Les trajectoires des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite Une analyse croisée quantitative et qualitative
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2018 – 1, n° 3. Discontinuités de l’emploi et indemnisation du chômage / Discontinuity in employment and unemployment insurance - Auteurs : Gilles (Fabrice), Issehnane (Sabina), Moulin (Léonard), Oumeddour (Leila)
- Pages : 31 à 68
- Revue : Socio-économie du travail
Les trajectoires des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite
Une analyse croisée quantitative et qualitative1
Fabrice Gilles
Université de Lille,
LEM-CNRS (UMR 9221)
TEPP-CNRS (FR 3435)
CEET-Cnam
Sabina Issehnane
Université de Rennes, LIRIS
Car-Céreq
CEET-Cnam
Léonard Moulin
Institut national
des études démographiques (INED)
Leila Oumeddour
IRTS Paris Ile-de-France
Le développement des formes particulières d’emploi contribue à rendre de plus en plus poreuses les frontières entre chômage et emploi et questionne notre système d’indemnisation du chômage, fondé 32principalement sur un modèle d’emploi salarié, stable et à temps plein. L’activité réduite s’inscrit dans cette évolution. Elle a connu une croissance régulière depuis sa création. Le nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite2 a triplé depuis le milieu des années 1990, et a doublé depuis la crise de 2008 pour atteindre plus de 2 millions d’individus en novembre 2017 (Dares, 2017). Ces demandeurs d’emploi sont inscrits dans les catégories B et C de Pôle emploi : ils exercent une activité rémunérée tout en recherchant activement un emploi. Ils représentent aujourd’hui un quart de l’ensemble des catégories de demandeurs d’emploi. Leur part a ainsi presque doublé depuis les années 90. Derrière cette évolution de longue durée se cachent des variations sur courte période : la part des catégories B et C a été en constante augmentation jusqu’à la crise de 2008 (24 % en février 2008), puis a connu une légère diminution suite à celle-ci (22 % en février 2009), et a de nouveau augmenté jusqu’à aujourd’hui. La compréhension de l’activité réduite est ainsi essentielle à l’heure où le nombre de demandeurs d’emploi ne cesse d’augmenter.
Le développement du nombre de demandeurs d’emploi en activité réduite reflète en effet l’évolution du système d’emploi français. Cette tendance participe au renouvellement de la conception de la relation entre emploi et non-emploi (Castel, 2007). Du début des années 80 jusqu’à la fin des années 90, la part des contrats à durée déterminée a doublé dans l’emploi salarié, celle de l’intérim a été multipliée par quatre, tandis que celle des emplois à temps partiels a été multipliée par deux (COE, 2014). Depuis le début des années 2000, la part des emplois temporaires et des temps partiels se stabilisent dans l’emploi salarié. Cependant, la part des emplois temporaires dans les embauches augmente pour atteindre près de 9 embauches sur 10. Cette croissance s’est accompagnée d’une réduction de la durée des contrats temporaires effectués3 (Bourieau et al., 2014). Ces évolutions participent à la progression de la discontinuité de l’emploi, et ainsi à celle de l’activité réduite.
331. L’activité réduite
L’activité réduite ne désigne pas seulement une activité exercée par les demandeurs d’emploi qui sont inscrits sur les listes de Pôle emploi. Elle renvoie aussi à la possibilité, sous certaines conditions, pour les demandeurs d’emplois indemnisés au titre de l’assurance chômage, comme pour les bénéficiaires de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS)4, de cumuler un revenu d’activité avec leur allocation. Son principe est le suivant : offrir la possibilité au demandeur d’emploi indemnisé d’exercer une activité occasionnelle tout en continuant à percevoir une partie de son indemnisation (Unédic, 2013). Ce faisant, le demandeur d’emploi peut retrouver une activité salariée sans pour autant y perdre en termes de revenus5. La possibilité de cumuler une activité réduite avec l’indemnisation du chômage s’appuie sur l’hypothèse qu’elle inciterait les demandeurs d’emploi indemnisés à reprendre une activité même si celle-ci est moins rémunérée que celle précédant leur inscription à Pôle emploi. Elle s’inscrit donc dans la lignée des politiques de l’emploi qui répondent à une logique d’activation. Dans cet article, nous nous intéressons à l’activité réduite en tant qu’activité à caractère discontinu exercée par les demandeurs d’emploi au-delà du simple dispositif de cumul possible entre revenu d’activité et allocation.
Notre objectif est d’enrichir notre connaissance du public ayant eu recours à l’activité réduite, nous avons ainsi fait le choix d’articuler une analyse quantitative et qualitative. La multiplication des sources et des méthodes d’enquêtes, en particulier par l’articulation de l’analyse économique et de méthodes ethnographiques (Gramain et Weber, 2001), nous donne des outils pour comprendre l’enjeu du recours à l’activité réduite. D’une part, nous avons construit un panel à partir du Fichier historique de Pôle emploi et du Fichier national des allocataires (FH-D3) fusionnés avec les Déclarations préalables à l’embauche (DPAE) qui permettent de suivre les individus mois par mois suite à leur inscription à Pôle emploi. D’autre part, nous avons mené une enquête de terrain auprès de demandeurs d’emploi qui ont eu recours à une activité réduite.
Notre recherche vise à mettre en évidence la diversité des trajectoires des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite. Pour cela, nous avons construit une typologie de ces trajectoires, ce qui nous permet de mettre en évidence la diversité des pratiques qui sont liées au passage par l’activité réduite, tout en prenant en considération 34les caractéristiques sociodémographiques et professionnelles associées aux différents types de trajectoires. L’approche longitudinale nous permet de saisir de manière plus fine les temporalités des trajectoires des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite. Elle permet aussi d’analyser les déterminants des trajectoires qui s’accompagnent d’un retour à l’emploi et ceux des trajectoires qui se caractérisent par un passage durable au chômage en prenant soin de distinguer, au sein de cette dernière catégorie, les demandeurs d’emploi ayant eu recours ponctuellement à l’activité réduite et ceux qui ont eu recours à l’activité réduite de manière prolongée. Pour ce faire, nous utilisons une méthode d’optimal matching sur le panel construit à partir des données du FH-D3 et des DPAE, afin de retranscrire a posteriori les trajectoires de demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite.
L’objet de cet article est de mettre en évidence des trajectoires de « différentes qualités » plus ou moins marquées par une activité réduite durable et d’analyser les caractéristiques des demandeurs d’emploi selon leur trajectoire individuelle. De plus, nous cherchons à montrer que l’analyse quantitative est un élément qui permet certes de mieux comprendre les déterminants du recours à l’activité réduite, mais qu’elle peut se nourrir également d’une analyse qualitative. Nous mobilisons pour cela les entretiens menés dans le cadre de notre enquête de terrain, afin d’éclairer par des monographies les différents groupes identifiés par l’analyse de séquences d’une part, et d’affiner l’analyse des déterminants au recours à l’activité réduite par des facteurs qui émergent de l’enquête de terrain d’autre part.
Dans un premier temps, nous proposons une courte analyse de la littérature récente sur les effets de l’activité réduite. Nous montrons que ces travaux conduisent souvent à des résultats ambigus qui masquent souvent une forte hétérogénéité des situations, objet de notre article. Dans un deuxième temps, nous évoquons nos différentes sources de données, ainsi que les méthodologies mobilisées. Dans un troisième temps, nous présentons les différents types de trajectoires identifiées grâce à l’analyse de séquences. Il nous est alors possible d’étudier les différences entre celles qui mènent à un retour à l’emploi hors activité réduite et celles qui se caractérisent par un passage plus durable comme demandeur d’emploi, en général, et par l’activité réduite en particulier. Nous nous proposons ensuite de présenter les caractéristiques sociodémographiques 35et professionnelles des différents groupes de trajectoires. Nous enrichissons ces résultats par l’analyse de notre enquête de terrain afin de mieux comprendre ce qui détermine le recours à l’activité réduite. Notre objectif est ainsi de mettre en évidence les profils de demandeurs d’emploi qui appartiennent à une trajectoire plus ou moins marquée par l’activité réduite, par un chômage de longue durée, ou par une sortie du chômage en emploi temporaire ou permanent.
