Pratiques et représentations de l'alimentation quotidienne sur YouTube
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
2021, n° 6. varia - Auteurs : David (Maxime), Ezan (Pascale)
- Pages : 239 à 262
- Revue : Systèmes alimentaires
Pratiques et représentations
de l’alimentation quotidienne
sur YouTube
Maxime David
Pascale Ezan
NIMEC (EA 969),
Université Le Havre Normandie
Introduction
L’alimentation est devenue une thématique très populaire sur les réseaux sociaux. Selon une étude du cabinet Statista parue en 2018, il s’agit de la deuxième thématique favorite des consommateurs français. Prendre une photographie de son plat au restaurant et la partager sur les réseaux sociaux est aujourd’hui une pratique courante, en particulier chez les 18-24 ans. Ainsi, 50 % d’entre eux publient ce type de contenus numériques1. Selon cette même étude, l’alimentation est la 5e thématique de vidéos la plus consultée sur YouTube. Cet engouement se traduit notamment par le succès des vidéos mettant en scène l’alimentation quotidienne, que l’on peut recenser par le biais de TAG2 comme « Une journée dans mon assiette ». Certaines d’entre elles atteignent 240plusieurs millions de vues et contribuent sans doute à façonner des représentations et des pratiques normées en matière alimentaire chez les jeunes, adeptes des réseaux sociaux. L’objectif de cette recherche est d’analyser les différentes pratiques alimentaires mises en avant par les YouTubeuses. Il s’agit également de nourrir une réflexion sur les régimes alimentaires véhiculés sur les réseaux sociaux et portés par de jeunes femmes baptisées influenceuses, considérées à ce titre comme des modèles par leurs pairs. À partir d’un corpus constitué de vidéos YouTube ayant pour thématique l’alimentation quotidienne, les résultats soulignent des tendances alimentaires très marquées et suggèrent le risque de certaines normes alimentaires véhiculées. La première partie de ce travail expose les recherches sur les enjeux de l’alimentation à l’ère du numérique, la deuxième partie met en lumière l’approche méthodologique retenue et la troisième partie débouche sur les résultats invitant à prolonger ce travail exploratoire par une étude d’impact de ces vidéos sur les spectateurs.
1. Les pratiques alimentaires,
des choix sous tension
L’alimentation est à la fois un besoin physiologique et un objet historique, social et culturel complexe. Au cœur de cette complexité se situe le principe d’incorporation, souligné par Fischler (1990). L’homme devient ce qu’il mange, tant sur le plan du réel, l’aliment étant transformé au cours du processus biologique, que sur le plan symbolique, en assimilant les caractéristiques attribuées à l’aliment. Le fait de s’alimenter d’une façon particulière peut être un moyen d’affirmer son appartenance à un groupe social ou religieux, mais aussi de revendiquer certaines valeurs : par exemple, une personne ayant opté pour un régime végétarien afin de lutter pour le bien-être animal, ou une autre qui ne mange que des aliments biologiques locaux, affirmant son opposition à l’agriculture intensive. Les mangeurs évoluent dans un 241espace social alimentaire de plus en plus dérégulé (Poulain, 2017). Cela signifie que la pression normative de la société sur les mangeurs est de moins en moins présente, leur permettant ainsi de disposer d’une plus grande autonomie dans leurs choix alimentaires. D’ailleurs, l’éventail des choix alimentaires n’a jamais été aussi large. En conséquence, l’individu devient acteur de ses choix alimentaires et, indirectement, de sa santé. Cette dérégulation se conjugue à diverses crises sanitaires qui ont réduit progressivement la confiance des consommateurs envers les produits et les marques alimentaires (Masson, 2011 ; Poulain, 2017). Citons, par exemple, la crise de la vache folle en 1996 ou plus récemment le scandale des lasagnes à la viande de cheval en 2013 ou encore les résidus de fipronil en 2017, produit considéré comme « modérément toxique », présent dans des œufs vendus en masse dans toute l’Europe3. L’une des réponses à ces peurs et préoccupations des consommateurs est l’alimentation santé, mise en avant ces dernières années à la fois par les institutions, mais aussi par les individus eux-mêmes (Adamiec, 2016). Ainsi, chercher à s’orienter vers une nourriture non transformée, biologique et perçue comme saine peut être considéré comme une adaptation du consommateur aux risques engendrés par le système alimentaire moderne. Dans cette logique, le manger sain devient une préoccupation majeure des individus pour assurer à la fois leur santé, mais aussi leur bien-être. Cette quête est mise en lumière sur les réseaux sociaux où de nombreux comptes se centrent sur des recommandations et des pratiques affichant clairement leur objectif : faire de l’alimentation un vecteur de changement et d’adoption d’un mode de vie healthy. Dans l’optique de mieux saisir les enjeux de l’alimentation à l’ère du numérique, le cadre théorique mobilisé se décompose en trois axes. Le premier aborde la question du genre et de l’alimentation, sujet directement en lien avec notre population, composée exclusivement de jeunes femmes. Le second point, beaucoup moins traité dans les travaux académiques, mais pourtant crucial, traite de l’influence des réseaux sociaux sur les comportements alimentaires. Le troisième point propose un bref tour d’horizon des recherches soulignant le lien entre l’image de soi, la perception de celle des autres sur les réseaux sociaux et les conséquences sur les comportements alimentaires.
