Diversité des trajectoires de l’agriculture biologique au Cameroun
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Systèmes alimentaires / Food Systems
2020, n° 5. varia - Auteurs : Bayiha (Gérard De La Paix), Temple (Ludovic), Mathé (Syndhia)
- Pages : 181 à 204
- Revue : Systèmes alimentaires
Diversité des trajectoires de l’agriculture biologique au Cameroun
Gérard De La Paix Bayiha
Innovation, Univ. Montpellier, Cirad, Inrae, Institut Agro, Montpellier, France
Cirad, UMR Innovation, F-34398 Montpellier, France
Université de Yaoundé II, Faculté des Sciences Économiques
et de Gestion, Yaoundé, Cameroun
Ludovic Temple
Innovation, Univ. Montpellier, Cirad, Inrae, Institut Agro, Montpellier, France
Cirad, UMR Innovation, F-34398 Montpellier, France
Syndhia Mathé
Innovation, Univ. Montpellier, Cirad, Inrae, Institut Agro, Montpellier, France
Cirad, UMR Innovation, F-34398 Montpellier, France
International Institute of Tropical Agriculture, Yaoundé, Cameroun
182Introduction
Dans un contexte de fortes pressions alimentaires, environnementales et sociales, les pays africains doivent repenser les trajectoires de leurs modèles agricoles et alimentaires vers des modèles plus intégrateurs des préoccupations de durabilité et de résilience. Dans cette perspective, l’agriculture biologique (AB) présente une option envisageable (Temple et De Bon, 2020). Elle répond potentiellement à des enjeux socio-économiques, environnementaux et agroécologiques locaux qui peuvent être plus controversés globalement comme sur les enjeux de sécurité alimentaire.
Selon l’IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movements), l’AB est « un modèle de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes en référence au principe One Health. Elle repose sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales » (IFOAM, 2009). Cette définition reconnait la pluralité de l’AB en intégrant l’AB certifiée et non certifiée. Au-delà de la définition de l’IFOAM, d’autres organisations se positionnent pour donner du contenu à l’AB, notamment à travers des standards volontaires ou non (Union européenne, Japon ou États-Unis) institutionnalisant cette agriculture (Niggli et al., 2016).
Dans les pays africains, l’AB est très peu institutionnalisée bien que des initiatives soient en cours. Ainsi des normes ont été développées dans le cadre de l’initiative « Ecological Organic Agriculture » (EOA) de l’Union africaine (UA). L’objectif de cette initiative est d’intégrer l’AB dans les politiques publiques des pays de l’UA d’ici 2025 (UA, 2015).
L’AB propose un paradigme technique (principalement axé sur l’absence d’intrants chimiques) et institutionnel dans une acceptation élargie qui se détache du paradigme productiviste. Les modèles agricoles productivistes, souvent qualifiés de non durables, sont fondés sur une intensification par l’usage d’intrants de synthèse (pesticides, antibiotiques) ou miniers (pétrole, phosphates) (Plumecocq et al., 2018). Ces modèles sont communément qualifiés d’agriculture conventionnelle (AC). Cette AC, qui n’a été que partiellement adoptée dans les pays africains (Branchet et al., 2018), renvoie dans cette étude au sens donné 183dans les pays industriels. Par exemple, au Cameroun, cette AC est dans la politique agricole actuelle promue sous le vocable de « agriculture de seconde génération » dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi faisant référence à une agriculture mécanisée commerciale et intensive en intrants chimiques (MINEPAT, 2009). Pourtant, les limites de l’efficacité (faible taux d’adoption) et les controverses environnementales et sociales qui s’intensifient renouvellent les prospectives sur les modèles agricoles en Afrique et le rôle que pourrait jouer l’AB.
L’AB en Afrique renvoie à une pluralité de modèles en termes de formes d’organisation et de production (Temple et De Bon, 2020). Par exemple, en Ouganda, les travaux de Hauser et Lindtner (2017) montrent qu’un producteur en AB produit sur une même parcelle des cultures d’exportation, mais aussi d’autoconsommation et des surplus vendus sur les marchés locaux. Au Cameroun, d’autres travaux montrent différents types d’AB : AB certifiée, AB naturelle et AB hybride (Bayiha et al., 2019).
Cette pluralité interroge la connaissance des relations entre les trajectoires de développement de l’AB et les facteurs qui conduisent à la transformation du système agricole en Afrique.
La capacité de l’AB à répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire est au cœur des débats politiques internationaux tels que la Conférence internationale sur l’agriculture biologique et la sécurité alimentaire à Rome (2007) et les quatre conférences africaines sur l’AB qui l’ont suivie respectivement à Kampala (2009), Lusaka (2012), Lagos (2015) et Dakar (2018). Si cette dynamique d’institutionnalisation politique de l’AB est très active en Afrique de l’Est (Schwindenhammer, 2016), elle reste embryonnaire en Afrique centrale. Ainsi, malgré le potentiel de l’AB, il n’existe pas au Cameroun ou dans l’Afrique centrale de cadre législatif de reconnaissance de l’AB. Or le rôle des institutions est majeur pour son développement, notamment en Afrique (Bendjebbar, 2018). Ces institutions aident à valoriser et à stabiliser les modèles de production (Lemeilleur et Allaire, 2018). Toutefois, d’autres facteurs de développement de l’AB peuvent aussi être pris en compte (Adebiyi et al., 2019).
