Histoire ancienne

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la typologie et à l'allégorie et n'applique que de manière marginale le schéma promesse-accomplissement, si présent ailleurs, ou eneore qu'il puise largement dans les passage rituels de l'Ecriture. Il eonsidère enfin l'interprétation que fournit He de l'Éeriture à la fois en situation de proximité, de différenciation ou encore de concurrence avec l'interprétation synagogale, notamment dans le cadre de la prédication, genre littéraire dont relève aussi He. Pour lui, l'auteur d'He s'adresse à une commu¬ nauté judéo-chrétienne qui se trouve préeisément dans un rapport à la fois de proximité, de différenciation et de concurrence avec la Synagogue et au sein de laquelle certains pourraient être tentés de revenir à cette dernière. Dans ces conditions, l'auteur s'emploie à aider les destinataires à eonforter leur nouvelle identité et, en reeourant à l'interprétation scripturaire qui est la sienne, à dissuader les destinataires de se soustraire au salut qui s'est fait proche et s'est ouvert en le grand prêtre Jésus-Christ. Sans être vraiment originale, cette étude s'avère solide et sûre. Ch. Grappe

HISTOIRE

I. HISTOIRE ANCIENNE

Christoph Markschies, Cottes Kôrper Jûdische, christliche und pagane Gottes- vorstellungen in der Antike, Mûnchen, C. H. Beck, 2016, 900 pages, ISBN 978-3-406-66866-1, 48 €. Dieu a-t-il un (ou plusieurs) corps ? Si oui, combien et de quels types ? Comment eoneevoir l'anthropomorphisme divin ? Telles sont les questions auxquelles voudrait répondre ce livre. Si la philosophie d'un L. Feuerbach (le corps humain imparfait ne peut servir de modèle à la perfection de Dieu) ou les dévoilements psychologiques d'un S. Freud (l'idée que Dieu a un corps est infantile) ont conduit l'esprit moderne à ne plus se poser la question sous cette forme, il n'en a pas été de même dans l'Antiquité : beaucoup de lettrés eonsidéraient même que, à l'instar des divinités du paganisme, le Dieu des Juifs et des chrétiens avait un corps, autrement dit une existence matérielle anthropomorphe. Sept chapitres tentent de rendre compte de la très grande richesse docu¬ mentaire : le corps de Dieu dans la Bible judéo-ehrétienne et dans les éeoles philosophiques, des présoeratiques jusqu'à Aristote ; chez les gnostiques, et d'Origène à Méliton de Sardes ; le corps du dieu dans la statuaire antique des temples et des sanctuaires (on pense au célèbre Zeus de Phidias à Olympie) ; corps divins et aspeets matériels des âmes dans l'Antiquité tardive, ehez Platon, Tertullien, Claudianus Mamertus, saint Augustin ; la coneeption du corps de Dieu dans la mystique juive (Ezéchiel, la Révélation d'Elchasai et l'apocalyptique judéo-chrétienne) ; un chapitre spécial est consacré à l'étude des eonceptions de Dieu dans la théologie ehrétienne - ehez Irénée de Lyon, dans les homélies pseudo-clémentines, ehez Lactance, Eusèbe d'Emèse, etc. -,

