Résumés des contributions
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Vices de style et défauts esthétiques. xvie-xviiie siècle
- Pages : 591 à 599
- Collection : Rencontres, n° 298
- Série : Rhétorique, stylistique, sémiotique, n° 4
Résumés des contributions
Pierre Chiron, « Échec éthique, échec esthétique selon la théorie grecque des caractères (Ps.-Démétrios de Phalère) ou des formes (Hermogène) du style »
Les théories stylistico-rhétoriques grecques d’époques hellénistique et impériale témoignent d’une évolution en cours faisant passer d’une éloquence visant la persuasion à une éloquence qui s’affiche comme performance. L’effet esthétique du discours tend à remplacer l’autorité éthique de l’orateur, d’où le goût pour la nouveauté, la subversion des règles et la diversification des modèles.
Giovanni Lombardo, « Le manque de goût et les grâces effrayantes dans la rhétorique ancienne »
La notion d’amousía (inculture, ignorance des arts) et la notion de phoberà cháris (grâce effrayante) mettent en jeu un mécanisme rhétorique à partir duquel un défaut peut se transformer en trait d’auteur.
Charles Guérin « Regula incerta. Les déclamateurs impériaux et la critique du défaut stylistique chez Sénèque le Père »
Sénèque le Père transforme l’approche rhétorique traditionnelle du défaut pour faire émerger une interprétation originale, fondée sur la « faute de goût », qui lui permet d’imposer ses propres choix stylistiques comme une norme incontestable.
Gilles Siouffi, « Le froid au xviie siècle. Sentiment terminologique, sentiment stylistique et sentiment linguistique »
La langue commune associe au xviie siècle le froid à ce qui manque de goût (fade, insipide) et situe ainsi le froid du côté du trop peu. En revanche la langue savante, héritière des traditions grecques et latines, propose « froid » 592comme traduction du « to psychron »de la Rhétorique d’Aristote, mais aussi du « kakozelon » qui se trouve dans le Traité du sublime du Pseudo-Longin. Il n’y a pourtant pas de là de véritable contradiction.
Delphine Denis, « Les grâces languissantes du style »
Dans les années 1640, la redéfinition d’un style moyen appelé à transcender la traditionnelle tripartition fait peser sur le « naturel » galant le risque du « languissant ». Contemptrice virulente du nouveau goût mondain, Marie de Gournay lui oppose une conception vitaliste de la langue qui, au modèle de la (fausse) douceur, préfère celui de la vigueur.
Carole Talon-Hugon, « Pourquoi le goût ? Généalogie d’un concept moderne »
Au xviie siècle, Gracián fait du gusto relevante une sorte de discernement de l’esprit par lequel on reconnaît l’excellence, esthétique mais aussi morale. Au xviiie siècle, l’acception du mot « goût » ne désigne que le sens du beau. Dans la nouvelle manière de penser le sensible promue par la révolution scientifique qui ouvre la modernité, le beau n’est plus conçu comme une propriété de l’objet, mais comme une qualité relationnelle qui naît de la rencontre d’un objet et d’un sujet.
Baldine Saint Girons, « Du mauvais goût comme risque du sublime »
La grande leçon de Longin est qu’il faut penser à la fois l’unité et la dualité du sublime : nature et art, mais aussi rupture et instauration, dessaisissement et saisissement, goût de la nature et goût de l’art. Le sublime nous fait comprendre l’étroitesse et la fausseté des clartés convenues, pour nous permettre d’expérimenter le réel et de nous y arrimer.
Florent Quellier, « Barbarismes et gueuseries. Faute de goût et codification de l’art de la bonne chère dans la France du xviie siècle »
Les controverses provoquées par Le Cuisinier françois (1651) de La Varenne tout comme les prétendues « incongruités de bonne chère » du Bourgeois gentilhomme (1670) reposent sur la codification accrue des règles culinaires et de 593l’art de bien traiter que subissent les élites françaises du second xviie siècle. Liberté des convives et diversité des goûts, ces deux valeurs cardinales de la gastronomie de la Renaissance ont vécu.
