Par « énonciation de l’extase », j’entends me référer à l’extase comme situation d’énonciation explicite d’un discours, telle qu’un locuteur peut être considéré en même temps sujet de l’extase et sujet de l’énonciation. Le problème principal que ce sujet doit résoudre pour constituer l’extase comme sens de son discours est de nature affective : il s’agit de faire coïncider une parole avec des émotions propres à l’extase. En m’appuyant sur le travail de Maximilianus Sandæus sur les manières de parler mystiques (préambule), je serai conduit à distinguer deux principes poétiques de l’énonciation de l’extase, c’est-à-dire deux manières de résoudre le problème. Le premier principe peut être dit objectif : il a trait à la manière qu’emploient les sujets de cette énonciation pour figurer leur extase, comme cela apparaîtra à travers les exemples de la poésie de Claude Hopil et de Jean de Labadie (chapitre « Figures de l’extase »). Les choix figuraux opérés par ces auteurs et le jeu entre plusieurs régimes de figuration permettront de repérer des configurations subjectives et spirituelles engageant une économie affective particulière. Le second principe est subjectif : il concerne la façon dont un sujet de l’énonciation parvient à articuler les émotions extatiques qui le font parler. La notion linguistique d’expressivité me servira d’abord à interroger deux formalités historiques qui mettent en œuvre une telle articulation, à savoir l’ivresse spirituelle et une poésie de l’enthousiasme extatique redevable de la théorie de l’inspiration de la Renaissance (chapitre « Les extases expressives »). Je m’efforcerai enfin de déterminer les principes et les traits stylistiques propres à cette articulation des émotions extatiques (chapitre « Parole et émotion »).