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qui met Taccent sur la controverse relative à l'anthropomorphisme divin chez Théophile d'Alexandrie, Évagre le Pontique et dans les Collectiones Patrum de Jean Cassien ; une dernière partie, enfin, traite du eorps de Dieu dans la christologie antique, en présentant aussi les débats sur la divinité du corps de Jésus, qu'illustre pertinemment un texte en copte sahidique daté du début du V® siècle et attribué à un évêque, Agathonicus de Tarse, ineonnu par ailleurs : ce texte, qui est vraisemblablement de la plume d'un moine égyptien, était censé appuyer, au sein de la polémique égyptienne, la conception « orthodoxe » de l'anthropomorphisme divin légitimé par un évêque d'Asie Mineure. Plongeant profondément ses racines dans les représentations divines du paganisme antique, le ehristianisme ne se libérera de ees eonceptions, parfois étranges, qu'au cours des siècles du Moyen Age. Dans l'Antiquité, les ehré- tiens, même cultivés, croyaient tout naturellement que Dieu, comme les dieux païens des temps classiques, avait un corps. C'est un apport considérable du présent livre que de mettre en lumière les débats philosophiques et théolo¬ giques qui expliquaient et démontraient l'anatomie divine : il lui fallait pour ce faire visiter les temples antiques et, parallèlement, comparer les spéci¬ ficités du Dieu des Juifs et des chrétiens avec celles des dieux païens. Il s'en dégage une vision assurément neuve sur le Dieu chrétien ; eelle-ei eonstitue, à sa manière, une démythologisation. Près de deux mille notes, environ cent pages de bibliographies et de copieux indices font de cet ouvrage imposant une mine de références litté¬ raires et culturelles, exposant, avec la clarté d'un projet de recherche, les conceptions religieuses et les mentalités qui sont à l'origine des représen¬ tations du divin. Cela est partieulièrement vrai pour les pages consaerées à la mystique juive et à la théologie ehrétienne de l'Antiquité tardive, ainsi que pour les démonstrations, d'une très grande qualité, à propos des débats christo- logiques, qui terminent le livre. On ne peut reeonstruire l'état des eonseiences des populations antiques ; il faut donc se contenter d'une approehe matérielle du fait religieux par le biais d'une documentation archéologique et littéraire, abondante et partiale ; à l'historien de démêler Técheveau, même sur une très longue période. Cet opus magnum y répond admirablement. Toile lege ! M. Matter

Hugh Α. G. Houghton, The Latin New Testament. A Guide to its Early History, Texts, and Manuscripts, Oxford, Oxford University Press, 2016, XIX + 366 pages, ISBN 978-0-19-874473-3, £ 25. Comme l'indique son titre, cet ouvrage, riche et bien documenté, se veut un guide pour l'étude du NT en latin. La première partie (« History »), eonsacrée à l'histoire des traduetions latines, se compose de einq chapitres : le chap. 1 porte sur les plus aneiennes traductions latines, les « vieilles latines », qui voient le jour en Afrique à la fin du if siècle ; le chap. 2 traite de la diffusion de ces traductions dans l'Occident latin et de leur révision par Jérôme ; dans le troisième, l'A. illustre le phénomène de la eirculation, au cours des v^'-vif sièeles, de traductions latines concurrentes en Italie, en Afrique, en Espagne, en France,

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en Irlande et en Grande Bretagne ; le quatrième est consacré aux époques ottonienne et carolingienne, une période clé pour Thistoire du NT latin ; le cinquième s'intéresse à une série importante de codex eopiés entre le et le Xiv'' siècle, comme ceux issus de la production manuscrite espagnole, les Bibles atlantiques et les « Bibles de Paris ». Dans la deuxième partie (« Texts »), ΓΑ. fournit une description détaillée des différentes éditions critiques existantes à ce jour (chap. 6) et, à l'aide de nombreux exemples, explique dans quelle mesure une version donnée du NT latin peut être considérée eomme un témoin de sa source greeque (chap. 7). Clôt cette partie un intéressant ehapitre consacré à l'histoire de la tradition et de la réception de chaque livre du NT latin pris singulièrement (chap. 8). La troisième et dernière partie (« Manuscripts ») porte sur les aspects codicologiques et paléographiques des manuscrits (chap. 9) et contient une description des témoins utilisés dans les principales éditions critiques (chap. 10). Suivent trois appendices contenant les sigles des manuscrits des diffé¬ rentes éditions. Le volume est doté d'une riche bibliographie de 47 pages, d'un index des manuscrits cités, d'un index des passages bibliques ainsi que des textes et des auteurs aneiens, et, pour conclure, d'un index thématique. Il s'agit d'un outil précieux pour tout étudiant avancé et tout chercheur qui s'intéresse à l'histoire du NT ainsi qu'à sa réception dans l'Occident latin antique et médiéval. G. Aragione Christian Laes, Katariina Mustakallio, Ville Vuolanto (éd.), Children and Family in Late Antiquity. Life, Death and Interaction, Leuven - Walpole (MA), Peeters, 2015, xv + 375 pages (Interdiseiplinary Studies in Ancient Culture and Religion 15), ISBN 978-90-429-3135-0, 72 €. Ce volume réunit treize eontributions présentées dans le eadre de la Sixième « Roman Family Conference » qui a eu lieu à Rome, auprès de VInstitutum Romanum Finlandiae, du 17 au 19 mai 2012. La variété des thématiques qui y sont abordées reflète la complexité d'un sujet aux mul¬ tiples facettes. Après un chapitre introductif signé par les Ed. et consacré à l'histoire des études sur la famille dans l'Empire romain, l'ouvrage se compose de trois grandes parties. La première porte sur des questions démographiques, surtout, mais non exclusivement, relatives à l'enfanee. K. Harper concentre son analyse sur la ville de Rome et étudie l'impact que les épisodes de mortalité saisonnière avaient sur la population, notamment infantile, à l'époque tardo-antique ; L. Y. Rutgers présente les premiers résultats d'une recherche en cours sur les informations que les eatacombes juives et chrétiennes de Rome sont suscep¬ tibles de donner en matière de démographie historique ; M. Studer-Karlen examine la manière dont les représentations figurées sur les fresques et les sarcophages commandités par les chrétiens entre le ΐΐΓ et le νΓ siècle mettent en scène les eorps malades et difformes : elle montre que, jusqu'au νΓ sièele, ces images sont presque inexistantes, même dans les épisodes de guérisons, puisque, aux yeux de la communauté croyante, c'est l'accomplissement du miracle et l'intervention du Christ guérisseur qui comptent.