2421.1. Pratiques alimentaires genrées
et image du corps
De nombreux travaux en sociologie, anthropologie et psychologie soulignent que le rapport à l’alimentation, les pratiques, les goûts ou encore les représentations diffèrent fortement selon le genre des individus (Beardsworth et al., 2002 ; Furnham et al., 2002 ; Fischler et al., 2013 ; Poulain, 2017 ; Cardon et al., 2019). Les recherches sur cette question montrent que les femmes sont naturellement attirées par les produits légers, les fruits et légumes issus de l’agriculture biologique, les laitages, le sucré, la viande blanche (Jensen et Holm, 1999 ; Ravache, 2003 ; De Saint Pol, 2008 ; Cardon et al., 2019). Les hommes, eux, ont une préférence pour les plats plus caloriques, les féculents, la viande rouge et consomment plus d’alcool (Carof, 2015 ; De Saint Pol, 2008). Ainsi, les comportements alimentaires des individus sont influencés par des représentations genrées de l’alimentation, fortement ancrées culturellement. Les réseaux sociaux, partie intégrante des pratiques numériques quotidiennes, participent sans doute à l’édification de ces normes en diffusant massivement des contenus sur l’alimentation qui discriminent les individus selon leur genre. Dans la même veine, les représentations de la beauté féminine dans les sociétés occidentales, axées sur la minceur et sur l’apparence, poussent souvent les femmes à adopter des alimentations particulières, en excluant certains aliments ou en pratiquant des régimes (Masson, 2004 ; Hubert, 2005). Cet intérêt pour les régimes commence tôt, vers le lycée, voire le collège pour certaines d’entre elles, soit par adhésion aux normes corporelles du groupe de pairs, soit par volonté d’intégration au groupe (Carof, 2015). Ainsi, les groupes d’adolescentes sont des « espaces de sociabilités féminines » qui encouragent l’adoption de pratiques alimentaires normées (Cardon et al., 2019, p. 162). Le fait de faire un régime apparaît dès lors comme un des rites d’initiation à la féminité, symbole du passage de la jeune fille à la jeune femme. Ce culte de la minceur semble avoir aussi des conséquences sur la perception de sa propre image et de son corps (Gojard et al., 2010). Ainsi, de nombreuses femmes ayant un indice de masse corporelle considéré comme normal se considèrent en surpoids (Crawford et Campbell, 1999). De manière générale, les femmes accordent plus d’importance que les hommes à leur apparence physique, mais aussi à leur nutrition (Bordo, 1993). 243Or, ces représentations et ces pratiques mises en scène sur les réseaux sociaux contribuent sans doute à exacerber cette discrimination genrée de l’alimentation.
1.2. Influence des réseaux sociaux
sur les choix alimentaires
Les réseaux sociaux sont des sources d’information pouvant impacter les choix alimentaires (Zilberman et Kaplan, 2014). Ils représentent une ressource facilement accessible permettant aux consommateurs de trouver des informations, des normes alimentaires dans « l’espace social alimentaire » (Poulain, 2017). Cette diffusion d’informations favorise les processus d’acculturation des individus, pouvant modifier durablement leur consommation alimentaire (Choudhary et al., 2019). Ainsi, les réseaux sociaux véhiculent des repères normatifs et nutritionnels et nourrissent des espaces de discussion pouvant évoluer vers des communautés en ligne. Celles-ci se définissent comme des groupes d’individus partageant des valeurs, des normes, des pratiques, une culture commune et des contenus générés par les utilisateurs eux-mêmes (Rotman et Preece, 2010). Ces communautés en ligne jouent un rôle majeur dans l’affirmation identitaire, les internautes pouvant échanger avec des personnes partageant les mêmes opinions, modes de vie ou centres d’intérêt. La recherche de Demartini et al. (2018) souligne d’ailleurs à quel point le sentiment d’identification est important pour expliquer une modification du comportement alimentaire. Selon les chercheurs, le fait de se reconnaître dans les contenus proposés sur internet détermine davantage les choix alimentaires que la consultation d’informations provenant des pouvoirs publics. Ce constat suggère que les réseaux sociaux sont de puissants vecteurs de changement de pratiques alimentaires, en particulier chez les jeunes femmes (Nelson et Fleming, 2019). En revanche, Pham et al. (2018) notent que peu d’entre elles reconnaissent l’influence des réseaux sociaux sur leurs propres pratiques alimentaires alors même qu’elles considèrent que cette influence peut être importante chez les autres.
