Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Simone Weil, réception et transposition
- Pages : 371 à 377
- Collection : Colloques de Cerisy - Philosophie, n° 3
Résumés
Robert Chenavier, « Avant-propos »
La pensée de Simone Weil offre les entrées les plus riches à partir de notions qui paraissent d’abord discrètes. Il en est ainsi de celle de transposition, féconde dans tous les domaines de la réflexion. Elle éclaire le franchissement par la philosophe, à plusieurs reprises, d’un « seuil », au cours de sa progression philosophique et spirituelle. Le colloque a dévoilé également le bénéfice qu’on peut tirer de la notion weilienne de dimensions, essentielle pour percevoir une pensée dans sa réalité.
Fernando Rey Puente, « La transposition comme critère de vérité »
Les différentes significations revêtues par le terme « transposition » sont rapprochées du terme « analogie » qui semble avoir un rôle semblable chez Simone Weil. Il y a une dimension objective et une autre, subjective, de la transposition, bien que Simone Weil fasse de la seconde un usage soit positif soit négatif. Enfin, l’importance primordiale de ce concept dans la pensée weilienne est soulignée, dans la mesure où il permet à la philosophe de réunir différents niveaux de la réalité.
Adrienne Janus, « À l’écoute de Simone Weil. La transposition de(s) sens »
L’écoute du monde a des résonnances ontologiques, affectives et éthiques. Cela conduit à une « transposition de(s) sens » par laquelle les actes les plus simples deviennent l’équivalent d’un « regard juste » orienté vers le secret, le silencieux, l’invisible et l’infiniment petit. Regarder n’est plus fixer un objet comme une cible, mais devient semblable à une écoute. C’est un mode d’attention orientée vers les résonances imperceptibles qui accompagnent le moindre sentiment d’être-dans-le-monde.
372Robert Chenavier, « “Se mettre dans la troisième dimension”. Une théorie du transfert chez Simone Weil »
Comment figurer la pensée qui embrasse plusieurs rapports verticalement superposés ? À chaque étape de sa réflexion, Simone Weil fait appel, pour parvenir à une figuration, à une constellation de notions : métaphore, traduction, transfert, transposition et convenance. Après analyse des procédés de la transposition dans le domaine de la connaissance, puis dans celui de l’action, est interrogée la dimension spirituelle de l’art de transposer, appellation justifiée par sa composante esthétique.
Frédéric Worms, « “Elle me gouverne mais ne me convertit pas”. Simone Weil, le malheur et l’amour humain »
Le but est d’offrir une lecture et une transposition de « L’Amour de Dieu et le malheur ». Une lecture, d’abord, du malheur sous le signe de l’amour. Le malheur à la fois brise l’âme et lui révèle qu’elle est « en relation ». Il s’agit aussi d’une transposition. Peut-on penser le malheur sans l’amour de Dieu, sans quitter le texte et le défi qu’il lance ? L’amour révélé dans le malheur et qui peut y répondre est-il nécessairement l’amour « de Dieu » ? Pourquoi ne serait-il pas l’amour humain ?
Alejandro Del Río Herrmann, « Simone Weil et le problème d’une politique de la culture »
À l’aide de la notion de « politique de la culture », telle qu’elle est esquissée par le philosophe italien Norberto Bobbio, on peut essayer de comprendre quel était l’enjeu politique effectif de Simone Weil. Au cœur de la pensée weilienne, la « décréation », vocation de toute « créature raisonnable », permet de proposer, à travers la « lecture décréative », une notion du travail de la culture comme « lectures superposées » ou « lecture des lectures ».
Pascal David, « Une vie philosophique ? Simone Weil, éthique et écriture »
Simone Weil publie beaucoup, mais des articles dans des journaux ou des revues militantes qui relèvent du combat politique et syndical, dont le présent est l’enjeu. Quelle conception propose-t-elle de la philosophie ? Le philosophe n’est pas celui qui construit un système mais celui qui opère sur lui-même 373un travail de transformation de soi afin d’accéder au réel, la vérité n’est pas un ensemble de connaissances mais un bien vers lequel il faut tourner toute l’âme. Simone Weil incarne une vie philosophique.
Emilia Bea et Cristina Basili, « Vers une civilisation du travail. Action et contemplation dans la pensée de Simone Weil »
Cette contribution analyse la pertinence philosophico-politique du thème du travail dans la pensée de Simone Weil. Elle discerne d’abord les traits principaux de la conception weilienne du travail, en suivant son évolution depuis les années trente. Elle se concentre ensuite sur les questions qui émergent de sa proposition d’une civilisation fondée sur la spiritualité du travail. Finalement, elle essaye de comprendre les implications de la réflexion weilienne pour la théorie politique contemporaine.