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La deuxième partie traite d'une série de thèmes liés à la condition sociale des enfants. Ch. Lacs s'intéresse à la question du travail infantile dans la Rome tardo-antique, un phénomène peu problématisé par les auteurs anciens et qui évolue au fils du temps selon les changements économiques et culturels de la société ; B. Brooten étudie l'attitude des chrétiens à l'égard des esclaves et plus précisément des couples d'esclaves et de leurs enfants ; R. Aasgaard reconstruit et présente, de manière très originale, la vie quotidienne d'un enfant grandi au v'' siècle dans la ville de Constantinople, et ce du point de vue de ce même enfant (fictif) ; la contribution de J. W. Martens porte sur le rejet et la condamnation de la pédérastie dans les communautés juives et chrétiennes et sur la dénonciation d'abus sexuels au sein de ces mêmes communautés. La troisième et dernière partie de cet ouvrage est consacrée à la condition des enfants dans la famille et dans la société de l'Orient chrétien. Les enfants dans les milieux monastiques égyptiens (A. Pudsey) ; les pratiques magiques de guérison des enfants malades (Egypte, Ethiopie) et les récits de guérisons miraculeuses dans les sanctuaires chrétiens (S. R. Holman) ; la représentation des enfants souffrants dans l'œuvre de Théodoret de Cyr et dans les Actes de Mar Mari (C. Horn) ; la manière dont la littérature rabbinique présente le rapport entre pères et filles (H. Sivan) ; la description de l'enfance et de la jeunesse dans les écrits des auteurs antiochiens aux iv'' et v'' siècles comme « modèle » pour l'élite d'Antioche (V. Vuolanto). L'ouvrage, qui se distingue par la richesse de la documentation fournie dans chaque contribution et la rigueur de l'analyse, se clôt avec une vaste bibliographie et un index général. G. Aragione

Albert C. Geljon, Riemer Roukema (éd.), Violence in Ancient Christianity. Victims and Perpetrators, Leiden - Boston, Brill, 2014, vlll + 252 pages (Supplements to Vigiliae Christianae 125), ISBN 978-90-04-27478-5, 114€. Les dix contributions réunies dans cet ouvrage ont été présentées lors du colloque « Violence in Ancient Christianity. Victims and Perpetrators », organisé par la Dutch Foundation for Ancient Christian Studies, les 7 et 8 octobre 2011. En ouverture du volume, l'étude de J. N. Bremmer aborde deux questions préalables importantes : avait-on, dans une société où la violence était un phéno¬ mène « normal », la même perception de la violence religieuse qu'aujourd'hui ? et dans quelle mesure les épisodes de violence relatés par les auteurs anciens doivent-ils être pris au pied de la lettre ? D. Praet analyse différents épisodes de violence et de coercition dont les chrétiens furent les victimes ou les insti¬ gateurs aux trois premiers siècles de notre ère. F. Ledegang et H. C. Teitler portent leur attention sur la politique religieuse de Constantin et de Julien respectivement. F. J. F. Boddens Hosang relance la question des rapports d'attraction et de haine entre les juifs et les chrétiens jusqu'au IV® siècle. Cyrille d'Alexandrie fait l'objet de la contribution de H. van Loon : les histo¬ riens ecclésiastiques de l'époque attribuent au patriarche alexandrin la respon¬ sabilité de la vague de violence qui frappa l'Egypte dans les années 412-418 ;

