Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Histoire à la Renaissance. À la croisée des genres et des pratiques
- Pages : 445 à 450
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 114
- Série : Éthique et poétique des genres, n° 3
Résumés
Françoise Graziani, « Échanges polysémiques entre mythos et historia dans la tradition aristotélicienne »
Dans la tradition aristotélicienne, les mots historia et mythos sont irréductiblement liés par leur polysémie. Cet article analyse la relation entre les mots et les choses en confrontant la science poétique que revendique l’ancienne mythographie à l’interprétation du mythos dans la Poétique d’Aristote, qui en fait la résolution complexe d’un système d’oppositions entre le particulier et l’universel impliquant par corrélation une synthèse de l’éthique, de l’histoire naturelle et du politique.
Adeline Desbois-Ientile, « Polysémie d’histoire et allégorie de l’histoire dans l’œuvre de Lemaire de Belges »
À partir de l’analyse du mot histoire, l’article entend contribuer à l’étude du vocabulaire de Lemaire de Belges et évaluer la conception que l’auteur avait de l’histoire, ainsi que la place qu’il lui a accordée dans son œuvre. L’étude révèle que le mot histoire, dans son acception métadiscursive, est réservé aux Illustrations, tandis que la figure allégorisée de l’histoire, présente dans différents textes, met en scène les enjeux du genre et son articulation problématique à la poésie.
Pascale Mounier, « Une preuve pseudo-historique à l’épreuve de la fiction. La Donation de Constantin analysée par Lorenzo Valla »
Le Constitutum Constantini est un faux document qui a pourtant obtenu crédit pendant tout le Moyen Âge. Dans la De falsa credita… Lorenzo Valla démontre le premier en 1440 l’inauthenticité de l’édit accordant à Rome le pouvoir sur l’Italie centrale. Il recourt pour cela à un récit contrefactuel : c’est paradoxalement la fiction poétique qui souligne ici l’invraisemblance
du texte prétendument historique. L’essai examine les notions de possible et d’impossible dans le récit imaginaire et l’histoire.
Olivier Guerrier, « Une “histoire parfaite” ? L’histoire et ses fictions à la Renaissance »
En examinant l’histoire passée et laïque, cet article nuance l’idée de G. Huppert selon laquelle il n’y a « pas de place pour la fiction dans l’Histoire nouvelle ». À l’image de ce qu’on observe dans d’autres champs, l’élimination des données fabuleuses n’empêche pas l’existence de foyers de résistance, en marge des pratiques officielles, influencés par le pyrrhonisme, ce qui conduit à s’interroger sur l’usage de la fiction et sur les critères de validation alors mis en œuvre.
Marthe Paquant, « Les dénominations de l’histoire dans l’œuvre de Guillaume Paradin »
Dans les titres de ses œuvres, Paradin emploie les termes d’annales, chronique, histoire, et mémoires. L’article s’attache à montrer les différences de sens entre ces termes et parallèlement à retracer l’évolution du travail de Paradin. Il démontre que Paradin n’est pas seulement un annaliste ou un chroniqueur, mais aussi un historien à part entière et au sens moderne, comme en témoignent ses Memoires de l’histoire de Lyon.
Guilhem de Corbier, « Les apports de La Popelinière au renouvellement de l’histoire en France »
Auteur de deux histoires des guerres de religion, La Popelinière se heurte à la difficulté pour l’historien d’être impartial lorsqu’il traite un sujet d’actualité : ses œuvres sont attaquées par les catholiques et les protestants. Il continue alors son engagement dans des réflexions sur l’évolution de l’histoire depuis l’Antiquité. La Popelinière prétend ainsi à une nouvelle vérité, inséparable à ses yeux d’un engagement dans l’histoire de son temps.
Xavier Malassagne, « L’Histoire universelle d’Aubigné, un texte partisan »
Dans le contexte des guerres de religion, l’écriture de l’histoire relève d’un enjeu argumentatif majeur. L’Histoire universelle d’Agrippa d’Aubigné s’inscrit dans cette perspective en valorisant le parti protestant. L’article se propose donc de recenser quelques indices de cette défense partisane, parmi ceux qui détournent le récit d’un exposé objectif et ceux qui contribuent à valoriser la figure centrale d’Henri de Navarre.
Danièle Duport : « Loys Le Roy et l’écriture de l’histoire. “Tant ont de force les escrits faicts aupres du naturel, que jamais n’anéantissent” »
Loys Le Roy (1510-1577) construit un système du monde qui explique la vicissitude et la variété de l’univers. L’histoire devient lisible selon une causalité naturelle, supervisée par la Providence. L’historiographie doit être conçue dans une étroite correspondance avec l’histoire, faute de quoi elle s’écarterait de la vérité naturelle. De la vicissitude ou variété des choses en l’univers propose une histoire universelle surprenante, assortie d’une écriture mimétique de la variété.
Claire Sicard, « Ronsard et son coup de Jarnac »
L’article situe une ode de Ronsard sur la victoire du seigneur de Jarnac dans le contexte de sa composition : quelle latitude est laissée au poète dans le cadre d’une écriture tenue de célébrer mécènes et puissants ? L’histoire est-elle compatible avec la célébration ? L’élaboration d’une mémoire collective passe d’abord, à la Renaissance, par la commémoration des événements touchant la vie des Grands.
Adeline Lionetto-Hesters, « La poésie festive de la seconde moitié du xvie siècle, une forme d’écriture de l’histoire ? »
La poésie festive ne saurait se limiter à sa fonction de divertissement. L’un de ses principaux objectifs est en effet de participer à l’élaboration de la mémoire d’événements et de personnages jugés de premier ordre. Elle joue ainsi un rôle proche de celui des chroniques. Mais la poésie festive est aussi tournée vers l’avenir et elle se différencie également de la chronique par ses moyens puisqu’elle relève de la rhétorique et d’une poétique du vraisemblable.
