Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: La Naissance d’autrui, de l’Antiquité à la Renaissance
- Pages: 501 to 506
- Collection: Encounters, n° 415
- Series: Symposiums, seminars, and conferences on the European Renaissance, n° 104
Résumés
Jérôme Lagouanère, « Introduction. Penser à autrui depuis l’Antiquité »
Si la question d’autrui naît bien dans l’Antiquité en lien avec une interrogation philosophique sur la vie bonne et le bonheur, et qu’elle se trouve enrichie par la dimension eschatologique propre au christianisme, rien ne serait plus faux que de penser cette question selon un présupposé téléologique. Après un rappel des travaux décisifs d’André-Jean Voelke sur le sujet, sont présentées les tensions de cette histoire d’autrui en Occident illustrées par chacune des contributions.
Egidia Occhipinti, « Internal otherness. The brave Athenians, the dilatory Spartans, the treacherous Thebans »
Quelques thèmes du débat politique grec qui s’est développé à partir des guerres médiques (les Perses, les Amazones, les Héraclides, les Sept contre les Thèbes, etc.) contribuent à la formation de vues stéréotypées des peuples partagés par les historiens et les orateurs du cinquième et quatrième siècles av. J.-C. Athéniens, Spartiates et Thébains sont ainsi décrits selon des critères précis en fonction des principaux objectifs et préoccupations des auteurs.
Jean-Luc Périllié, « La notion d’autrui chez Platon »
Il semble bien que l’œuvre de Platon, sur le plan philosophique, présente l’émergence de la notion d’autrui. Socrate y occupe une telle place qu’on se demande s’il n’est pas le premier philosophe « altruiste ». Qu’autrui soit convié à participer aux entretiens socratiques sans restriction de classe, de sexe, d’âge, de patrie ou d’ethnie, nous oblige à nous poser la question d’un certain universalisme. Sont abordées ensuite les caractéristiques et les sources de la philanthrôpia socratique.
502Gaëlle Fiasse, « Aristote : la découverte de l’ami, du bien et de l’altérité »
Le rapport à autrui chez Aristote s’incarne dans l’amitié et le désir du bien véritable. Le lien du soi au bien, fondement de l’amour de soi, conduit à découvrir l’ami comme autre soi-même et à aimer l’autre pour lui-même de façon désintéressée. La recherche du bien permet aussi de comprendre en quel sens des amitiés peuvent se nouer entre personnes non vertueuses, dans la mesure où tout être humain recèle en lui-même quelque chose de bon.
Marion Bourbon, « “S’identifier à soi-même”. Identité et altérité à l’épreuve de la métaphore cicéro-panétienne des rôles (personae) »
Dans l’usage cicéro-panétienne de la métaphore des rôles (personae), la notion d’identification se trouve poussée à la limite dans l’idée d’une identification à soi-même. La nature qu’il s’agit de « faire passer » en soi n’est pas une propriété de l’autre mais bien notre propre nature. L’« identité » est dès lors conçue comme ce que le sujet ne cesse de faire advenir, à la faveur de cette épreuve identificatoire qui dit la complexité du rapport du même et de l’autre dans le « devenir soi ».
Clara Auvray-Assayas, « Le rôle d’autrui dans le façonnement de soi. Scipion, Atticus et le dialogue cicéronien sur l’amitié »
Le dialogue de Cicéron sur L’amitié esquisse une réflexion sur le rôle d’autrui qui anticipe celle des Modernes : tout l’entretien du personnage Laelius est déterminé par la place accordée à Scipion mort peu avant. Support pour la construction de soi, condition du développement éthique et de l’accomplissement vertueux, autrui est l’interlocuteur, la forme idéalisée de soi et le destinataire du récit qui donne sens et postérité à la vie humaine.