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la véridicité de ces récits pourrait être confirmée, estime ΓΑ., par une compa¬ raison avec les affirmations de Cyrille lui-même dans les écrits contemporains de ees événements. J. van Waarden eonsacre son artiele à une analyse rhé¬ torique du Libellus que Priscillien a adressé à Damase. P. van Geest étudie révolution de la position d'Augustin vis-à-vis de la coercition religieuse. G. Bartelink examine pour sa part le discours hérésiologique déployé dans les éerits de l'époque tardo-antique. Au terme de cet intéressant pareours sur la violenee religieuse, dont les chrétiens furent selon les eirconstances les vietimes ou les agents, la eontri- bution de R. Roukema ouvre d'autres pistes de réflexion : ΓΑ. étudie la réception et l'interprétation de la parole de Jésus sur l'amour des ennemis (Mt 5,38-48 ; Le 6,27-35) et montre que, pour nombre d'écrivains chrétiens de l'époque post-constantinienne, l'applieation de ce préeepte était parfois considérée comme plus eontraignante pour les partieuliers que pour les autorités politiques. G. Aragione Judith M. Lieu, Marcion and the Making of a Heretic. God and Scripture in the Second Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2015, XVI+ 502 pages, ISBN 978-1-107-02904-0, £ 70. Professeur à la Faculty of Divinity de l'Université de Cambridge, spé¬ cialiste reconnue de l'histoire des origines chrétiennes, ΓΑ. consacre la présente monographie à l'un des personnages les plus contestés du panorama théologique du if siècle : Mareion de Sinope. Rejeté de son vivant, passé à l'histoire comme un redoutable hérésiarque, redéeouvert et, pour ainsi dire, « réhabilité » par Adolf von Harnack dans son célèbre ouvrage Marcion : das Evangelium vom fremden Gott. Fine Monographie zur Geschichte der Grund- legung der katholischen Kirche (Leipzig, J. C. Hinrichs, 1924), 1'« hérétique » du Pont retient de plus en plus l'attention des historiens. On ne peut donc que saluer la parution de cet ouvrage qui se propose, non seulement de faire le point sur un auteur qui ne nous est connu que par la voix de ses adversaires, mais aussi de jeter un regard nouveau sur une personnalité aussi intrigante que problématique. Cette monographie s'ouvre sur un ehapitre introduetif dans lequel ΓΑ. pose les jalons du problème : la déformation que le Marcion historique a subi au fil du temps. Trois grandes parties structurent ensuite l'ouvrage. La pre¬ mière est consacrée à la construction de la figure de 1'« hérétique » au cours des quatre premiers sièeles de notre ère : Justin, contemporain de Marcion lui-même (ehap. 1), Irénée (chap. 2) et Tertullien (ehap. 3) ont progressivement forgé, chacun à sa manière, le portrait du Marcion hérétique en lui attribuant souvent des propos qui n'étaient pas les siens. Le discours hérésiologique postérieur, représenté par l'auteur de VElenchos et par Epiphane, mais aussi par l'ouvrage anonyme intitulé Dialogue d Adamantins, a enrichi le portrait de l'hérétique, devenu désormais traditionnel, et témoigne du fait que, aux llL et IV® siècle encore, la théologie de Marcion continue d'être perçue comme une menaee (ehap. 5). A Clément d'Alexandrie et à Origène, deux auteurs qui n'ont jamais composé de traité eontre les hérésies, mais qui ont néanmoins réfuté dans leur œuvre différents aspects de la pensée marcionite.

