Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Théorie critique du réformisme conservateur. Genèse de la matrice réformiste en Allemagne à l’époque de la Révolution française
- Auteur : Raulet (Gérard)
- Pages : 13 à 27
- Collection : PolitiqueS, n° 15
Préface
L’objectif de l’ouvrage de Christian Ferrié consiste à déconstruire la primauté autodéclarée du discours réformiste qui, de l’ultra-libéralisme au social-libéralisme, domine la doxa contemporaine et permet tout autant de discréditer des « réformes révolutionnaires », c’est-à-dire des réformes mettant réellement en question le mode de production dominant, que de légitimer des « réformes structurelles » qui s’attaquent radicalement aux acquis politiques et sociaux au nom des exigences de la mondialisation.
Cela requiert de mettre en question l’opposition simpliste entre réforme et révolution, un enjeu qui vaut tout autant pour les débats immédiatement induits par la Révolution française que pour les débats contemporains. Au-delà de l’intérêt que présentent pour l’histoire des idées politiques ses analyses extrêmement précises du corpus, l’étude de Christian Ferrié jette donc les bases d’une histoire critique du concept de réforme et plus précisément d’une théorie critique du réformisme. Pour une telle théorie critique du réformisme deux points essentiels doivent être d’emblée retenus : (1) Ce qu’on entend par « réforme » recouvre en réalité des options idéologiques et politiques très différentes ; (2) par principe, réforme et révolution, révolution et réforme enchaînent l’une sur l’autre et il n’y a pas lieu de les opposer terme à terme, même dans le cas où la réforme salutaire est initiée par une insurrection comme dans le cas de la révolution américaine. À moins que l’on n’adopte le point de vue du « réformisme conservateur » ou celui du « réformisme réactionnaire ». Ce que Condorcet ne fait pas dans De l’influence de la Révolution d’Amérique sur l’Europe en 1786. En disant cela on pense à la façon dont Furet ou Richet opposent « stratégie réformiste » et « tactique révolutionnaire1 » – illustration des stratégies de discours idéologico-14politiques qui ont pesé de tout le poids de l’autorité historienne sur la compréhension des théories de l’époque révolutionnaire.
L’étude remonte à la matrice de ce dispositif idéologique dont les « burkiens allemands » peuvent être considérés comme les fondateurs. Ni l’histoire des systèmes, ni l’histoire des concepts n’est envisageable indépendamment de l’historicité des pratiques discursives. Celles-ci sont déterminées non seulement par la réaction à des événements et à des conjonctures mais par des logiques d’évolution internes. La nécessité d’une différenciation du concept de conservatisme a donné lieu depuis l’ouvrage fondateur de Karl Mannheim à une abondante littérature2. En outre il importe de tenir compte de la particularité de ce qu’on a appelé le « Frühkonservativismus » allemand3, inséparable du complexe extrêmement embrouillé et très spécifique que constituent au tournant du xixe siècle en Allemagne l’Aufklärung, le libéralisme et le romantisme4. 15C’est en référence à ce contexte que Klaus Epstein a proposé une typologie distinguant les conservateurs défendant le statu quo, les conservateurs réformistes (ou réformistes conservateurs) et les réactionnaires5. L’étude de C. Ferrié ajoute sa pierre à cette différenciation. Appuyée sur une énorme érudition, elle conjugue histoire des concepts et histoire des idées et procède avec raison souvent par analyse de discours. Car l’opposition entre réforme et révolution, notamment, « n’est pas une donnée intangible de la sémantique qui s’enracinerait dans l’étymologie6 ». Le recours à l’histoire des idées et l’inscription dans l’époque permettent donc non seulement de mettre au jour la genèse de cette problématique mais de contrecarrer les distorsions anachroniques.
On prend conscience d’un certain nombre de points fondamentaux rarement perçus de façon aussi claire. Par exemple : que l’opposition fondamentale est celle de conservatio et de reformatio ; que le terme révolution est d’un usage assez peu spécifique jusqu’à la Révolution française ; tout le monde parle de « révolution », y compris Frédéric II, mais dans un sens positif de renouvellement qui n’est en rien contraire à la reformatio ou au sens de Reform, terme d’ailleurs peu répandu en Allemagne jusqu’à la fin du xviiie ; que le terme Reform est lui-même connoté comme révolutionnaire et que ce n’est pas un hasard si Kant l’utilise, tout à fait sciemment, à la place de celui de Verbesserung (amélioration) que préfèrent les conservateurs. Car au xviiie on va souvent loin en matière de « réforme », y compris dans la modernisation administrative des régimes princiers par les administrateurs éclairés comme Friedrich Carl von Moser, qui parle de « réforme » et de « révolution » parce que l’appareil de l’État ne peut selon lui plus être sauvé par une simple « réparation ». C’est à tort qu’on oppose révolution et réforme. Comme le souligne Hannah Arendt dans son Essai sur la révolution, c’est la Révolution française seulement qui a marqué une rupture nette tant avec les « révolutions » / réformations qu’avec les « révolutions » / améliorations anglaise et américaine7. La « ligne de fracture » entre restaurer et régénérer se manifeste d’abord dans l’action de la Révolution puis en réaction à cette dernière.