I. Comprendre l’activité réduite :
une littérature récente et des effets incertains
Les recherches menées sur l’activité réduite en France et à l’étranger ont porté principalement sur l’évaluation de l’effet incitatif du dispositif sur le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi bénéficiaires (Granier et Joutard, 1999 ; Gerfin et al., 2005 ; Gurgand, 2009 ; Fremigacci et Terracol, 2013). Même si notre recherche ne vise pas à évaluer un possible effet causal du dispositif, nous interrogeons l’idée que la pratique d’un emploi, de courte durée ou à temps partiel, peut diminuer l’éloignement à l’emploi via le maintien d’un lien avec le marché du travail. Cette pratique peut ainsi avoir un effet bénéfique sur le retour à un emploi permanent (« effet tremplin »), ou au contraire diminuer la probabilité d’évoluer vers un emploi stable si elle conduit à un « effet blocage » en réduisant le temps consacré à la recherche d’un emploi. En outre, la pratique répétée d’une activité réduite peut également conduire à un effet d’enfermement dans une trajectoire précaire, dit effet de locking-in (Fredriksson et Johansson, 2003). Ces recherches aboutissent à des résultats contrastés en termes de retour à l’emploi. À court terme, l’activité réduite enfermerait le demandeur dans une trajectoire professionnelle précaire. À long terme, une activité réduite accroîtrait la probabilité de retrouver un emploi pérenne.
Ces travaux se sont limités à mesurer l’effet sur la sortie du chômage compte tenu des données à disposition (Granier et Joutard, 1999 ; Gurgand 2009 ; Fremigacci et Terracol, 2013). Fontaine et Rochut (2014) se sont par la suite intéressés à la qualité de l’emploi repris hors activité 36réduite, en étudiant notamment l’effet de l’activité réduite sur le salaire et le nombre d’heures du contrat de travail de l’emploi en reprise. Si les auteurs aboutissent au résultat suivant lequel l’activité réduite a un effet positif sur le retour à l’emploi à long terme, ils montrent à partir de modèles de « matching dynamique » (Lechner, 2008 ; Frederiksson et Johanssen, 2008) qu’il n’y a pas d’effet positif sur le salaire en emploi et le nombre d’heures travaillées. Auray et Lepage-Saucier (2016) ont mobilisé les mêmes données – le FH-DADS 2004 (Fichier historique – Déclarations Annuelles de Données Sociales 2004) – mais utilisent des approches de chronologie des évènements (« timing of events ») d’Abbring et Van den Berg (2003) pour analyser le rôle de l’activité réduite sur la sortie du chômage. Ils mettent en évidence un effet tremplin positif de la pratique d’une activité réduite. Joutard et al. (2016), à partir des mêmes modèles de « timing of events » et des mêmes données montrent que l’activité réduite semble globalement avoir un effet tremplin sur la sortie du chômage (mesurée par la sortie des fichiers de Pôle emploi). Cependant, les données mobilisées ne permettent pas d’avoir des informations sur l’accès à un emploi et sur le type d’emploi retrouvé. Ainsi, afin de mieux interroger l’idée de trappe à précarité, ils mesurent également la durée observée avant une nouvelle période de chômage. Par le biais de cette mesure, Joutard et al. (2016) montrent que l’activité réduite n’aurait pas d’effet significatif sur la qualité des emplois recouvrés, puisqu’il semblerait que ces emplois appartiennent à un « mauvais segment » du marché du travail, caractérisé par des emplois non pérennes. Leur conclusion rejoindrait ainsi celle des autres études menées sur la qualité des emplois repris suite à la pratique d’une activité réduite (Fontaine et Rochut, 2014 ; Issehnane et al., 2016). Cette recherche s’inscrit dans la continuité du travail réalisé par Fontaine et Rochut (2014) en tenant compte de la qualité de l’emploi, notamment à travers la nature du contrat de travail.
Toutes les recherches menées mettent en évidence des effets complexes et hétérogènes selon les caractéristiques sociodémographiques des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite. Fremigacci et Terracol (2013), plus récemment Joutard et al. (2016) et Auray et Lepage-Saucier (2016), soulignent que les individus qui présentent les caractéristiques les moins favorables à la reprise d’un emploi, comme les demandeurs d’emploi de longue durée ou les séniors, sont ceux qui 37ont le moins souvent recours à l’activité réduite alors que ce sont eux qui ont plus de chances de bénéficier d’un effet tremplin positif. Déjà dans les années 90, Eydoux (1997) avait mis en évidence une diversité des profils des demandeurs d’emploi qui exercent une activité réduite à partir du Fichier historique de Pôle emploi. Nous nous inscrivons dans cette démarche qui vise à rendre compte d’une diversité de trajectoires de demandeurs d’emploi ayant eu recours à une activité réduite selon le profil des demandeurs d’emploi. Plus récemment, Gonthier et Vinceneux (2017) investissent la question des trajectoires des demandeurs d’emploi indemnisés en étudiant le recours plus ou moins fréquent à l’activité réduite et l’importance du cumul allocation/salaire, dans l’objectif de simuler le niveau de vie des personnes en activité réduite en tenant compte des prestations de solidarité.
Dans ce contexte, nous nous intéressons aux parcours de l’ensemble des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite, afin de mettre en évidence leur trajectoire de sortie ou d’enfermement, grâce à la mobilisation de données complémentaires au Fichier historique de Pôle emploi, les Déclarations Préalables à l’Embauche, qui nous permettent de suivre les individus une fois sortis des fichiers de demandeurs d’emploi. De plus, l’objectif de cet article est de coupler notre analyse quantitative avec une enquête de terrain afin d’affiner notre compréhension des trajectoires des demandeurs d’emploi, notamment celles qui s’accompagnent d’un retour à l’emploi et celles qui s’inscrivent dans une pratique durable de l’activité réduite. Nous présentons dans la prochaine partie les données et les méthodologies mobilisées afin de distinguer la diversité de ces trajectoires.
II. La construction d’une typologie de trajectoires
de demandeurs d’emploi en activité :
données et méthodologie
Cet article s’appuie sur une approche mixte, mobilisant une analyse quantitative et qualitative, afin de mettre en évidence les effets des différentes caractéristiques des demandeurs d’emploi qui ont connu au moins 38une expérience d’activité réduite dans leur trajectoire. Pour cela, nous avons construit une typologie des trajectoires des demandeurs d’emploi qui ont eu recours à au moins une activité réduite à partir d’une méthode d’optimal matching en mobilisant un panel constitué par la fusion des données du FH-D3 et des DPAE. Cette analyse longitudinale permet de mettre en évidence des groupes de trajectoires types en fonction du recours plus ou moins durable à une activité réduite et la sortie vers un emploi lui aussi plus ou moins pérenne. Nous avons ensuite caractérisé ces différents groupes de trajectoires à partir de leurs variables individuelles et professionnelles. Cette analyse descriptive est ainsi couplée à notre enquête de terrain qui permet d’éclairer les différentes trajectoires à travers les parcours biographiques des demandeurs d’emploi en fonction de leurs caractéristiques. Nous présentons les données mobilisées (1), puis la méthode d’optimal matching qui nous permet de construire notre typologie (2), et enfin notre méthode d’enquête de terrain (3).
II.1. Les données : la construction d’un panel
de demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite
En premier lieu, le FH-D3 est composé du Fichier historique statistique des demandeurs d’emploi (FHS) de Pôle emploi et du segment D3 (issu du Fichier national des allocataires). Le FHS de Pôle emploi nous permet de distinguer les épisodes d’inscription à Pôle emploi, le recours ou non à une activité réduite, les caractéristiques individuelles des demandeurs d’emploi, le lieu d’habitation, ainsi que les caractéristiques de l’emploi précédant l’inscription à Pôle emploi. Le segment D3 nous permet d’avoir accès aux caractéristiques de l’indemnisation. Il est en effet essentiel de prendre en compte le statut vis-à-vis de l’indemnisation dans le recours à l’activité réduite et dans les trajectoires des demandeurs d’emploi suivis. Notre échantillon se compose ainsi de toute la population des demandeurs d’emploi en France métropolitaine, quel que soit leur régime d’indemnisation. Nous considérons qu’une personne est indemnisable si elle a une demande d’indemnisation ouverte tout au long du mois d’inscription à Pôle emploi. Nous prenons également en compte le bénéfice du revenu de solidarité active (RSA) disponible dans le FHS.
