[Histoire de amours de Valérie et du noble vénitien Barbarigo] Avertissement
- Publication type: Book chapter
- Book: Romans
- Pages: 334 to 336
- Collection: Eighteenth-Century Library, n° 25
AVERTISSEMENT1
Je n’ai rien à dire sur la vérité de cette histoire. Elle est trop connue en Italie. Je veux parler des faits, car pour l’histoire imprimée, elle n’a encore paru dans aucune langue.
Barbarigo2 mourut à quatre vingt-ans dans l’année 1718. Il avait écrit lui-même ses Mémoires dans un âge avancé. Comme il avait connu à Bologne le comte Guastavillani3 avec qui il s’était lié d’une étroite amitié, il lui avait envoyé une copie de son manuscrit.
Dix ans après la mort de Barbarigo, le comte Guastavillani le fils trouva ce manuscrit dans la bibliothèque de son père, et me le prêta pour le lire. L’histoire me parut intéressante, et je fus frappé de plusieurs traits d’une morale aussi noble que puisée dans la vraie nature. Je lus ce manuscrit plusieurs fois, et j’eus envie d’en avoir une copie. Comme je ne voulais le confier à personne, je me mis à le transcrire moi-même. Mais je n’avais copié que deux parties et quelques pages de la troisième que le jeune comte vint me le redemander. Le père s’était aperçu que ce manuscrit manquait dans sa bibliothèque, et mon ami en avait eu une réprimande sévère.
Les égarements de Barbarigo serviront d’exemple aux jeunes gens : c’est dans cette vue que je donne ses mémoires au public. C’est lui-même qui raconte son histoire. Je n’ai fait que traduire les deux premières parties, et les pages de la troisième que j’avais copiées. Je pourrais presque dire que tout l’ouvrage n’est
qu’une traduction. Cette histoire et les traits de morale qui y sont répandus, m’étant toujours restés dans l’esprit, je ne crois pas m’être écarté du caractère de Barbarigo ni de sa manière de raconter dans le reste du récit de ses aventures que j’ai écrites de mémoire.
J’ai fait quelques remarques qui m’ont paru nécessaires, ou du moins utiles pour l’intelligence de l’histoire.
1 La présente édition se fonde sur l’originale parue en 1741, et intègre les quelques corrections présentes dans l’édition revue et corrigée de 1761 (Bibliothèque de campagne, t. XVIII).
2 La famille Barbarigo est une des plus anciennes de la noblesse vénitienne, à laquelle appartinrent deux doges aux xve et xvie siècles et trois cardinaux aux xviie et xviiie siècles. De nos jours encore plusieurs palais vénitiens témoignent de l’influence des Barbarigo : le Barbarigo Nani Mocenigo, qui remonte au xve siècle et se situe sur le rio (canal) San Trovaso, dans le sestriere de Dorsoduro ; le Barbarigo della Terrazza, sur le Canal Grande, bâti au xvie siècle ; le Barbarigo Minotto, sur le Canal Grande, qui réunit, au xviiie siècle, des hôtels particuliers des siècles précédents. Ce dernier fut décoré, entre autres, par Tiepolo.
3 La famille Guastavillani fait partie de la noblesse bolonaise qui avait son représentant au Sénat de la ville.