16À un moment, « le terme de révolutionnaire se met à désigner une position politique qui dénonce l’opposition contre-révolutionnaire8 ». Dans le discours de l’époque (chez l’Abbé Maury, représentant des « Noirs » royalistes à la droite de l’Assemblée, mais aussi chez les patriotes9), les « contre-révolutionnaires » sont ceux qui critiquent « de tels réformateurs10 » – des réformateurs qui vont trop loin. Parmi les patriotes Barnave estime que « l’intérêt commun est que la révolution s’arrête » ; Maury approuve des réformes « partielles » et réprouve des réformes « totales11 » ; car jusque-là l’Abbé Maury reconnaît à l’Assemblée nationale « le droit de réformer la Constitution12 ». C’est une question de degré, non de principe. Car on constate qu’en fait il se produit un basculement idéologique : les réformes révolutionnaires sont combattues en théorie et en pratique. Comment détermine-t-on le point où il « faut s’arrêter » ? Quelle est la limite à ne pas franchir ? « S’agit-il, comme le résume Christian Ferrié au terme de son premier chapitre, d’une réforme conservatrice du cadre monarchique à restaurer, à l’instar de ce que Burke soutient, ou bien s’agit-il d’une réforme innovatrice qui présuppose la destruction préalable du régime monarchique, comme le pensent les révolutionnaires français13 ? » Selon Miguel Abensour il s’agit, incontestablement, d’un changement de régime : « la mise en place d’institutions républicaines qui permettent d’accomplir positivement la révolution14 ».
On ne saurait trop souligner à cet égard la cristallisation idéologique, sinon théorique, provoquée par la réception de l’ouvrage de Burke Reflections on the Revolution in France. Burke jouissait déjà d’un prestige important dans l’intelligentsia qui relayait la pensée anglaise ; c’est dans le domaine de l’esthétique qu’il avait rencontré un écho considérable avec son œuvre de jeunesse A Philosophical Inquiry into the Origine of our 17Ideas of the Sublime and Beautiful, qui date de 1756 et que Kant lui-même avait prise en considération très tôt dans les Observations sur le sentiment du beau et du sublime de 1764, avant même que ne paraisse la traduction confectionnée par Christian Garve en 177315. En 1777 parurent ensuite en traduction allemande les Annales sur les implantations anglaises en Amérique16, puis toute la partie historique de l’Annual Register entre 1779 et 178617. Bref, Burke était une référence et deux traductions de ses Reflections on the Revolution in France parurent même avant celle de Friedrich Gentz, toutes deux à Vienne, haut-lieu de la réaction.
C’est la réception de Burke qui rompt le consensus des Lumières sur une conception éventuellement positive de la révolution (comme reformatio) et qui établit l’opposition entre réforme et révolution. La confrontation avec les burkiens permet de donner corps aux coordonnées du débat théorique et idéologique : le discrédit du « réformisme révolutionnaire » au profit du « réformisme conservateur ». Au nombre des burkiens allemands on compte au premier chef : Ernst Brandes, August Wilhelm Rehberg, Friedrich Gentz, Adam Müller. Ils sont la part émergée d’une réception de fond qui a emprunté les voies de la presse et des revues : l’Allgemeine deutsche Bibliothek de Nicolai, les Göttinger Gelehrte Anzeigen, dans lesquelles Brandes publia un compte rendu des Reflections en 179118, la Jenaer Allgemeine Literatur-Zeitung de Schütz et Hufeland, à laquelle Rehberg collaborait aussi depuis Hanovre (c’est à lui qu’on doit la première recension des Reflections en 1791), le Hamburger Politisches Journal, le Neuer Teutscher Merkur de Wieland dont les réactions aux bouleversements politiques sont toutefois extrêmement nuancés, la Minerva d’Achenholz – pour ne citer que les périodiques les plus connus19.
18Parmi ces périodiques certains sont loin d’être par principe hostiles à la Révolution française. C’est notamment le cas des deux derniers cités. Wieland se montre foncièrement favorable à l’œuvre de la Révolution et il estime intangible le régime politique qu’elle a établi même si, à l’occasion de la traduction par Rehberg de l’Appeal from the New to the Old Whigs de Burke dans le numéro de novembre 1791 du Neuer Teutscher Merkur, il se déclare convaincu par l’argument selon lequel on ne peut reconnaître en principe le droit d’un peuple à la révolution sans saper les fondements mêmes de tout ordre politique. Cette position est, somme toute, assez proche de celle de Kant. Auparavant Wieland avait salué comme un triomphe de la raison l’abolition des ordres religieux et la constitution civile du clergé et s’était emporté contre Burke dans le numéro de juin 1790, rangeant ce dernier parmi les défenseurs d’un monde révolu. C’est que les Reflections n’épargnaient aucun des principes présidant à la Révolution : ni l’égalité, ni les droits de l’homme en général, ni la notion de contrat social, ni la conception de la souveraineté, allant jusqu’à qualifier la démocratie de « tyrannie », de « despotisme » et de « plus infâme machination qui se soit jamais vue20 ». On trouve chez Achenholz le même éloge de l’œuvre de la première Assemblée nationale que chez Wieland. Attiré par la lumière de la liberté, il s’était du reste installé en France avec femme et enfant en 1790. Il eut, comme il le relate, la chance de rentrer en Allemagne deux mois avant les massacres de septembre. Pourtant, même après la Terreur il ne renie pas son approbation de la Révolution car, selon lui, le peuple français n’avait pas le choix et vouloir améliorer son sort par des « moyens paisibles », ainsi que l’eût souhaité Burke, lui paraît sans espoir.
