ».
Cette folie méthodique, principe essentiel de l’écriture vive de Valère Novarina, nous entraîne dans un vertige. Discours de la méthode3 qui aurait la tentation de brasser et d’embrasser une totalité : de lieux, de personnes, de situations, dans le temps et sans délimitation de discipline particulière. Littérature, théâtre, philosophie, théologie, linguistique, musique4, sont interrogés par cette œuvre arborescente. Des réflexions dans ces domaines sont donc nécessaires pour appréhender la démesure de l’œuvre, et son caractère insaisissablement mouvant, sans qu’aucune de ces disciplines suffise à elle seule à embrasser l’œuvre, ni que leur addition permette d’en faire le tour. Serait-on en présence d’une œuvre dont le centre est partout et la circonférence nulle part ? La définition de Dieu par Pascal, se référant lui-même ici à des théologiens, physiciens et philosophes avant lui, outre qu’elle est récurrente dans l’œuvre de Novarina, et qu’elle en constitue comme le vide sur lequel repose la structure philosophique, permet de traduire l’impression du lecteur : celle d’un centre mouvant et d’une absence de bords. La diversité des domaines des contributeurs du présent ouvrage témoigne de l’étendue de la matière labourée par l’auteur. De surcroît, la pratique de la peinture par Valère Novarina et sa réflexion sur cet art rendent plus dense encore la matière à étudier5. Les regards croisés de ces champs de savoir – et encore faudrait-il en convoquer d’autres pour rendre compte au plus juste de l’étendue des horizons abordés6 – outre qu’ils manifestent la perception de son étendue, laissent à l’œuvre son ouverture, son inachèvement, son devenir. Engageons-nous dans les chemins de cette œuvre, non pour en chercher le système, mais pour en percevoir,
dans ses paradoxes, dans ses nœuds féconds, certains principes, parfois irréductibles les uns aux autres, mais tous vrais. De cette juxtaposition sans recherche de perspective logifiée – c’est en tout cas mon souhait – apparaîtra peut-être, le moins infidèlement possible, le paysage divers, et pourtant unitaire, de l’œuvre. Si « tout est chaos dans le détail », « un grand recul laisserait apercevoir le point perspectif, l’ordre absolu », écrit Novarina. « On multiplie pour faire apparaître du un » dit-il7.
Combat d’un inactuel
La singularité de l’œuvre dans le paysage littéraire depuis les années 1970 est frappante8. Clément Rosset et Marcel Bozonnet, qui ont connu Novarina jeune, ont pressenti l’originalité de cette œuvre et la place majeure qu’elle allait occuper dans le paysage littéraire. Eugène Green en témoignera à son tour : en marge d’un théâtre qui crie la haine universelle de l’humanité, le verbe incarné de La Chair de l’homme recentre le spectateur sur l’essentiel. Comment l’œuvre de Valère Novarina, en reprenant les questionnements théâtraux et moraux d’Artaud et Beckett, ouvre-t-elle l’espace, souvent fermé, pessimiste ou désenchanté des dramaturgies des années 1970 et au-delà ? Sans doute est-ce parce que son œuvre sait, par-dessus l’époque et les problèmes contemporains, renouer avec des questionnements et des temps plus anciens, en se donnant une liberté totale de penser9. Nietzsche, l’inactuel, s’en prenait à la bonne conscience de ses contemporains d’incarner des valeurs d’objectivité dans la lecture de l’histoire. Et si finalement, pour