Anne-Pascale Pouey-Mounou, « L’épithète est-elle un vilain défaut ? La superfluité du style dans quelques caricatures de la poésie du xvie siècle »
En se focalisant sur l’épithète, les caricatures que le xviie siècle fait de la poésie du xvie siècle ne se méprennent pas sur l’importance poétique de la qualification à la Renaissance ; elles en ont en revanche perdu le sens. De nouveaux critères rhétoriques et métriques témoignent des modifications de perspective survenues dans la perception même des expansions nominales.
Cécile Lignereux, « Les mises en garde des manuels d’art épistolaire
contre les fautes de goût »
Fondés sur une approche utilitaire et didactique qui témoigne d’une appréhension proprement rhétorique du discours épistolaire, les manuels d’art épistolaire de l’âge classique répertorient, pour chaque situation discursive, les fautes de goût dont il convient de se préserver : celles qui sont liées à la falsification de la réalité ; celles qui résultent d’une mise en forme défectueuse ; celles qui trahissent des travers moraux.
François-Ronan Dubois, « Beautés et défauts de Voiture. La Défense des ouvrages de M. de Voiture de Pierre Costar »
Il faut resituer la publication par Pierre Costar, en 1654, d’une seconde édition de sa Défense des ouvrages de Monsieur de Voiture, accompagnée d’une dissertation latine rédigée par Paul Thomas de Girac, dans le projet éditorial plus vaste que Costar et Pinchesne mettent en place autour des œuvres de Vincent Voiture dans les années 1650, en prenant en considération leur stratégie de déplacement vers les nouveaux centres du champ socioculturel à l’époque galante.
Elsa Veret-Basty, « Les vices de l’ingéniosité »
L’énigme, jeu de conversation fondé sur une rhétorique de l’ingéniosité, a donné forme à un petit genre poétique dans le courant du xviie siècle, sous 594le patronage du poète galant Charles Cotin. Ce genre est encore très couramment pratiqué aux xviiie et xixe siècles, mais la fortune du genre entre en contradiction avec la critique du style de l’énigme, largement désavoué, taxé d’obscurité, de puérilité et d’affectation.
Lucie Desjardins, « Bonnes et mauvaises larmes. De l’art de pleurer »
Dans la seconde moitié du xviie siècle, nombreuses sont les anecdotes qui relatent le ridicule des larmes non contrôlées, excessives ou trop modestes, produites à contresens ou encore à contretemps.
Catherine Ébert-Zeminovà, « Phénoménologie du défectueux selon le P. Bouhours »
Le discours sur la faute de goût dans les Entretiens d’Ariste et d’Eugène de Dominique Bouhours donne lieu à différentes métaphores permettant d’accéder à un imaginaire classique dont on peut étudier la logique, celle-ci entrant parfois en contradiction avec la dimension axiologique du texte.
Benjamin Bouchard, « Idylles héroïques italiennes et françaises au début du xviie siècle »
Le genre de l’idylle héroïque, inventé par les Italiens, est considérablement infléchi par les critiques et les poètes français du xviie siècle. Cette classicisation toutefois n’est pas uniforme, ce qui témoigne de l’existence de deux grands courants au sein du classicisme, l’un plutôt dans l’orbe de l’académisme, l’autre invinciblement attiré par le maniérisme et prêt à affronter ce péril du sublime qu’est la faute de goût.
Záviš Šuman, « La Mesnardière contre Castelvetro. Polémique sur les mœurs du personnage tragique »
En luttant dans sa Poétique contre la suprématie de la delectatio sur l’utilitas et en refusant ainsi la position de Lodovico Castelvetro, La Mesnardière défend une poétique de la tragédie qui repose sur les vertus civiles. Cette conviction informe son interprétation du chapitre aristotélicien sur les mœurs, et en particulier ce qu’il dit de la méchanceté non nécessaire de Ménélas dans l’Oreste d’Euripide.
595Suzanne Duval, « Traduire les fictions “estrangères” en France à l’âge baroque. Un vice “desguisé” »
Le xviie siècle voit progressivement se sédimenter un topos traductologique consistant à énumérer les vices de style de la nation dans laquelle l’œuvre fictionnelle a été écrite (pointe, hyperbole, manque de « liaison »). L’opération de traduction en langue française passe ainsi pour un amendement du texte original, le traducteur s’érigeant en représentant du goût et du jugement français.
Sandra Costa, « Goût et mauvais goût des collectionneurs d’art en Italie au xviie siècle »
Au cours du xviie siècle, en Italie, on reconnaît le goût des collectionneurs et du public comme une alternative possible à celui des artistes et des critiques d’art. La formation au goût, pour l’art et par l’art, devient un des enjeux du mos nobilium.