Dans le secteur agricole et alimentaire, les trajectoires de développement de l’agriculture sont différentes d’un pays à l’autre en fonction des politiques publiques et privées mises en œuvre, des filières, des zones 184agroécologiques, des modèles de production et des types de producteurs. Dans cette perspective, nous mobilisons le cadre théorique d’économie évolutionniste d’analyse des transitions sociotechniques1 (Geels et Schot, 2007). Nous l’actionnons pour comprendre la conjonction d’innovations technologiques et institutionnelles dans les processus de transformation des systèmes agricoles et alimentaires (Dumont et al., 2020), l’objectif étant focalisé sur une situation d’analyse des trajectoires d’émergence et d’évolution de l’AB au Cameroun.
1. Transformations vers l’AB : mobilisation du modèle multiniveau des transitions sociotechniques
Le cadre théorique des transitions sociotechniques englobe un ensemble d’outils d’analyse dont le modèle perspectif multiniveau (PMN) (Geels et Schot, 2007). Selon ce modèle, la transformation d’un système sociétal résulte de l’interaction entre trois niveaux de gouvernance :
–Le paysage qui regroupe un ensemble d’éléments macroéconomiques tels que les politiques et des enjeux pour la sécurité alimentaire. L’évolution de ces éléments considérés comme exogènes produit des contraintes et opportunités qui influent sur les changements des trajectoires technologiques.
–Le régime dit « sociotechnique » qui représente l’ensemble des institutions régulatrices, cognitives, normatives, qui orientent et coordonnent les activités et les perceptions des acteurs et favorisent la reproduction des différents éléments du système sociotechnique pour engendrer sa stabilité.
–Les niches dites « d’innovations » qui sont considérées comme évoluant en dehors du régime sociotechnique. À la différence du régime, elles sont présentées comme instables du fait de l’instabilité du système-acteurs et des institutions qui la composent.
185Dans les théories des transitions, les innovations de rupture naissent dans les niches. Ces innovations par effet d’agglomération entre elles modifient ensuite les éléments du régime en fonction des contraintes et opportunités qui s’imposent de manière exogène. Cette dynamique est de plus en plus critiquée dans de récents travaux qui montrent les possibilités d’apparition des niches d’innovations au sein même du régime (Belmin et al., 2018).
Ce cadre heuristique, en mobilisant une approche ex post et in itinere, est cependant utile pour appréhender de manière interdisciplinaire la façon dont un système peut évoluer. Dès lors, la transition sociotechnique dans le secteur agricole et agroalimentaire implique une coévolution à travers les interactions entre les institutions, la recherche, la culture, la politique, le marché, la société civile, les entrepreneurs et les producteurs autour d’un ensemble d’innovations technologiques. La réflexion n’est plus de penser cette transition seulement à partir du développement d’un ensemble d’innovations technologiques, mais de prendre aussi en considération un ensemble de changements institutionnels (Dumont et al., 2020).
Les transitions sont structurées par des périodes charnières où se mettent en place des stratégies d’adaptation ou de rupture. Durant ces phases, les innovations qui se développent au sein du régime sont souvent qualifiées d’incrémentales et celles qui apparaissent dans les niches de radicales. Cependant, les processus d’innovation au sein du régime sont souvent « verrouillés » par des inerties institutionnelles, voire des rapports de forces politiques entre les groupes d’acteurs aux intérêts divergents pour la captation de la valeur.
Pour analyser ces transitions, le modèle PMN considère une trajectoire de reproduction et quatre trajectoires de mutation d’un système sociétal (Geels et Schot, 2007). Dans ce modèle, la notion de trajectoire renvoie à un sentier d’évolution d’un paradigme technologique structuré par des opportunités, des contraintes exogènes (le paysage), des éléments organisationnels et institutionnels qui structurent un régime (Laperche, 2020). Cette transformation s’effectue en fonction de la coïncidence temporelle entre les pressions du paysage sur le régime et les niches d’innovations qui émergent. Dans la trajectoire de reproduction, le paysage n’influence pas le régime. Le régime est stable. Les niches d’innovations n’émergent pas et restent des niches parfois volontairement du fait de l’existence 186de situations de rente. Dans la trajectoire de transformation, les changements modérés dans le paysage créent une pression sur le régime qui doit s’adapter. Il y a une modification de la structure du régime qui diversifie les sentiers technologiques possibles qui favorisent l’émergence des niches d’innovations. Ces niches rejoignent alors le régime sans pour autant perturber son architecture basique. Dans le cas de la trajectoire de désalignement et réalignement, le paysage exerce une pression sur le régime conduisant à un désalignement du régime. Face à ce désalignement, les niches d’innovations présentes sont instables et ne vont pas émerger vers le régime. Dans ce contexte, de nouvelles niches d’innovations se multiplient. Ces niches rentrent en concurrence entre elles jusqu’à l’émergence d’une niche dominante qui va imposer un réalignement du nouveau régime. Dans le cas de la trajectoire de reconfiguration, des niches d’innovations sont initialement adoptées dans le régime pour la résolution des problèmes locaux. Ces niches renforcent l’architecture de base du régime. Enfin, dans la trajectoire de substitution technologique, les pressions exercées par le paysage sur le régime sont tellement fortes qu’elles permettent un changement du régime. Celui-ci est alors activé par l’agrégation de niches d’innovations qui sont stables. Nous mobiliserons cette grille d’analyse pour documenter la compréhension des trajectoires de l’AB au Cameroun.
