Il y a quelque jours, la direction d’une revue à qui j’avais donné une interview à propos de mon dernier livre, m’a demandé de me photographier. J’ai accepté et on m’a donné rendez-vous dans un magasin extraordinaire – où l’on ne veut (et vend) que des objets médiévaux, fabriqués, avec toutes précautions archéolo-historiques, d’après des représentations sur miniatures : vêtements, bijoux, vaisselle, armes… Une équipe m’attendait. Mission : me photographier en armure ! J’ai joué le jeu ! mais… une armure […] qui […] pèse entre 50 et 80 kilos ! Je le savais ; mais quand on te met ça sur le dos, ton savoir devient une terrible expérience. J’ai eu l’impression que mon dos allait craquer, et ai refusé ce type de vêtements. Or, en visitant la boutique de plus près, j’ai vu qu’ils avaient tous les éléments des armures archaïques, beaucoup plus simples, celles dont il est question dans la Chanson de Roland et qui sont représentées sur la Tapisserie de Bayeux. J’ai donc choisi cela. La pièce principale, la « broigne » (une sorte de gilet pare-balles) pèse entre 25 et 30 kilos. Il a fallu deux personnes pour me la passer – et je ne pouvais plus tenir debout ; on a donc imaginé une mise en scène assise ! […] Je ressemble plutôt à Robin Hood, ou même à Guillaume Tell qu’à Lancelot1 !
1 Paul Zumthor, Lettre du 22 mai 1994, à sa fille Aliette Sallée-Zumthor. Texte reproduit avec l’aimable autorisation de cette dernière.