Sophie Hache, « Musique française et musique italienne d’après le Discours sur la musique d’Église (1706) de Lercerf de la Viéville »
Lecerf de la Viéville ne se contente pas d’une transposition générale des vieux préceptes rhétoriques mais, au travers de la réflexion sur le bon et le mauvais goût, propose des analyses musicales élaborées qui témoignent de l’inclusion de la musique sacrée dans la sphère mondaine.
Christelle Bahier-Porte, « Antoine Houdar de La Motte, corrupteur du goût ? »
Après la publication de sa traduction-adaptation de l’Iliade (1714), Houdar de La Motte est accusé de corrompre le goût par Anne Dacier. Ce sont deux conceptions de la langue française et de la poésie qui s’affrontent. Au-delà de l’opposition entre Ancien et Moderne, ces critiques sont aussi révélatrices, en négatif, d’un goût nouveau, confiant dans les ressources de l’esprit et de la langue.
Marek Očenáš, « Faute de goût et jugement esthétique selon Du Bos »
Le recours à la notion de faute de goût permet à l’abbé Dubos, dans ses Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture (1719), de neutraliser les griefs 596avancés par les Modernes contre les œuvres antiques et de fournir une explication rationnelle du succès durable d’un certain nombre d’œuvres jugées supérieures malgré les fautes qu’elles peuvent receler.
Ouafae El Mansouri, « La défense du modèle tragique français dans L’Année littéraire (1780-1789) »
La critique dramatique du périodique l’Année Littéraire fait entendre, à la fin du xviiie siècle, un appel répété au respect des règles du goût classique défini par le xviie siècle. Non seulement cette critique conduit à réaffirmer la supériorité du goût français en Europe et à le glorifier comme un trésor national, mais elle permet également de légitimer la profession de journaliste dans un temps perçu comme décadent.
Hugh Roberts, « Capitaines Galimatias, homme obscur, et né de la lie du peuple » (Furetière). Le galimatias, vice de style et genre littéraire (fin xvie-première moitié du xviie siècle
Pratiquer le genre du galimatias, comme l’ont fait parmi d’autres les poètes Papillon de Lasphrise et Sigogne ainsi que le comédien Bruscambille, implique inéluctablement une prise de position dans des débats littéraires et, partant, sociaux et politiques. Sont ainsi défiées, de manière carnavalesque, les normes qui s’imposent de plus en plus strictement, et ce en faveur d’une esthétique alternative qui valorise la diversité et la fantaisie.
Jean-Marc Civardi, « Cartographie du galimatias au xviie siècle »
Au xviie siècle, le mot galimatias sert à tourner en dérision les discours manquant de clarté et de netteté et à condamner moralement et socialement ceux qui les tiennent. Mais il désigne aussi un jeu littéraire parfois savant et entre dans une riche chaîne synonymique (phœbus, cacozèle, fatras, salmigondis, coq-à-l’âne, etc.), où se devine la fascination que l’âge classique éprouve pour ce qui est à l’opposé de l’idéal qu’il se donne, en particulier le sublime.
Audrey Gilles-Chikhaoui, « Grossièretés de Marc Papillon de Lasphrise »
Les Premières œuvres poétiques ont donné à Marc Papillon de Lasphrise une réputation de poète obscène. C’est sur cette réputation que joue l’éditeur qui 597fait un coup éditorial en lui attribuant en 1599 les Œuvres poétiques en faveur des dames. C’est encore elle qui fait que la critique aujourd’hui lit ses Stances sur le Délice d’amour en en grossissant démesurément l’obscénité.
Dominique Chaigne, « Les sonnets satyriques et burlesques, un miroir de vices et de difformités »
Dans le sonnet français de l’époque classique se développe une esthétique de la malséance et de la laideur à travers les veines satyrique et burlesque que les discours théoriques envisagent comme symptôme d’une maladie dégénérescente. Pourtant, cette esthétique de l’écart morphologique, loin d’ossifier le sonnet, lui permet de se renouveler.