2. Dispositif méthodologique d’enquêtes
Dans le cas du Cameroun, il n’existe pas de référencement statistique des entreprises autre que celui des acteurs sociaux (ONG) impliqués dans l’AB. Nous avons effectué une exploration des bases de connaissances scientifiques et techniques par une revue de la littérature pour constituer une première identification du système-acteurs des entreprises, des organisations qui revendiquent une activité liée à l’AB ou à la mention « bio » ou « naturelle ». Nous avons porté un focus sur les régions respectives du Centre et du Littoral polarisées par les deux principales villes du pays, respectivement Yaoundé et Douala. Ces villes structurent en effet les deux principaux marchés urbains qui concentrent la demande nationale de produits biologiques. L’identification de ce système-acteurs 187a permis de structurer un dispositif d’enquêtes participatives qui s’est déroulé en quatre phases entre 2016 et 2018.
Une première phase exploratoire d’entretiens semi-directifs auprès de 12 experts clés en février et mars 2016 représentant trois communautés d’acteurs :
–la communauté scientifique : instituts de recherche agronomiques nationaux et internationaux, universités ;
–la communauté de services publics et privés impliquée dans l’accompagnement technique et la certification de la production biologique ou naturelle : ONG, structures de vulgarisation et de certification ;
–la communauté des entreprises du secteur de la production, de la transformation et de l’agrofourniture liée à l’AB (biofertilisants, semences).
Ces entretiens ont permis de faire un premier état des lieux de l’AB : produit et marché, certification et réseau d’acteurs, technique de production et rendement, financement.
Le couplage entre la revue de la littérature et cette première phase d’entretiens nous a permis, dans le cadre du projet Agriculture biologique et sécurité alimentaire (ABASS), de documenter une première grille collective d’analyse des différentes formes d’AB en Afrique. Cette grille organisée dans une logique de filière comprend les rubriques suivantes : le mode de production mettant en avant les différents éléments utilisés (semences, pesticides) ; le mode de transformation ressortant les types de production consommable directement et leurs types de transformation ; la consommation et les marchés cibles qui regroupent le mode de consommation des produits et les points de vente ; la certification qui regroupe les organes attestant de la qualité du produit ; les performances agronomiques de l’AB par rapport à l’AC ; et enfin les acteurs engagés.
Cette grille a été appliquée pour structurer une deuxième phase d’entretiens collectifs pour construire une représentation typologique des normes de l’AB à partir des connaissances mobilisables par différentes communautés d’acteurs (scientifiques, professionnels, politiques, société civile). Pour cela, deux ateliers participatifs ont été organisés en avril 2016 à Yaoundé et à Douala. Ils ont réuni 43 participants issus des communautés d’acteurs ayant structuré l’enquête initiale. Ces ateliers avaient pour objectif de 188mutualiser les bases de connaissances sur l’AB à partir, non plus des travaux publiés, mais des expériences concrètes des différents acteurs. Durant ces ateliers, la grille a été soumise pour validation ou amendements aux acteurs qui ont été répartis en cinq groupes (3 pour Yaoundé et 2 pour Douala). Le travail en groupe s’est réalisé en deux temps : (i) l’identification des types d’AB dans chaque groupe et leurs caractéristiques ; (ii) la restitution des typologies durant la séance plénière suivie d’une discussion.
Ces ateliers ont permis de (i) valider collectivement la définition et la proposition de la typologie d’AB afin (ii) d’établir comment analyser les relations entre les différents types proposés et des indicateurs de réalisation d’une sécurité alimentaire durable. Ce diagnostic a aussi permis l’identification partagée des principales opportunités et contraintes pour le développement de l’AB au Cameroun (Temple et al., 2017).
Une troisième phase d’entretiens semi-directifs a été menée auprès de 21 experts (catégorie d’acteurs rencontrés dans les deux premières phases et la société civile) en mars 2018. L’objectif était d’approfondir la recherche sur les éléments qui bloquent et qui pourraient favoriser le développement de l’AB au Cameroun, en mobilisant les différents niveaux proposés par le modèle MNP.
Enfin, une quatrième phase d’entretiens complémentaires était dédiée à solidifier des éléments de caractérisation de l’AB. Elle a ciblé un échantillon de 56 experts (producteurs et chercheurs) de septembre à octobre 2018 (région du Centre). Au total, 132 experts ont été rencontrés durant les quatre phases d’entretiens.
3. Caractérisation et contraintes au développement de l’agriculture biologique camerounaise
3.1. Un système-acteurs porté par le privé
et les organisations internationales
Ce dispositif d’enquêtes a conduit à la cartographie d’un système-acteurs de structuration de l’AB au Cameroun. Ce système n’est pas encore stable à cause de l’absence d’institutions en lien avec l’AB, validées par les pouvoirs publics (figure 1).
