Avant-Propos

AVANT-PROPOS

Quand, il y a plus de trente ans, les Classiques Gamier publièrent La Vie de Marianne, cette édition ne signifiait pas moins qu'une redécouverte de l'œuvre. Ce qu'on lisait jusque-là n'était qu'une version châtiée, retouchée, élaguée par un éditeur du début du xix' siècle, Duviquet, qui y avait apporté quelque douze cents «corrections», allant d'un mot substitué à un autre ou à une phrase découpée, désarticulée, à un paragraphe entier supprimé. Aucun des éditeurs du xx^ siècle n'avait encore songé à confronter cette Marianne de la Restauration avec celle du règne de Rouis XV, De nos jours, la publication des œuvres de Manvaux a fait d'immenses progrès, puisque toutes sont disponibles dans leur texte authentique, y compns un roman, deux pièces de théâtre et divers essais qu 'on croyait perdus ou dont on ignorait l'existence. La Vie de Marianne est accessible sous son vrai visage. Tout n'était pourtant pas dit. Si la chronologie des éditions était connue, celle de la préhistoire du roman a fait quelques progrès. One meilleure connaissance des premières œuvres de Marivaux y a beaucoup contribué. Il n'est guère de meilleur moyen de comprendre la genèse du roman que de lire les aventures des héroïnes des Effets surprenants de la Sympa-

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thie ou de Pharsamon, ou les réflexions du jeune écnvain sur Tart du roman dans le curieux «Avis au Vecteur» du premier de ces deux ouvrages. Λ la différence du théâtre de Marivaux^ victime d'étranges traitements de la part de certains metteurs en scène et de quelques critiques i ses romans n'ont pas été Τ objet de tentatives visant à les dénaturer y sous prétexte de «lectures» ou d'inter¬ prétations. Mais y à part quelques remarquables travaux qu'on trouvera dans la bibliographie y on ne s'est guère soucié de voir ce qui les rattachait à une époque et à un milieu donné. Ce parti pris η 'est pas sans avantage en ce qui concerne la plupart de ses chefs-d'œuvre dramatiques : en les isolant de toute traditioUy presque de toute réalité actuelky on en a peut-être préservé la pureté poétique. A l'égard d'une œuvre comme La Vie de Marianne, la même attitude serait sans excuse. Un ouvrage commencé quand Marivaux avait au plus trente-neuf ans y pour être interrompu quand il en avait plus de cinquantey mené de front successivement avec des joumauXy L'Indigent Philo¬ sophe et Le Cabinet du philosophe, un autre romaUy Le Paysan parvenu, des comédies telles que La Seconde Sur¬ prise de l'amour, Le Jeu de l'amour et du hasard, Les Serments indiscrets, Le Legs, Les Fausses Confidences et L'Epreuve, déroulant parmi les aventures romanesques une suite de tableaux de mœurs et de portraits à clé, un tel ouvrage n'est-il pas singulièrement appauvri si on le considère comme un roman pur y sans passé y sans histoire y sans contenu è Ve commentaire dont nous avons pouvu le roman vise donc à lui restituer sa signification historiqucy tant en lui rendant l'actualité qu'il avait pour les contemporains qu'en le rattachant au réseau d'idées et de sentiments qui composent la personnalité de Marivaux; c'est la raison d'être de la Chronologie qu'on trouvera plus loin. Plutôt que de multiplier les notes sur la valeur des mots assez nombreux qui ont changé de sens ou qui sont employés de façon originale par Marivaux, on a signalé par un astérisque ceux qui

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fon/ Tobjet d'un article dans le Glossaire qui regroupe leurs emplois. Une étude fameuse a proclamé l'intérêt de cette méthode \ Les études sur Marivaux et spécialement ses romans y parmi lesquels d'abord La Vie de Marianne, se sont multipliées ces dernières années. Une bibliographie critique permettra d'opérer parmi celles-ci une sélection en fonction des perspectives recher¬ chées.

I. Dans la dernière version de son article «Λ propos de \m I 7e dt Mananne» (voir la Bibliographie, p. ooo), Leo Spitzer a déclaré «très utile» le Glossaire de l'édition des Classiques Garnier, par exemple à propos des attestations du mot «cœur» au sens de «dignité, fierté» chez Marivaux (p. 143).