2441.3. Image des autres, image de soi
et modifications des pratiques alimentaires
Les travaux académiques sont nombreux à souligner les liens entre réseaux sociaux, perception de son propre corps et risques de développement de troubles du comportement alimentaire (Vaterlaus et al., 2015 ; Holland et Tiggemann, 2016 ; Tiggemann et Zaccardo, 2016 ; Cohen et al., 2018). Quelques contributions montrent que l’influence sociale diffusée par le biais des réseaux sociaux est une source de motivation poussant un individu à changer ses pratiques alimentaires afin de perdre du poids (Vaterlaus et al., 2015). Dans cet esprit, Riesmeyer et al. (2019) soulignent la pression normative exercée par les contenus publiés sur Instagram sur les choix nutritionnels des jeunes femmes. En outre, des recherches récentes se sont intéressées aux communautés fitness, naviguant sur la tendance du fitspiration, contraction de fitness et d’inspiration (Raggatt et al., 2018 ; Prichard et al., 2020). Celles-ci montrent que les contenus sur la thématique sont majoritairement publiés par des femmes et que ces contenus diffusent des visuels d’un idéal minceur. Ils invitent également à l’hyper-contrôle de son alimentation. Les auteurs présentent les dangers de ces contenus susceptibles d’encourager des comportements proches de l’anorexie. Ainsi, afin « d’obtenir » un physique « socialement acceptable », les internautes sont prêtes à prendre des risques pour leur santé, en toute connaissance de cause. Ces contributions font le constat que les photos Instagram sont souvent sublimées, voire retouchées, et présentent des corps considérés comme « parfaits » selon les standards de beauté occidentaux. Ainsi, les réseaux sociaux semblent véhiculer des standards de beauté, mais aussi des modèles de vie (musculation, fitness, régime) difficilement atteignables, ce qui peut entrainer une frustration de la part de jeunes en quête de modèles identitaires (Tiggemann et Zaccardo, 2016 ; Ratwatte et Mattacola, 2019). Un consensus académique semble donc se dessiner quant aux impacts des réseaux sociaux pouvant s’avérer bénéfiques dans le cas d’un rééquilibrage alimentaire, mais pouvant aussi générer des pratiques à risques liées à une injonction à la minceur. Il existe un certain nombre de travaux qui s’intéressent à l’alimentation sur les réseaux sociaux, mais, à notre connaissance, les travaux n’ont pas focalisé leurs investigations empiriques sur le réseau social YouTube alors que ce réseau social est plébiscité par les jeunes pour communiquer sur leur alimentation.
2452. Une méthodologie qualitative
fondée sur un corpus vidéographique
2.1. La sélection d’un terrain virtuel
Cette recherche est basée sur une netnographie et se fonde sur les préconisations de Kozinets (1998, 2010 et 2019, p. 13) qui définit la méthode comme « une forme de recherche qualitative qui cherche à comprendre les expériences culturelles qui transparaissent et se reflètent par les traces, les pratiques, les réseaux et les systèmes des médias sociaux ». Comme le précise le chercheur, il serait trop réducteur de considérer aujourd’hui la netnographie comme l’application des techniques ethnographiques à un terrain virtuel, même si elle a souvent été considérée comme telle à ses débuts (Bernard, 2004). Il s’agit d’un ensemble bien plus vaste de techniques, empruntées aussi bien aux recherches sur la culture, le marketing, la consommation, mais aussi à l’anthropologie des médias ou à l’informatique (Kozinets, 2019, p. 7). Le web est en évolution constante, ses médias également, ce qui induit des adaptations de la part des chercheurs, faisant de la netnographie une méthodologie en permanente mutation. Dans sa définition, Kozinets (2019, p. 13) mentionne les « traces ». Celles-ci correspondent à toutes données, verbales ou non-verbales, visibles en ligne, produites par les utilisateurs des médias sociaux. La netnographie consiste donc à identifier ces traces, trouver un moyen d’y accéder, les collecter puis les analyser en adoptant une démarche qualitative.
Il n’existe pas une seule manière de réaliser une netnographie. La manière d’entreprendre celle-ci dépend de l’objet d’étude, de l’objectif et du chercheur. Cependant, une logique commune est souvent partagée, notamment dans les différentes étapes de la recherche. Cette recherche comporte 4 phases recommandées par Kozinets (2019, p. 138) : initiation, investigation, intégration et incarnation. Elle prend place dans un « contexte naturel », c’est-à-dire sans intervention directe du chercheur avec son objet, ce qui permet de récupérer des « matériaux bruts », spontanément postés par les utilisateurs (Kozinets, 2010). Tout d’abord, une phase d’initiation est amorcée. Celle-ci est capitale, car elle consiste à observer son terrain, pour identifier des traces, jugées pertinentes, afin 246d’être collectées. Cette phase a duré deux mois, durant lesquels des chaînes YouTube lifestyle ont été consultées, afin de mieux comprendre la culture YouTube et définir un angle de recherche pertinent. Au cœur de ces chaînes, l’alimentation est souvent évoquée avec, parfois, des vidéos entières sur le sujet. Au fil de cette observation, des TAG ont été identifiés, c’est-à-dire des ensembles homogènes de vidéos partageant des mots-clés récurrents et spécifiques dans leurs titres, et ayant une même finalité. Une fois ces TAG identifiés, un TAG qui aborde l’alimentation quotidienne de manière détaillée a été sélectionné.
2.2. Collecte des données
Par la suite, une phase appelée investigation a pu débuter (Kozinets, p. 139). Elle correspond à une phase de collecte de données, correspondant aux traces. Ces traces réunies forment un corpus de vidéos YouTube, plateforme qui a été sélectionnée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit du second site le plus consulté au monde4. Les 18-34 ans y passent en moyenne 46 minutes par jour5. D’autre part, son support étant la vidéo, la mise en scène des pratiques de consommation est plus détaillée, alliant à la fois la mise en scène et les discours. De ce fait, les vidéos peuvent se révéler des matériaux particulièrement denses, certaines pouvant durer plusieurs dizaines de minutes. Enfin, YouTube a été sélectionné, car il s’agit d’un support riche encore peu mobilisé par la recherche. Pour constituer ce corpus, le TAG « Une journée dans mon assiette » a été retenu. Il s’agit d’un type de vidéos spécifique respectant un objectif commun : présenter son alimentation quotidienne. Les vidéos « Une journée dans mon assiette » sont un format très populaire sur YouTube ; certaines d’entre elles pouvant cumuler des millions de visionnages. Le choix de sélectionner les contenus via ce TAG est également légitimé par le fait qu’il permet d’analyser la manière dont l’alimentation est mise en scène et présentée par les YouTubeuses. Ce TAG permet aussi d’observer l’apparition de tendances alimentaires. Ces contenus représentent l’opportunité pour les internautes de trouver des conseils en nutrition et des sources d’inspiration pour des recettes de cuisine.