être de son temps, il fallait être un intempestif10 ? C’est ce que donne à voir l’attitude de Valère Novarina par rapport à son temps. Il n’en épouse pas les prétendues évidences. Alors que la présence du malheur, de la maladie et de la mort occupe le devant de la scène du monde, et du théâtre qui s’en fait le reflet, son théâtre mise sur l’ouverture de possibles jamais clos, sur l’aventure infinie, sans toutefois faire abstraction de la difficulté à vivre. Le regard aigu de l’auteur sur les maux auxquels les vivants sont confrontés se double d’une confiance dans leur force à les combattre. Échapper au « boléro réaliste », à « la toujours même petite courte valse de reconnaissance et de reproduction11 », opérer un « débarrassement12 » du monde lavent le théâtre de ses habitudes et lui permettent de naître neuf. Le geste médiatique, par exemple, qui se donne pour être un devoir de vérité, il importe à Novarina de le montrer sur scène pour en exhiber le mensonge et le rendre ainsi inopérant. « La communication veut tout dire, tout vider, nous informer de tout, tout expliquer, mais nous savons très bien qu’au bout de toute explication ça n’est jamais qu’une chaîne de causes mortes qui s’est déroulée devant nous13 ». Novarina stigmatise de façon comique, en l’appelant « Machine à dire la suite14 », le présentateur de télévision, personnage représentant, dans ses pièces, l’étourdissement dangereux qui voudrait faire croire à l’enchaînement des causes et des conséquences. Miroir aux alouettes, la rhétorique médiatique, par le biais de sondages pseudo-scientifiques, sidère l’auditeur par un flot de paroles, prétend agir dans l’immédiat, et se fait passer pour de l’argent comptant lors même qu’elle paie en monnaie de singe l’auditeur étourdi par la force centrifuge des mots, auditeur floué mais devenu incapable de se rebeller.
Pour répondre à ce danger, il faut faire du plateau l’espace d’un combat, d’une réflexion active, d’une provocation, d’un rire aussi sur les questions graves, qui renouent avec la santé du théâtre de Molière. Le comique est ici, comme le développera Christine Ramat, au cœur du sacré : un rire cruciforme à la croisée de la joie et du tragique. La scène théâtrale opère une reconquête de territoire sur les faux-semblants, désaveugle le spectateur et lui redonne, sans soumission à une nouvelle autorité, sa légitimité à penser par lui-même. Il ya chez Novarina une horreur de l’occupation15 de terrain. De l’air ! De l’air ! A l’asphyxie d’un système clos et verrouillé, répond le vide des certitudes. La position philosophique de l’inactuel permet d’ouvrir un temps de deuil : celui de la maîtrise d’une vérité enfin saisie une fois pour toutes. La vérité, celle que Zarathoustra16 comprend, et Valère Novarina, ses personnages, ou ses spectateurs avec lui, est qu’il n’y a pas de progrès, pas de direction, pas de terre d’asile, et que la recherche qui est la sienne n’aura pas de fin. Mais en même temps, ce constat, qui pourrait être amer de voir sans cesse se dérober l’horizon d’une étape finale plus heureuse, se double d’un sentiment joyeux : la seule assurance étant que la quête vaut par elle-même, et que l’absence de garantie fait la valeur de l’aventure, à la manière dont Pascal lui aussi conçoit son pari.