Christina Vogel, « Penser l’expérience du temps dans la société postindustrielle à la lumière des écrits weiliens »
L’étude reprend les analyses que Simone Weil a conduites sur le rapport entre l’expérience du temps et le travail, en tenant compte des mutations dues aux innovations techniques qui bouleversent les formes de production. Nos sociétés de consommation n’ont pas seulement changé la nature du travail, elles privent un nombre croissant de gens de la possibilité de trouver un travail. Que signifie être exclu du monde du travail et avoir du temps libre, non consacré à des activités professionnelles ?
Pascale Devette, « La condition humaine comme travail de perception »
Sous quelles conditions le travail actualise-t-il les capacités perceptives de l’être humain ? En posant l’importance sociale d’une perception intuitive, nous analyserons les effets d’un travail oppressif sur les dispositions perceptives. Plus particulièrement, nous examinerons les conséquences inhérentes à l’impératif de la vitesse et celles associées au temps de l’horloge, en tentant de départager ce qui relève de la nécessité du travail de ce qui est engendré par différentes constructions abstraites.
374Françoise Meltzer, « Corps et âme. La philosophie du travail chez Simone Weil »
Présence primordiale au monde, notre corps l’organise avant que la pensée surgisse. Simultanément, souffrance et attention conduisent à la compassion. Affligée de migraines, un effort d’attention permit à Simone Weil de s’extraire de cette « misérable chair, de la laisser souffrir seule ». Cette attitude envers son propre corps, difficile à concilier avec certaines de ses idées, conduit à interroger le rapport entre corps et souffrance, et à demander comment ce rapport inclut le travail physique.
Thomas Pavel, « Le déracinement selon Simone Weil et Gabriel Marcel »
Selon Simone Weil, l’enracinement, besoin naturel des êtres humains d’appartenir à une communauté, à son passé et à ses projets d’avenir, dépérit à cause de la puissance de l’argent, de l’élitisme culturel et du pouvoir de l’État. Pour Gabriel Marcel, le déracinement est la conséquence du système bureaucratique et de la prééminence du rendement. Comment défendre le « chez-soi » dans un monde régi par l’argent et la mobilité ? Grâce à l’amour, pense Simone Weil, par le recueillement, propose Gabriel Marcel.
Olivier Rey, « Simone Weil et Günther Anders »
« Toutes les fois qu’on fait vraiment attention, on détruit du mal en soi », écrit Simone Weil, qui reconnaît dans l’attention la plus importante des vertus. Günther Anders s’est attaché à mettre au jour ce qui nous rend massivement, structurellement, spécifiquement inattentifs dans le monde contemporain. Voilà pourquoi, quoique Simone Weil et Günther Anders aient des personnalités et des œuvres si différentes qu’on n’ait guère songé à les rapprocher, il semble fécond de confronter leurs pensées.
Ghislain Waterlot, « Renouveler la notion de vérité religieuse. Le legs de Simone Weil »
Dieu vient féconder l’âme qui consent à l’irruption en elle de ce qui l’excède. Ce consentement éveille la « faculté d’amour surnaturel » qui produit des effets dans le monde humain, notamment les religions. Toute religion authentique naissant d’un contact de l’âme et de Dieu, Simone Weil critique l’idée que 375la vérité serait l’apanage d’une religion. Penser la notion de vérité religieuse c’est écarter la tentation de synthèse, tout en soulignant le caractère fécond de la comparaison des religions.
Laurent Mattiussi, « Unicité des religions, unité de la religion ? Simone Weil et Mircea Eliade »
Dans sa quête d’universalité, Simone Weil pense l’unité de la religion, sans dissoudre dans une abstraction l’unicité des religions : chacune peut prétendre à l’exclusivité de la vérité et pourtant s’accorder avec les autres, dans leur singularité, à l’horizon de la mystique. La science des religions, qui compare les mythes, les images et les symboles se met au service de cette visée pour suggérer, comme chez Mircea Eliade, la permanence du religieux à travers la diversité de ses manifestations.
Emmanuel Gabellieri, « Simone Weil, de l’élargissement de la métaphysique à l’élargissement du christianisme »
La « métaxologie » weilienne analyse les modalités par lesquelles la « plénitude de l’être » descend dans les créatures. Cela suppose une ontologie récusant l’immanentisme et l’extrinsécisme entre nature et grâce ; une épistémologie retrouvant le lien entre logos et philia ; une philosophie de la religion articulant « foi implicite » et foi qui traverse les religions, mais qui trouve son explicitation dans la figure du Christ, par rapport à laquelle le christianisme historique paraît inachevé.