247Les données relatives au corpus de vidéos « Une journée dans mon assiette » ont été consignées dans un fichier Excel. Ce fichier recense les vidéos collectées de manière itérative, à la fois par le biais des résultats de recherche YouTube, mais aussi par l’onglet « recommandations », situé sur le côté droit de l’interface utilisateur. Il convient d’ailleurs de noter que la collecte des vidéos « Une journée dans mon assiette » conduit systématiquement à des contenus proposés par de jeunes femmes, raison pour laquelle le corpus est représenté uniquement par cette population. Chaque vidéo est réalisée par une YouTubeuse différente, afin d’obtenir un échantillon le plus riche possible. Une fois les 100 vidéos atteintes, la phase d’investigation s’est ralentie, nous conduisant à cesser la collecte des données. L’objectif est de pouvoir identifier précisément les différentes tendances alimentaires qui se dégagent de ces contenus. Enfin, une vérification a posteriori de la nationalité des YouTubeuses a été menée, afin d’éviter les biais liés à la culture en matière alimentaire, ce qui a amené à exclure 14 vidéos de l’analyse pour nous concentrer uniquement sur les vidéos valorisant le modèle alimentaire français. Au bilan, le corpus collecté se compose de 86 vidéos (annexe 1).
2.3. Analyse des données
L’analyse des données correspond à l’étape d’intégration (Kozinets, p. 142). Dans le cadre de cette analyse, le tableur Excel a été privilégié, car il permet de créer des onglets et des tableaux facilitant le tri des informations et le codage des données. En outre, ce logiciel permet de réaliser des statistiques simples afin de mieux visualiser les régimes mis en avant. Le fichier a été décomposé en 4 onglets, chacun étant dédié à des informations particulières. Le premier onglet concerne la liste des vidéos du corpus associées à leurs caractéristiques techniques (nom de la YouTubeuse, nombre d’abonnés, de visionnages, durée, titre). Le deuxième correspond aux discours de chaque YouTubeuse se rapportant à l’alimentation. Le troisième porte sur les caractéristiques des alimentations présentées (type de régime, exclusion de certains aliments, prise de compléments alimentaires). Le dernier onglet répertorie l’intégralité des menus présentés par chaque YouTubeuse.
La dimension exploratoire de ce travail de recherche a orienté notre choix vers une approche inductive. Concernant les données discursives, un codage éclectique a été mobilisé, comme ce que suggère Saldaña (2016, 248p. 213), pour mener des recherches exploratoires visant à « discerner une variété de processus ou de phénomènes à partir des données ». Il s’agit d’un codage inductif en deux phases, qui a été mené à travers le logiciel NVivo. Une première phase, permettant d’attribuer des codes à des unités d’analyse, restant proches des données (ici, des phrases). Puis, une seconde phase de codage est mise en place, rajoutant certains codes, favorisant l’émergence de catégories (annexe 2). Afin d’apprécier les pratiques des Youtubeuses par rapport aux recommandations nutritionnelles, le corpus a été soumis à une équipe de nutritionnistes de l’INSERM.
3. Les pratiques alimentaires exposées sur YouTube
Kozinets évoque la dernière phase de la netnographie à travers l’incarnation. Commune à la plupart des recherches, elle consiste en une réflexion durant laquelle le chercheur envisage la manière de présenter ses résultats. Nous présentons une synthèse des résultats à travers trois sous-parties. Tout d’abord, nous revenons sur l’un des résultats majeurs de cette étude, qui souligne la représentation très importante des régimes végétariens au sein du corpus étudié. Ensuite, nous proposons une catégorisation des régimes observés, à travers quatre types d’alimentation. Enfin, nous évoquons les pratiques transmises au travers de ces vidéos.
3.1. L’appétence au végétarisme :
une tendance lourde portée par les vidéos
La recherche d’une alimentation saine portée par le TAG « Une journée dans mon assiette » met en exergue des comportements d’hyper-contrôle (peser ses aliments, exclure le gras, le sucré, le salé, exclure la viande). Ainsi, le végétarisme représente une tendance dominante dans ces vidéos. Le nombre de végétariens en France s’élève à 2 % de la population et 0,5 % pour les végans, selon une étude du cabinet Xerfi de 20186. Pourtant, la proportion de ce type de régime dans le corpus semble particulièrement élevée, puisqu’elle représente le tiers de l’échantillon total. D’autre part, 249même chez les YouTubeuses omnivores, la consommation de viande semble particulièrement occasionnelle, la grande majorité d’entre elles se revendiquant comme « flexitariennes » (annexe 3, vidéastes 19, 56, 85). Le flexitarisme est un néologisme qualifiant un mode d’alimentation qui tend vers le végétarisme, tout en s’autorisant une consommation omnivore occasionnelle (Stéfanini, 2016). La consommation de viande rouge dans ces vidéos est très minoritaire : sur 87 vidéos, qui comprennent le repas du midi et le repas du soir, soit 174 repas potentiels, la présence de viande rouge a été constatée 8 fois. Les personnes omnivores du corpus préfèrent s’orienter vers des viandes blanches ou du poisson.