Burke et la réception de Burke sont deux choses bien différentes. C’est donc bien des burkiens, et des burkiens allemands qu’il faut partir, car c’est à l’occasion de la réception que s’est mis en place le dispositif idéologique du « réformisme conservateur ». Élève et lecteur assidu de Kant, professant 19des convictions rationalistes bien trempées et nourrissant lui-même des ambitions en matière de théorie politique, Friedrich Gentz est l’illustration parfaite du phénomène21. C’est pourquoi je vais m’attarder un peu sur lui. G. Kronenbitter le qualifie de « représentant du conservatisme rationnel, spécifiquement du droit rationnel de l’absolutisme tardif et de la pensée conservatrice évolutionniste22 ». C. Ferrié utilise une formule moins ampoulée : les « réformistes conservateurs » incarnent une « forme de conservatisme qui flirte avec la réaction contre la Révolution ». On connaît bien ces penseurs et ces politiciens en demi-teinte, sincères ou non ; ce sont les plus dangereux supplétifs des politiques réactionnaires, aujourd’hui encore. « Sous couvert de réformisme extrêmement prudentiel ou modéré, la réforme conservatrice va s’avérer être une matrice du conservatisme moderne23. »
La traduction de Gentz, qui fut publiée en 1793 à Berlin par l’éditeur Friedrich Vieweg avec une dédicace à Frédéric Guillaume II (au service de qui Gentz était alors), pouvait compter, c’est le moins qu’on puisse dire, sur un vif intérêt. Un nouveau tirage fut nécessaire dès l’année suivante, sans parler des facsimilés diffusés dans le Sud de l’Allemagne. Ce qui la distingue, c’est l’intention déclarée de contrer les adeptes de la Révolution avec les armes du raisonnement philosophique – ce que Gentz entreprend dans une annexe pratiquement aussi volumineuse que la traduction. La traduction elle-même est d’ailleurs par endroits une adaptation sautant ce qui paraît à Gentz avoir perdu en pertinence et s’autorisant en contrepartie des interpolations. Dans le deuxième essai annexé à sa traduction – « Über die Moralität in den Staatsrevolutionen » – Gentz oppose les deux options extrêmes : une nation a le droit de changer sa constitution à sa guise ; une nation n’a aucun droit à modifier sa constitution. Il se déclare pour une voie moyenne, qui selon lui correspond à la position de Burke, et condamne une « révolution totale » lorsqu’elle a lieu dans un pays de longue tradition24 – ce qui permet de comprendre qu’à ses yeux la « révolution » doit rester compatible avec la tradition ; il ne peut s’agir d’une table rase, mais d’une régénération. Gentz a assidument lu Jean-Joseph Mounier, un des principaux représentants 20des monarchiens qu’on peut certes, rétrospectivement – comme le souligne C. Ferrié –, considérer comme des réformistes antirévolutionnaires mais qui ont bel et bien été associés au coup de force amenant le tiers état à s’affirmer comme Assemblée constituante. La parenté entre les positions est frappante. Dans son essai « Über Nationalerziehung in Frankreich » il insiste ensuite sur la nécessité d’une éducation nationale prenant la relève de la culture commune que transmettait la religion. Ce plaidoyer rapproche sa position de celle de libéraux comme Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique ou de Humboldt25.
Le point décisif dans l’argumentation de Gentz, ce qui au départ le distingue fondamentalement de Burke, est sa défense des droits naturels. C’est une position qui le distingue aussi de l’historisme conservateur, tel qu’on le trouve par exemple chez les romantiques catholiques, Novalis dans La chrétienté ou l’Europe, le vieux Schlegel26 ou Adam Müller27, dont il se rapprochera pourtant considérablement vers la fin, lorsqu’il se mit au service de Metternich, sans toutefois partager sa fondation théologique du politique28. Son premier écrit théorique, publié dans la Berlinische Monatsschrift en avril 1791, « Über den Ursprung und die obersten Prinzipien des Rechts » (Sur l’origine et les principes supérieurs du droit), se fixe pour objectif « une déduction du droit naturel d’après des principes stricts et irréfutables ». Il est conçu en réaction à un essai 21de l’un des premiers représentants de l’école historique, Justus Möser, « Über das Recht der Menschheit als den Grund der neuen französischen Verfassung » (Sur le droit de l’humanité comme fondement de la nouvelle constitution française). D’autres burkiens, comme Rehberg, défendent plus tôt et plus nettement l’arbitraire légitime du droit traditionnel, en reprochant aux révolutionnaires de le confondre avec l’arbitraire despotique29. Gentz refuse tout fondement empirique du droit, qu’il soit historique ou anté-historique, tiré d’un prétendu état de nature, et entreprend une déduction a priori des droits de l’homme à partir de la notion de liberté. Le jugement qu’il porte sur leur mise en œuvre par l’Assemblée nationale française n’en est pas moins négatif.