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est consacré le chap. 6. Au terme de cette partie, ΓΑ. ajoute une pièce importante, mais souvent négligée, au dossier des sourees sur Marcion : les auteurs des Églises syriaque et perse qui, tout au long du v'' siècle, durent se confronter avec la vivacité des Églises marcionites (chap. 7). Cet excursus montre bien comment chaque auteur s'approprie la figure et la doctrine de Marcion dont il ne diseute que les points, réels ou présumés, qui lui tiennent le plus à eœur. Dans la deuxième partie, ΓΑ. étudie ee qu'il est possible de savoir de la production littéraire de Marcion et ce que celle-ci représenta pour ses contem¬ porains : son « édition » de l'Évangile, (chap. 8), VApostolicon (chap. 9) et les Antithèses (ehap. 10). L'A. y diseute, d'un eôté, l'historieité de l'image de Marcion comme mutilateur des Éeritures, selon une expression qui remonte à Irénée {Contre les hérésies, I, 27, 2), et, de l'autre côté, la question fort débattue par les historiens du rapport entre l'entreprise marcionite et la formation du canon du NT. Tout au long de son ouvrage, l'A. souligne qu'il est nécessaire, pour appréhender le Marcion historique, de le situer dans le eontexte du lÉ sièele, une époque clé dans l'histoire du ehristianisme ancien, qu'elle n'hésite pas à considérer « as a period of fluid boundaries and of experimentation » (p. 26). C'est donc en cohérence avec cette affirmation (chap. 11) que, dans la troi¬ sième partie de son ouvrage, ΓΑ. examine la théologie de Mareion. Sont ainsi analysés, l'un après l'autre, les points principaux de la doctrine mareionite : Dieu (chap. 12), l'Évangile (chap. 13), la vie dans ce monde (chap. 14), le rapport avec la Loi et le judaïsme ainsi que la réception de la théologie paulinienne (chap. 15). Au terme de ce pareours riche et remarquablement argumenté, l'A. consacre le chapitre eonclusif (chap. 16) à la question qui ne peut manquer de se poser : Marcion était-il un hérétique ? La réponse, affirme-t-elle, est dans le titre de ce livre. G. Aragione

Jordan D. Rosenblum, Lily C. Vuong, Nathaniel R DesRosiers (éd.). Religious Competition in the Third Century CE. Jews, Christians, and the Greco- Roman World, Gottingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2014, 257 pages (Journal of Ancient Judaism. Supplements 15), ISBN 978-3-525-55068-7, 80 €. Présentées entre 2009 et 2012 lors des sessions de la Society of Biblical Literature (SEL), les contributions réunies dans ee volume portent sur le phénomène de la « eompétition » entre groupes soeiaux concurrents dans l'Antiquité tardive. Plus exactement, les auteurs s'intéressent à la manière dont les communautés religieuses et les courants philosophiques des diffé¬ rents pays du bassin méditerranéen, au IIÉ sièele de notre ère, ont géré les situations de rivalité. Ce recueil comprend trois parties. La première, « Assessing Religious Competition in the Third Century : Methods and Approaches », contient six articles. D. C. Ullucci propose une