Ces résultats font écho aux travaux qui ont étudié la dimension symbolique féminine de certains aliments (Jensen et Holm, 1999 ; Ravache, 2003 ; De Saint Pol, 2008). À travers ces vidéos, l’alimentation santé semble souvent assimilée au fait d’entreprendre un régime quasi ou totalement végétarien. Pourtant, plus d’un tiers des YouTubeuses se revendiquant comme végétariennes ou véganes semblent avoir conservé le modèle d’une alimentation omnivore en ayant simplement supprimé la viande. Or, réaliser une transition vers une alimentation principalement végétale suppose une réflexion en amont, afin de compenser certains micro-nutriments présents dans les produits d’origine animale, notamment la vitamine B12 (Pawlak et al., 2014). D’ailleurs, ces résultats semblent relativement alarmants, non pas que le végétarisme ou le véganisme présentent un danger en soi, mais les conseils prodigués ne semblent pas être adossés à un socle de connaissances solides en nutrition. Les assiettes sont travaillées, colorées et souvent revendiquées comme consistantes par les YouTubeuses, même si la réalité nutritionnelle est souvent plus nuancée. En effet, les alimentations exposées ne comprennent pas un apport calorique suffisant.
3.2. Vers une catégorisation des pratiques alimentaires
La grille d’analyse des contenus vidéographiques, conjuguée au codage des discours, souligne la présence de tendances alimentaires très marquées. En relevant les verbatim liés à la nutrition, le titre des vidéos (affirmant souvent une alimentation végétarienne, végane, healthy), mais aussi à travers les différents types d’aliments et suppléments exposés, une classification alimentaire en quatre catégories a été établie (annexes 2 et 3). Chaque catégorie rassemble des vidéastes qui partagent un système de 250valeurs proche, une consommation alimentaire similaire et des objectifs communs (santé, respect des animaux, gain musculaire, plaisir).
La première correspond à la catégorie « healthy ». Il s’agit d’un mode de vie, souvent indiqué dans le titre de la vidéo, axé autour d’une alimentation omnivore et « saine ». En outre, l’esthétique des plats semble être une préoccupation importante pour ces YouTubeuses qui souhaitent à la fois manger du bon (pour la santé) et du beau (pour les réseaux sociaux). De nombreux « super aliments » sont consommés, comme les graines de chia, les baies de goji, mais également quelques compléments alimentaires.
La deuxième catégorie, intitulée « végé », fédère à la fois les Youtubeuses présentant un régime végétarien et celles qui sont véganes. Il s’agit de la catégorie la plus importante du corpus. Celle-ci se définit par une volonté d’exclure la consommation de viande animale (régime végétarien) voire, de manière plus radicale, l’exclusion de tout produit issu de l’exploitation animale (régime végan). À noter que la préoccupation de l’esthétique est tout aussi importante que pour la catégorie 1 (annexe 3, vidéastes 13 et 86). Il est même courant que les jeunes femmes présentant leur alimentation s’excusent quand le plat est considéré comme peu attrayant visuellement (annexe 3, vidéaste 6).
La troisième catégorie, « fitness », correspond à une nutrition basée sur un haut apport en protéines, souvent d’origine animale, dans un but de gain musculaire. Les plats ne sont pas présentés pour être esthétiques, mais par rapport à leur aspect nutritif riche. Les vidéos de cette catégorie proposent souvent un calcul des macronutriments relatifs à chaque repas. L’optimisation des apports semble être une préoccupation importante pour ces YouTubeuses. Cette catégorie concentre également les plus grandes consommatrices de compléments alimentaires de l’échantillon (poudres protéinées, vitamines, spiruline, poudres « détox »).
Enfin, la quatrième catégorie, baptisée « simplicité », représentant presque un quart des vidéos du corpus, concerne des YouTubeuses qui s’opposent aux trois premières catégories, souvent considérées comme déconnectées de la vie réelle. Il s’agit principalement d’étudiantes ou de jeunes mères de famille, qui se revendiquent en tant que telles dans leurs vidéos et qui proposent des recettes plus caloriques. Ces vidéastes jouent sur la transparence des contenus diffusés et mettent en avant l’aspect plaisir de l’alimentation, qu’elles considèrent comme de plus 251en plus souvent écarté (annexe 3, vidéastes 56 et 60). Des sujets comme l’esthétique des plats et la consommation de compléments alimentaires ne sont pas abordés, ce qui laisse à penser qu’il s’agit de préoccupations secondaires pour ces vidéastes.
3.3. Des normes alimentaires qui posent question
Cette catégorisation permet de mettre en exergue les tendances concernant l’alimentation quotidienne mises en avant sur YouTube. Quelle que soit la catégorie, il semble que les YouTubeuses se fondent davantage sur des croyances que sur des informations nutritionnelles objectives. L’origine naturelle et végétale des aliments est sacralisée, chacune ayant son remède miracle permettant de tonifier l’organisme :
Je vais me faire mes 30 gouttes d’extraits de pépins de pamplemousse. Ça, je vous en avais déjà parlé dans une vidéo sur comment ne pas tomber malade en hiver. Et moi ça m’aide vraiment à booster mes défenses naturelles et à me fournir en vitamine C (vidéaste 10).