François Marxer, « Palimpseste théologique. Simone Weil, Henry Duméry, Stanislas Breton ou le surnaturel en question »
Bénéficiant du reflux du positivisme, la question du surnaturel reprend quelque actualité au début du xxe siècle, notamment avec Blondel. Simone Weil s’y confronte de façon originale en se réclamant d’une inspiration platonicienne et en proposant une métaphysique de la Croix, détachée de la résurrection et donc de toute respective eschatologique. Henry Duméry et Stanislas Breton méditent à leur tour une théologie de la Croix, élargissant l’horizon weilien que sa radicalité rendait difficilement pensable.
376Maria Villela-Petit, « Convergences spirituelles. Actualité de l’universalisme de Simone Weil »
Chaque culture est influencée par d’autres au sein d’une civilisation. Simone Weil dépassait ce qu’on entend par civilisation. Elle s’arrêtait sur les « perles de vérité » issues de cultures comme celles des polynésiens, des amérindiens, d’ethnies africaines. Cette étude s’attache à sa « lecture » du taoïsme mis en rapport avec des textes chrétiens, grecs ou mystiques, afin d’illustrer la conception weilienne des convergences spirituelles selon une méthode de transposition pertinente aujourd’hui.
Luigi A. Manfreda, « Simone Weil, l’impossible et le nécessaire »
La structure de la pensée weilienne se présente comme une liaison de multiples fils. Cette étude tente de comprendre la liaison de deux de ces fils, puis de penser son insertion dans l’ensemble de la pensée de Simone Weil. D’abord, il y a l’impossibilité d’établir un domaine du bien et de la justice, le monde étant dominé par la force ; mais il existe aussi une nécessité d’établir une obligation morale qui puisse fonctionner comme paradigme éthique, pour l’individu comme pour la collectivité.
Rita Fulco, « “Seul ce qui est juste est légitime”. Limite du politique et obligation de justice »
Le concept de légitimité et celui de justice constituent l’objet de cette réflexion. À partir d’un précepte minimal négatif – la justice c’est de « ne pas faire de mal aux hommes » –, Simone Weil arrivera à formuler un précepte hyperbolique positif – la justice comme un « excès d’amour » – qui impose à tous une responsabilité potentiellement illimitée pour chaque être humain. Toute institution politico-juridique, pour être légitime, doit essayer de se rapprocher d’un tel concept de justice.
Christine Ann Evans, « Simone Weil et la justice d’après-guerre »
Dans L’Enracinement, Simone Weil exprimait ses appréhensions sur l’après-guerre. À partir de l’analyse des buts poursuivis dans les accusations portées contre les fonctionnaires de Vichy (notamment présenter Vichy comme une « rupture » dans la continuité du récit historique français), elle annonçait 377les dangers d’une justice mise au service de buts symboliques et politiques : répartir les Français en deux camps, « purs » ou « impurs », et ensevelir précipitamment quatre ans de collaboration.
Martine Leibovici, « La vulnérabilité de l’humain et la tension vers l’universel. Simone Weil depuis les éthiques du care »
« L’Iliade ou le poème de la force » est l’un des textes qui expose le plus directement la réflexion de Simone Weil sur la vulnérabilité de l’humain. Il permet d’établir le lien qu’elle entretient avec la nécessité des conduites de soin. Les théoriciennes des « éthiques du care » ont d’ailleurs redécouvert son œuvre. L’exploration de convergences entre ce courant et la pensée de Simone Weil conduit à déceler, en retour, les insuffisances des « éthiques du care » sur la question de l’universel.
Federica Negri, « Simone Weil et Emmanuel Lévinas. L’impersonnel et l’altérité, le même défi ? »
Le but de cette communication est de proposer quelques points, quelques occasions de comparaison entre la formulation du sacré par Simone Weil (notamment dans « La personne et le sacré ») et la pensée sur l’altérité d’Emmanuel Lévinas, telle qu’elle se dessine à partir de Totalité et Infini et dans Autrement qu’être ou au-delà de l’essence, dans l’espoir de pouvoir faire apparaître des points de contact importants et inattendus – au-delà de grandes différences et de quelques malentendus lévinassiens.
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-08248-4
- EAN : 9782406082484
- ISSN : 2606-5983
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08248-4.p.0371
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 19/11/2019
- Langue : Français