189Fig. 1 – Système-acteurs de l’agriculture biologique au Cameroun en 2018.
Source : Compilation des auteurs sur la base du dispositif d’enquêtes.
Cette cartographie présente les interactions entre quatre sous-systèmes (le sous-système entrepreneurial, le sous-système de recherche et d’enseignement, le sous-système intermédiation et les agriculteurs) au sein desquels s’est construite l’activité de recherche liée au développement de l’AB. Ce système a permis : (i) la construction des différents types d’AB au Cameroun et (ii) l’élaboration des opportunités et contraintes de développement de ces types. Cette cartographie, dont principalement le sous-système entrepreneurial, a documenté les services du ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (MINEPAT)2 pour réaliser un exercice prospectif de l’AB. Il a conduit à une note prospective sur l’AB au Cameroun qui est le premier document ministériel de reconnaissance de l’AB comme un levier possible de modernisation de l’agriculture pour la croissance économique (MINEPAT, 2018)
1903.2. Pluralité des types
d’agriculture biologique au Cameroun
Les résultats issus du dispositif d’enquêtes avec les niveaux du modèle PMN permettent de structurer les types d’AB au Cameroun. Ces types sont décrits de manière détaillée dans l’annexe 1.
Au niveau du régime sociotechnique au Cameroun, l’agriculture promue par les pouvoirs publics est l’AC. Mais, au sein de ce même régime, nous observons une coexistence entre AC et un type d’AB qualifiée par le système-acteurs « d’agriculture naturelle » (AN). Il s’agit d’un mode de production basé sur l’association des cultures. Les intrants potentiels sont autoproduits sur l’exploitation comme la cendre de bois utilisée comme pesticide. Les connaissances sont générées par les échanges entre agriculteurs. Les producteurs, en raison des contraintes de liquidités financières, évitent de recourir à l’acquisition et à l’usage de pesticides et engrais chimiques. D’après l’ensemble du système-acteurs, l’AN regroupe des milliers de petits producteurs en zone rurale, non répertoriés. Elle est, selon ces acteurs, le modèle de production dominant dans le système agricole au Cameroun. Il n’y a pas de certification pour ces produits. En revanche, sur les marchés, la qualité naturelle des produits est reconnue par les consommateurs en fonction de l’origine comme, par exemple, les ananas provenant de la zone de Bafia dans la région Centre. Cette AN est très présente pour les cultures vivrières telles que le plantain et le manioc. Elle est de moins en moins présente à mesure que l’on se rapproche des centres urbains, des centres de formation, de la recherche au profit de l’AC. Nous l’analysons donc comme une niche d’innovation au sein du régime. Nos enquêtes révèlent que les principales contraintes au développement de ce type sont : l’absence de bases de connaissances sur la performance (rendement, prix, quantité de travail) de l’AN par rapport à l’AC, le manque de formation des petits producteurs et le faible financement de l’État.
Le type d’AB qualifié « d’hybride » ou « d’entrepreneurial » par les acteurs locaux a une dynamique pilotée par des entreprises du secteur agroalimentaire. Les acteurs de la production sont constitués de petits producteurs organisés qui signent des contrats formels ou informels avec ces entrepreneurs. D’autres plantations sont détenues par ces entrepreneurs. Les pratiques agricoles sont un peu plus intensives et technologiques que dans le cas précédent avec, par exemple, le recours à des engrais organiques et des biofertilisants à base de mycorhize. La dimension « biologique » 191du produit est mise en avant, par exemple sur les emballages par de l’auto-certification. Ce type inclut des produits alimentaires transformés et de bio santé (plantes médicinales) visant le marché urbain. Ainsi, dans notre analyse, nous le situons entre le régime et la niche d’innovation. Le principal frein au développement de ce type est l’utilisation abusive du label « bio » ou « naturel » par des opérateurs peu scrupuleux.
Le type de l’AB « certifiée par tierce partie » dans lequel un opérateur privé indépendant (le « certificateur ») vient, contre paiement, contrôler la conformité de leurs pratiques au cahier des charges s’institutionnalise via des formes de régulations publiques, celles des pays importateurs, et donc principalement comme opportunité de marché. Il sous-entend des coûts qui peuvent parfois ne pas être supportés par les petits producteurs. Les principaux produits exportés sont des fruits frais ou séchés (bananes, mangues). Mais nous retrouvons certains de ces produits sur le marché urbain dans des boutiques spécialisées comme Bionatura, Bibup et des supermarchés comme Carrefour ou Spar. Ainsi dans notre analyse, nous le situons au niveau de la niche d’innovation. La principale contrainte à son développement au Cameroun est le coût élevé de la certification.
Nos enquêtes révèlent que ces trois types sont confrontés simultanément à trois contraintes génériques. Il s’agit de l’absence d’une politique publique sur l’AB ; de l’absence d’un marché national dédié à l’AB ; et de la dominance de politiques publiques orientées vers « l’agriculture de seconde génération ».