Pour lui, en effet, « le contrat social est la base de la science générale de l’État30 ? » Comme chez Kant il n’est pas question de fonder l’ordre social sur des droits antérieurs au contrat, les droits naturels ne deviennent des droits qu’une fois l’ordre social établi, c’est-à-dire sur la base du contrat31, fût-il lui-même fictif, bien entendu – et sur ce point Gentz critique Rousseau pour avoir déduit la fondation de la société de la conclusion réelle du contrat32. Il en découle que la souveraineté ne peut être celle d’une masse antérieure à l’établissement du droit et qu’il faut donc exclure la démocratie directe au profit d’une représentation, quelle qu’elle soit : monarque, sénat ou assemblée nationale33. De cette conception de l’origine du droit il tire l’argument qu’un programme politique reposant sur la déclaration des droits de l’Homme et non sur les règles de droit issues du contrat social ne peut que provoquer une instabilité chronique de l’ordre politique34.
Ce qui frappe chez Gentz, et particulièrement dans son rapport à Kant, est la déconnexion entre la réflexion théorique sur le droit constitutionnel pur et la philosophie pratique. En réponse au traité de Kant « Cela peut bien être exact en théorie mais ne vaut rien en 22pratique », Gentz publie en 1793 dans la Berlinische Monatsschrift un « Post-scriptum sur le raisonnement de M. le Professeur Kant à propos des rapports entre théorie et pratique », dans lequel il entend déterminer « quel est le point où la pratique cesse d’être un simple prolongement de la théorie et où elle acquiert le droit de parler pour soi-même, voire même avant la théorie ». Il considère les principes a priori de la science politique comme des étoiles guidant les pas de l’homme d’État et lui évitant de s’en remettre à des principes empiriques instables qui ne garantiraient pas la solidité du contrat. Toutefois la connaissance des droits de l’homme ne constitue qu’un préalable pour l’établissement d’une constitution ; « seule l’expérience (ou la force d’un génie qui anticipe l’expérience) peut fournir la matière des dispositions pratiques sans lesquelles le système des droits le plus parfait restera à tout jamais une pure chimère35 ». Comme Gentz le dit tout aussi clairement dans ses Beiträge, « le choix d’une constitution est complètement affaire de prudence politique [Klugheit] et n’a strictement rien à voir avec des questions de droit36 ».
Ce sont des arguments du même ordre que Rehberg, lui aussi kantien convaincu, fait valoir contre Kant dès sa recension de la Critique de la raison pratique en 1788. Par crainte du délire fanatique d’une pratique guidée par la pure exigence morale, il ajoute une morale de la perfection permettant de relier la raison pure pratique aux sensations et aux intérêts de l’homme37. La raison seule ne doit pas dominer l’action parce qu’elle ne le peut pas38. La science politique ne doit pas être confondue avec la métaphysique politique. Kant répondra dans un contexte significatif, en 1793, aux arguments des praticiens des affaires politiques en réaffirmant que ce qui vaut en théorie vaut aussi en pratique : « Tout est perdu si les conditions empiriques et par conséquent accidentelles de l’exécution de la loi deviennent les conditions de la loi elle-même39. »
23Parmi les burkiens allemands, le cas de Brandes permet de confirmer la rupture que constitue l’année 1792 : Brandes à qui l’on doit une première codification de l’opposition entre amélioration progressive (scil. réforme) et destruction violente (scil. révolution) exclut que le régime issu de la révolution puisse être amélioré40. Dès lors le terme même de révolution bascule clairement du côté négatif et devient un opposé de celui de réforme41. Toutefois, chez Brandes comme chez Rehberg, chez Hufeland aussi, l’opposition s’affirme dès 1790-1791 et on aurait donc tort de la rapporter exclusivement à l’horreur suscitée par l’exécution du roi et par les massacres de septembre. Ce point de chronologie est d’autant plus important qu’il incite à voir dans le « réformisme conservateur », non pas une prise de position conjoncturelle, mais bel et bien un courant politique consistant.