Déconstruire, creuser,
faire place au possible
À la préhension, compréhension « qui veut prendre et croit posséder », l’auteur oppose le saisissement17. Nous ne pouvons embrasser la vérité. « Saisir sans prendre. […] Toute chose nommée, nous ne la possédons pas, nous l’appelons18 ». Il s’agit moins de savoir que de connaître, donc de naître avec, dans le mouvement et le temps mêmes de la parole19. Le souffle l’emporte
sur la volonté de comprendre. Amador Vega cherche dans ce geste les principes d’une théologie : l’ascèse de la parole évite la fossilisation des individus, des mots, des images, des pensées. On ne possède pas l’homme, et les sciences qui s’autoproclament humaines, selon l’auteur, sont dans l’erreur. « Annoncer partout que l’homme n’a pas encore été capturé20 ! ». Contrairement à ce prétendu savoir sur l’homme cadastrable, qui repose sur la croyance en l’Être, l’œuvre de Novarina déconstruit l’ontologie, se développe en un art de la fugue, en une pensée fuguée, qui compose avec l’inattendu et inscrit dans son geste un perpétuel renouvellement, ce dont Olivier Dubouclez fera la matière de son propos. Affirmer l’impossibilité de la capture de l’homme suppose que l’image ne fixe pas une fois pour toutes les représentations humaines car alors le processus infini du devenir pourrait s’arrêter. Marie-José Mondzain, philosophe, témoigne ici d’un voyage heureux, avec Valère Novarina, dans cette Russie des icônes, dont l’immobilité, seulement apparente, est, au contraire de l’image pétrifiante, promesse de résistance à la violence du réel et à l’idolâtrie. Remettre l’humain en question, défaire son image21, comme cela s’est produit aussi dans les arts plastiques au début de xxe siècle, est un moyen d’en finir avec l’idolâtrie, et de libérer le champ des possibles. Chez Novarina aussi, le « moi » est haïssable et les risques de réduire l’homme à des représentations figées sont grands. Le théâtre novarinien n’en finit donc jamais son travail de sape pour libérer l’homme des filets de la représentation et de l’auto-idolâtrie. Au fond de l’homme « personne ». Et c’est paradoxalement dans ce vide de la représentation que peuvent s’inscrire une infinité de personnes. La tâche de l’écrivain s’en trouve modifiée : elle consiste à opérer une sortie du statut de « créateur », et à s’effacer, dans un acte de dépossession, permettant aux choses d’exister par elles-mêmes, au livre de s’écrire comme en dehors de l’écrivain. C’est la main idiote de la parole, dont Isabelle Babin parlera.
Et s’il y avait, pour se désencombrer des représentations figées sur l’homme, à réinterroger le langage ? Le langage est « la chair de l’homme ». Le questionnement philosophique présent dans l’œuvre de
Novarina passe nécessairement par un questionnement philologique. De cette « passion logoscopique » et de ses sources, Michel Arrivé nous entretiendra. Là encore, le travail de l’écrivain consiste à vider la langue de ses habitudes, à la tordre pour qu’on la réentende autrement. L’écoute attentive de la langue de Novarina, sa prosodie, son rythme, ce qu’il nomme le « langage tambouriné », sera évoquée de son point de vue de musicien et compositeur par Michaël Levinas qui a crée un opéra dont Je, Tu, Il 22 est le prologue. Les acteurs23 qui portent au théâtre la parole novarinienne, parmi lesquels Valérie Vinci, André Marcon, Dominique Parent, Nicolas Struve, René Turquois, évoquent aussi, chacun à sa façon, cette langue folle, d’abord déstabilisante et incompréhensible, dans laquelle, ensuite, ils se jettent à corps perdu pour ouvrir des chemins aux spectateurs désorientés. Les acteurs sont mus par cette langue et aiment l’auteur qui, sans les diriger, leur ouvre la forêt d’un langage inconnu et pourtant familier. De la mise en scène qu’elle a faite de plusieurs pièces de l’auteur et en particulier de L’Opérette imaginaire, Claude Buchvald dira, elle aussi, qu’il s’agissait de se laisser emporter par un mouvement continu de figures, l’acteur acceptant de se laisser déposséder, non pour disparaître, mais pour devenir danseur de la langue. Entreprise de poète donc. Pour Novarina : « La vraie syntaxe déchaîne tout24 ». Paradoxe fécond, si l’on se rappelle l’étymologie du mot syntaxe. Novarina choisit le mouvement qui ouvre, multiplie, dissémine. « Je procède par prolifération, écartement, parenthèses […]. » Il évoque le fait que parfois, pendant des semaines, le livre est comme mort, mais qu’il peut avancer « de manière arborescente, comme par un travail printanier25 ». Ainsi le spectateur du théâtre de Novarina, peut-il être pris dans le tourbillon de phrases-fleuves, ou de listes interminables de noms appelés, suspendant la logique discursive. Ces énumérations démesurées, de plusieurs pages souvent, acrobatiques pour les acteurs, comblent, par leur existence sonore ou graphique, le manque de possession des choses, compensent l’impossible saisie,
creusent par l’abondance de la parole. En même temps qu’elles marquent une rupture avec le flux continu de la phrase dont elles interrompent le cours, elles mettent en place un nouvel ordre : celui d’une continuité de fragments, qui jamais, pourtant, ne pourra épuiser le réel, mais qui, comme par magie, fait advenir une réalité l’espace d’un instant. L’Infini romancier de L’Opérette imaginaire, comme Alice Zeniter le dira, a l’art de susciter dans l’imaginaire, comme en une pluie de confetti, de nouveaux rêves de lecteur, aussi vite nés qu’abandonnés. Voilà réaffirmées les lignes de force d’une esthétique du fragment, liée pourtant au rêve d’un roman total, opposant à ce Tout rêvé la fragile mais tenace trace d’une présence aléatoire.