Les DPAE nous permettent de disposer d’informations supplémentaires sur les caractéristiques des emplois en activité réduite, ainsi que sur les emplois à la sortie des listes de Pôle emploi : le contrat de travail, 39la durée du travail (annuelle, mensuelle ou hebdomadaire), l’activité et la taille de l’établissement ainsi que la qualification du poste. Cependant, nous n’avons pas pu exploiter les variables renseignant la qualification du poste et les durées du travail, car celles-ci sont très mal renseignées (respectivement 99 % et 97 % de données manquantes). Nous avons pu néanmoins dégager des informations utiles à une meilleure connaissance des activités réduites, notamment la nature du contrat de travail. C’est cette dernière variable que nous mobilisons afin de caractériser nos états. Rappelons que la déclaration d’embauche d’un salarié est obligatoire pour les employeurs auprès des organismes de protection sociale (Urssaf ou MSA pour les salariés agricoles), quelles que soient la durée et la nature du contrat de travail. Cette obligation exclut les particuliers employeurs.
Nous avons procédé à une fusion des différentes bases de données disponibles (FH-D3, puis FH-D3-DPAE) afin de réaliser un panel mensuel des demandeurs d’emploi de 2012 à la fin 2013. Ce panel vise à disposer d’une observation par mois pour chaque demandeur d’emploi pour l’ensemble des régions en France métropolitaine. L’objectif de ce panel est de pouvoir suivre les trajectoires des demandeurs d’emploi durant toute la période considérée. L’appariement du FH-D3 avec les DPAE fournit ainsi une meilleure description de la qualité de l’emploi occupé en activité réduite et de l’emploi occupé a posteriori. Pour des raisons liées à notre modélisation, nous avons réduit notre champ afin de ne prendre en compte que les individus qui sont rentrés à Pôle emploi au cours du premier trimestre. Notre échantillon se compose donc des personnes qui se sont inscrites à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 en France métropolitaine – que nous suivons jusqu’en décembre 2013 – et ayant connu au moins un épisode d’activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription en tant que demandeur d’emploi (t+12). Nous créons une variable d’intérêt à partir des informations du FHS de Pôle emploi et des DPAE permettant de savoir à chaque mois si le demandeur d’emploi est inscrit dans une des catégories de Pôle emploi et plus particulièrement s’il effectue une activité réduite (catégories B et C en spécifiant le seuil des 110 heures), ou s’il sort des fichiers de Pôle emploi. Dans ce dernier cas, nous pouvons : (1) soit repérer l’individu grâce aux DPAE – il peut être soit en CDD/CTT soit en CDI ; (2) soit ne retrouver l’individu ni dans le FH, ni dans les DPAE, auquel cas, il peut être inactif, chômeur non inscrit à Pôle emploi ou salarié, notamment 40chez un particulier-employeur. Ce panel est ainsi constitué de 46 492 trajectoires (une trajectoire correspond à un individu observé).
II.2. La construction de la typologie
par une méthode d’optimal matching
Afin de réaliser une typologie des trajectoires des demandeurs d’emploi ayant recours à l’activité réduite, nous utilisons les méthodes d’appariement optimal (voir par exemple Studer, 2012). Ces méthodes reposent, dans un premier temps, sur l’utilisation d’une mesure de distance entre trajectoires pour en déduire, dans un second temps, une typologie permettant d’identifier et d’analyser les régularités existantes dans les trajectoires des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite. Nous présentons successivement ces deux étapes.
II.2.1. Calcul des distances entre séquences
Une séquence est définie comme une liste ordonnée d’états, chaque état correspondant à une situation dans laquelle se trouve un individu à un moment donné. Par exemple, une séquence pourrait correspondre au fait d’être inscrit en tant que demandeur d’emploi de catégorie A au mois de janvier à septembre 2012, puis être inscrit en demandeur d’emploi de catégorie B d’octobre à décembre 2012, puis occuper un CDI jusqu’en décembre 2013 (date après laquelle nous n’observons plus les individus composant notre échantillon).
Les états qui composent nos trajectoires sont les suivants :
1. catégorie A (demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, sans emploi) ;
2. catégorie B (demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite courte, i.e. de 78 heures ou moins au cours du mois) ;
3. catégorie C1 (demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue, i.e. plus de 78 heures au cours du mois avec une limite de 110 heures6) ;
414. catégorie C2 (demandeurs d’emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, ayant exercé une activité réduite longue, i.e. de plus de 110 heures au cours du mois) ;
5. catégorie D (demandeurs d’emploi non tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en raison d’un stage, d’une formation ou d’une maladie, sans emploi) ;
6. catégorie E (demandeurs d’emploi non tenus de faire de actes positifs de recherche d’emploi, en emploi, par exemple les bénéficiaires de contrats aidés) ;
7. contrat à durée déterminée (CDD) ou contrat de travail temporaire (CTT) ;
8. contrat à durée indéterminée (CDI) ;
9. état manquant : ces individus peuvent avoir retrouvé un emploi (par exemple salarié chez un particulier-employeur), être devenus inactifs ou actifs inoccupés sans être inscrits à Pôle emploi.
La distance entre deux séquences est calculée à partir des opérations réalisées (insertion d’un élément, suppression d’un élément ou substitution d’un élément par un autre) pour passer d’une séquence à l’autre. Chaque opération se voit affecter un coût spécifique et la distance entre deux séquences correspond à la somme des coûts des opérations nécessaires pour transformer une séquence en une autre. L’objectif des méthodes d’optimal matching est de déterminer le coût total minimal de transformation. Les opérations d’insertion et de suppression vont avoir un coût différent des opérations de substitution dans la mesure où les premières font émerger l’enchainement des états entre les séquences, au détriment de leur structure temporelle, alors que les secondes préservent la structure temporelle des séquences pour comparer les états à position constante (Lesnard et de Saint Pol, 2006). Les coûts de substitution sont estimés à partir des taux de transition entre états (Rohwer et Pötter, 2005). De cette manière, le coût de substitution entre états augmentera à mesure que la probabilité de transition entre ces états diminuera (Pollock et al., 2002). Nous fixons ensuite le coût d’une opération d’insertion-suppression à la moitié du coût de substitution maximal7 afin de comparer les séquences en tenant compte à la fois de 42leur contemporanéité et de l’ordonnancement des états. Une fois les distances entre les différentes séquences calculées, il nous est possible de procéder à la création d’une typologie des séquences des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite.
II.2.2. Création d’une typologie
La construction d’une typologie des séquences, i.e. le regroupement de la population composant l’échantillon en plusieurs groupes sur la base des caractéristiques communes entre ces séquences, se fait en utilisant une procédure de classification. Les groupes sont construits de façon à ce qu’ils soient les plus homogènes possibles tout en étant les plus différents possibles les uns des autres. La typologie8 retenue a été construite à l’aide de l’algorithme PAM (Partioning Around Medoids) en six groupes9. Il s’agit d’un algorithme dont le fonctionnement est fondé sur la recherche de k objets représentatifs, appelés médoïdes, qui minimisent la somme des différences des observations à leur plus proche objet représentatif.
Cet algorithme fonctionne en deux étapes. Dans un premier temps, il est initialisé en cherchant les observations qui minimisent la somme pondérée des distances aux médoïdes existants (choisis aléatoirement). Dans un second temps, il calcule pour l’ensemble des observations le gain résultant d’un échange entre les médoïdes existants avec une observation et procède effectivement à l’échange si la qualité de la partition est améliorée par cette opération. L’algorithme continue jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible d’améliorer la qualité du partitionnement. Grâce à cette méthode, nous mettons en évidence des trajectoires de « différentes qualités » plus ou moins marquées par une activité réduite durable.
Par ailleurs, nous exploitons une enquête de terrain afin d’éclairer ces trajectoires par les parcours biographiques des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite.
43II.3. L’enquête de terrain
La quarantaine d’entretiens semi-directifs prévue initialement concourent à enrichir l’analyse des « grands nombres » (Desrosières, 1993) de la trajectoire sociale et professionnelle de demandeurs d’emploi qui recourent ou ont recouru à l’activité réduite. Cette modalité de recherche met l’accent sur l’expérience des acteurs qui, à travers leurs récits biographiques, peuvent mettre en lumière un certain nombre de motivations et de ressorts qui les ont conduits à la situation professionnelle dans laquelle ils se trouvent, ou se sont trouvés.
Dans le cadre de cette recherche, 36 entretiens semi-directifs ont ainsi été menés dans trois régions différentes. Malgré l’accord de principe des demandeurs d’emploi et la rigueur des protocoles mis en place par les agences, quelques personnes ne se sont pas présentées le jour de l’entretien, ce qui réduit très légèrement le nombre de récits biographiques collectés. Les territoires explorés sont les suivants : Paris, la petite couronne, la Bretagne et la Picardie. L’objectif était d’interroger des demandeurs d’emploi dans des bassins d’emploi différents notamment en termes de secteurs d’activité.
