Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Les Ingénieurs, unité, expansion, fragmentation (xixe et xxe siècles). Tome I. La production d’un groupe social
- Pages : 353 à 357
- Collection : Histoire des techniques, n° 15
- Série : Recherche, n° 9
résumés
Antoine Derouet et Simon Paye, « Introduction »
Le terme d’ingénieur évoque à la fois une figure sociale emblématique du monde industriel et une profession au prestige social élevé. Malgré les évolutions du système productif, le prestige rattaché aux métiers d’ingénieur semble rester intact. D’autant que la désindustrialisation s’accompagne d’une croissance soutenue des effectifs d’ingénieurs. Faut-il considérer l’image de l’expert technique comme un anachronisme ? Que penser alors du fait que le métier d’ingénieur reste en grande partie lié au secteur industriel ?
Pieter Raymaekers, « Between capital and labour. The social turn of the Belgian engineering profession in the second half of the nineteenth century »
Portant son regard sur le « social turn » des ingénieurs belges dans la seconde moitié du xixe siècle, ce chapitre souligne l’importance des questions « économiques et sociales » dans la construction du groupe. Encouragée par certains acteurs du groupe, la prise de conscience des problèmes sociaux engendrés par les activités industrielles devient progressivement un trait constitutif de l’identité de l’ingénieur, légitimant en retour sa position dominante dans la division sociale du travail.
Nathalie Hugot-Piron, « L’improbable unité des ingénieurs. La période de l’entre-deux-guerres »
Ce chapitre s’intéresse aux organismes de représentation des ingénieurs français durant l’entre-deux-guerres, à travers les très vives luttes syndicales qui animent cette période de profonde reconfiguration du groupe professionnel. Il retrace l’émergence d’un espace de représentation des ingénieurs où s’affrontent différents groupements dont l’action tend à délimiter les contours du groupe tout en posant ses principes légitimes de segmentation, structurant « l’improbable unité des ingénieurs ».
354Jaume Valentines-Álvarez, « Unity and heterogeneity within the “great family” of industrial engineers. Profession, economics and ideologies during the Second Spanish Republic (1931-1939) »
Ce chapitre s’intéresse aux relations des ingénieurs avec le monde politique en se focalisant sur l’évolution des ingénieurs catalans durant la Deuxième République espagnole. Il interroge le rapport à l’État du groupe professionnel sous l’angle de l’engagement partisan, questionnant également les effets de l’instauration d’un nouveau régime politique dont ils sont amenés à devenir les cadres techniques, devant en réaliser les orientations tout en bénéficiant d’une reconnaissance nouvelle.
Darina Martykánová, « La profession, la masculinité et le travail. La représentation sociale des ingénieurs en Espagne pendant la deuxième moitié du xixe siècle »
Ce chapitre étudie la redéfinition du travail au cours du xixe siècle, se focalisant l’investissement de cette question par les ingénieurs à mesure que se développe leur groupe. Éclairant les liens entre la transformation des significations du travail et la redéfinition de la « masculinité hégémonique », il souligne la marque du genre dans la genèse du groupe professionnel, en mettant à jour le développement des discours d’exclusion des femmes de l’accès aux professions d’élite.
Christel Palant-Frapier, « Architectes et ingénieurs d’Europe de l’Est en France après la Seconde Guerre mondiale. De la migration aux stratégies d’action »
Ce chapitre pose son regard sur une figure suggestive du professionnel marginalisé : les architectes et les ingénieurs originaires des pays d’Europe centrale et orientale en France après la Seconde Guerre mondiale. Pratiquant leur activité à l’intersection de l’architecture et de l’ingéniérie, ils ont contribué à la circulation de compétences et de pratiques, tout en façonnant la frontière entre ces deux groupes, sur laquelle ils se situaient.
Simona Talenti, « De nouveaux savoirs architecturaux pour les ingénieurs civils italiens entre les xixe et xxe siècles »
Ce chapitre prend pour objet les relations entre les ingénieurs et les architectes en Italie entre les xixe et xxe siècles. En envisageant cette question sous 355l’angle des savoirs architecturaux, il met en évidence la plasticité des corpus de connaissances et les possibilités de leur appropriation par des groupes d’experts distincts. À travers l’étude des formations, il souligne l’enjeu que constitue la définition des programmes dans la délimitation cognitive et institutionnelle des groupes.