La langue est rendue à sa liberté imprévisible dans une forme théâtrale réinventée. Ce théâtre de l’œil et des oreilles, qui emprunte des éléments au cirque, à l’opérette, au music hall, fait naître un nouveau rapport au spectateur, surprend, déstabilise, force l’écoute du texte. Surgissement d’une nouvelle manière de penser le monde devant la chose en vrai qui se dit et se fait sous nos yeux. Débarrassé du modèle aristotélicien, de la mimèsis, de la terreur ou la pitié, des mythes du personnage, de la psychologie, de la fable, le théâtre se renouvelle dans sa forme, imagine des dispositifs qui accordent de nouvelles places à l’objet et à la parole. Richard Pierre, depuis sa double place de régisseur et d’ouvrier du drame, parle de son expérience dans les pièces de Novarina : porteur d’objets et porteur de parole sur le plateau de théâtre. Les spectateurs assistent à une naissance du théâtre dans un présent en train de se faire. En sortant du temps historique et de l’action scénique, les spectateurs accèderaient à un temps primordial, un Autre temps, nous montrera Michel Corvin, en s’appuyant sur l’analyse de La Scène. À ce temps primordial, cosmique, correspond aussi un espace que Philippe Marioge, de par sa fonction de scénographe, comme il nous le dira, s’emploie à vider pour laisser résonner la parole portée par des acteurs vidés d’eux-mêmes. Mais le silence des espaces infinis n’effraie pas les personnages de Novarina26 ni les acteurs qui portent leur parole. Bien au contraire, l’espace désencombré redevient un champ de forces où l’énergie d’une parole première rendue à son animalité peut à nouveau se déployer.
L’inachèvement du devenir
Le monde qui apparaît dans l’œuvre de Novarina est en perpétuel mouvement. Tout se passe comme si, à l’instar des théories de Giordano Bruno remettant en question la cosmologie et la physique aristotéliciennes, un omnicentrisme était à l’œuvre qui éradique toute illusion de centre absolu. On y trouve l’éclatement du monde, du lieu, du temps, du personnage, de la langue. Pourtant, dans l’univers novarinien, cet éclatement n’est accompagné d’aucun sentiment douloureux de dépossession ni de nostalgie d’un temps et lieu heureux, ni d’un effondrement du moi lié au sentiment d’une perte de valeurs, comme une certaine littérature post-moderne le donne à voir. Tout au contraire même, l’absence d’un temps de référence, comme celle d’un lieu d’ancrage, permet à l’errant qu’est le personnage novarinien de poursuivre sans relâche la route, de ne se sédentariser jamais, d’être en devenir, dans un mouvement ininterrompu de naissance. Dégagé de toute crispation identitaire, et par sa non-inscription dans un lieu ou un temps définitifs, il se révèle étonné de sa chute, mais joyeux du désancrage qui est le sien. C’est que, s’il n’y a pas de centre, il fait l’expérience que le foyer est partout où il se trouve. Pour les personnages de Novarina, comme pour l’auteur lui-même, qui se plaît à redire l’ouverture aux langues dans le pays du Léman où il est né, la langue est l’espace mouvant où habiter. Les langues étrangères sont importantes pour l’auteur, et les langues d’écrivains aussi, chacune avec son sceau rythmique propre, ont marqué le lecteur-écouteur Novarina. De fait, nous lecteurs, sommes pris dans une parole qui circule d’un auteur à l’autre, sans qu’il y ait plus de propriété bien délimitée. Dans cette peau textuelle, qu’est-ce qui appartient à l’un des penseurs, qu’est-ce qui est en propre à Novarina ? Ce procédé nous met en mouvement et ouvre un formidable horizon : d’une part, il attise en nous la curiosité de l’enquêteur, activée pour saisir, dans ce brouillage, les textes « sources » – jeu intellectuel stimulant, qui oblige à être sur ses gardes27 – d’autre part, il suscite un vaste et profond questionnement, faisant de ses questions les nôtres.