Ainsi, dans les représentations véhiculées par les YouTubeuses, l’aliment joue un rôle fonctionnel majeur et devient en quelque sorte un aliment-santé au sens d’Adamiec (2016).
[…] et surtout boire ma petite potion magique d’hiver, qui n’est autre que mon traditionnel citron tiède, gingembre infusé. C’est parfait pour booster le système immunitaire pour activer le système digestif avant le premier repas et le citron est un excellent basifiant. Donc c’est un bon moyen de s’hydrater le matin, donc en plus c’est super bon (vidéaste 20).
Cette quête de l’aliment miracle, du remède assurant la bonne santé semble émerger en tant que réponse, face à l’anxiété alimentaire que peut ressentir le mangeur (Poulain, 2017).
D’autre part, les YouTubeuses ont tendance à faire paraitre leurs assiettes fournies avec des plats présentés comme plus consistants qu’ils ne le sont vraiment. Ainsi, des subterfuges se retrouvent d’une vidéo à l’autre, comme le fait de disposer une grande quantité d’aliments peu caloriques dans les assiettes (notamment de la roquette, de la laitue, des spaghettis de courgettes ou des pâtes au konjac), afin qu’elles paraissent garnies. Un double jeu s’opère, avec d’un côté la volonté de montrer que la YouTubeuse ne se prive de rien devant sa communauté et de l’autre 252le souhait de manger léger, tout en essayant subtilement de le cacher. Des comportements alimentaires très genrés font surface, diffusant des idéaux en lien avec la minceur. Ce résultat suggère la transmission de normes alimentaires qui peuvent s’avérer dangereuses pour les internautes qui suivent ces YouTubeuses.
Discussion
Comme le soulignent Burgess et Green (2013), YouTube est un format qui se prête particulièrement à l’exposition de sa vie quotidienne, notamment par le format vlog7 et, donc, favorise le sentiment d’identification chez les spectateurs. Or, la littérature académique montre à quel point le sentiment d’identification favorise la modification des comportements alimentaires chez certains individus. Pour une adolescente ou une jeune femme en quête de repères nutritionnels, les vidéos Une journée dans mon assiette peuvent dès lors être considérées comme de véritables guides de ce qui, pour une femme, est socialement acceptable de manger. Ces vidéos contribuent sans doute à véhiculer des stéréotypes de genre et font écho aux travaux de Bailleys (2017) qui a réalisé le même constat sur d’autres types de vidéos réalisées par et pour des adolescents. La question se pose d’autant plus que les pratiques alimentaires exposées semblent finalement très éloignées des recommandations sanitaires.
Dans le cas des Youtubeuses omnivores, les viandes maigres ou le poisson sont souvent privilégiés et plus d’un quart d’entre elles consomment du lait végétal. La consommation récurrente de « super aliments » (baie de goji, amandes, baies d’açaï, etc.), de graines (chia, tournesol, sésame, lin, etc.) et de compléments alimentaires dans ces vidéos suggère un intérêt important pour le bien-être, la diététique et la recherche de sources alternatives et végétales de nutriments. Ainsi, la quête de l’alimentation santé, telle que décrite dans les travaux d’Adamiec (2016) semble particulièrement présente sur YouTube, mais aussi très 253liée aux représentations liées au végétarisme. Au sein du corpus, 40 % des YouTubeuses prônent une alimentation végétarienne. Il parait intéressant de remettre ce chiffre en perspective, en le comparant à la part de la population française qui a adopté ce type de régime. Une étude du Credoc de 2019 souligne que la proportion de personnes se déclarant végétariennes, végétaliennes ou véganes en France est estimée à 5,2 %8. Une différence significative apparaît donc entre la part de végétariens sur les vidéos traitant de l’alimentation quotidienne sur YouTube et la part qu’ils représentent au sein de la population. Cette même étude indique que les femmes ont une propension plus importante que les hommes à bannir les produits d’origine animale (4 % des femmes contre 2 % des hommes), à ne jamais manger de viande, à se déclarer flexitariennes ou encore végétariennes potentielles (Credoc, 2019, p. 21).
Si la qualité esthétique des plats semble recevoir une attention particulière, la qualité nutritionnelle des repas questionne. Les représentations de l’alimentation véhiculées par les YouTubeuses semblent en décalage avec ce que préconisent les professionnels de santé à ce sujet9. D’après l’analyse nutritionnelle menée, seulement 13 YouTubeuses sur 86 parviennent à atteindre l’apport calorique recommandé. D’autre part, la bonne répartition entre glucides, protéines et lipides est très peu respectée. Les glucides et surtout les lipides sont trop peu présents, alors qu’ils sont essentiels pour le bon fonctionnement de l’organisme. Ces alimentations particulières rappellent la composition des régimes amincissants souvent entrepris chez les femmes (Masson, 2004). En outre, à travers les discours apparaît une représentation de l’alimentation saine qui est très liée au végétal. Ce constat fait écho aux comportements alimentaires genrés, souvent soulignés dans des travaux en sociologie (Beardsworth et al., 2002 ; Furnham et al., 2002 ; Fischler et al., 2013 ; Poulain, 2017 ; Cardon et al., 2019).
Même s’il est tout à fait possible d’établir un régime végétarien équilibré, l’analyse nutritionnelle montre que les YouTubeuses végétariennes ou véganes proposent majoritairement des régimes déséquilibrés. Par exemple, l’apport en glucides n’est pas satisfaisant, notamment 254par un manque de céréales et de légumineuses. D’autres exposent une consommation de fruits trop importante. Enfin, un manque de protéines est souvent constaté, les YouTubeuses ne mobilisant pas assez les sources de protéines alternatives disponibles dans les régimes végétariens.
