Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Le Droit face à l’économie sans travail. Tome I. Sources intellectuelles, acteurs, résolution des conflits
- Pages: 411 to 417
- Collection: History of Law, n° 6
Résumés
Luisa Brunori, Serge Dauchy, Olivier Descamps et Xavier Prévost, « Introduction »
L’économie sans travail – masse d’opérations financières rémunératrices ni du travail humain ni d’un échange de biens – a aujourd’hui un impact extraordinaire sur l’agencement socio-économique contemporain. Elle peut aller jusqu’à le mettre en danger tout en questionnant de nombreux principes fondateurs de la justice substantielle qu’on considère à la base de nos systèmes institutionnels. Il s’agit d’en comprendre la régulation juridique par une étude pluridisciplinaire sur la longue durée.
Bertrand Crettez, « Une analyse économique de l’invisible »
Le secteur bancaire et financier est le domaine par excellence de l’économie sans travail. L’origine de la valeur ajoutée de ce secteur est mal comprise. Pourtant la part de cette valeur dans le revenu national est de plus en plus importante. Nous présentons quelques explications de cette évolution. Nous évoquons ensuite le shadow banking. Enfin, nous comparons deux vues différentes de la finance (le réformisme financier de Robert Shiller et la finance captatrice de rente de Luigi Zingales).
Mathieu Arnoux, « Valeur sociale du travail et émergence de l’économie (Europe, xe-xiiie siècles) »
Le concept de « révolution industrieuse » forgé par les historiens du Japon permet de poser de façon nouvelle la question de l’augmentation de l’offre de travail comme facteur déclenchant du processus de croissance, et de replacer celle-ci dans le contexte politique d’une société d’ordres. Convaincant pour comprendre le processus de croissance dans le monde rural, ce modèle ne permet pas de représenter la dynamique d’urbanisation, qui exige une autre approche, économique et institutionnelle.
412Giacomo Todeschini, « Stérilité de la monnaie et productivité du capital à la fin du Moyen Âge. Le signifié scolastique des notions d’utilité de l’argent et d’intérêt (xiiie-xve siècle) »
Depuis la fin du xiiie siècle, les scolastiques affirment la fertilité de l’argent indépendamment du travail qu’il contient, si on peut supposer que la volonté de son propriétaire, identifié par le cercle social et religieux auquel il appartient comme sujet actif et fiable (fidelis), destine normalement cet argent à l’investissement, c’est-à-dire à se multiplier dans un circuit perçu en même temps comme social et symbolique.
Wim Decock, « L’esprit catholique du capitalisme. Éthique et investissement selon Musculus et Lessius »
Le présent texte analyse les attitudes contrastées du théologien réformé Wolfgang Musculus (1497-1563) et du théologien jésuite Leonardus Lessius (1554-1623) face à la montée du capitalisme commercial. S’ils n’ont pas produit de manifestes en faveur ou en défaveur du capitalisme, leurs écrits abondent en déclarations révélant leur approbation ou désapprobation des instruments juridiques qui constituent le pilier juridique de l’économie capitaliste, particulièrement le triple contrat.
David Deroussin, « Aux origines libérales du revenu de base »
Le revenu de base est un mécanisme visant à garantir à chacun les conditions matérielles nécessaires à l’exercice de sa liberté et/ou à repenser le rapport au travail. Étudié à travers la proposition formulée dans Agrarian Justice par l’inclassable Thomas Paine, il permet de s’interroger sur la pensée libérale elle-même et son unité dans l’histoire aussi bien d’un point de vue économique que politique, à propos d’un mécanisme dont l’actualité est particulièrement vive.
Mathias Schmoeckel, « Observations introductives à l’histoire des contrats à terme »
Une approche historique montre que les contrats à terme sont un élément constitutif de l’évolution du marché moderne. Au moins à partir du xviie siècle, le phénomène est connu et apprécié pour se protéger contre les prix aléatoires au marché. Au xviiie siècle, on note des abus considérables, mais aussi des interventions des gouvernements trop avides. Surtout l’émergence 413de l’industrialisation et des liens croissants entre les participants du marché augmentaient l’utilité du mécanisme.
