Éditorial
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2017, n° 8. Réceptions de Bossuet au xviiie siècle - Auteur : Belin (Christian)
- Pages : 9 à 11
- Revue : Revue Bossuet
Éditorial
Nous voyons par expérience que chaque assemblée, chaque compagnie a son esprit particulier1…
Littérature, culture, religion… Ces trois mots, désormais placés en exergue sous le titre de notre Revue, délimitent un champ d’enquête en précisant nos centres d’intérêt ou de curiosité. Ils correspondent d’ailleurs à l’éclectisme de Bossuet lui-même, qui n’a jamais séparé « l’amour des lettres » et le « désir de Dieu », pour reprendre les termes que Jean Leclercq utilisait à propos de la littérature monastique du Moyen-âge. L’œuvre de Bossuet s’enracine dans les Écritures, lues à travers la tradition patristique ; elle reste toujours très attentive à la réflexion théologique ou à l’expérience spirituelle ; elle s’ouvre enfin également aux spéculations sur l’histoire et la philosophie. Littérature, culture, religion : Tel est « l’esprit » de notre Revue, mais aussi celui de la « compagnie » des Amis de Bossuet, dont « l’assemblée », l’an dernier, a approuvé ces nouvelles orientations. Le prochain numéro de la Revue, en 2018, confirmera d’ailleurs cet engagement avec une rubrique de comptes-rendus ou de recensions d’ouvrages portant sur la littérature, l’histoire, la religion et l’histoire des idées à l’époque de Bossuet. À partir et autour de l’évêque de Meaux, il s’agira donc d’étendre notre regard sur les recherches actuelles dans le domaine des sciences religieuses. La première journée d’étude de l’équipe « Littérature, morales et spiritualités à l’âge classique », qui s’est tenue en Sorbonne le 25 février 2017, sous l’égide de Laurence Plazenet et en hommage à Jean Mesnard, a montré la vitalité de ces orientations de recherche. Le colloque s’intitulait très significativement « De la théologie à la littérature » ; on y parla de Pascal et de Bossuet, et beaucoup d’étudiants assistèrent à ces conférences.
10La Revue offre chaque année un riche panorama bibliographique. On se permettra d’attirer l’attention des lecteurs sur trois ouvrages importants qui concernent Bossuet. Une publication récente confirme l’intérêt grandissant pour les questions religieuses et pour les textes qui en témoignent. On ne peut que se réjouir en effet de la belle initiative prise par les Éditions Robert Laffont qui ont publié les Élévations sur les mystères, Méditations et autres textes2. L’accès aux œuvres complètes de Bossuet n’est pas toujours facile pour le grand public ou pour les étudiants. Cette édition des œuvres spirituelles contribuera à pallier ces difficultés. On mentionnera également l’excellente traduction italienne du Traité du libre arbitre, précédée d’une introduction aussi érudite que lumineuse, par Maria Vita Romeo3. De tels ouvrages ne pourront que soutenir les recherches bossuétistes et encourager de nouveaux doctorants. La belle thèse rédigée par Agnès Lachaume sur le « langage du désir chez Bossuet » en témoigne avec éclat4.
Les journées d’études portant sur Bossuet poursuivent le même dessein. L’an dernier, en Sorbonne, sous la houlette d’Anne Régent-Susini, se tenait le troisième colloque consacré à la réception de Bossuet. En remontant le temps, ce furent donc sur les lectures de Bossuet au xviiie siècle que portèrent les débats et les analyses. À cette époque se construisit véritablement le monument des Œuvres complètes. Bossuet entrait au panthéon de la mémoire littéraire et culturelle de la France. Un héritage somptueux était livré au public, bien qu’une large part de ces textes dût assez vite tomber en déshérence. Très tôt en effet, on réduisit le corpus aux seules œuvres oratoires, dont on ne se lassait pas de célébrer la splendeur. La plupart des allusions à Bossuet contenues dans l’Encyclopédie, par exemple, propagent cette conviction. « On voit, disait Langlet, que c’est l’entrée d’un palais magnifique ». C’était aussi un labyrinthe rempli de chausse-trapes. Les stéréotypes ou les malentendus devaient se multiplier jusqu’à nos jours. La réception de Bossuet ne pouvait être, en un sens, qu’inévitablement polémique. Il séduisait par son verbe, mais il choquait par ses propos. Au registre des prouesses rhétoriques on s’extasiait sur l’énergie et le sublime d’un style sans égal, mais on faisait la grimace dès qu’il s’agissait d’un 11quelconque contenu doctrinal. On sauvait ou on exaltait la forme pour mieux déconsidérer le fond. Au terme de ces lectures partiales, Bossuet se retrouvait esthétiquement innocent mais idéologiquement coupable. Les Lumières ayant tout remis à l’endroit, Bossuet se situait à l’envers, et même en Enfer, du côté de « l’infâme ».
Ce ne sera pas cette figure un peu figée surgie de l’outre-tombe qui présidera aux journées d’étude qui se tiendront à Meaux en mai prochain. Nous y retrouverons, non le personnage passé à la postérité, mais la personne de l’évêque et du prédicateur occupant la chaire épiscopale, siégeant certes en son palais, mais préférant l’intimité d’un petit pavillon, au fond du jardin, ou la solitude de l’abbaye de Jouarre. Le thème retenu, « Voix devant la Parole », se propose de faire écho, à tous les sens du terme, à la fulgurance d’une parole qui retentissait en chaire. Les communications qui seront présentées, à la médiathèque municipale, seront suivies, à la cathédrale, par une sorte de récital où des artistes s’efforceront de restituer la vibration sonore de quelques textes extraits des sermons ou des oraisons funèbres. Les grandes orgues retentiront entre ces essais de recitatio qui se dérouleront dans le cadre de la nuit des cathédrales. Nous tenons d’ores et déjà à remercier toute la « compagnie » qui, à Meaux, s’est mobilisée pour la réussite de ces journées : la municipalité, Mgr Nahmias (successeur de Bossuet), Philippe Legrand (recteur de la cathédrale), Matthieu-Alexandre Durand (conservateur de la bibliothèque diocésaine), Dominique Galès (spécialiste du fonds ancien de la médiathèque), Pierre Galès (de l’association des Amis de la bibliothèque Guillaume Briçonnet), Marie-Laure Gordien (responsable des archives historiques du diocèse), Bruno Beltramelli (ancien conservateur de la bibliothèque diocésaine), Denis Vassigh qui organisera une exposition au musée Bossuet dont il est le directeur.
Nous nous donnons donc rendez-vous autour de la chaire de Bossuet pour y cultiver et pour y goûter, en bonne « compagnie », cet « esprit particulier » qu’il appelait de ses vœux.
Christian Belin
1 Deuxième sermon pour le jour de la Pentecôte.
2 Édition établie et présentée par Renaud Silly, op., collection Bouquins, 2017.
3 Trattato sul libero arbitrio, a cura di Maria Vita Romeo, CESPES-Fonti e studi, Università di Catania, 2016.
4 Le langage du désir chez Bossuet. Chercher quelque ombre d’infinité, Champion, 2017.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-07134-1
- EAN : 9782406071341
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07134-1.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/09/2017
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français