Je parlerai, pour montrer comment ils participent de l’écriture du devenir, de ce gai savoir ainsi que de la féconde inquiétude qui lui fait pendant. Nous nous trouvons ainsi au cœur d’un dialogue, inscrits dans ce palimpseste des échanges, participant à ce mouvement qui ouvre le temps.
Laure Née
Laure Née remercie vivement Sidonie Han, Gilles Bonnet et Valère Novarina pour leur aide précieuse. Une gratitude toute particulière à Isabelle Babin pour le travail sur la bibliographie de cet ouvrage.
1 D’autres critiques en ont fait l’expérience. Je renvoie les lecteurs à tous les ouvrages collectifs déjà parus – et dont on trouvera les références complètes à la fin de ce volume – depuis l’inaugural Valère Novarina, Théâtres du verbe, sous la direction d’Alain Berset, José Corti, 2001. Les livres d’entretiens d’Olivier Dubouclez et Marion Chénetier confirment ce foisonnement de domaines présents dans l’œuvre. Respectivement, Paysage parlé, Éditions de La Transparence, 2011 et L’Organe du langage, c’est la main, Argol, 2013.
2 Maurice Blanchot, Préface à Lautréamont, Les Chants de Maldoror, « Lautréamont ou l’espérance d’une tête », Paris, José Corti, 1973, p. 107. Ibidem, p. 109 pour la 2e citation.
3 Pour le lien de Novarina avec Descartes, se référer à l’entretien avec l’auteur en fin de volume.
4 L’analyse de certaines questions convoquent de multiples disciplines : l’intérieur et l’extérieur, la matière, l’espace, le temps, le fragment et le tout, la présence, le vide, le même et l’autre, le langage, le mot et la chose, la naissance, l’homme, le sujet et l’objet, l’être, le “moi”, la mélancolie, la vie, la mort, Dieu, etc.
5 Cet aspect de l’œuvre sera présent dans l’entretien avec V. N. à la fin du volume.
6 D’autres champs de savoir pourraient être évoqués : je pense en particulier à la physique. Des notions comme la matière, le vide, la singularité pourraient, à l’évidence, bénéficier de cette approche. Valère Novarina exprime fréquemment l’idée que l’étude du langage devrait être redonnée aux physiciens : « La linguistique est une branche de la physique des fluides », Valère Novarina, Observez les logaèdres !, P.O.L, 2014, section « Une pierre vide », proposition 30, p. 20. Le corps, la souffrance psychique, la parole comme saut dans l’inconnu – terme que V. N. préfère à celui d’inconscient – montrent aussi l’intérêt de l’auteur pour la psychanalyse, lui qui, jeune, écrit à Lacan, et assiste à des présentations de malades à Sainte Anne.
7 Devant la parole, P.O.L, Paris, 1999, p. 57.
8 Michel Corvin le rappelle dans la Préface de L’Acte inconnu : « dramaturge unique qui œuvre sans presque aucune ressemblance avec ceux de ses contemporains », L’Acte inconnu, Gallimard, 2009, p. 8.