La mise en œuvre de cette enquête de terrain s’appuie sur une coordination avec les agences Pôle emploi. La sélection des demandeurs d’emploi en activité réduite interrogés dans le cadre de l’enquête de terrain a été faite par les agences locales de l’emploi participantes car nous ne pouvions pas accéder aux fichiers nominatifs de Pôle emploi. Il est certain que cette disposition induit des biais importants dans l’étude mais aucune alternative satisfaisant les différentes parties n’a pu être trouvée. Afin de minimiser les effets de ce biais, il a été nécessaire de se coordonner avec les responsables d’agences impliqués dans la démarche, en définissant notamment les critères de sélection des futurs participants à l’enquête et le nombre d’entretiens attendus. Une note-argumentaire a été transmise aux agences concernées. Elle synthétisait les objectifs de l’étude et proposait un cadre commun négocié qui devait uniformiser autant que faire se peut les étapes de l’enquête qui échappaient au contrôle de l’équipe de recherche. L’équipe de chercheurs a été mise en relation avec 13 agences locales de l’emploi dans les trois régions précédemment citées.
44L’étude qualitative10 permet ainsi d’affiner et de compléter les résultats quantitatifs. Les profils rencontrés diffèrent en effet selon le niveau de formation, les caractéristiques sociodémographiques, le niveau de qualification, la trajectoire professionnelle et le régime d’indemnisation. D’autres facteurs de distinction apparaissent dans les trajectoires professionnelles et personnelles des demandeurs d’emploi, que les données quantitatives ne révèlent pas : la situation financière et patrimoniale ; le statut marital, la situation du conjoint et les personnes à charge ; les « évènements impactant la trajectoire » (santé, prison, accidents du travail, divorce, retrait de l’autorité parentale, addiction) ; le type de résidence et la mobilité (type de logement, quartier ségrégé, problème de déplacement) ; les facteurs possibles de discrimination (couleur de peau, religion, handicap) ; enfin la relation avec Pôle emploi.
Après avoir présenté les méthodologies utilisées, nous présentons notre typologie de demandeurs d’emploi en activité réduite en différents groupes de trajectoires.
III. Typologie des trajectoires des demandeurs
d’emploi passés par l’activité réduite
Au cours des 24 mois de l’analyse, les demandeurs d’emploi passent en moyenne par 4 statuts distincts. Alors que 1/3 du temps total se caractérise par l’inscription dans la catégorie A, seulement 1 mois sur 24 se caractérise par l’occupation d’un CDI. Pour les demandeurs d’emploi qui connaissent au moins un épisode en CDI (13 % d’entre eux), leurs trajectoires sont durablement marquées par cet état dans la mesure où 40 % de leurs trajectoires individuelles se déroulent en CDI. En sus d’une analyse de temps moyen passé dans chaque statut, l’analyse de séquences nous paraît apporter une plus-value résidant dans la prise en compte des états les moins fréquents et des nombreuses transitions qui existent dans les trajectoires. Elle a l’avantage de dépasser une approche centrée uniquement sur l’occupation moyenne d’un état pour se concentrer sur les trajectoires des demandeurs d’emploi dans leur ensemble, avec leurs continuités et 45leurs ruptures. Nous commençons par présenter les six groupes de cette typologie des trajectoires des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite (figure 1). Pour chaque période, nous représentons la distribution des états composant les trajectoires individuelles pour chacun des groupes de la typologie. Nous indiquons également l’état le plus fréquent pour chaque période et pour chaque groupe (figure 2). Nous représentons ensuite la diversité des situations de chaque groupe à l’aide de l’entropie11 (figure 3). Enfin, nous reportons la durée moyenne passée dans chaque état par l’individu moyen du groupe considéré (tableau 1).
Fig. 1 – Chronogramme de la typologie en 6 classes
des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite.
Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription (calculs réalisés sur 41 985 séquences représentatives).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
46Fig. 2 – État modal à chaque période.
Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription (calculs réalisés sur 41 985 séquences représentatives).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Fig. 3 – Entropie de chaque classe.
47Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription (calculs réalisés sur 41 985 séquences représentatives).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Note de lecture : Les contours des rectangles représentent, pour chaque groupe, la valeur prise par l’entropie au premier et au troisième quartile de la distribution (respectivement 0,33 et 0,58 dans le groupe 1). La barre horizontale dans ces rectangles indique la valeur médiane (0,47 dans le groupe 1). Les barres extérieures indiquent une fois et demi l’écart interquartile (0 et 0,85 dans le groupe 1). Les valeurs aberrantes sont représentées par des ronds en dehors de ces délimitations. Rappelons que l’entropie vaut 0 lorsque la trajectoire individuelle ne connaît pas de variabilité et elle vaut 1 lorsque cette dernière passe par l’ensemble des états avec des durées similaires.
États |
Groupe 1 : trajectoires en activité réduite courte (9 %) |
Groupe 2 : trajectoires vers un CDI (8 %) |
Groupe 3 : sortie des fichiers FH et DPAE (27 %) |
Groupe 4 : trajectoires en activité réduite longue (16 %) |
Groupe 5 : trajectoires vers un CDD/CTT (10 %) |
Groupe 6 : trajectoires en catégorie A (30 %) |
Ensemble |
Répartition des états |
|||||||
Catégorie A |
22 |
20 |
18 |
23 |
25 |
59 |
32 |
Catégorie B |
48 |
6 |
7 |
13 |
8 |
11 |
13 |
Catégorie C ≤ 110h |
9 |
3 |
3 |
11 |
3 |
4 |
5 |
Catégorie C > 110h |
6 |
5 |
5 |
38 |
7 |
5 |
11 |
Catégorie D |
2 |
1 |
1 |
2 |
1 |
2 |
2 |
Catégorie E |
2 |
1 |
2 |
2 |
2 |
4 |
2 |
Emploi en CDD/CTT |
2 |
2 |
1 |
3 |
46 |
3 |
7 |
Emploi en CDI |
1 |
56 |
0 |
1 |
1 |
1 |
5 |
Manquant |
8 |
6 |
63 |
8 |
8 |
10 |
23 |
Tab. 1 – Répartition des états au sein de chaque groupe (en %).
48Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription (calculs réalisés sur 41 985 séquences représentatives).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Note de lecture : Sur toute la période d’observation, 22% des états qui composent les trajectoires du groupe 1 se déroulent en « catégorie A ».
Le premier groupe de la typologie (représentant 9 % de l’échantillon) est composé principalement des trajectoires des individus qui sont durablement en activité réduite courte (catégorie B). Certains connaissent des déviations – cependant limitées – par rapport à cette norme, notamment via un passage en catégorie A. La catégorie B représente 48 % de l’ensemble des états composant les trajectoires de ces individus.
Le deuxième groupe (8 % de l’échantillon) correspond aux trajectoires des individus passant par l’activité réduite très rapidement, s’inscrivant généralement quelques mois également en catégorie A, qui retrouvent un emploi stable à durée indéterminée (principalement entre les mois d’avril 2012 et d’avril 2013). Le CDI représente 56 % de l’ensemble des états de ce groupe et la part des personnes en CDI croît dans le temps (voir figure 2), soulignant l’effet du passage par cet état sur la suite de la trajectoire.
Le troisième groupe (27 % de l’échantillon) regroupe les individus qui ne sont plus ni dans le FH-D3 ni dans les DPAE. Ces individus peuvent donc être salariés, par exemple chez un particulier employeur, être inactifs ou chômeurs non-inscrits à Pôle emploi. Outre le passage par l’activité réduite, les personnes de ce groupe peuvent connaître un épisode en tant que chômeur de catégorie A avant de disparaître de notre échantillon. 63 % des états composant les trajectoires des personnes de ce groupe apparaissent comme étant manquants. Ce groupe est celui qui connaît le moins de variabilité avec l’entropie la plus faible. Ce groupe rappelle tout l’intérêt de disposer d’enquêtes qualitatives complémentaires afin de comprendre qui sont les individus qui n’apparaissent plus dans nos bases de données.
Le quatrième groupe (totalisant 16 % de l’échantillon) regroupe les trajectoires des demandeurs d’emploi inscrits durablement en activité réduite longue à un volume horaire supérieur à 110 heures par mois (38 % des états des trajectoires des demandeurs d’emploi de ce groupe de catégorie C > 110 heures). C’est ce groupe qui connaît le plus de diversité (voir figure 3), caractérisé par des passages dans d’autres catégories 49A (23 % des trajectoires), B (13 %) et C moins de 110 heures (11 %) principalement.