4. Trajectoires des agricultures biologiques
au Cameroun : une perspective multiniveau
La construction des trajectoires des types AB au Cameroun s’est faite selon une hypothèse d’analyse transversale du modèle PMN. Cette hypothèse stipule que les niches d’innovations, qui sont les moteurs de la transition, créent progressivement une dynamique interne et n’émergent pas de façons autonomes. Elles sont structurées par les changements au niveau du paysage qui créent une pression sur le régime. La déstabilisation du régime crée des fenêtres d’opportunité pour la diffusion des 192niches d’innovations qui s’alignent à l’intérieur du régime conduisant à sa transformation. Ce processus de transition est défini dans la PMN comme le passage d’un régime à un autre. Pour chaque type identifié, nous analysons les éléments susceptibles de stabiliser ou pas leurs trajectoires.
4.1. Dynamique des agricultures biologiques au Cameroun
La dynamique de construction de cette trajectoire se réalise suivant deux procédures interconnectées. Tout d’abord, en appliquant la grille d’analyse du modèle PMN sur les connaissances générées par le dispositif d’enquêtes. Elle nous conduit ainsi à représenter une analyse rétrospective des évènements en lien avec l’AB au Cameroun à partir de la crise économique des années 1980 (figure 2). Cette crise a conduit les pays africains dont le Cameroun à mettre en place les programmes d’ajustement structurel (PAS) pour la libéralisation des économies africaines. Cette analyse rétrospective met en lumière un ensemble de facteurs explicatifs (annexe 2) ayant eu un impact sur les trajectoires de l’AB : créer les conditions socio-politiques de reconnaissance par les politiques publiques du rôle de la coexistence de différents modèles agricoles et alimentaires incluant des modèles dits alternatifs pour la transformation du système agricole.
Fig. 2 – Chronogramme des facteurs explicatifs d’évolution de l’agriculture biologique selon le modèle multi-niveaux de 1980 à 2019 au Cameroun.
Source : Compilation des auteurs sur la base du dispositif d’enquêtes
et de la recherche documentaire.
4.2. L’agriculture naturelle, une trajectoire
de reconfiguration en émergence
par des mécanismes de certification
Dans cette évolution, il y a deux d’éléments exogènes provenant du paysage. En premier lieu, les enjeux alimentaires comme la crise alimentaire de 2008 et la mise en cause des produits de l’AC en termes de santé des populations (Baudry et al., 2018). En second lieu, des changements socio-institutionnels de l’AB notamment à travers la série de conférences sur l’AB en Afrique depuis 2009 et la mise en place de l’initiative EOA de l’UA en 2015. Ces éléments créent deux changements majeurs dans le régime.
Le premier est celui de l’orientation des politiques vers les enjeux de sécurité alimentaire en légitimant la volonté d’accroissements quantitatifs de la production agricole. Ces objectifs conduisent les pouvoirs publics au Cameroun depuis 2009 au sein du DSCE à renouveler la promotion d’une agriculture productiviste pour aller vers « l’agriculture de seconde génération ». Le régime structuré par cette orientation institutionnelle peut être perçu comme source de verrouillage institutionnel pour la reconnaissance et la valorisation de l’AN. Le second est structuré par les inquiétudes de la société camerounaise sur les risques sanitaires engendrés par les pesticides issus de l’AC. Ces demandes expliquent l’émergence d’un marché local pour la consommation de produits locaux « sains » qui associent la qualité sanitaire à l’absence d’usage de produits chimiques.
Au sein du régime, l’AC coexiste avec l’AN selon différentes modalités. Par exemple, selon le mode d’organisation de la production, l’AN reste principalement un type proche de l’agriculture familiale (AF). Dans cette AF, les petits producteurs exercent sur des parcelles dont la taille varie de 0.5 à 2 ha et ont un accès difficile à la formation (formation qui pourrait, par exemple, contribuer à l’amélioration de la main-d’œuvre, à la gestion des maladies, à la gestion des problèmes liés aux ravageurs). En revanche, l’AC est le fait de producteurs souvent liés aux élites de gouvernance dont les parcelles sont supérieures à 2 ha. On se retrouve dans une situation paradoxale où l’AN, dominante à travers le système productif, n’a aucune reconnaissance dans les institutions qui structurent le régime. Depuis 2016, deux leviers potentiels de reconnaissance institutionnelle, donc de déverrouillage, sont alors identifiés.
194En premier lieu, on voit émerger le développement d’institutions privées à travers un réseau d’acteurs. Il s’agit par exemple du système participatif garanti (SPG) mis en place sur les produits maraichers dans la région de l’Ouest, porté par une ONG locale (GADD). Le SPG est un mode de certification alternatif à la certification par tierce partie. Il est défini comme un mécanisme de contrôle de la conformité des pratiques à un (ou des) cahier(s) des charges (Lemeilleur et Allaire, 2018).
En second lieu, on note aussi l’émergence d’indications géographiques protégées (IGP). Ces IGP sont considérées dans les PED comme une façon de valoriser les produits d’origine et de renforcer les systèmes agroalimentaires localisés en améliorant l’accès au marché des petits producteurs. Elle se développe sur des spéculations comme le poivre « de Penja » et le miel « d’Oku ».