Tous les burkiens n’ont pas poussé l’hostilité envers la Révolution jusqu’à prôner la lutte armée contre la France révolutionnaire, ainsi que le fit Burke et, parmi ses émules allemands, Rehberg à partir de 1793, voire même dès mars 179142. Gentz a expressément désapprouvé les Letters on a Regicide Peace de Burke, dont la traduction qu’il avait entreprise est restée inachevée. En 1797 il se félicite que la Prusse se soit retirée de la coalition contre la France. Le cas de Rehberg permet en revanche de comprendre que la réception allemande n’est pas restauratrice mais régénératrice43. Du moins dans un premier temps en ce qui concerne Rehberg, mais cela reste par ailleurs un aspect essentiel de la référence à Burke chez les Romantiques (par exemple Novalis, qui parle à propos de Burke, d’une critique révolutionnaire de la Révolution française44). C’est que les Allemands, vraisemblablement, ne pouvaient pas en juger comme les Anglais : tandis qu’il était loisible à ces derniers d’opposer au besoin désordonné d’innovation l’excellence déjà éprouvée (au prix de traumatismes volontiers éludés) de leurs institutions, les Allemands 24avaient un réel besoin de réforme. Dans son jugement sur les Reflections de Burke dans la Jenaer Allgemeine Literatur-Zeitung il ne fait aucun doute que Rehberg pense avant tout à l’Allemagne ; il songe à un ouvrage qui aurait pour l’Allemagne un impact salutaire comparable. Ce seront ses Untersuchungen über die französische Revolution de 1793, dans lesquelles il esquisse une « voie allemande » du réformisme : si l’excellence des institutions politiques tient en Angleterre à la constitution, l’Allemagne peut s’appuyer sur l’excellence de son administration. Gentz, Brandes et Rehberg appartiennent, comme Edmund Burke, à la classe bourgeoise des fonctionnaires qui entendent faire valoir leurs compétences intellectuelles dans la sphère politique45. Ils prônent une révolution par en haut. Ce statut social peut aussi expliquer un aspect important du désaccord entre Rehberg et Kant : le principe d’égalité. Rehberg défend une vision élitiste et censitaire46 tandis que pour Kant le critère de la citoyenneté est l’indépendance, non la propriété – c’est pourquoi Kant définit en un sens très large « ce qui est mien » ; la sibisufficentia, dit-il, requiert « que l’on possède quelque propriété (tout art, métier, les beaux-arts, la science peuvent être considérés comme une propriété) qui soit un moyen d’existence47 ». Sur ce terrain Gentz lui aussi se montre très préoccupé d’une conception du « salut public » qui sauvegarde les biens acquis des propriétaires48.
Gentz est moins confiant dans les qualités de l’administration prussienne, tout comme il doute beaucoup des capacités du roi Frédéric Guillaume II puis de son successeur Frédéric Guillaume III à mener à bien les réformes indispensables. Il fut le témoin direct de l’échec de la commission chargée de réformer les finances, qui siégea entre 251798 et 1800 et que présidait son supérieur hiérarchique, le Ministre Hoym. Ce sont ces doutes qui ont provoqué la radicalisation de son positionnement politique49 et sa dérive conservatrice, assez comparable à partir de 1806 au plus tard (même date que pour Friedrich Schlegel) avec celle des Romantiques, à cette différence importante près qu’il ne se convertit jamais ni au catholicisme, ni à la nostalgie du Moyen Âge. Pour caractériser son évolution après 1815 Johann Christoph Allmayer-Beck a avancé l’appellation de « conservatisme gouvernemental50 ». Mais avant cette évolution radicalement conservatrice la ligne de partage passe non tant entre réforme et révolution qu’entre deux modalités de réformisme : des réformes révolutionnaires imposées par un peuple qui se soulève pour réclamer ses droits et des réformes portées par une élite.
Du coup, on voit déjà se dessiner au tournant du xixe siècle un type de réformisme conservateur militant qui prépare de longue main celui qui continue aujourd’hui d’embarrasser l’Europe et la construction européenne parce qu’il est à la fois réformiste et réactionnaire – bref, sous sa forme contemporaine : néo-libéral. La matrice de ce modèle se trouve déjà dans la réception allemande à la fois de la pensée révolutionnaire française et de la réaction de Burke.
Cela étant, le « modèle anglais » opposé au « contre-modèle » français par Burke et les burkiens ne tient pas la route car, tout simplement, ils ne parlent ni de la même chose, ni le même langage. La « Glorieuse Révolution » est en fait encore une péripétie d’ancien régime parfaitement pensable dans les catégories de Machiavel, et un coup d’État diplomatico-militaire. Sans être un grand spécialiste de la révolution anglaise de 1688-1689 on peut mettre en doute qu’elle se soit accomplie sans déchaînement de violence. C’est faire peu de cas des combats entre les partisans catholiques et l’armée néerlandaise de Guillaume III, de la sanglante contre-révolution qui s’ensuivit en Irlande peu de temps après, de l’exode des partisans de Jacques II, les jacobites « non jureurs » qui se réfugièrent en France, du fait que les droits pour les catholiques négociés à l’occasion du Traité de Limerick ne seront pas respectés, etc., etc. 26Du reste Burke se tire d’embarras en légitimant le coup d’État qui renverse le roi comme un « remède violent » permettant de rétablir le cours naturel des choses. Ce qui ne fait en revanche aucun doute est que l’élite protestante européenne est attirée vers Londres et qu’elle y devient, avec entre autres la fondation de la Banque d’Angleterre, l’artisan du développement capitaliste. Le tour de force, ou plutôt de magie, des « réformistes conservateurs » se laisse donc décrire ainsi : alors que la pensée des Lumières avait réussi à dissocier la révolution de la guerre civile et à l’émanciper de sa tradition machiavélienne pour l’associer à la réforme, ils réussissent, en dépit de toute vraisemblance, à inverser le mouvement et à renvoyer la « révolution » à ses antécédents aventuriers pour imaginer une saga bourgeoise libérale, prétendument pacifiste, et installer une forme de domination qui règne depuis lors sur l’histoire politique, en conflit pendant tout le xixe siècle et la première moitié du xxe avec le mouvement ouvrier qu’elle n’a eu de cesse de discréditer comme « révolutionnaire », c’est-à-dire insurrectionnel, incontrôlable, entre les mains de la populace déchaînée.