Daniel Gutmann, « Le risque économique et le droit fiscal »
Le risque pris par l’agent économique n’est pas en tant que tel l’objet de réglementation fiscale. Il n’en reste pas moins qu’il est pris en considération par le droit fiscal, car celui-ci tend souvent inciter à la prise de risque par les investisseurs. Les fondements et la cohérence de la politique fiscale à cet égard méritent toutefois d’être interrogés.
Alexis Mages, « Le discours des juristes français sur la libéralisation du crédit (xvie-xviiie siècle) »
Le crédit est aujourd’hui largement admis dans nos sociétés occidentales, à la différence d’autres pays où la loi religieuse est restée, ou redevenue, la loi norme fondamentale. À l’échelle de l’histoire, cette actualité nous fait parfois oublier que cette libéralisation est récente en France. Cette étude a donc pour objet de retracer les arguments juridiques avancés, aussi bien par les partisans de cette libéralisation que par ses adversaires, du xvie siècle jusqu’au xviiie siècle.
Nelly Hissung-Convert, « L’économie sans travail sous la plume des juristes aux xviiie et xixe siècles. La spéculation sur les marchés à terme »
Volontiers considéré comme un joueur, le spéculateur constitue une figure de l’économie sans travail qui se heurte à la conception traditionnelle associant travail, effort et pénibilité. Cette appréhension apparaît sous la plume des juristes, de la lettre des arrêts aux réflexions doctrinales, lorsqu’ils abordent le marché à terme, opération boursière d’abord illicite et assimilée au jeu, puis légalisée en 1885, à la suite d’une évolution dévoilant l’acceptation, progressive, d’une économie sans travail.
Annamaria Monti, « Intermédiation financière et tutelle des “consommateurs”. Perspectives de juristes (Italie, xixe-xxe siècles) »
Les juristes italiens commencent à réfléchir à la question de la tutelle des consommateurs dans l’intermédiation financière à la fin du xixe siècle. Les 414plus engagés d’entre eux se réunissent notamment autour de la Revue de droit commercial. L’« observation » de la vie économique et sociale les conduit à saisir certains problèmes spécifiques qui se posent dans les contrats de bourse et de courtage et à les encadrer du point de vue juridique, dans le souci de défendre la partie faible du contrat.
Jean Hilaire, « Le notariat et la pratique des affaires »
En France l’apport du notariat à la pratique des affaires commerciales tenait surtout à son apparition sur le modèle italien qui, au milieu du xiie siècle, était déjà impliqué dans le mouvement des affaires. Le commerce italien était organisé en corporations et les usages de la pratique étaient inscrits dans leurs statuts. De là le rôle du notariat a été très important en France d’autant qu’il y a été longuement un pourvoyeur de capitaux.
Édouard Richard, « On n’est jamais si bien servi que par les autres. Administrateurs et opérations sur le capital social (milieu du xixe siècle – 1930) »
Les modes de rémunération des fondateurs de société sont une fréquente source d’indignation mais encore de curiosité pour qui aime à décrypter les stratagèmes de ceux ont tendance à confondre l’intérêt social avec le leur propre. Il est ainsi divers moyens dont profitent « aigrefins », fondateurs et/ou administrateurs. Leurs rémunérations participent ici de deux éléments distincts, les parts de fondateur et les primes d’émission, développées par les usages et en marge de la légalité.
Anne Rousselet-Pimont, « Le roi, la loi et la rente à l’époque moderne »
À ceux qui ne veulent ou ne peuvent travailler, l’époque moderne offre une solution alternative : acheter des rentes. Le roi désire préserver ses sujets et l’économie du royaume, des dangers de ce marché, qui flirte avec l’usure et détourne d’utiles capitaux de l’économie réelle, mais le monarque ne peut lui-même ignorer cet instrument de crédit. On assiste donc à un périlleux jeu d’équilibriste entre mesures limitatives et mesures incitatives qui aboutit finalement au développement incontrôlé des rentes.
415Olivier Serra, « Naissance de l’imposition du revenu des capitaux mobiliers en France »
Puisant ses sources dans les trois premiers quarts du xixe siècle, l’imposition du revenu des capitaux mobiliers est contemporaine de la naissance de la Troisième République. Historiquement appliquée aux créances hypothécaires, ainsi qu’aux valeurs mobilières, elle laisse néanmoins présager cette communauté de destin entre taxation des revenus des divers placements financiers et celle, plus générale, du revenu des contribuables qui sera consacrée durant la Première Guerre mondiale.