Ces leviers pourraient conduire à : (i) de nouveaux ajustements institutionnels dans l’architecture de base du régime pour contribuer à résoudre les problèmes qui s’y déroulent ; (ii) une intention élevée d’achat des produits biologiques par rapport aux produits conventionnels par les consommateurs (Loyem et al., 2020). Cette niche d’innovations initialement adoptée par de nombreux agriculteurs dans le régime renforce l’architecture de base du régime. Ainsi, sa trajectoire s’apparente à une reconfiguration progressive du régime.
4.3. L’agriculture biologique entrepreneuriale,
une trajectoire de réalignement et de désalignement
de l’innovation (auto-labellisation) par rapport au régime
Dans cette évolution, nous prenons en compte deux éléments majeurs issus du paysage : d’une part, la croissance du marché international des produits biologiques « certifiés par tierce partie » dans le monde depuis 2002 (Crowder et Reganold, 2015) et, d’autre part, le développement de la grande distribution en relation avec l’urbanisation qui depuis les années 2000 structure une demande d’approvisionnement en produits biologiques transformés dans les supermarchés (Reardon et al., 2003) dont le nombre augmente au Cameroun ces dernières années.
Ces changements ont une conséquence majeure sur le régime. L’enjeu pour les entrepreneurs de gagner des parts de marché à l’échelle nationale liées à deux clientèles : une clientèle de classe moyenne ou d’élite intéressée par des produits « bio » et une seconde, diverse, intéressée 195par l’achat des produits naturels ou biologiques (Loyem et al., 2020). Ce contexte documente une trajectoire de réalignement de ce type qui va s’hybrider avec l’AN au sein du régime dans lequel le marché se réalise suite à cette demande. Ces entrepreneurs utilisent le label « bio » ou « naturel » car ils ont un meilleur accès aux innovations techniques de transformation et de conservation, comme par exemple l’entreprise Fruitscam et le Groupement d’initiative commune (GIC) Sondason. Des institutions telles que l’Agence des normes et de la qualité (ANOR), ou l’Institut Pasteur peuvent attester de la qualité des produits, mais sans fournir un label au niveau national. Cette absence de label et la non-reconnaissance de l’AB par la politique agricole sont deux sources de verrouillage institutionnel au sein du régime. Les consommateurs ont en effet des doutes sur la qualité sanitaire des produits biologiques. Ce contexte documente une trajectoire de désalignement dans laquelle le marché ne se réalise pas malgré la demande potentielle des consommateurs. Ainsi, sa trajectoire s’apparente à celle de réalignement et de désalignement de cette niche par rapport au régime.
4.4. L’agriculture biologique certifiée par tierce partie,
un processus de reproduction dans une niche
sans impact sur le régime
La trajectoire de ce type est influencée par deux éléments majeurs : la mise en place des PAS à partir des années 1985 et la croissance du marché international biologique en 2002. Ces éléments créent deux changements au sein du régime.
Les PAS ont en effet entrainé une libéralisation du secteur public dans le secteur agricole à partir des années 1990 et donné naissance à des dispositifs de certification privés de l’AB et des associations (ASPABIC et AVEGRO). Les acteurs associés à la production dans ce type sont des petits producteurs qui signent des contrats formels ou informels avec les entrepreneurs certifiés. Les petits producteurs qui sont issus de l’AN ne peuvent s’engager directement dans ce modèle de production à cause du coût élevé de la certification. L’échec de cette libéralisation a conduit le gouvernement camerounais à mettre en place le DSCE dans les années 2009 pour relancer l’économie.
La croissance du marché international bio dans les années 2002 a conduit la FAO à soutenir en 2005 au Cameroun un projet d’identification 196des opportunités d’exportation des produits tropicaux biologiques. Ce projet a permis la rédaction, en 2009, d’un projet de loi sur l’AB dont l’institutionnalisation a échoué. En effet, ce processus initié par quelques acteurs a émergé dans une situation de niche qui n’a pas pu changer l’architecture du régime pour deux raisons : (i) l’absence d’inclusion d’acteurs représentant les productions animales et (ii) la délégation de la certification à des acteurs privés au détriment d’une régulation par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MINADER). Ce deuxième point a conduit à une fracture du consensus politique permettant de porter ce projet de loi à l’Assemblée nationale. En 2016, la création d’une interprofession (BIOFIL) par environ 8 exportateurs (Biotropical, Africa bio) renouvelle progressivement la demande sociétale de législation nationale sur la reconnaissance de l’AB. Cette interprofession reste cependant pour l’instant au stade de niche à une échelle micro. Ainsi, sa trajectoire s’apparente à celle de reproduction d’une niche qui n’influence pas le régime.
Discussion et conclusion
Dans la situation actuelle où les agricultures familiales en Afrique sont confrontées à plusieurs enjeux environnementaux, socio-économiques et politiques, l’AB représente une voie de développement potentielle. La mobilisation de la grille d’analyse des trajectoires du modèle PMN sur des enquêtes participatives (individuelles, collectives via deux ateliers participatifs) à travers une analyse ex post et in itinere contribue à révéler les facteurs explicatifs qui structurent les trajectoires de l’AB au Cameroun. Elle documente comment l’AB peut y être un levier de transition du système agricole.