Ce qui est en question, c’est un conflit sur le type de régime à instituer : et c’est une question de principe, non de degré, parce qu’on change d’épistémé. Il n’y a rien de commun entre la gestion des retournements de fortune par les classes dirigeantes – quels qu’aient été les conflits idéologiques et religieux au nom desquels ils se sont accomplis – et une pensée de l’État comme cause commune. Rien de commun non plus entre la façon dont une élite accepte une réforme pour empêcher une révolution, entre une monarchie tempérée du type de celle que Burke et ses adeptes allemands donnent en exemple contre les excès français, et le type de régime républicain qui s’est esquissé dans la Révolution française et que les républiques françaises ont tenté de concrétiser sous la pression des luttes sociales. On use volontiers d’une équivalence rapide entre république et État de droit. Elle permet d’estimer républicain – et même démocratique dans le langage courant – tout État doté d’une constitution, quelle qu’elle soit. Sur de telles bases le réformisme apparaît, une fois une constitution donnée, comme la solution la plus « raisonnable ».
C’est en vertu du même raisonnement qu’on réduit la réflexion kantienne à l’exigence d’une constitution, quelle qu’elle soit, et qu’on met volontiers en exergue le « réformisme » de Kant. De là il n’y a qu’un 27pas vers sa transformation en héraut du libéralisme. Si l’on suit la pente, toute différence s’abolit entre Kant et Burke. Ce qui, on l’a vu, n’est pourtant même pas le cas pour Gentz, dont l’honnêteté intellectuelle mérite d’être soulignée. D’où la nécessité absolue de formuler sans détours ni atténuation, à l’encontre de la stratégie idéologique des « burkiens », l’opposition – Burke contra Kant, Kant contra Burke. Car il s’agit aussi de contrecarrer le détournement libéral du kantisme et d’exiger une remise à plat de la réflexion sur le républicanisme de Kant – ce que le présent ouvrage amorce. À cet égard il est au premier chef impératif de rappeler que la portée et le poids sémantiques de Reform chez Kant sont sans commune mesure avec une simple amélioration (Verbesserung).
Gérard Raulet
Freiburg / March, juillet 2014
1 Furet, François et Richet, Denis, La Révolution, t. I, Hachette, 1965 : « La pensée politique du xviiie siècle […], aristocratique et bourgeoise, définit une stratégie réformiste, non une tactique révolutionnaire. Bien sûr, elle veut bouleverser l’Ancien régime : mais quand elle ne s’en remet pas au roi, elle fait confiance au temps et à l’opinion éclairée, jamais à la violence des malheureux. Elle imagine mieux les résultats que les modalités : les premiers seuls sont nécessaires […] ces députés qui arrivent à Versailles au début mai, formés par Montesquieu, Voltaire, les physiocrates […] sont venus de leurs provinces pour réformer l’État, lui donner une Constitution. » (p. 137. Cité par Christian Ferrié dans le présent ouvrage, p. 124).
2 Mannheim, Karl, Das konservative Denken. Soziologische Beiträge zum Werden des politisch-historischen Denkens in Deutschland, Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, no 57, 1927, p. 68-147. En plus des études mentionnées dans les notes qui suivent, voir notamment Kosellek, Reinhart, Vergangene Zukunft. Zur Semantik geschichtlicher Zeiten, Francfort-sur-le-Main, 1989 ; Kaltenbrunner, Gerd-Klaus, Der schwierige Konservativismus. Definitionen, Theorien, Portraits, Herford e.a., 1975 ; Greiffenhagen, Martin, Das Dilemma des Konservativismus in Deutschland, Munich, 1971 ; Reinhalter, Helmut, « Von der Aufklärung zum frühen Liberalismus, Sozialismus und Konservativismus », Ideologien im Bezugsfeld von Geschichte und Gesellschaft, éd. A. Pelinka, Innsbruck, 1971, p. 63-78.
3 La traduction par « préconservatisme » ne cerne qu’imparfaitement le phénomène. Voir Kronenbitter, Günther, Wort und Macht. Friedrich Gentz als politischer Schriftsteller, Berlin, Duncker & Humblot, 1994, IV. Exkurs : Deutscher Frühkonservativismus, p. 82-94.