Frédéric Lobez, « Finance et travail. Une relation conflictuelle »
Analyser la relation complexe entre la finance et le travail exige préalablement d’établir un inventaire critique de la contribution de la finance à l’économie réelle. L’article s’y consacre donc d’abord en insistant sur le rôle moteur de l’investissement et le coût des crises financières. L’accent est ensuite mis sur les conflits auxquels la finance est associée. Ces conflits coûteux, quand ils impliquent la société dans son ensemble, doivent alors être régulés dans une perspective de justice sociale.
Andrea Addobbati, « Le marché des paris à Florence (1550-1600). Une question de politique monétaire »
Au xvie siècle, les autorités changent d’attitude à l’égard des paris, passant d’une tolérance de fait à un prohibitionnisme rigoureux. À Florence, la réglementation de ces pratiques est tentée. Le grand-duc Fernand Ier pense qu’il est possible de mettre en place des outils de contrôle pour aménager la passion des parieurs vers des buts d’utilité publique. Cette expérimentation ratée est en réalité une réponse à la grave crise de liquidité qui affecte alors l’économie florentine.
Victor Simon, « La circulation des capitaux français dans les échelles du Levant et de Barbarie (xvie-xviiie siècles) »
De l’ouverture des marchés turcs en 1536 à la seconde moitié du xviiie siècle, le négoce de la méditerranée orientale et des côtes d’Afrique du nord demeure la principale source de revenus commerciaux du royaume de France. Ce 416commerce nécessite des capitaux considérables, mais la législation royale interdit l’exportation des monnaies françaises. Un circuit monétaire alternatif (sequins vénitiens, écus hollandais, piastres espagnoles et thalers autrichiens) est mis en place pour contourner la prohibition.
Wouter Druwé, « La clause au porteur dans les consilia et decisiones aux Pays-Bas méridionaux (xvie siècle) »
Cette contribution analyse l’évolution de l’interprétation de la clause au porteur dans les consilia et decisiones aux Pays-Bas méridionaux au xvie siècle. Ensemble, ces sources représentent « le droit savant en pratique ». Tandis qu’au début du siècle le porteur n’avait qu’un mandat de recevoir paiement pour le compte d’autrui, l’article démontre comment ce porteur obtenait graduellement un droit en son propre nom et dans quelle mesure ce droit s’est abstrait des rapports juridiques sous-jacents.
Jean Hilaire, « La résolution des conflits dans un contexte d’économie sans travail »
Le crédit nécessaire aux échanges marchands comportait de grands risques de conflits ; des solutions équilibrées sont venues de la force du négoce. En France elles sont venues des juridictions des corporations sous l’influence italienne et aussi des juridictions des foires avec l’exemple médiéval des foires de Champagne. S’y ajoutait la voie de l’arbitrage développée sous l’étroit contrôle des parlements.
Florent Garnier, « L’arbitrage forcé entre associés (1807-1856) »
Le Code de commerce a maintenu, malgré des oppositions, l’obligation d’un recours à l’arbitrage forcé jusqu’en 1856 pour les sociétés. L’examen de la pratique met en lumière les auteurs, les enjeux et les domaines du débat. Une analyse de la jurisprudence permet de saisir quelques-unes des principales contestations relatives tant au fonctionnement des sociétés pour les droits et les rôles dévolus qu’à la dissolution de la société éclairant la relation entre associés et capital.
417Carine Jallamion, « Le juge français au service de l’investissement. Le développement en France de l’arbitrage commercial international (xixe-xxe siècle) »
Dans un xixe siècle globalement hostile à l’arbitrage depuis la codification, les juges poursuivent d’abord ce mouvement en soumettant les arbitrages internationaux aux mêmes rigueurs qu’en droit interne. Puis, à partir du milieu du xixe siècle, ils soumettent l’arbitrage international à des règles propres plus favorables, afin de permettre le développement des investissements et du commerce international, ce que les milieux d’affaires comme diplomatiques internationaux appellent de leurs vœux.
- CLIL theme: 3262 -- DROIT -- Droit général -- Histoire du droit
- ISBN: 978-2-406-08407-5
- EAN: 9782406084075
- ISSN: 2425-990X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08407-5.p.0411
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-25-2019
- Language: French