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étude de la religion antique et, en particulier, des experts du rituel, à partir de la théorie des « modes de religiosités » élaborée par l'anthropologue Harvey Whitehouse. H. Marx-Wolf examine le débat sur la valeur des rituels mené par Porphyre et Jamblique. A. P. Urbano analyse l'usage, selon les cas apolo¬ gétique ou polémique, que les philosophes et les auteurs chrétiens font du récit des origines de l'humanité, considéré comme clé de leeture de l'histoire. S. J. Larson s'interroge sur la notion de « tolérance religieuse » et sur les risques d'anachronisme liés à l'emploi de cette expression. K. M. McGinnis consacre sa contribution à la figure du prêtre chrétien, à partir du point de vue d'Origène. Enfin, A. B. MeGowan étudie la redéfinition de la notion de « sacrifice » prônée par Cyprien et d'autres auteurs chrétiens au iif siècle. La deuxième partie, « Ritual Space and Practice », comprend cinq contri¬ butions. G E. Gardner aborde un sujet souvent négligé par la recherche, à savoir la manière dont les écrits rabbiniques traitent le phénomène de l'évergétisme, en tant que stratégie de eompétition soeiale. N. P. DesRosiers analyse la fonction du serment, notamment du serment solennel, à l'intérieur d'un groupe religieux et les réactions chrétiennes à cette pratique. Dans la contribution suivante, signée par J. D. Rosenblum et D. G. Ullueei, les normes alimentaires fixées dans les textes rabbiniques sont examinées à partir des modèles théoriques élaborés par la science cognitive de la religion. L. G. Vuong explore la valeur symbolique que le Temple de Jérusalem garde dans la mémoire chrétienne des premiers siècles. J. A. Latham clôt cette seetion par une étude sur la rivalité entre l'aristoeratie romaine et les évêques (« battling bishops », selon l'expression de ΓΑ.) dans l'espace public de la cité. Six articles eomposent la troisième partie, intitulée « Modes of Gompe- tition ». K. B. Stern s'intéresse aux inseriptions en tant que témoins des rivalités religieuses en Syrie, principalement à Doura Europos. G. P. Klein se propose de comprendre la manière dont les sages appartenant aux milieux rab¬ biniques de Sepphoris et de Tibériade percevaient les conflits d'interprétation entre les différents maîtres. A. Finkelstein examine la place des juifs dans la politique religieuse et dans les écrits de l'empereur Julien. T. S. Berzon sug¬ gère que les auteurs des traités contre toutes les hérésies ont construit leur discours en suivant un paradigme tiré de l'ethnographie, qui consiste à éla¬ borer, dans un but polémique, une sorte de carte théologique de Voikouménê chrétien. L'article de T. G. Krulak porte sur la dichotomie qui earactérise le courant platonicien de l'époque tardo-antique entre la philosophie proprement dite et l'art hiératique. R. S. Kraemer propose une lecture du thème de la compétition religieuse dans la perspective des gender studies. Le volume se clôt sur une longue bibliographie, l'index des contributeurs et un index général. Ce recueil, qui se recommande par la qualité des contributions, a le mérite de proposer des sujets et/ou des angles d'attaque nouveaux et novateurs. La majorité des auteurs accorde une attention particulière aux débats historio- graphiques actuels. La notion de religion est ainsi problématisée, dans la mesure où elle ne peut plus être considérée comme une catégorie universelle, valable pour toutes les cultures et toutes les époques. La même opération critique s'exprime dans l'usage prudent, et fait en eonnaissanee de cause, des catégories et des notions modernes pour décrire des phénomènes anciens. G. Aragione

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Timothy D. Barnes, Early Christian Hagiography and Roman History. 2"^ Edi¬ tion, Tubingen, Mohr Siebeck, 2016, xx + 437 pages (Tria Corda 5), ISBN 978-3-16-150226-2, 29 €. Entre le llC et le νΤ siècle, se met progressivement en place ce qui est connu dans le christianisme comme le « culte des saints » (vénération de tombeaux, reliques, objets divers etc., de saints personnages) dont l'histoire a tendance à croire que son élaboration est allée de soi. L'objet du présent livre est de montrer de quelles manières ces faits, récits ou propagandes ont été mis par écrit - en d'autres termes, comment a pu prendre naissance une hagiographie. Le point de départ de toute hagiographie chrétienne - et l'auteur le répète tout au long du livre - sont les martyrs. Le premier écrit à tendance hagio¬ graphique, en Tan 157, concerne Polycarpe de Smyrne. Peu de temps après sa mort fut instauré, vers 160, sur la colline vaticane à Rome, un culte pour le martyre de l'apôtre Pierre puis, le 29 juin 258, la communauté chrétienne de Rome, lors d'une cérémonie publique, a transféré cultes et reliques de Pierre (qui périt en 64 sous Néron) et de Paul (qui mourut en Espagne) ad catacumbas, le long de la Via Appia. Ce premier chapitre (p. 1-41) est essentiel en ce qu'il éclaire des questions d'ordre chronologique, n'hésitant pas, le cas échéant, à corriger des thèses antérieures. Dans une deuxième partie (p. 43-95), sont examinés des documents se rapportant aux persécutions, jusqu'en 260. Parmi ceux-ci, on peut brièvement rappeler les martyres de Perpétue et Félicité à Carthage en 202-203, de Pionios à Smyrne ou de saint Saturnin à Toulouse sous l'empereur Dèce en 250. La période s'achève avec la persécution sous Valérien en 258-259. Dans le développement que l'A. lui consacre, les actes de Lucius Montanus, martyr à Carthage, sont traités longuement, ce qui permet là encore d'affiner des datations. En 260, Gallien promulgue un édit de tolérance qui impliquait la restitution aux églises des lieux de culte et des cimetières, mais la religion chrétienne n'est pas encore religio licita ; cette période de tolérance durera plus de quarante ans. Un troisième chapitre (p. 97-150) traite les persécutions de 303 à 313. Entre 260 et 303, aucun martyr n'est attesté ; l'A. montre avec clarté que, pendant cette « petite paix de l'Eglise », des soldats qui, par conviction chrétienne, ont refusé de servir, ont été exécutés pour insubordination et non pour leur foi chrétienne ; la mise au point est importante. La persécution débute le 23 février 303 par la destruction de l'église de Nicomédie puis, malgré l'édit de Galère, elle dura jusqu'en 313 en Asie Mineure, en Syrie et en Egypte. L'A. montre bien que l'intensité des mesures anti-chrétiennes dépendait, bien plus qu'on ne l'a pensé, des gouverneurs respectifs, et même des autorités locales. Le chapitre 4 (p. 151-198), après une discussion sur le Martyre de Théodote d'Ancyre (BHG 1782) composé pendant ou peu après le règne de l'empereur Julien, expose les poncifs reproduits à l'envi dans la littérature hagiographique : descriptions de tortures de toutes sortes qui voient les persécuteurs exténués face aux martyrs supportant les souffrances avec le sourire, etc. Au iv'^ siècle, cette littérature donne lieu à la composition de vies de moines ou de saints hommes qui, désormais, ne s'opposent plus à leurs