Daniel Ménager, « Histoire et poème héroïque dans le Livre IV de La Franciade (1572) »
Les deux préfaces de La Franciade tentent de distinguer histoire et poésie. Tâche difficile quand il s’agit d’un poème héroïque. Pour s’affranchir du poids de la chronologie, Ronsard accueille la prophétie d’une magicienne qui transforme le passé en futur, privilégie les scènes, cultive les moments intenses. Il affirme alors se soucier fort peu de savoir si l’on peut accorder crédit à la légende. À quoi bon, enfin, l’épopée puisque le temps triomphe de tout, y compris des dynasties ?
Jean Vignes, « La méditation sur l’histoire dans la poésie de circonstance. La Complainte sur le Trespas du Roy Charles IX de Jean-Antoine de Baïf (1574) »
La Complainte sur le Trespas du Roy Charles IX (1574) tient moins de l’éloge convenu que de la confidence personnelle et de la méditation sur le sens de l’histoire. Poignant témoignage de désarroi, ce long poème illustre les incertitudes du poète confronté à un événement tragique perçu comme décisif pour l’histoire du royaume. Baïf n’en impose pas une interprétation, mais semble hésiter entre une lecture rationnelle et psychologique, et une lecture providentialiste.
Jean-Louis Fournel, « Dire la politique et l’histoire à Florence pendant les guerres d’Italie. La construction d’un savoir républicain »
Dans la Florence des guerres d’Italie, écriture de l’histoire et écriture de la politique tendent à se confondre pour former un type de savoir nouveau. Ce n’est pas le passé qui sert à lire le présent mais le présent qui entraîne une relecture d’un passé dont la compréhension sera d’une aide précieuse à l’analyse de l’histoire en train de se faire et à l’action politique afin de résister aux aléas de la guerre permanente.
Bérengère Basset : « Les “parcelles” d’histoire de Plutarque ou l’écriture du fait divers à la Renaissance »
L’étude s’intéresse à la parcellisation de l’écriture de l’histoire à la Renaissance. Elle compare la manière dont en traite La Popelinière dans sa réflexion historiographique et le réinvestissement dont cette parcellisation fait
l’objet dans les Essais de Montaigne. L’écriture « parcellisée » de l’histoire, que l’on attribue à Plutarque, fait alors émerger la notion de « fait divers », auquel l’historiographie renaissante confère un sens bien particulier en fonction de sa structure.
Paul-Victor Desarbres, « L’Histoire des troubles de Hongrie de Martin Fumée. Un exemple de chronique historique »
L’Histoire des troubles de Hongrie de Martin Fumée éclaire deux modalités de la fabrique de l’histoire au xvie siècle. Comme l’indique la préface, la narration de faits étrangers réfléchit l’horreur des guerres civiles françaises, selon une logique traditionnelle. En outre l’œuvre s’avère la compilation d’au moins deux textes différents, fidèlement traduits. Fumée, savant sans point de vue propre sur le conflit, a surtout cherché à accroître l’efficacité et le pathétique du genre.
Laurence Giavarini, « Raconter l’histoire, dire le passé, transmettre les origines. Sur la matière historique dans L’Astrée (1607, 1610, 1612) »
Dans L’Astrée, la représentation des origines de la Gaule évolue avec le rapprochement d’Urfé et du pouvoir monarchique entre 1607 et 1619. Le traitement et l’amplification romanesques des sources historiques montrent que l’univers pastoral, par la décontextualisation qu’il opère, est un lieu de ressaisissement des questions politiques brûlantes du temps. L’Astrée propose ainsi une interprétation de l’histoire, mais contribue à l’écrire, tout en promouvant un nouvel ordre, noble, de la mémoire.
Caroline Trotot : « L’écriture des Mémoires de Marguerite de Valois, métaphore et fiction de soi dans l’histoire »
Dans les Mémoires de Marguerite de Valois, l’utilisation des figures est révélatrice des relations qu’entretiennent, dans ce nouveau genre, fiction et histoire. Les figures de l’evidentia permettent l’avènement de l’identité du sujet par la réflexivité qu’elles induisent, mais aussi la critique des images de la monarchie des Valois. Instruments de fictionnalisation de l’histoire, les figures y apparaissent moins comme artifices rhétoriques que comme traces d’une énonciation subjective.
Thibault Catel, « Chronique de l’histoire dans les histoires tragiques de Boaistuau et Belleforest. Des nouvelles historiques avant l’heure ? »
En fondant l’histoire tragique, Boaistuau et Belleforest n’invoquent pas l’héritage de la nouvelle dont elle relève pourtant de plein droit. Ils tentent d’instituer l’histoire tragique comme sous-genre de l’histoire afin de l’élever au sérieux de ce grand genre, de mettre en avant l’exemplarité et la vérité de leurs récits contre l’invraisemblance fictionnelle. Évidemment, ils usent aussi de l’histoire comme de simple caution et ne renoncent pas aux charmes du romanesque.
Suzanne Duval et Adrienne Petit : « Les “effets étranges de l’Amour”. Le roman sentimental, une histoire poétique ? »
Analysant un corpus de fictions narratives en prose du xviie siècle, cet article montre comment ces textes revendiquent le caractère historique de leurs récits, tout en arborant les ornements de l’élocution poétique. Les procédés d’authentification de la narration s’accompagnent de l’atténuation et de l’exhibition des artifices de l’élocution. Est ainsi mise en évidence l’invention d’une écriture de la fiction qui capte la valeur de la vérité historique sans renoncer aux plaisirs de la poésie.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-6041-8
- EAN : 9782812460418
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-6041-8.p.0445
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 12/02/2016
- Langue : Français