Michel Jeanneret, « Avatars du bouffon »
Les sociétés traditionnelles tolèrent, voire encouragent, des foyers de désordre et des agents de la dérision : ce sont par exemple, au plan collectif, le carnaval, les confréries burlesques et, au plan individuel, les fous de cour, les farceurs… Au moment où, dans le cours du xviie siècle, ces institutions déclinent, ce sont des écrivains (Boisrobert, Voiture selon les Historiettes de Tallemant des Réaux, Scarron et Molière) qui se chargent d’endosser cette fonction.
Françoise Rubellin, « Marivaux et le mauvais goût : L’Homère travesti »
L ’ Homère travesti de Marivaux s’appuie sur la traduction de l’Iliade de La Motte et la travestit en amplifiant la grossièreté qui choquait ce dernier : parodies des épithètes homériques, mentions scatologiques, commentaires métalinguistiques et métalepses se multiplient.
Violaine Géraud, « De la faute de goût au trait d’esprit à l’aube des Lumières »
L’abbé Desfontaines dans son Dictionnaire néologique offre un exemple de l’arrogance avec laquelle les puristes jugent des fautes de goût. Cependant la distanciation ironique déresponsabilise le locuteur qui n’adhère plus à son propre énoncé et l’ironie participe d’une connivence qui unit une élite, la faute de goût permettant de s’affranchir des conformismes plus encore que l’esprit.
598Jean-Eudes Girot, « Du goût et de la faute de goût comme connaissance de soi chez Montaigne »
Des contemporains de Montaigne, comme Juste Lipse ou Joseph Scaliger, ont vu dans les Essais un catalogue des goûts de l’auteur (gustuum liber) et notamment de ses préférences les plus impudiques. Mais la démarche de Montaigne exclut la dimension sociale du bon goût, tout en réussissant à conjuguer goût personnel et goût des autres.
Christiane Deloince-Louette, « Archéologie du rude. Les enjeux esthétiques et éthiques de la critique d’Homère par Scaliger »
Dans sa Poétique, Scaliger loue la douceur virgilienne au détriment de la rudesse homérique, imposant un antagonisme non sans conséquence sur la composition de poèmes héroïques en français (Ronsard). Par là, il dépouille la rudesse antique théorisée par Hermogène de sa grandeur d’origine. Les protestants (Du Bartas, Aubigné), à l’inverse, vont se réclamer d’un style « rude », associé explicitement autant au modèle biblique qu’au poète de l’Iliade, dont ils sont de fins connaisseurs.
Christabelle Thouin-Dieuaide, « De quelques sermons protestants français au début du xviie siècle. “Herbes amères” contre “style bouffi” »
On retrouve plusieurs fois l’image de l’amertume dans des sermons français du début du xviie siècle : « mauvais goût » des herbes de la Pâque, mais aussi du péché et plus globalement de la vie humaine. L’image entre dans une anthropologie et sert à définir une rhétorique pastorale, qui parfois donne lieu à d’autres images culinaires : le bon pasteur est encouragé à divulguer une parole facile à digérer ou sommé d’éviter le « style bouffi ».
Christine Noille, « “De tant d’objets divers le bizarre assemblage…”. Rhétorique des dispositifs décousus »
Catégorie endogène, le bizarre qualifie au xviie siècle tantôt de façon positive (comme arrangement de la variété) tantôt de façon négative (comme indicateur de l’instable, de l’inégal) ce qui ressortit à la dispositio. Dans les deux cas, cette catégorie sert à caractériser des expériences cognitives – d’intelligibilité des formes dysfonctionnelles – et à qualifier à leur suite des conduites heuristiques – d’élucidation de ces mêmes formes.
599Sabine Chaouche « L’acteur de mauvais goût, acteur des avant-gardes scéniques ? »
L’art de l’acteur est généralement considéré aux xviie et xviiie siècles comme un art de goût (bel usage sur la scène, éducation de l’acteur, voire conformité à la mode). Que faut-il entendre par mauvais goût en matière d’art dramatique ? Cet article montre, en se fondant sur l’analyse de différentes notions comme celles de temporalité, de défectuosité et de sublimité, que l’acteur de mauvais goût est le plus souvent porteur de modernité au xviiie siècle.
- Thème CLIL : 3154 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage -- Stylistique et analyse du discours, esthétique
- ISBN : 978-2-406-06494-7
- EAN : 9782406064947
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06494-7.p.0591
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/06/2017
- Langue : Français