Valéry Laurand, « L’amitié : une lecture de la Lettre 9 de Sénèque à Lucilius »
Il s’agira de commenter la Lettre 9 de Sénèque à Lucilius, avec cette question directrice : comment Sénèque peut-il tenir un discours aux allures très altruistes, tout en assurant que le sage, autosuffisant, peut se passer d’un ami qui paraît par ailleurs indifférent et interchangeable ? À travers un certain nombre de distinctions conceptuelles importantes, l’auteur prend en charge l’élaboration de problèmes qu’il juge mal posés : l’autarkeia du sage, l’utilité de l’amitié et sa fonction.
503Brigitte Pérez-Jean, « Quelle altérité conduit à la suspension du jugement ? L’autre sceptique »
Le conflit est au cœur du scepticisme de Sextus Empiricus ; l’altérité y différencie les adversaires dogmatiques entre eux et distingue dogmatiques et tenants de la suspension du jugement. Les modes de la suspension du jugement, véritable cheval de bataille de la polémique néo-pyrrhonienne, offrent un autre usage de l’altérité. On privilégiera le mode qui énonce les différences de « représentation » entre les animaux pour y trouver un entrelacement d’arguments qui comparent les animaux et les humains.
Jean-François Thomas, « Propinquus et ses ‘synonymes’ dans l’expression de l’idée de prochain. Du latin classique aux écrivains chrétiens »
Sans perdre le lien unitaire (propinquus), le lexique de la relation en latin exprime une participation à des objectifs communs (socius), une intimité inscrite dans la durée (familiaris), génère des actions qui s’imposent (necessarius), et établit une réciprocité (amicus). Alter est plutôt le moi que je ne serai jamais et qui me constitue comme tel, tandis qu’alius réfère à tel ou tel indistinct et qui se situe plutôt dans un rapport de différence vis-à-vis du sujet de référence.
Enrico Moro, « Il duplice comandamento dell’amore. Principio e fine dell’esegesi dal De Genesi contra Manichaeos al De doctrina christiana »
Cette étude tente de suivre le fil rouge de la réflexion d’Augustin sur le commandement évangélique de l’amour de Dieu et du prochain, d’abord dans le De Genesi contra Manichaeos, puis dans le De doctrina christiana. Elle souligne ainsi, d’un côté, le rôle central que la notion de caritas joue dans le premier commentaire exégétique d’Augustin, de l’autre l’approfondissement remarquable que la réflexion sur le thème de la dilectio proximi reçoit dans le cadre du De doctrina christiana.
Jérôme Lagouanère, « Le prochain est-il une personne chez saint Augustin ? »
Contrairement aux thèses d’Anders Nygren ou d’Hannah Arendt, le prochain n’est pas pensé par Augustin selon une visée utilitariste, mais constitue une personne de plein droit au sens kantien du terme, sujet et objet de respect. De fait, le concept augustinien de prochain ouvre la voie à une conception de 504la personne saisie dans sa chair et sa faillibilité intrinsèque – autrement dit, une conception qui vise à une éthique de la réciprocité du soin et du souci comme fondement du lien social.
Sarah Stewart-Kroeker, « L’amitié et l’altérité chez Augustin »
Il est fréquent de lire, parmi les critiques du rapport à autrui dans la pensée d’Augustin, qu’en assimilant tout amour à l’amour de Dieu, Augustin sape l’amour de l’autre dans sa particularité. Le passage qui suscite souvent la perplexité des lecteurs est la mort de l’ami anonyme dans le quatrième livre des Confessions. En considérant de près ce passage, cet article argumente que la conception augustinienne de l’amitié est animée par une tension entre identité et altérité.
Carmen A. Cvetković, « Christianity, Romanitas and the Politics of Otherness in the Late Ancient West »
Cet article étudie trois manières différentes de représenter l’altérité religieuse et ethnique en s’appuyant sur des écrits d’auteurs chrétiens de l’Antiquité tardive, Ambroise de Milan, Paulin de Nole et Sidoine Apollinaire, issus de l’aristocratie et de l’administration romaines et qui se percevaient à la fois comme romain et comme chrétien. Les exemples discutés présentent différents rapports à l’altérité, allant de l’exclusion totale et la marginalisation à l’appropriation et l’acceptation.
