Note sur l’établissement du texte et la traduction
- Publication type: Book chapter
- Book: Jephtias Tragœdia / La Fille de Jephté, tragédie
- Pages: 47 to 49
- Collection: Seventeenth-Century Library, n° 35
- Series: Théâtre, n° 7
Note sur l’établissement
du texte et la traduction
Nous avons utilisé dans un premier temps l’édition la plus courante du texte de Jephtias Tragœdia, celle qui se trouve au tome VI des Opera poetica omnia de Balde en huit volumes publiée à Munich en 17291. Nous étant rendu compte qu’elle est très fautive, nous avons ensuite repris le texte au regard de la première édition de la tragédie, celle d’Amberg, publiée en 16542, d’une impression beaucoup plus soignée, beaucoup moins fautive, comportant en outre une page d’errata. Nous avons reproduit le texte tel quel, respectant son usage d’abréviations pour les noms des personnages, de capitales, non seulement en tête des vers, mais aussi parfois à l’intérieur de ceux-ci, et de caractères italiques dont la fonction n’est pas toujours très claire3. Nous avons choisi de numéroter les vers acte par acte. Nous indiquons dans la marge droite du texte latin le schéma métrique.
Nous avons assez souvent modifié la ponctuation d’usage des xvie et xviie siècles, étrange voire déroutante pour le lecteur moderne : en particulier l’emploi très fréquent des deux points, là où nous mettrions simplement une virgule. Nous avons également en certains cas substitué des points-virgule, ou même des virgules, à des points, quand le sens semblait l’exiger. Nous avons respecté l’alignement des vers, selon l’édition de 1654, et harmonisé la typographie des didascalies. Les chiffres figurant entre crochets dans le texte latin renvoient à la pagination de l’édition de 1654.
48Cette pièce n’a jamais été traduite en français. Il n’en existe, à notre connaissance, qu’une traduction en allemand, à ce jour non publiée, due au Professeur Wolfgang Beitinger4. Nous avons choisi de traduire en vers blancs, chacun de nos vers correspondant à un vers de Balde (avec, de temps en temps, des inversions exigées pour la fluidité du français). Il n’était pas question, de toute évidence, de traduire en vers mesurés – sauf à traduire de façon très artificielle et sans respecter davantage les passages lyriques. Ce que permet l’allemand (et encore, avec des accommodements dont s’explique W. Beitinger) est rendu tout à fait impossible par la nature rythmique de la langue française et ses règles de versification. Nous avons estimé l’unité du vers blanc plus souple et propre à rendre au plus près le sens littéral tout en préservant au français son naturel.
Autant dire que nous n’avons pas pris parti entre “sourciers” et “ciblistes”, pour reprendre la terminologie de Jean-René Ladmiral et l’intéressant débat qu’il soulève5. Nous avons constamment cheché un équilibre entre les deux positions, qui à nos yeux ne sont point incompatibles : il s’agissait pour chaque vers, après nous être assurée de l’exactitude absolue du sens littéral, de pratiquer cet écart minimal qui permet d’agencer les mots autrement, afin de rendre la traduction fluide, homogène, et “française”. Par ailleurs, le texte de Balde étant 49largement une mosaïque de citations et réminiscences antiques, il fallait aussi rendre ces dernières transparentes au lecteur, fût-ce par un appareil de notes. Quant aux passages lyriques, et notamment les “polyphonies” à la manière sénéquienne6, c’eût été une gageure de vouloir en rendre le rythme en français ; la seule solution était d’en préserver la brièveté, le cas échéant, en jouant sur la syntaxe, ce que les usages de la poésie moderne en français rendent aujourd’hui tout fait possible. L’essentiel était de produire un texte lisible – y compris en ses longueurs, que seule l’intention didactique excuse ! – et de n’en point masquer la disparate, inhérente à ce genre particulier qu’est le drame jésuite et peut-être plus sensible encore chez Balde, qui juxtapose imitations quelque peu indigestes de l’hypotypose antique (notamment les récits de bataille), et authentique virtuosité lyrique dans la veine sénéquienne.
1 Monachij, Typis Joannis Lucæ Straubij, Anno 1729.
2 Ambergæ, Typis Georgij Haugenhoferi, Anno M.DC. LIV. Disponible sur le site de la Herzog August Bibliothek Wolfenbüttel.
3 Tantôt ces italiques désignent clairement des citations, tantôt ils distinguent certaines parties du texte sans raison apparente. Notre hypothèse est que ces italiques désigneraient un mode particulier, plus lyrique, de diction. Aucun commentaire à ce sujet dans l’article pourtant très documenté et complet de Norbert Tschulik, art. cité, p. 359-377. Il indique simplement, p. 362, que les chœurs intérieurs au texte, dans les pièces jésuites, n’étaient pratiquement jamais chantés.
4 Wolfgang Beitinger (1928-2010) fut professeur de latin, de grec ancien et d’allemand aux « Gymnases » (= lycées) de Mindelheim, Kempten, Donauwörth et Kaufbeuren. C’est grâce à son fils, M. Andreas Beitinger, que nous avons obtenu la version scannée de cette traduction dactylographiée, faite à partir de l’édition de Cologne 1660 ; plus exactement, il en existe deux versions : une en prose, inachevée, qui s’arrête au vers 4340 sur 4817 (= v. 967 de l’acte V), avec quelques coupures ; une en vers, achevée mais avec également quelques coupures. Cette dernière, qui donne en marge la nature des mètres latins, s’efforce dans la mesure du possible de les reproduire en allemand. (Da ich in Baldes lyrischer Tragödie noch den Willen des Autors spüre, ein DRAMMA MELICUM bzw. MUSICALE zu schaffen, war es mir Bedürfnis, die Fülle seiner rhythmischen Formen zu dokumentieren bzw. dem heutigen Leser mindestens einen Eindruck von ihnen zu geben (W. Beitinger, “Zur Wiedergabe der Metren”). Cette traduction ne comporte ni les Prolegomena, ni les Melodramatica, ces derniers absents de l’édition de Cologne (alors que les Prolegomena y figurent). Wolfgang Beitinger est également l’auteur de deux articles sur Balde : “Jacob Balde. Eine Würdigung seines Gesamtwerkes”, in [Coll.] Jacob Balde. Festschrift. Zur 300. Wiederkehr seines Todestages am 9. August 1968, Neuburg-an-der-Donau, 1968, p. 5-114, et “Thomas Morus in einer Ode Jakob Baldes (Carm. lyr. I, 3)”, Anregung, Zeitschrift für Gymnasialpädagogik 31, 1985, p. 312-321.
5 Jean-René Ladmiral, Sourcier ou Cibliste, Les Belles Lettres, “Traductologiques”, 2004 (avec reprise d’un article de 1996 de même titre).
6 Voir infra, p. 585 sq.
- CLIL theme: 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN: 978-2-406-09718-1
- EAN: 9782406097181
- ISSN: 2258-0158
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09718-1.p.0047
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-13-2020
- Language: French