Conclusion
Ce travail, réalisé à partir d’un corpus de vidéos YouTube, a mis en lumière la manière dont les jeunes femmes exposent leur alimentation dans un format de vidéo populaire. À travers l’étude du contenu des vidéos françaises, sur le fond (les discours, les représentations), mais aussi sur la forme (menus exposés, type d’alimentation mise en avant), une catégorisation de l’exposition alimentaire a été proposée. Déclinée à travers 4 catégories principales ayant chacune des caractéristiques spécifiques (healthy, végé, fitness et simplicité), elle contribue à une meilleure compréhension de la manière dont est représentée l’alimentation sur YouTube. Ainsi, le manger sain semble être l’une des préoccupations centrales des jeunes femmes qui proposent des contenus fondés à la fois sur des savoirs tirés de leurs propres pratiques de consommation et des croyances dont la légitimité soulève un certain nombre de questionnements.
S’intégrant dans le cadre du marketing social, cette recherche tire un constat inquiétant sur l’impact sanitaire de ces vidéos populaires, car elles participent à la diffusion de pratiques alimentaires qui s’éloignent des recommandations institutionnelles. Elle contribue également à la littérature sur les liens entre médias sociaux et alimentation, en clarifiant la manière dont les YouTubeuses françaises, en tant que consommatrices, représentent leur alimentation en vidéo. Pas toujours bien informées, diffusant des croyances, mais aussi des stéréotypes genrés sur l’alimentation, ces vidéos rencontrent un succès important qui doit alerter les pouvoirs publics et favoriser la mise en œuvre d’actions concrètes permettant d’informer et d’anticiper les risques liés à une exposition et un respect des normes alimentaires véhiculées dans ces vidéos sans aucun discernement (annexe 1). Cette étude exploratoire 255souligne le potentiel que représente YouTube pour communiquer sur l’alimentation. Elle souligne également la manière dont les vlogs véhiculent et transmettent des normes alimentaires. La popularité de ces vidéos met en lumière le besoin du public d’obtenir des informations sur la nutrition par des jeunes qui leur ressemblent. Ces différents résultats invitent à une réflexion sur les enjeux sociétaux et sanitaires de ces contenus numériques reposant exclusivement sur l’expérience individuelle de YouTubeuses qui s’adressent à d’autres jeunes comme elles. Que faut-il faire ? Laisser les Youtubeuses s’autoréguler ou intervenir de manière plus autoritaire en sachant que le net est conçu comme un outil de partage et de diffusion d’une information non censurée ? Au regard de ce qui est proposé dans les vidéos, il parait d’ores et déjà opportun que les pouvoirs publics reconsidèrent leurs actions de prévention en privilégiant les canaux digitaux et en jouant sur des collaborations avec des influenceuses identifiées sur la thématique alimentaire.
Cette recherche présente diverses limites liées notamment au terrain mobilisé. Ainsi, réaliser une étude empirique à partir d’un corpus de vidéos YouTube rend difficile, voire impossible, l’accès à certaines informations qui auraient pu s’avérer pertinentes (âge, situation maritale, enfants, etc.). De même, cette recherche ne s’attache pas à capter le point de vue des YouTubeuses. Il aurait été intéressant d’enrichir l’étude par leurs témoignages, mais malgré nos tentatives de mise en contact, aucune d’entre elles n’a souhaité se prêter à l’exercice. En outre, les analyses menées avec l’équipe de nutritionnistes tendent à souligner que les alimentations proposées par les jeunes femmes sont souvent carencées. Il conviendra de poursuivre cette collaboration à l’occasion d’une future recherche afin d’analyser en profondeur la composition de ces régimes journaliers et leur impact potentiel sur la santé des jeunes filles qui suivent ces YouTubeuses. Par ailleurs, ces vidéos mettent en scène « Une journée dans mon assiette ». Le prolongement de ce travail au travers d’un corpus « Une semaine dans mon assiette » pourrait sans doute permettre d’affiner un certain nombre de découvertes mises en œuvre dans le cadre de ce travail exploratoire. Enfin, ce travail exploratoire centré sur la production de vidéos autour de l’alimentation sur YouTube sera prolongé par une recherche empirique centrée sur la réception de ces vidéos par les pairs afin d’évaluer les bénéfices et les risques potentiels induits.