Diana Stanciu, « The Divine and the Human Other. Rhetoric of Power and Embodied Cognition in the Early Medieval Debate on Relics »
Cet article analyse le débat du ixe siècle sur les reliques et la rhétorique du pouvoir des prélats carolingiens à la lumière du paradigme de la cognition incarnée et d’une explication de l’altérité qui permette de penser la relation entre le divin et l’humain, les structures trans-individuelles, les interactions intersubjectives, la relation participation-assimilation, et la raison humaine expérimentant ses propres limites, lors même que des revendications d’orthodoxie dogmatique sont impliquées.
505Marianna Cerno, « When the “other” has another God. Christians towards Saracens in Italian Hagiography before the first Crusade »
L’article présente les principaux textes hagiographiques écrits en Italie au haut Moyen Âge lorsque les Sarrasins apparaissent, afin d’évaluer si et comment le concept de « l’autre » peut s’exprimer dans ce contexte au niveau culturel et religieux. Après une étude détaillée de chacune de ces hagiographies, la conclusion offre une interprétation globale des résultats, proposant une lecture originale de la perception italienne des Sarrasins dans le haut Moyen Âge.
Fabrice Wendling, « L’Europe latine et la ‘question de l’Autre’. L’islam dans l’œuvre de Nicolas de Cues »
Dans la longue histoire des rapports entre christianisme latin et islam, l’œuvre de Nicolas de Cues sur le Coran et les musulmans (consignée pour l’essentiel dans la Paix de la foi, la Lettre à Jean de Ségovie et le Coran tamisé) occupe une place singulière : héritière d’une longue tradition controversiste, elle s’en distingue par un climat nouveau de tolérance, et ouvre des perspectives neuves de compréhension bienveillante, allant jusqu’à penser l’altérité du Coran sur le mode de l’inclusion.
Jean Meyers, « Construction et images de l’autre et de l’étranger dans les Errances de frère Félix Fabri (1483-1484) »
Les récits de voyage sont des lieux privilégiés de la perception de l’autre. L’Euagatorium de Félix Fabri, souvent décrit comme le récit de voyage le plus riche du Moyen Âge, offre un terrain d’études particulièrement fécond. Il s’agira ici de montrer que la vision de l’étranger n’est pas chez lui uniquement stratégique ou pragmatique, mais qu’elle témoigne d’une réelle ouverture à l’autre et même d’une certaine tolérance.
Jean-Frédéric Chevalier, « Pétrarque, Augustin et la Trinité. Quels regards sur le mystère de l’altérité ? »
Quand Pétrarque fait intervenir trois personnages dans le Secretum (François, Augustin et la Vérité), il situe l’altérité au sein d’un dialogue dramatisé sur trois journées mettant en scène une « trinité » : François ne peut se comprendre par rapport à Augustin si la lumière de la Vérité n’éclaire pas le dialogue. 506L’altérité, perçue comme un mystère, une invitation à devenir autre sous le regard de la Providence, ne se conçoit ainsi qu’en présence de trois « acteurs ».
Fosca Mariani Zini, « Une bruyante solitude. Remarques sur l’égoïsme (xiv-xve siècles) »
Un espace mental se dessine au xve en Italie où l’usus fut compris, dans les milieux érudits de la cour, comme la recherche légitime de son propre intérêt aux dépens d’autrui, mue par la cupiditas lucri. La solitude cesse d’être l’attitude du sage, replié sur son activité contemplative, laissant la place à l’égoïsme de l’amour-propre esseulé, recroquevillé sur ses richesses, voire à l’‘honnête avarice’ de Poggio Bracciolini. Cet article entend donc retracer la naissance de l’égoïsme humaniste.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-07835-7
- EAN: 9782406078357
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07835-7.p.0501
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-29-2019
- Language: French