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persécuteurs mais combattent contre le diable et les démons ; le modèle en sera la Vie d'Antoine par Athanase d'Alexandrie - au demeurant, des doutes sont émis sur l'authentieité d'Athanase eomme auteur de cette Vita. La Vie de Martin de Tours par Sulpice Sévère {BHL 5610) fait l'objet du chapitre suivant (p. 199-234). Il s'agit bien, dans ce cas, d'un personnage réel mais dont la biographie est fictive, ce que l'A. démontre avec acuité. Une présentation historiographique de la littérature hagiographique des v® et vf sièeles est donnée dans une avant-dernière partie (p. 235-283). Enfin, dans un dernier chapitre, l'A. revient sur des questions litigieuses dans diverses vies de saints (p. 285-328) et traite notamment des thèmes suivants : proso- pographies de proconsuls en Asie et en Afrique ; date du martyre de saint Alban ; Maximien et le préfet Hermogenianus. Plusieurs appendices terminent le livre (p. 331-413), suivis des index de rigueur, en particulier consacrés aux types de supplices pour nomen christianum sous Néron ; au martyre de Polycarpe ou encore aux Martyrs de Palestine d'Eusèbe de Césarée. Cette analyse de la littérature hagiographique ne man¬ quera pas de susciter d'autres questions, tant la documentation est riche et variée. D'utiles mises au point ont été faites, et le livre, agréable à lire, marque d'ores et déjà une étape importante dans la reeherehe hagiographique. M. Matter

Krastu Banev, Theophilus of Alexandria and the First Origenist Controversy. Rhetoric and Power, Oxford, Oxford University Press, 2015, X +233 pages (Oxford Early Christian Studies), ISBN 978-0-19-872754-5, £ 64. En l'an 400, la doetrine d'Origène fut offieiellement condamnée lors d'un coneile tenu dans la ville d'Alexandrie ; les moines qui se reelamaient de l'enseignement du célèbre maître alexandrin furent expulsés d'Egypte. Le patriarche d'Alexandrie, Théophile (385-412), n'a pas peu contribué à cet état de choses. C'est à ee personnage, qui peut sans doute être considéré comme l'un des protagonistes de la première controverse origéniste, que l'ouvrage ici présenté est consacré. L'A. y examine le rôle que le puissant patriarche a joué dans la condamnation d'Origène, non seulement lors du concile égyptien de 400, mais aussi et surtout après la décision synodale, lorsque, pour asseoir les mesures prises, il réitéra ses intentions dans ses Lettres festales. L'A. se propose notamment d'analyser les stratégies rhéto¬ riques mises en œuvre par Théophile. Divisé en quatre parties, cet ouvrage se lit avec plaisir : la présentation est elaire et bien strueturée, l'argumentation serrée. La première partie fournit le eadre historique de la première controverse origéniste : l'A. y montre que, même si Théophile hérite d'une série d'accusations contre Origène, dans la plupart des cas déjà stéréotypées, il en forge de nouvelles, sollicité par de pressantes préoecupations théologiques et pastorales. Dans la deuxième partie, l'A. met en évidence l'importance de la rhétorique dans la formation cultu¬ relle des élites, y compris chrétiennes, de l'époque : la capacité de persuasion jouait en effet un rôle déterminant dans les controverses doctrinales qui caractérisent les et siècles. Dans la troisième partie, il entre dans le vif du sujet : les stratégies rhétoriques que Théophile déploie dans ses Lettres