256Références bibliographiques
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259Annexe 1
Caractéristiques du corpus collecté
Nombre de vidéos |
|||
Saturation du corpus |
100 |
||
Exclusion de vidéos sur critère de nationalité |
12 |
||
Exclusion pour doublon |
2 |
||
Corpus final |
86 |
||
Moyenne |
Minimum |
Maximum |
|
Nombre de visionnages (par vidéo) |
86 278 |
86 |
613 000 |
Nombre d’abonnés (par YouTubeuse) |
205 719 |
23 |
3 400 000 |
Durée (en minutes) |
9 : 09 |
2 : 50 |
20 : 56 |
Annexe 2
Catégorisation de l’exposition alimentaire
Catégories |
Caractéristiques |
Qualités mises en avant |
Nombre |
Healthy |
Alimentation basée sur le respect de sa santé, de son corps Peu gras, peu sucré, peu salé Omniprésence de « super-aliments » Recherche de l’esthétisme Protéines principales : viande blanche, poisson |
– Bénéfique pour sa santé – Léger – Esthétique |
26 |
Végé |
Pas de consommation de chair animale Riche en fruits et légumes Recherche de l’esthétisme Protéines principales : laits végétaux, tofu, pois chiches, poudres protéinées |
– Biologique – Local – Respect de son environnement – Frais |
34 |
Fitness |
Forte consommation de protéines animales Prise de nombreux compléments alimentaires Souvent 5 repas par jour (3 repas principaux + 2 collations) |
– Optimal pour gain musculaire – Complet |
8 |
Simplicité |
Alimentation basée sur la « vie réelle », en opposition à la catégorie Healthy Présence de plats plus traditionnels, plus caloriques, mais aussi de pâtisseries Mise en avant du plaisir culinaire Plats moins esthétiques |
– Plaisir – Rapidité – Complet – Authenticité |
18 |
Annexe 3
Exemple de verbatim par catégorie
Catégories |
Verbatim |
Healthy |
« On commence cette vidéo avec le petit-déjeuner. Donc j’utilise une banane, en fait je vais faire un smoothie bowl. Avec une banane, des graines de chia, qui sont riches en oméga 3, en oméga 6 et qui sont une source de protéines. Je mixe la banane avec l’ananas. La banane est un fruit énergétique qui se digère très bien et qui en plus est rassasiant. Et qui en plus, pour certaines personnes, peut agir comme anti-dépresseur […] Avec de la spiruline, qui est source de protéine et de beta-carotène, qui est riche en fer et en anti-oxydant et un petit peu de guarana, qui est un stimulant général de l’organisme. », vidéaste 70. « Et comme vous le savez peut-être si vous avez vu mes anciennes vidéos, je fais le jeûne intermittent. Donc en fait je ne vais pas manger avant midi, une heure en général. D’où l’importance de s’hydrater. », vidéaste 45. |
Végé |
« Alors on fait dans le gourmand ce matin, comme tous les matins évidemment. Avec ce super beurre de fruits à coques, de chez Bulk. Il est composé de beurre d’amande, beurre de noisettes et beurre de noix de cajou. Ça va être absolument divin, en topping de cette petite crème. […] Et je vais rajouter quelques petites pépites de chocolat, sucrées au xilitol, ça, vous les trouvez chez Koro. », vidéaste 13. « Comme je vous ne le répèterais jamais assez, avoir une belle assiette, c’est super important, ça donne envie de manger et c’est très facile à faire, donc je vais décorer mon petit smoothie bowl. », vidéaste 86. |
Fitness |
« Après l’entrainement, en général, je me fais une galette à base de flocon d’avoine, de blanc d’œuf, d’un peu de whey pour apporter du goût, des protéines et pour sucrer et je fais cuire le tout avec un peu d’huile. C’est super bon et c’est très rapide à faire, je vous affiche les macros à l’écran. », vidéaste 30. |
262
Simplicité |
« Attention, cette vidéo reflète la réalité. Il s’agit de mes vrais repas. Je mange du gluten, je ne consomme rien de beau et je me fous de la provenance de mes fruits et légumes. », vidéaste 56. « Bienvenue dans cette nouvelle vidéo. Donc moi, tous les matins, moi je me réveille à 5 heures du matin quoi ! Non, mais what ! Donc je commence à faire mon petit déjeuner, je me fais des pancakes, je fais ça tout beau en mode Instagram. Donc je prends ça avec du thé trop trop trop style, parce que franchement je suis en mode healthy ! » (ton ironique), vidéaste 60. |
1 L’univers Food sur les réseaux sociaux en 30 chiffres : https://blog.digimind.com/fr/tendances/food-digital-et-reseaux-sociaux-en-30-chiffres/
2 Un TAG sur YouTube est un concept de vidéo avec une thématique et une ligne directrice particulières, ensuite repris par d’autres vidéastes. Les TAGS sont représentés par des mots clés particuliers présents dans les titres des vidéos. Il existe un nombre de TAGS très varié. Par exemple, le TAG morning routine consiste à filmer sa routine du matin. Le chit chat make up consiste à discuter devant sa caméra tout en se maquillant. Le TAG haul consiste à montrer, essayer ou commenter ses achats.
3 https://www.lejdd.fr/Societe/avant-lactalis-les-precedents-scandales-alimentaires-en-france-3544901
4 https://www.alexa.com/topsites
5 https://www.thinkwithgoogle.com/intl/fr-fr/strategies-marketing/video/infographie-
mediametrie-youtube-27-minutes/
6 https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-de-l-alimentation-vegetarienne-et-vegane-a-l-horizon-2021_8IAA67
7 Le vlog est un format de vidéo très populaire sur YouTube. Contraction de « vidéo » et « blog », il s’apparente à une sorte de journal intime virtuel, mettant en scène la vie privée, les expériences, les opinions, les passions des vidéastes.
8 https://www.interbev.fr/wp-content/uploads/2019/10/11_synthese-panorama-vegetarisme-en-europe.pdf (p. 14)
9 Plus d’informations disponibles dans le Plan National Nutrition Santé 4 (2019), p. 41 : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnns4_2019-2023.pdf
- Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
- ISBN : 978-2-406-12705-5
- EAN : 9782406127055
- ISSN : 2555-0411
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12705-5.p.0239
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/01/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : alimentation, jeunes femme, YouTube, vidéo, pratique alimentaire, communauté, santé.