Les résultats sont à considérer sur deux plans. Au plan théorique, ils montrent que les changements qui activent la transition ne se situent pas toujours au niveau d’une « niche d’innovation » située à une échelle micro, qui serait le moteur supposé de la transformation du régime sociotechnique. Ces changements ne se situent donc pas toujours à une échelle portée par des acteurs micro-économiques. Ils apparaissent aussi au sein des institutions et organisations qui structurent l’existence 197même du régime. Au plan empirique, ces résultats mettent en évidence les facteurs explicatifs (contraintes et opportunités) de trois trajectoires possibles d’évolution des types d’AB qui ont été caractérisées : reconfiguration ; réalignement et désalignement ; reproduction.
–La trajectoire de reconfiguration portée par l’AN est structurée principalement par la mise en place d’un mécanisme de certification alternatif (SPG et/ou IGP) à la certification par tierce partie (CTP). Cette trajectoire est en adéquation avec d’autres travaux (Tung, 2018) qui suggèrent que le développement de l’AB en Afrique passe par ce type de certification. Ce mécanisme de certification est en l’occurrence reconnu par le ministère de l’Économie camerounais (MINEPAT) comme favorable pour le développement de l’AB. La raison principale invoquée est que les surcoûts de certification générés sur les produits biologiques sont faibles ce qui est favorable à la démocratisation de la consommation donc à l’extension du marché intérieur.
–La trajectoire de réalignement et désalignement portée par l’AB entrepreneuriale est principalement structurée par l’importance de la mise en place d’un label public pour réduire l’asymétrie d’information entre les consommateurs et les producteurs afin de favoriser le réalignement de ce type dans le régime pour le développement de l’AB. De plus, l’importance d’un label pour le développement de l’AB a aussi été mise en avant par les pouvoirs publics au Cameroun qui invoquent deux raisons : une prise de conscience des consommateurs sur les produits bio et la concurrence sur le marché local qui ne se joue plus sur les prix, mais plutôt sur le label. Cependant, des travaux en Afrique, notamment au Kenya (Tankam et al., 2019), nuancent les enjeux d’un label national. Ils montrent en effet que la mise en place d’un label national, si elle a permis de contenir l’asymétrie d’information, ne permet pas de réduire l’incertitude portant sur la production locale des produits biologiques sur les marchés dédiés.
–La trajectoire de reproduction portée par l’AB certifiée est structurée principalement par la CTP pour le développement de l’AB au Cameroun. Elle est suggérée comme un mécanisme pour le développement de l’AB en Afrique (Pophiwa, 2012). Cette trajectoire est peu référencée dans les scénarios prospectifs actuels. Les deux raisons principales invoquées sont : les coûts élevés des 198–produits qui vont exclure les consommateurs et les marchés qui sont tournés vers l’extérieur. À cela s’ajoute que cette certification, principalement établie dans et à partir des normes des pays industriels, tend à exclure une partie des petits producteurs des communautés d’origine dans l’incapacité de s’acquitter de son coût d’accès élevé (Lemeilleur et Allaire, 2018).
Parmi ces trajectoires, notre étude suggère que la trajectoire de reconfiguration portée par l’AN semble à même de conduire au développement inclusif de l’AB.
Les connaissances générées par la conceptualisation des conditions de développement de l’AB finalisent trois recommandations stratégiques aux politiques publiques qui gouvernent les processus d’innovation institués dans différents ministères (MINEPAT, MINADER, MINRESI3) et aux acteurs sociétaux liés à l’AB dans le contexte du Cameroun.
La première recommandation est la valorisation de l’AN à travers la mise en place de certifications nationales du type SPG, mieux adaptées au contexte socio-économique du Cameroun. Plus spécifiquement, cette certification devrait prendre en compte, à une échelle territoriale, les spécificités des cinq grandes zones agroécologiques du Cameroun. La deuxième recommandation, en synergie avec les exercices de prospectifs en cours au sein du MINEPAT (MINEPAT, 2018), argumente le besoin d’institutionnaliser par une loi la reconnaissance de l’AB au sein du régime sociotechnique. Cette institutionnalisation est aussi suggérée dans d’autres travaux en Afrique (Hauser et Lindtner, 2017). Dans le contexte du Cameroun, cette institutionnalisation de l’AB a échoué une première fois en 2009 en relation avec l’absence des productions animales dans le projet de loi. Elle bute aussi sur le manque de données fiables permettant de caractériser les situations d’AB au regard de leurs contributions aux enjeux du développement. Il s’agit donc, dans une troisième recommandation, de contribuer à réduire les asymétries de connaissance au niveau de la recherche, des pouvoirs publics, des acteurs professionnels et de la société civile sur l’analyse des performances comparées entre l’AB et l’AC (rendement, productivité du travail, prix) dans leurs capacités à répondre à des enjeux de sécurité alimentaire et nutritionnelle à long terme.