Le cinquième groupe (10 % de l’échantillon) est celui des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite qui trouvent ensuite un CDD ou un CTT. De la même manière que les personnes qui trouvent un CDI à la suite d’un passage par l’activité réduite, ceux qui trouvent un CDD ou un CTT le trouvent entre avril 2012 et avril 2013 (l’état modal de CDD dans le groupe 5 est légèrement décalé dans le temps par rapport à celui du CDI dans le groupe 2). Globalement, les individus de ce groupe restent en CDD/CTT jusqu’à la fin de la période où on les observe (décembre 2013).
Le dernier groupe (totalisant 30 % de l’échantillon), le plus important, est composé des séquences des individus passant par l’activité réduite mais étant durablement inscrits en tant que demandeurs d’emploi de catégorie A. La catégorie A représente 59 % de l’ensemble des états composant les trajectoires des individus de ce groupe.
Les caractéristiques sociodémographiques, professionnelles et d’indemnisation des demandeurs d’emploi de ces différents groupes de trajectoires, ainsi que leurs parcours biographiques, sont analysés dans la partie suivante.
IV. Parcours biographiques et caractéristiques sociodémographiques et professionnelles
des demandeurs d’emploi passés
par l’activité réduite selon leur trajectoire
Pour chacune des six trajectoires types, nous décrivons le profil moyen des demandeurs d’emploi passés par l’activité réduite (tableaux 2 à 4). La dialectique entre l’analyse des données de Pôle emploi et des DPAE et l’enquête de terrain permet de saisir le lien entre les profils types et le parcours des participants à l’enquête de terrain. Parmi les six classes, quatre seulement trouvent une incarnation dans l’enquête de terrain : les groupes 1 – 4 – 5 et 6 puisque par nature les situations des personnes des deux groupes restants (en CDI et sortis des fichiers FH et DPAE) les excluent de l’enquête (cf. méthodologie).
50
Caractéristiques individuelles |
Groupe 1 : trajectoires en activité réduite courte (9 %) |
Groupe 2 : trajectoires vers un CDI (8 %) |
Groupe 3 : sortie des fichiers FH et DPAE (27 %) |
Groupe 4 : trajectoires en activité réduite longue (16 %) |
Groupe 5 : trajectoires vers un CDD/CTT (10 %) |
Groupe 6 : trajectoires en catégorie A (30 %) |
Total |
Age |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
||
Moins de 25 ans |
17 |
21 |
31 |
22 |
35 |
27 |
27 |
Entre 25 et 49 ans |
64 |
71 |
61 |
67 |
60 |
63 |
63 |
50 ans et plus |
19 |
7 |
8 |
11 |
5 |
10 |
10 |
Sexe |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
||
Masculin |
33 |
51 |
46 |
53 |
59 |
53 |
50 |
Féminin |
67 |
49 |
54 |
47 |
41 |
47 |
50 |
Nationalité |
* |
*** |
*** |
*** |
*** |
||
Française |
87 |
91 |
88 |
87 |
92 |
87 |
88 |
Étrangère |
13 |
9 |
12 |
13 |
8 |
13 |
12 |
Situation matrimoniale |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Célibataire |
44 |
51 |
58 |
51 |
64 |
57 |
55 |
Divorcé, veuf |
11 |
7 |
6 |
8 |
5 |
8 |
7 |
Marié, concubinage |
46 |
41 |
36 |
42 |
31 |
34 |
37 |
Nombre d’enfants |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
||
Pas d’enfant |
55 |
62 |
69 |
61 |
72 |
66 |
65 |
1 ou 2 enfant(s) |
33 |
31 |
24 |
30 |
23 |
26 |
27 |
3 enfants |
12 |
7 |
7 |
9 |
5 |
8 |
8 |
Handicap |
*** |
* |
*** |
* |
*** |
||
Oui |
4 |
2 |
2 |
2 |
2 |
4 |
3 |
Non |
96 |
98 |
98 |
98 |
98 |
96 |
97 |
Région |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
51
Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine |
8 |
8 |
8 |
8 |
8 |
9 |
8 |
Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes |
10 |
9 |
9 |
10 |
10 |
9 |
9 |
Auvergne-Rhône-Alpes |
12 |
12 |
13 |
12 |
15 |
12 |
12 |
Bourgogne-Franche-Comté |
3 |
3 |
4 |
5 |
4 |
4 |
4 |
Bretagne |
6 |
5 |
6 |
6 |
6 |
5 |
6 |
Centre-Val de Loire |
5 |
4 |
4 |
4 |
4 |
5 |
4 |
Corse |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Île de France |
16 |
24 |
18 |
14 |
16 |
17 |
17 |
Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées |
10 |
8 |
9 |
9 |
9 |
10 |
9 |
Nord-Pas-de-Calais-Picardie |
10 |
8 |
8 |
10 |
9 |
10 |
9 |
Normandie |
7 |
4 |
5 |
6 |
6 |
5 |
5 |
Pays de la Loire |
6 |
5 |
6 |
8 |
7 |
6 |
6 |
Provence-Alpes-Côte d’Azur |
8 |
8 |
9 |
7 |
7 |
9 |
8 |
Tab. 2 – Caractéristiques sociodémographiques
des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite.
Niveau de significativité : * p < 0,05, ** p< 0,01, *** p< 0,001 (test du khi-deux).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription.
Note de lecture : Parmi les demandeurs d’emploi appartenant à une trajectoire marquée par une activité réduite courte durable (groupe 1), 19 % sont âgés de 50 ans et plus.
52Les groupes 2 et 5 (totalisant un peu moins de 20 % de l’échantillon) correspondent aux trajectoires des individus qui sont passés par l’activité réduite et qui ont retrouvé un emploi, soit en CDI (groupe 2) soit en CDD/CTT (groupe 5). En plus d’être passés par l’activité réduite, la plupart ont également été inscrits en tant que demandeurs d’emploi de catégorie A avant de retrouver un emploi.
Les demandeurs d’emploi du groupe 2 sont plus souvent des actifs âgés de 25 à 49 ans, résidant en Île-de-France (voir tableau 2). Ils sont plus fréquemment diplômés du supérieur (notamment au niveau Bac+3 et plus), ce qui les amènent à accéder plus facilement à une position stabilisée dans le système d’emploi et à occuper des postes de cadres (voir tableau 3). Ils sont plus fréquemment devenus demandeurs d’emploi suite à une rupture conventionnelle et sont moins souvent issus de l’intérim. Par ailleurs, la part des bénéficiaires du RSA est légèrement plus faible dans ce groupe. En outre, au moment de leur inscription en tant que demandeurs d’emploi, ils sont les plus nombreux à avoir été indemnisés par le régime d’assurance chômage ou de solidarité (voir tableau 4). Parmi ceux qui bénéficient d’une allocation d’assurance chômage, la majorité appartient au régime général.
Les demandeurs d’emploi du groupe 5 ayant exercé au moins une fois une activité réduite constituent le groupe le plus jeune de l’échantillon avec une part importante de personnes de moins de 25 ans. Les individus qui retrouvent un CDD/CTT sont plus nombreux à être célibataires et à ne pas avoir d’enfant. Les individus de ce groupe sont majoritairement des hommes, ce qui s’explique notamment par la nature des contrats de travail suite à leur période d’activité réduite : ils sont ainsi plus nombreux à s’inscrire à Pôle emploi suite à une fin de période d’intérim ou à la suite d’un contrat aidé ou d’un CDD et ils sont plus souvent indemnisés au titre des Annexes 4 qui leur sont destinées12. Ils bénéficient davantage du régime d’assurance chômage lors de leur inscription à Pôle emploi. Ils sont moins diplômés que ceux dont la trajectoire mène à un CDI, mais plus diplômés que l’ensemble des demandeurs d’emploi ayant exercé une activité réduite. Plus de la moitié d’entre eux sont des employés qualifiés, techniciens ou agents de maitrise.
53Les individus interrogés lors de l’enquête de terrain, dont les caractéristiques se rapprochent de ce groupe, sont en majorité des jeunes, alternent des emplois courts et des périodes de chômage et pour certains des phases d’indépendance et des retours dans leur famille comme l’a vécu Marine :
Après, j’ai vécu vraiment presque pendant huit mois toute seule dans mon appartement. […] Voilà. Ils [ses parents] m’ont proposé [de la loger], je n’avais pas trop le choix parce que du coup avec ce que je gagnais, ce n’était pas assez pour payer le loyer parce qu’il était cher, je n’avais plus d’APL. Donc voilà, je n’ai pas eu le choix que de rentrer puisque j’avais des impayés, voilà (Marine, 25 ans, Bac+2).