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festales. En s'appuyant sur des exemples fort bien choisis, ΓΑ. montre sa maîtrise des outils rhétoriques, eomme Eappel aux émotions (pathos), à l'autorité (êthos) et à la raison (logos), selon la tripartition fixée par Aristote. L'argumentation scripturaire est également prise en compte. La quatrième partie de cet ouvrage est consacrée à la réception de la force rhétorique et argumentative de Théophile dans les milieux monastique, auxquels les Lettres festales étaient principalement adressées. A un chapitre conclusif qui synthé¬ tise les résultats obtenus succèdent une riche bibliographie, un index biblique et un index général. G. Aragione

Erica A. Mathieson, Christian Women in the Greek Papyri of Egypt to 400 CE, Turnhout, Brepols, 2014, xll + 311 pages (Studia Antiqua Australiensia 6), ISBN 978-2-503-55241-5, 60 €. Cet ouvrage, issu d'une thèse de doctorat soutenue à l'Université Macquarie (Sydney), apporte une contribution significative à l'histoire des femmes de l'Antiquité ehrétienne. L'A. se donne pour objectif d'explorer les croyanees, les expériences et les pratiques religieuses des femmes chrétiennes en Egypte au iv'' siècle. Se situant dans la perspective des gender studies, elle se propose de retrouver la « voix des femmes » et prête attention exclusive¬ ment aux sourees doeumentaires eensées - et la chose se discute selon nous - véhiculer des eontenus et des expressions linguistiques plus spontanés que ceux qui se rencontrent dans les écrits littéraires et qui ne sont pas médiatisés par des auteurs masculins. L'ensemble documentaire pris en compte se eompose de 57 textes, essentiellement de nature privée, rédigés en grec entre la fin du llf et la fin du IV® siècle. Les 26 premiers, dont les auteurs sont des femmes, sont des lettres ou des petits billets adressés, dans la plupart des cas, à des membres de la famille de l'expéditrice. Comme l'A. le reeonnaît elle-même, l'étude de ces documents se heurte à deux obstacles principaux. Le premier réside dans le fait que, en l'absence de marqueurs explicitement chrétiens, on ne peut pas toujours être certain de l'identité ehrétienne de la rédactrice d'un document. La deuxième diffieulté est que, vu le taux élevé d'analphabétisme de la popu¬ lation féminine à cette époque, il est à peu près certain que le rédacteur réel de l'écrit était un scribe : la possibilité d'une réélaboration stylistique et lexicale du document ne peut done pas être écartée. Dans ee eas, la « voix des femmes » risque de nous échapper ! De ces 26 textes, l'A. donne l'édition critique, suivie d'une traduction et d'un court commentaire (chap. 1). Dans les cinq chapitres suivants, elle analyse des aspects spécifiques : l'usage du voeabulaire biblique (chap. 2), la théologie (ehap. 3), la prière (chap. 4), l'interaction avec le clergé (chap. 5), le mariage et les liens familiaux (chap. 6). L'analyse de ces documents fournit des données intéressantes : le vocabulaire biblique est très peu représenté, il consiste surtout en de rares réminiscences scripturaires qui ne se réfèrent qu'à des mots isolés ; plus conséquent est le lexique relevant de la sphère éthique et affective ; la dimension proprement religieuse et spirituelle est caractérisée par la confiance en la providence divine.

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