4 Sur les liens entre le rationalisme de l’Aufklärung et les écrits antirévolutionnaires, voir Garber, Jörn, « Drei Theoriemodelle frühkonservativer Revolutionsabwehr. Altständischer Funktionalismus, Spätabsolutistisches Vernunftrecht, Evolutionärer ‘Historismus’ », Jahrbuch des Instituts für deutsche Geschichte, Tel Aviv, no 8, 1979, p. 65-101. Sur la complexité du romantisme politique en Allemagne, voir Les romantismes politiques en Europe, éd. G. Raulet, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2009. Cette conjoncture intellectuelle et historique complexe a provoqué des évolutions spectaculaires, dont les burkiens allemands ne sont pas exempts, et a donné lieu à l’accusation d’opportunisme prononcée par Carl Schmitt dans Romantisme politique : Schmitt, Carl, Politische Romantik, Berlin, Duncker & Humblot, 1919.
5 Epstein, Klaus, Die Ursprünge des Konservativismus in Deutschland. Der Ausgangspunkt : Die Herausforderung durch die Französische Revolution 1770-1806, Francfort-sur-le-Main e.a., 1973, p. 19-24. Voir également Kritik der Revolution. Theorien des deutschen Frühkonservativismus 1790-1810, éd. J. Garber, Kronberg/Ts., Scriptor Verlag, 1976.
6 C. Ferrié, infra, p. 59.
7 Arendt, Hannah, On revolution, Westport (Connecticut), Greenwood Press, 1963, p. 21 sq.
8 C. Ferrié, infra, p. 136.
9 Cf. dans l’étude de C. Ferrié, p. 138 sq.
10 Maury, Jean-Sifrein, « Discours sur les biens ecclésiastiques » (13 octobre 1790), Orateurs de la Révolution française, I. les Constituants, éd. F. Furet et R. Halévi, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1989, p. 515.
11 Ibid., p. 537. C’est la terminologie dont use aussi le burkien Friedrich Gentz dont nous allons parler plus loin.
12 Maury, J.-S., « Discours sur les biens ecclésiastiques », op. cit., cité par C. Ferrié, p. 142.
13 C. Ferrié, infra, p. 117-118.
14 Abensour, Miguel, « Lire Saint-Just », introduction aux Œuvres complètes de Saint-Just, Paris, Gallimard, « Folio histoire », 2004. Cité infra, p. 154.
15 Il n’est pas interdit de penser que l’utilisation du Sublime pour repenser l’événement de la Révolution française dans le Conflit des Facultés est une façon de revenir aussi sur la réception de Burke.
16 Burke, Edmund, Jahrbücher der neueren Geschichte der englischen Pflanzungen in Nordamerika. Seit dem Jahre 1755 bis auf itzige Zeiten, Danzig, Jobst Hermann Flörke, 1777. Il s’agit des parties de l’Annual Register de 1759 qui portent sur les colonies américaines.
17 Burke, Edmund, Geschichte der neuesten Weltbegebenheiten im Großen, trad. de l’anglais, Leipzig, Weygand, 1779-1786.
18 Il venait de publier ses Politische Betrachtungen über die französische Revolution. Les Göttinger Gelehrte Anzeigen sont, parmi les périodiques cités ici, celui qui est le plus inconditionnellement acquis aux idées de Burke.
19 Voir l’étude de Frieda Braune, Edmund Burke in Deutschland : ein Beitrag zur Geschichte des historisch-politischen Denkens, Heidelberg, Carls Winter Universitätsbuchhandlung, 1917. C’est toutefois un témoignage de l’histoire de la réception qui milite pour une lecture « conservatrice » du libéralisme de Burke et l’inscrit délibérément dans la lignée de la « communauté » (Gemeinschaft). La ligne de lecture est celle de l’historisme : Burke aurait été hostile à l’individualisme, mais il aurait défendu la spécificité des traditions nationales ; il aurait combattu la conception « mécanique » de l’État et plaidé pour une vision organique, etc. Pour une vue d’ensemble des réactions dans les périodiques, voir Deutschland und die Französische Revolution. 1789-1806, éd. T. Stammen et F. Eberle, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1988.
20 Cf. Hilger, Dietrich, Edmund Burke und seine Kritik der Französischen Revolution, op. cit., p. 1.
21 Cf. Garber, op. cit., p. 80-101, et Kronenbitter, op. cit., p. 87 sq.
22 Kronenbitter, op. cit., p. 92.
23 C. Ferrié, infra, p. 369.
24 La révolution américaine est en effet également une « révolution totale ».
25 Ce qui n’est pas forcément une circonstance atténuante car « de la vision politique de Humboldt se dégage la vérité de la réforme conservatrice : il convient de limiter les réformes au strict nécessaire au nom du principe d’extrême prudence qui permet ainsi, du point de vue libéral de la limitation de l’activité réformatrice de l’État, de défendre une option politiquement conservatrice » (C. Ferrié, infra, p. 370). Du reste, Humboldt s’est prononcé, contre Gentz, de façon d’emblée négative sur « l’Assemblée nationale [qui] a entrepris d’instituer un appareil d’État complètement nouveau à partir des purs principes de la raison » : voir ses « Ideen über Staatsverfassung, durch die neue französische Constitution veranlasst », Werke, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2010, t. I, p. 78.
26 Cf. Schlegel, Friedrich, Signatur des Zeitalters (1820), Kritische Friedrich-Schlegel-Ausgabe, éd. E. Behler et alii, t. VII, Studien zur Geschichte und Politik, éd. et introd. par Ernst Behler, Paderborn, Schöningh, 1966, p. 581.