9 De ces figures nombreuses avec lesquelles se tisse la parole de l’inactuel qu’est Novarina, trop nombreuses pour être toutes nommées, je retiendrai celles-ci, qui couvrent des champs de savoir différents et vastes : les Pères de l’Église, Rabelais, Montaigne, Molière, Pascal, Bossuet, Jeanne Guyon, Rousseau, Jarry. Liste par définition incomplète, car les sources sont multiples et participent d’un jeu de l’auteur avec les pensées les plus diverses. Figures auxquelles s’ajoutent les Cyniques, les Stoïciens, Héraclite, Spinoza, Hegel, Nietzsche, Bergson, Jankélévitch, Levinas, et Lacan, dont les pensées sont présentes, comme en une basse continue.
10 « Adressons à l’homme moderne cette question, à vrai dire peu agréable : sa fameuse “objectivité” historique lui donne-t-elle le droit de se considérer comme fort, c’est-à-dire juste, plus juste que les hommes d’autres époques ? […]. » Nietzsche, Crépuscule des idoles, op. cit., chapitre « Divagations d’un inactuel », paragraphe 39 intitulé « Critique de la modernité », p. 84.
11 « Arrêtez le boléro réaliste ! la toujours même petite courte valse de reconnaissance et de reproduction : jérémiades des petits faits vrais […]. », Pour Louis de Funès, in Théâtre des paroles, P.O.L, 2007, p. 170.
12 Ce terme de « débarrassement » a à voir avec la catharsis qui purge le spectateur de l’encombrante actualité. Cf Paysage parlé, Olivier Dubouclez, Éditions de la transparence, 2011, p. 108.
13 Valère Novarina, Notre parole, article publié dans le quotidien Libération, le 27 juillet 1988, repris dans Le Théâtre des paroles, p. 235.
14 Novarina décline sur ce principe les noms des Machines : Machines à dire voici, la Machine à faire l’homme, etc.
15 L’horreur de toute dictature de la pensée entre peut-être en résonance avec l’épisode historique de l’Occupation dont quelques éléments percent dans Le Monologue d’Adramélech.
16 « Also sprach Louis de Funès », écrit Novarina dans Devant la parole, p. 135.
17 Notre parole, repris dans Le Théâtre des paroles, p. 235.
18 Ibid., p. 236.
19 Ibid., p. 235.
20 Valère Novarina, Observez les logaèdres !, op. cit., « L’amour géomètre », dans la section « Le déséquilibre spirituel », proposition 321, p. 118. Idée récurrente, présente déjà dans Lumières du corps : « Allez annoncer partout que l’homme n’a pas encore été capturé ! », Valère Novarina, Lumières du corps, section « Panique dans la matière », op. cit., p. 22.
21 « Pratiquer une défiguration », selon l’expression d’Évelyne Grossman, La Défiguration, Artaud – Beckett – Michaux, Éditions de Minuit, 2004.
22 Je, Tu, Il, Arfuyen, 2012. Opéra de Michaël Levinas, La Métamorphose, créé à l’Opéra de Lille, en mars 2011.
23 Faute de temps, ou de place dans l’ouvrage, beaucoup d’acteurs n’ont pu témoigner de leur travail d’acteur novarinien. La parole des acteurs présents essaie de donner place aux acteurs absents et aux acteurs disparus : Christine Fersen, Daniel Znyk, Michel Baudinat.
24 Notre parole, repris dans Le Théâtre des paroles, op. cit., p. 236.
25 Devant la parole, P.O.L, Paris, 1999, p. 58.
26 Peut-être ici a-t-on une trace du jeune homme Novarina qui écrivit un Contre-Pascal.
27 Enquêteur ou archéologue : comme dans un site archéologique, le sol de l’écriture de Novarina est plein de strates superposées.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-3842-4
- EAN : 9782812438424
- ISSN : 2430-8080
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3842-4.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 30/07/2015
- Langue : Français