199Références bibliographiques
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201Annexe 1
Les types d’agriculture biologique au Cameroun
AB certifiée |
AB naturelle |
AB hybride, entrepreneuriale |
|
Mode de production |
|||
Nature des semences et plants |
Semences locales et améliorées |
Semences locales |
Semences locales et améliorées |
Nature des fertilisants |
Engrais organiques (fientes de poules) et composts d’origine animale ou végétale |
Engrais organiques produits sur la ferme ou achetés (fientes de poules) |
Engrais organiques (fientes de poules) et biofertilisants (à base de mycorhizes) |
Mode de transformation |
|||
Type de produits et filière dominante |
Produits finis, produits exportables/fruits (ananas, mangue), vivrier (banane-plantain) |
Produits finis/vivrier (manioc, igname, plantain), fruits, pomme de terre, légumes |
Fruits, certains maraichers (tomate, piment) |
Type de transformation |
Familiale et industrielle (jus, pulpe, purée) |
Familiale et par micro entreprises (chips, « bobolo », jus) |
Agro-industrie et par des micro-entrepreneurs (jus, farine, séchage solaire, pasteurisation)/jus naturels, purée de produits maraichers) |
Consommation et marches ciblés |
|||
Type de marché visé |
International (mais certains produits écartés peuvent se retrouver sur le marché national) |
Autoconsommation, local et de proximité, régional voire national |
Autoconsommation, national, voir régional |
Certification |
|||
202
Type de certification |
Par une tierce partie (Ecocert, IMO, Control Union, AgroEco), |
Non certifiée, Niche de certification (système participatif de garantie, indication géographique protégée) |
Auto-certifiée (avec parfois un contrôle de la qualité des produits par l’ANOR ou l’Institut Pasteur) |
Performances agronomiques par rapport à l’agriculture conventionnelle |
|||
Rendement |
Peu de statistiques (rendements parfois plus forts, parfois plus faibles) |
Pas de statistiques |
Peu de statistiques (parfois des impasses techniques) |
Acteurs |
|||
Acteurs |
Ecocert, Biotropical, Africa BIO, GIC Terrespoir, Marah, Tam Tamsoleil, lobbying (Isofar, Afronet, Groupement d’appui pour le développement durable), interprofession BIOFIL |
Pas de réseau, mais porté par les petits producteurs ayant des parcelles entre 0.5 et 2 ha |
Entrepreneurial et non organisé (Fruitscam, Agrocamersarl, réseaux d’acteurs pour le développement durable) |
Source : Compilation par les auteurs à partir des ateliers du projet agriculture biologique et sécurité alimentaire au Cameroun en 2016.
203Annexe 2
Facteurs influençant la trajectoire des types d’agriculture biologique au Cameroun
Niveaux |
AB certifiée |
AB entrepreneuriale |
Agriculture naturelle |
Paysage |
La libéralisation du secteur privé en 1990, croissance du marché international bio à partir de 2002 |
Croissance du marché international bio à partir de 2002, crise alimentaire de 2008 |
Série de conférences sur l’AB en Afrique à partir des années 2009, crise alimentaire de 2008, plan stratégique de l’initiative EOA de l’UA |
Régime socio-technique |
La politique agricole tournée vers « l’agriculture de seconde génération » à partir de 2009 ; la restructuration du cadre institutionnel ; sécurité alimentaire, absence d’une loi en AB ; échec d’un projet de loi sur l’AB en 2009 ; absence d’un marché national sur l’AB |
La politique agricole tournée vers « l’agriculture de seconde génération » à partir de 2009 ; cahier de charges flou, attestation de la qualité (ANOR ; Institut Pasteur) ; absence d’une loi en AB ; absence d’un marché national sur l’AB |
La politique agricole tournée vers « l’agriculture de seconde génération » à partir de 2009 ; absence d’une politique nationale en AB ; pas de statistiques (prix, rendements, quantité de travail) ; manque de formation des producteurs, pas de financement de l’État ; note d’analyse prospective sur l’AB élaboré par le MINEPAT en 2018 ; absence d’une loi en AB ; absence d’un marché national sur l’AB |
204
Niche d’innovation |
Acteurs (Biotropical, Africabio, Gic Terrespoir, Marah, Tam Tam soleil, Unapac), bionatura, carrefour market, Bibup ; rôle de la recherche et de l’aide au développement (exemple d’un projet porté par la FAO à travers le cabinet Inter Agri Afric en 2009 ; le projet ABASS du Cirad en 2016), interprofession BIOFIL |
Acteurs non mis en réseau (Fruitscam, Gic Sondason) |
Lobbying (Afronet) ; ONG (Groupement d’appui pour le développement durable) ; niche de certification (système participatif de garantie et indication géographique protégée) ; plateforme de vente en ligne des produits biologiques au Cameroun (https://eatbio.org/) |
Source : Compilation des auteurs sur la base de la collecte de données de terrain (2016, 2018) et du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi au Cameroun de 2009.
1 Le terme « sociotechnique » indique que ces systèmes sont constitués de composantes tant technologiques qu’infrastructurelles, mais aussi de politiques et d’une variété d’acteurs (producteurs, distributeurs et consommateurs, législateurs).
2 Ministère de la Planification qui structure l’orientation des politiques publiques au Cameroun.
3 Ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation.
- Thème CLIL : 3306 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie de la mondialisation et du développement
- ISBN : 978-2-406-11062-0
- EAN : 9782406110620
- ISSN : 2555-0411
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11062-0.p.0181
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/11/2020
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français
- Mots-clés : agriculture biologique, trajectoire, modèle multiniveau, innovation institutionnelle, Cameroun