Tous les jeunes rencontrés dans le cadre de l’enquête de terrain cumulent les contrats courts qui les empêchent de décohabiter. L’autonomie est l’horizon que tous visent, mais qu’ils n’arrivent pas à concrétiser de façon pérenne. Au moment de l’enquête, John, 24 ans, possède un Bac pro qu’il a complété par un BTS management des unités commerciales en alternance, sans en obtenir le diplôme néanmoins. Il a travaillé 2 ans ½ dans une surface commerciale : 2 ans en alternance et 6 mois en CDD pour remplacer une personne absente pour maladie. À la suite de cette période d’activité, il s’inscrit à Pôle emploi et perçoit une indemnité modeste. Désireux de vivre avec sa compagne, il cherche activement un emploi dans la grande distribution. Cependant, les seuls emplois qu’il décroche sont des CDD payés au SMIC et qui ne débouchent jamais sur un emploi pérenne ; il alterne ainsi les contrats courts et les périodes de chômage :
L’activité réduite, ce qu’il y a, c’est que plusieurs fois, j’ai des emplois. Après ça, c’est, j’ai fait chômage, emploi, chômage, je n’ai fait que ça, quoi […].
En quête de stabilité professionnelle et personnelle, il a opté, au moment de l’entretien, pour un contrat de professionnalisation de 9 mois dans une grande enseigne commerciale. Il a l’impression de ne rien apprendre mais il espère que la qualité de son travail lui permettra de se voir proposer un CDI :
C’est un contrat pro, donc, un CDD de 9 mois quoi. [Et qu’est-ce que vous espérez en fait après ça ?]. Un CDI.
54La jeune vie professionnelle heurtée de John le contraint à vivre chez ses parents. Cependant, ces derniers ont le projet de déménager dans un proche avenir, ce qui renforce le sentiment d’insécurité de leur fils.
Ce qu’il y a, c’est que mes parents, ils vont déménager en fin d’année, donc, je n’ai pas le choix […] mais moi, ce qu’il y a, c’est qu’il faut que je me loge aussi […] Je n’ai pas envie d’être Tanguy non plus, quoi. C’est surtout ça. Je veux être indépendant au max, quoi et 24 ans ça commence déjà à le faire (John, 24 ans, Bac+2).
Caractéristiques individuelles |
Groupe 1 : trajectoires en activité réduite courte (9 %) |
Groupe 2 : trajectoires vers un CDI (8 %) |
Groupe 3 : sortie des fichiers FH et DPAE (27 %) |
Groupe 4 : trajectoires en activité réduite longue (16 %) |
Groupe 5 : trajectoires vers un CDD/CTT (10 %) |
Groupe 6 : trajectoires en catégorie A (30 %) |
Total |
Formation |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Aucun diplôme |
5 |
2 |
3 |
4 |
2 |
4 |
4 |
Certificat d’étude primaire ; collège, y compris BEPC |
13 |
6 |
9 |
10 |
8 |
12 |
10 |
Seconde, première |
2 |
1 |
2 |
2 |
1 |
2 |
2 |
CAP, BEP |
36 |
30 |
32 |
39 |
38 |
40 |
36 |
BAC |
21 |
22 |
25 |
23 |
24 |
22 |
23 |
BAC +2 |
10 |
18 |
13 |
12 |
15 |
10 |
12 |
BAC +3 et plus |
13 |
21 |
16 |
10 |
13 |
10 |
13 |
Qualification |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Manœuvres, Ouvriers spécialisés et Ouvriers qualifiés |
16 |
14 |
18 |
30 |
27 |
26 |
23 |
Employés non qualifiés |
24 |
13 |
21 |
17 |
17 |
22 |
20 |
55
Employés qualifiés |
49 |
47 |
46 |
42 |
41 |
41 |
44 |
Techniciens et agents de maitrise |
7 |
12 |
9 |
8 |
10 |
6 |
8 |
Cadres |
4 |
14 |
6 |
3 |
4 |
5 |
5 |
Motif d’inscription |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Licenciement économique |
4 |
4 |
2 |
4 |
3 |
3 |
3 |
Autre licenciement |
15 |
16 |
9 |
11 |
9 |
13 |
12 |
Démission |
5 |
5 |
6 |
5 |
5 |
4 |
5 |
Rupture conventionnelle |
8 |
13 |
5 |
6 |
6 |
7 |
7 |
Fin de contrat aidé ou à dure déterminée |
27 |
33 |
30 |
29 |
34 |
27 |
30 |
Fin d’intérim |
5 |
5 |
8 |
14 |
14 |
8 |
9 |
Primo arrivant |
5 |
3 |
9 |
5 |
5 |
6 |
6 |
Fin de maladie, maternité |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
Fin d’activité non salariée |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Sortie de stage |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Autres cas |
25 |
17 |
26 |
21 |
20 |
26 |
24 |
Tab. 3 – Caractéristiques professionnelles des demandeurs d’emploi
ayant eu recours à l’activité réduite.
Niveau de significativité : * p < 0,05, ** p< 0,01, *** p< 0,001 (test du khi-deux).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription.
56Note de lecture : Parmi les demandeurs d’emploi appartenant à une trajectoire marquée par une activité réduite courte durable (groupe 1), 13 % ont un diplôme de niveau BAC +3 et plus.
Les groupes 1 et 4 (25 % de l’échantillon) correspondent aux individus passant durablement en activité réduite, principalement en catégorie B pour les personnes du groupe 1 et en catégorie C (> 110 heures) pour celles du groupe 4.
Ces deux groupes sont composés d’individus en moyenne plus âgés que dans le reste de l’échantillon (voir tableau 2). Le groupe 4 comprend des demandeurs d’emploi qui exercent durablement une activité réduite supérieure à 110 heures par mois, soit une durée d’activité supérieure à 80 % d’un temps plein. Le groupe 1, marqué par une intensité plus faible de l’activité réduite, comprend davantage de femmes que le groupe 4 et que l’ensemble des demandeurs d’emploi qui ont exercé une activité réduite suite à leur inscription à Pôle emploi. Les personnes de ce groupe se distinguent également par le fait qu’elles ont davantage d’enfants et qu’elles sont plus souvent divorcées ou veuves. Enfin, la part de personnes reconnues en RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) est sensiblement plus élevée que dans le groupe 4. La part des diplômés du supérieur dans le groupe 1 est plus faible que dans le reste de l’échantillon et les demandeurs d’emploi de ce groupe occupent davantage des postes d’employés, qualifiés ou non qualifiés que la moyenne (voir tableau 3). Le groupe 4 concentre une part importante d’intérimaires, ce que retrouvent également Gonthier et Vinceneux (2017) comme l’un des visages de l’activité réduite marqué par un recours intensif à ce dernier. Cependant, nous montrons que les personnes exerçant un emploi dans les services à la personne comme les assistantes maternelles, des activités le plus souvent à caractère discontinu et à temps partiel, se retrouvent davantage dans le groupe 1 (activité réduite courte) que dans le groupe 4 (voir tableau 5). Cette différence s’explique par le fait que nous évaluons l’intensité du recours à l’activité réduite en tenant compte non seulement du nombre de mois, mais aussi de la durée mensuelle d’activité réduite.
L’enquête de terrain a permis notamment d’interroger des femmes avec des enfants à charge. Parmi elles, nombreuses sont celles qui sont 57séparées ou divorcées. Celles qui sont en activité lors de l’entretien ont du mal à concilier leur vie professionnelle et personnelle. Celles qui élèvent leurs enfants seules tentent de lier les deux aspects tant bien que mal. C’est la situation dans laquelle se trouve Dalila, une femme divorcée de 44 ans, dont les enfants font des études dans le supérieur. Initialement en poste en CDI, elle a subi du harcèlement moral jusqu’au moment où elle a été licenciée dans un contexte où son fils est tombé gravement malade. Par la suite, elle a cumulé de nombreux CDD et missions d’intérim. Elle a ensuite accepté un poste d’employée à temps partiel (moins de 110 heures) mais en CDI. Elle a tenté de cumuler deux emplois mais avec les enfants, ce n’était pas « tenable », elle se contente donc de ce que l’entreprise lui offre et espère accéder à un temps plein dans l’avenir. Elle s’explique ainsi :
Aujourd’hui, le domaine où je suis c’est quelque chose que j’aime bien. Et je n’ai pas trouvé une société où je vais trouver les 35 heures […] J’ai accepté à mi-temps, ils n’avaient pas beaucoup de boulots. Mais il y a l’envie de développer. Et pour se développer, je lui ai dit : Voilà, pour faire tout au bureau, vous ne pouvez pas. Moi, je m’avance [m’engage] avec vous et je fonce à mi-temps, mais à condition s’il y a du boulot, sinon, je ne reste pas. [Vous voulez passer à plein temps, c’est ça ?] Oui.
