![Une formation au travail pour tous ?. La loi Astier, un projet pour le XXe siècle - [Introduction de la quatrième partie]](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/GbeMS01b.png)
[Introduction de la quatrième partie]
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Une formation au travail pour tous ?. La loi Astier, un projet pour le xxe siècle
- Pages: 285 to 286
- Collection: History of Technology, n° 25
La dernière partie de cet ouvrage fait le pari de recourir à l’échelle internationale pour cerner les effets de miroir dans lesquels s’insère la loi Astier. Celle-ci est en effet une source d’inspiration pour les réformes de l’enseignement technique en Belgique et dans l’Espagne de la dictature de Primo de Rivera1. Une législation semblable est prise deux années plus tôt aux États-Unis avec le Smith-Hughes Act de 1917 et en 1930 en Suisse avec la loi fédérale sur l’enseignement et la formation professionnelle.
Partant du cas de l’Algérie en situation coloniale, Stéphane Lembré mène une première comparaison entre la politique de formation menée en métropole et les réalisations locales dans ces départements français qui forment l’Algérie jusqu’en 1962. Il confronte les objectifs de la loi Astier aux intérêts de grands colons jaloux de leur autonomie par rapport à Paris. Surtout, il met en évidence combien le projet de prolongation des scolarités, dont est porteur la loi Astier, est structuré par des divisions sociales et raciales, puisque les Français Musulmans d’Algérie ne sont alors guère concernés par cette mise en école technique.
Sébastien-Akira Alix examine quant à lui le modèle spécifique de « vocational education » porté par le Smith-Hugues Act de 1917 et le modèle du « tracking system » que la loi promeut, qui vise à développer un enseignement professionnel à l’intérieur même des high schools. L’auteur dresse un premier bilan des effets de la loi, aussi bien quantitatif (moyens attribués, nombre d’élèves) que qualitatif (spécialités enseignées) 286et interroge, avec l’exclusion de l’enseignement commercial du champ d’application de la loi, le décalage perceptible, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, entre les prescriptions de la loi et les besoins économiques réels du pays. Le cas américain offre bien là un effet de miroir. Par exemple, l’activisme des lobbys féminins sont là-bas efficaces pour définir des contenus de formation et ainsi imposer une bonne place à l’enseignement ménager, quand en France, on peut s’interroger sur l’absence des mouvements féministes – représentés comme tels – dans l’élaboration de la loi Astier.
Lorenzo Bonoli interroge ensuite le poids relativement faible dans les négociations et l’engagement relativement discret des syndicats ouvriers dans l’élaboration de la loi fédérale de 1930 portant sur l’enseignement et la formation professionnelle. Derrière l’apparent consensus, l’auteur souligne combien cette loi est en réalité taillée par et pour le monde de la petite et moyenne entreprise artisanale, contre son principal concurrent de la grande industrie. Ce faisant, l’équilibre obtenu entre intérêts économiques et objectifs sociaux et éducatifs, permettait d’obtenir le soutien des syndicats.
Enfin, Anna Pellegrino identifie à l’appui de l’exemple florentin des débuts du xxe siècle les filières formelles et informelles, les circuits d’information, le capital social, le rôle des réseaux personnels et familiaux qui ont permis l’accès à l’apprentissage, à la formation professionnelle et donc à un emploi. Une grande diversité d’acteurs émerge de cette étude de terrain – du giron libéral avec les entrepreneurs, ouvrier avec les associations de travailleurs, catholique avec l’Église – comme de formes et de durées d’apprentissage, rendant impossible toute généralisation.
1 Dominique Grootaers, Histoire de l’enseignement technique et professionnel en Belgique, 1860-1960, Bruxelles, EVO, 1994 ; María Luisa Rico-Gómez, « The work school in Spain : training citizens and industrial technicians (1923-1930) », History of Education, vol. 50, no 3, 2021, p. 378-394.