27 Müller, Adam, Die Elemente der Staatskunst, 18081809, Berlin, Haude & Spenersche Verlagsbuchhandlung, 1968, « die Schimäre des Naturrechts », p. 23.
28 Carl Schmitt a sans nul doute raison d’estimer que son amitié et son rapprochement théorique avec Adam Müller sont conjoncturels et qu’il « se situe intellectuellement dans la continuation du xviiie siècle, dans une lignée à laquelle appartiennent Lessing, Lichtenberg, Wilhelm von Humboldt » : voir Schmitt, Carl, Politische Romantik, Duncker & Humblot, 3e éd., 1968, p. 33.
29 Cf. infra, C. Ferrié, p. 348.
30 Gentz, Friedrich, « Beiträge zur Berichtigung einiger Ideen der allgemeinen Staatswissenschaft », Historisches Journal, 6 tomes, Berlin 1799/1800, t. I/3, p. 280.
31 Cf. ibid., p. 280 sq. Et Id., « Über den Ursprung der obersten Prinzipien des Rechts », Berlinische Monatsschrift, t. XVII, 1791, vol. 1, avril, no 4, p. 373.
32 Gentz, « Beiträge zur Berichtigung einiger Ideen der allgemeinen Staatswissenschaft », op. cit., p. 291.
33 Ibid., p. 295.
34 Gentz, « Beiträge zur Geschichte der Constituzionen », Historisches Journal, op. cit., II/1, p. 61 sq.
35 Gentz, « Nachtrag zu dem Räsonnement des Herrn Professors Kant über das Verhältnis zwischen Theorie und Praxis », Kant. Gentz. Rehberg. Über Theorie und Praxis, éd. Dieter Henrich, Francfort, Suhrkamp, 1967, p. 537 sq., citation p. 539 sq. Voir Kronenbitter, Günter, Wort und Macht, op. cit., p. 65 sq.
36 Gentz, « Beiträge zur Geschichte der Constituzionen », op. cit., p. 286.
37 La démarche est loin d’être isolée ; on la retrouvera encore dans les Lettres sur l’éducation esthétique de Schiller.
38 Voir la recension d’un ouvrage rousseauiste de Gudin en 1791 : infra, C. Ferrié, p. 337 sq.
39 Kant, Théorie et pratique, trad. Françoise Proust, Paris, Flammarion, 1994, p. 48. Cf. sur le débat entre Kant et Rehberg : Kant – Gentz – Rehberg (1967), éd. Dieter Henrich.
40 Cf. Ferrié, infra, p. 272.
41 Y compris chez les partisans les plus engagés de la Révolution française comme l’historien Schlözer, éditeur des Stats-Anzeigen, qui se déclare horrifié par la tournure des événements en France et se prononce en 1793 pour « des réformes, mais pas de révolutions » : Schlözer, Allgemeines Staatsrecht und Staats-Verfassungs-Lehre, Göttingen, 1793. Cité par C. Ferrié, p. 200.
42 Voir ici C. Ferrié, p. 328.
43 Cf. Ferrié, p. 222 sq.
44 Novalis, « Vermischte Bemerkungen », no 115, Fragmente und Studien. Die Christenheit oder Europa, Stuttgart, Reclam, 1984, p. 34.
45 Il faut y inclure la petite noblesse, dont la fortune est souvent bien plus modeste : on songe à Friedrich von Hardenberg, c’est-à-dire Novalis, qui dédie Foi et amour à Frédéric Guillaume III à l’occasion de son accession au Trône et lui enjoint de s’entourer d’esprits jeunes et éclairés. On trouve le même jugement négatif sur la Cour également chez Gentz et chez Novalis.
46 Cf. infra, C. Ferrié, p. 356.
47 Kant, Vermischte Schriften, Werke, éd. par Ernst Cassirer, Berlin, 1918, t. VI, p. 378 sq. Voir également Théorie et pratique, op. cit., p. 70-72.
48 C. Ferrié, infra, p. 422. On ne peut pas s’y attarder ici, mais le point décisif du raisonnement de Gentz touche à la nature même du contrat de souveraineté, car selon lui la majorité dominante ne représente pas (ou plus) le Tout de la nation : on est donc entré dans l’ère d’un affrontement d’une « foule de sections isolées » – la guerre de tous contre tous, la démocratie telle que Kant la condamne.
49 Ainsi, bien entendu, que la résistance contre la domination napoléonienne, comme pour beaucoup d’autres. À ses yeux, Frédéric-Guillaume III est trop timoré.
50 Allmayer-Beck, Johann Christoph, Der Konservatismus in Österreich, Munich, Isar Verlag, 1959, p. 25-32.
- Thème CLIL : 3289 -- SCIENCES POLITIQUES -- Histoire des idées politiques -- Philosophie politique controverses contemporaines
- ISBN : 978-2-406-06542-5
- EAN : 9782406065425
- ISSN : 2260-9903
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06542-5.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/02/2018
- Langue : Français