Arrivée en France dans les années 2000 où elle n’a pas de famille et est sans relais, elle a peu de temps pour trouver un autre emploi.
Oui. Je suis toute seule. Et c’est des enfants qui ont grandi avec moi. Il n’y a pas de famille ici en France. Ils ne savent pas tout. Ils ne connaissent pas tout. Il faut gérer. Il faut gérer les deux choses […] ça fait que je ne peux pas […] m’occuper que de mon boulot et chercher pour moi et de ne faire que ça (Dalila, 44 ans, Bac).
Parmi les entretiens réalisés, celui de Patricia, devenue assistante maternelle suite à son deuxième enfant, alors qu’elle travaillait initialement en CDI dans un supermarché, permet d’éclairer une trajectoire du groupe 1 :
Et puis donc quand je me suis retrouvée enceinte de ma deuxième, mon patron m’a licenciée économique parce que deux grossesses coup sur coup, il ne savait pas à quoi s’en tenir. Bon, il m’a proposé le licenciement économique, sinon il me trouvait une faute professionnelle pour après me virer, donc j’ai accepté.
58Elle est assistante maternelle depuis 25 ans, elle explique ainsi comment elle peut basculer dans une activité réduite.
Et donc mon parcours c’est simple, en étant assistante maternelle, vous avez par moment des contrats. Donc moi, en tous les cas, je suis agréée pour trois enfants, donc j’ai droit à trois enfants. Et donc, quand on a une période où on a trois enfants, et bien tout va bien, on les a tout petit jusqu’à l’âge qu’ils rentrent à l’école. Mais quand les contrats s’arrêtent, on est obligé de s’inscrire à Pôle Emploi. Voilà, en principe je prends toujours des contrats à temps complet et ça m’arrive de prendre des contrats à temps partiel. Ce qu’on appelle à temps partiel, c’est qu’on n’est pas payé sur les 52 semaines dans l’année. On est payé par exemple sur 40 semaines (Patricia, 50 ans, Bac).
Plusieurs demandeurs d’emploi autrefois dans un emploi stable ont connu une rupture dans leur carrière en raison d’une maladie ou d’un accident du travail et illustrent une autre situation proche du groupe 1. C’est le cas de Bertrand, 54 ans, qui a dû arrêter son métier de chauffeur poids lourd en raison de 3 hernies discales, une pathologie courante chez les chauffeurs routiers. Il a été reconnu en qualité de travailleur handicapé, il est dorénavant chauffeur de bus scolaire à temps partiel et ne perçoit plus de cumul avec l’assurance chômage. Leur fils étant atteint de mucoviscidose, sa femme avait dû arrêter de travailler mais dans ses conditions, elle a dû reprendre son poste de surveillante de nuit. C’est également le cas de Samba, 50 ans, qui a travaillé comme couturier pendant 30 ans, notamment dans des grandes maisons de couture. Au moment de l’entretien, il ne travaille que 11h les week-ends comme pompiste dans un hangar à bus.
Mon problème, c’est la santé. Sinon, on peut avoir de quoi vivre. Je ne cherche pas maintenant des milliards. Non, maintenant, j’attends encore. Je ne suis pas… j’attends parce que je vais faire… je vais essayer de voir autre chose. Je vais chercher, comme d’habitude quoi. Parce que moi, le boulot, si ce n’était pas ça, moi le boulot, je peux… parce que dès que je rentre dans un atelier à couture, si je veux, je vous assure Madame, je connais mon métier. Je peux couper, je peux créer, je peux monter, donc, il n’y a aucun problème. Le problème que j’ai, c’est ma maladie. Je n’arrive pas à m’asseoir longtemps. Pour le moment, ça me fait mal. Je ne peux pas, même… avec les douleurs que j’ai, le machin que j’ai là. Pour moi, je peux vous garantir, je ne peux même pas rester ici longtemps là sans partir (Samba, 50 ans, sans diplôme).
59
Caractéristiques individuelles |
Groupe 1 : trajectoires en activité réduite courte (9 %) |
Groupe 2 : trajectoires vers un CDI (8 %) |
Groupe 3 : sortie des fichiers FH et DPAE (27 %) |
Groupe 4 : trajectoires en activité réduite longue (16 %) |
Groupe 5 : trajectoires vers un CDD/CTT (10 %) |
Groupe 6 : trajectoires en catégorie A (30 %) |
Total |
Type d’indemnisation |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) |
53 |
64 |
32 |
58 |
60 |
48 |
48 |
Autres assurances |
1 |
2 |
1 |
2 |
2 |
1 |
2 |
Régime de Solidarité (ASS, etc.) |
2 |
1 |
1 |
2 |
1 |
2 |
2 |
Autres |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Non indemnisé |
44 |
32 |
65 |
38 |
36 |
48 |
48 |
RSA |
*** |
*** |
*** |
* |
*** |
*** |
|
Oui |
9 |
5 |
6 |
7 |
6 |
10 |
8 |
Non |
91 |
95 |
94 |
93 |
94 |
90 |
92 |
Régime d’assurance chômage |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Régime général |
49 |
66 |
32 |
47 |
54 |
45 |
45 |
Régime particulier dont : Intérim |
5 |
5 |
4 |
15 |
14 |
7 |
8 |
Intermittent |
2 |
0 |
0 |
1 |
0 |
0 |
0 |
Autres (y compris inconnus) |
43 |
29 |
63 |
37 |
33 |
48 |
47 |
Tab. 4 – Caractéristiques d’indemnisation
des demandeurs d’emploi ayant eu recours à l’activité réduite.
Niveau de significativité : * p < 0,05, ** p< 0,01, *** p< 0,001 (test du khi-deux).
60Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription.
Note de lecture : Parmi les demandeurs d’emploi appartenant à une trajectoire marquée par une activité réduite courte durable (groupe 1), 44 % ne sont pas indemnisés. Les caractéristiques de l’indemnisation présentées dans le tableau sont les caractéristiques initiales de l’individu i.e. au début de l’étude sa trajectoire.
Les individus du groupe 4 sont quant à eux plus nombreux à être manœuvres, ouvriers spécialisés et ouvriers qualifiés (voir tableau 3). Ils sont ainsi plus nombreux à être indemnisés au titre des Annexes 4 des intérimaires, possèdent l’un des taux d’accès à l’Allocation d’aide au retour à l’emploi les plus élevés et sont généralement plus informés sur leurs droits. Les activités réduites qu’ils ont occupées s’inscrivent en majorité dans des activités de services administratifs et de soutien dans lesquelles on trouve les activités de sécurité, de nettoyage, de centres d’appel ou de conditionnement (voir tableau 5). La surreprésentation de ces secteurs dans les activités réduites exercées pourrait laisser penser que les employeurs de ces secteurs mobilisent sciemment ce dispositif comme une subvention implicite, alors que les études montrent une méconnaissance de ce dispositif par les employeurs (Kornig et Recotillet, 2016).
À l’instar du groupe 5, c’est dans ce groupe, que la proportion de demandeurs d’emploi s’inscrivant à Pôle emploi en raison d’une fin de contrat d’intérim est la plus élevée. Les intérimaires rencontrés dans le cadre de l’enquête de terrain sont tous à la recherche d’un emploi en CDI et ils connaissent davantage leurs droits. Cette forme d’emploi est vue comme un moyen de « faire ses preuves » dans l’entreprise avant l’obtention d’un CDI mais ils sont souvent désabusés comme Sergio l’avance :
Alors, donc je suis en fait intérimaire. Je cherche un poste fixe. Je suis à la recherche d’un CDI durable, sauf que la seule façon de laquelle j’ai l’impression de pouvoir y accéder, et encore entre guillemets y accéder, c’est l’intérim parce que je vois l’intérim travailler beaucoup avec de grosses sociétés. J’ai fait pas mal de missions et puis j’ai besoin de travailler […] Mais en fait, ça n’aboutit pas. Donc en même temps moi, en même temps moi ça me va parce qu’à la fin du mois j’ai quand même un chèque. Nous, on est rémunérés, il y a les ASSEDIC […]. Et donc, j’accepte volontiers les missions. Après en espérant 61que derrière ça nous sert à quelque chose. Sauf que ça n’aboutit presque jamais (Sergio, 34 ans, Cap-Bep).