Odile Henry, « Entre le patronat et l’État. Ingénieurs et ingénieurs-conseils en quête de modèles d’organisation professionnelle (1922-1936) »
Ce chapitre interroge l’échec des projets français de création d’ordre professionnel d’ingénieurs au cours de l’entre-deux-guerres. Véritable socio-génèse de « l’espace de la représentation politique » des ingénieurs, cette analyse souligne le rôle fondamental des pôles antagonistes que sont les ingénieurs-conseils et les organisateurs-conseils, dont les principes d’opposition structurent les controverses sur l’organisation de la profession, empêchant durablement l’union des ingénieurs et des « conseils ».
Alexandra Bidet, « Les ingénieurs de “l’Entreprise postale” dans l’entre-deux-guerres. Mathématiciens ou hommes pratiques ? »
Ce chapitre porte sur un groupe peu connu, les ingénieurs de l’Entreprise postale, qui, bien que cantonné dans un périmètre institutionnel très délimité, a néanmoins exercé un pouvoir discret dans un secteur important de l’économie nationale. En diffusant des façons de faire et de penser, ils ont instillé une approche particulière de l’économie du téléphone et de sa gouvernance, exerçant, de leur position relativement isolée, une influence indirecte sur la gestion des PTT.
Roland Lardinois, « L’espace social des écoles d’ingénieurs en Inde. Entre l’État et le marché »
Cette enquête montre le peu de prise du groupe professionnel sur les transformations contemporaines de l’enseignement des ingénieurs en Inde. À l’inverse, il souligne le rôle des régulations juridiques et institutionnelles mises en place par l’État, ainsi que l’importance de la compétition entre les écoles d’ingénieurs, qu’elles soient publiques ou privées, pour s’approprier la ressource clé que constituent les étudiants, à la fois en terme d’effectifs mais aussi de « qualité » scolaire.
356Ferruccio Ricciardi, « Les ingénieurs aux prises des outils de gestion. Réflexions depuis le cas italien (1930-1960) »
Ce chapitre porte sur les enjeux professionnels de l’essor de la gestion en Italie au milieu du xxe siècle. À mesure que se succèdent les paradigmes gestionnaires, les ingénieurs sont écartés des fonctions de contrôle, de coordination et de supervision, au profit de nouvelles figures professionnelles : psychologues, consultants, controllers, managers et cadres administratifs. Émerge alors une nouvelle configuration, au sein de laquelle l’identité professionnelle des ingénieurs est déstabilisée.
Céline Assegond, « L’enseignement de la photographie à l’École des ponts et chaussées (1858-1911). Une technique valorisante au service d’un corps professionnel en ascension »
Cette étude s’intéresse à l’inscription dans le programme de l’École des ponts et chaussées d’un enseignement de photographie en réponse à l’usage croissant de cette nouvelle technique. Elle montre que cette formation, insuffisante pour garantir de véritables compétences en photographie de chantier, a pour effet d’affirmer la supériorité des praticiens spécialisés, tandis que les ingénieurs s’en saisissent comme un nouvel outil de promotion de leur profession.
Gaëtan Flocco, Lucie Goussard et Sébastien Petit, « Les ingénieurs face aux transformations du système productif. Des réactions contrastées aux légitimations partagées »
Ce chapitre s’intéresse aux façons dont les ingénieurs réagissent aux transformations de l’organisation du travail, mettant à jour la variété des conduites : critique, dissidence, adaptation, conformité, déni, indifférence. Au-delà de ces réactions contrastées, les ingénieurs semblent cependant partager un discours commun, qui tend à produire une légitimation des transformations en cours dans leur entreprise.
Antoine Derouet et Simon Paye, « Conclusion générale »
En 1921, Félix Liouville présente une proposition de loi visant à instaurer un ordre des ingénieurs. En 2013, Julien Roitman ouvre un débat national au sein de la profession sur la création d’un ordre des ingénieurs. Cette prétention 357à réguler la profession d’ingénieur aura agité le monde ingéniérial français à différentes périodes. La réémergence périodique de cette ambition montre combien la question de la capacité d’agir des ingénieurs sur la trajectoire historique de leur groupe est porteuse d’enjeux.
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN : 978-2-406-08387-0
- EAN : 9782406083870
- ISSN : 2264-458X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08387-0.p.0353
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/11/2018
- Langue : Français