Nombre d’entre eux ajustent leurs prétentions de par leurs expériences, en redéfinissant leur « travail accessible » (Demazière et Zune, 2016), le CDI à plein temps devenant un horizon inatteignable. Pour d’autres, le but reste le même, c’est-à-dire accéder à un CDI, mais l’évolution du marché du travail a rendu le passage par des contrats d’intérimaire incontournable et ils se plient à cette modalité de recrutement. Rayan est dans ce cas. Il travaille en CDI, comme steward, pendant 7 ans pour une compagnie aérienne basée en Irlande. Il décide de rejoindre sa compagne en région parisienne où il se met à la recherche d’un emploi dans le même secteur d’activité. Il a la forte conviction que l’intérim est devenu le mode de recrutement de beaucoup de compagnies :
Il y a du personnel permanent, bien sûr. Il y a des CDI dans la société dans laquelle je travaille mais actuellement, ils embauchent également des intérimaires puisque, je pense, ils ne sont pas sûrs de l’évolution du secteur de l’aérien actuellement […]Pour revenir sur [Nom de compagnie] on obtient un CDI chez eux au bout de deux ans et demi, trois ans […] Alors, intérim dans un premier temps, on va dire la première année, la deuxième année, on aura des contrats saisonniers […] Puis généralement, en troisième année chez eux, on obtient un CDI (Rayan, 32 ans, Bac+2).
Caractéristiques |
Groupe 1 : trajectoires en activité réduite courte (9 %) |
Groupe 2 : trajectoires vers un CDI (8 %) |
Groupe 3 : sortie des fichiers FH et DPAE (27 %) |
Groupe 4 : trajectoires en activité réduite longue (16 %) |
Groupe 5 : trajectoires vers un CDD/CTT (10 %) |
Groupe 6 : trajectoires en catégorie A (30 %) |
Total |
ROME – Domaines professionnels |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Agriculture et pêche, espaces naturels et espaces verts, soins aux animaux |
3 |
2 |
4 |
4 |
3 |
4 |
4 |
Arts et façonnage d’ouvrages d’art |
1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
1 |
0 |
Banque, assurance, immobilier |
1 |
3 |
2 |
1 |
2 |
1 |
1 |
62
Commerce, vente et grande distribution |
14 |
22 |
17 |
12 |
16 |
18 |
17 |
Communication, media et multimédia |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
Construction, bâtiment et travaux publics |
5 |
8 |
9 |
13 |
15 |
12 |
11 |
Hôtellerie-restauration tourisme loisirs et animation |
10 |
10 |
10 |
6 |
8 |
10 |
9 |
Industrie |
4 |
7 |
7 |
13 |
12 |
8 |
8 |
Installation et maintenance |
2 |
3 |
4 |
4 |
5 |
4 |
4 |
Santé |
4 |
5 |
5 |
5 |
4 |
4 |
4 |
Services à la personne et à la collectivité |
35 |
13 |
21 |
17 |
9 |
16 |
18 |
Spectacle |
4 |
1 |
1 |
1 |
0 |
1 |
1 |
Support à l’entreprise |
9 |
17 |
11 |
10 |
12 |
10 |
11 |
Transport et logistique |
6 |
8 |
7 |
12 |
12 |
10 |
9 |
Secteur d’activité de l’activité réduite exercée chômage |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
*** |
|
Agriculture, sylviculture et pêche |
3 |
2 |
3 |
3 |
2 |
4 |
3 |
Industries extractives |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Industrie manufacturière |
3 |
8 |
5 |
4 |
3 |
4 |
4 |
Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
63
Production et distribution d’eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
Construction |
2 |
7 |
4 |
2 |
3 |
5 |
4 |
Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles |
9 |
19 |
14 |
8 |
7 |
12 |
12 |
Transports et entreposage |
2 |
5 |
2 |
3 |
3 |
3 |
3 |
Hébergement et restauration |
9 |
12 |
7 |
5 |
5 |
10 |
8 |
Information et communication |
3 |
3 |
1 |
2 |
1 |
1 |
2 |
Activités financières et d’assurance |
1 |
3 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Activités immobilières |
1 |
2 |
2 |
2 |
3 |
2 |
2 |
Activités spécialisées, scientifiques et techniques |
4 |
8 |
4 |
3 |
3 |
3 |
4 |
Activités de services administratifs et de soutien |
34 |
15 |
36 |
52 |
56 |
40 |
40 |
Administration publique |
4 |
2 |
3 |
2 |
2 |
2 |
2 |
Enseignement |
2 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
1 |
Santé humaine et action sociale |
11 |
8 |
11 |
10 |
6 |
7 |
9 |
Arts, spectacles et activités récréatives |
7 |
1 |
2 |
1 |
1 |
2 |
2 |
Autres activités de services |
4 |
4 |
3 |
2 |
2 |
3 |
3 |
Tab. 5 – Domaines d’emploi recherché et secteurs de l’activité réduite
la plus importante exercée par les demandeurs d’emploi.
Niveau de significativité : * p < 0,05, ** p< 0,01, *** p< 0,001 (test du khi-deux).
Source : Panel construit à partir du FH-D3 au 1/10e et des DPAE de janvier 2012 à décembre 2013, calculs des auteurs.
Champ de l’étude : 46 492 personnes ayant eu une inscription à Pôle emploi entre janvier et mars 2012 et ayant eu recours au moins une fois à une activité réduite durant les douze premiers mois d’inscription.
Note de lecture : Parmi les demandeurs d’emploi appartenant à une trajectoire marquée par une activité réduite courte durable (groupe 1), 35 % recherchent un emploi dans le secteur des services à la personne et à la collectivité.
Le groupe 6 (30 % de l’échantillon) constitue le groupe le plus important. Il correspond aux trajectoires des personnes qui, après avoir fait l’expérience d’une activité réduite, restent de manière durable au chômage en étant inscrites à Pôle emploi comme demandeuses d’emploi de catégorie A, autrement dit sans aucune activité. Au niveau de l’âge, du sexe, de la situation matrimoniale, des motifs d’inscription, du type d’indemnisation et du régime d’assurance chômage, ces individus ont des caractéristiques proches de celles observées en moyenne dans l’échantillon. Les spécificités de ce groupe résident dans le fait que les individus qui le composent soient les plus nombreux à ne pas avoir d’enfant, qu’ils disposent d’un plus faible niveau de formation et qu’ils sont plus nombreux à percevoir le RSA.
Ce groupe reflète notamment la situation de demandeurs d’emploi faiblement qualifiés. C’est le cas d’Hélène, 45 ans, licenciée économique en 2012 après 10 années d’activité chez un concessionnaire automobile. Depuis, elle alterne les contrats courts et des périodes de chômage. Elle est consciente que le métier de secrétaire a évolué et que son âge peut représenter un obstacle à son recrutement. Elle multiplie ainsi les formations offertes par Pôle emploi :
Je me suis aperçue que notamment dans les offres, peu importe d’où elles viennent, Pôle emploi, le métier de secrétaire, maintenant, ça ne veut plus rien dire [la même chose] […] Moi j’estime que si on a des compétences, imaginons, si on les met en valeur, si on se donne les moyens et tout ça, moi je pense que le recruteur […] fera abstraction de l’âge (Hélène, 45 ans, Bac).
Enfin, le groupe 3 (27 % de l’échantillon) rassemble les trajectoires des personnes passées par l’activité réduite et que l’on ne retrouve plus ensuite dans le Fichier historique de Pôle emploi et dans les DPAE. Ces individus peuvent être inactifs, chômeurs non-inscrits à Pôle emploi ou salariés, par exemple chez un particulier-employeur. Ces personnes ont 65des caractéristiques très proches de celles de l’échantillon global, mais s’en différencient par le nombre important de jeunes, de primo-arrivants, par le taux très élevé de personnes non indemnisées, et par le non accès au régime d’assurance chômage.
Conclusion
L’utilisation d’une méthode d’optimal matching a permis d’identifier différents types de trajectoires de demandeurs d’emploi ayant recours à l’activité réduite. Cette typologie a permis de dégager 6 groupes de trajectoires différentes : (1) une trajectoire marquée durablement par une activité réduite « courte » ; (2) une trajectoire marquée par un retour durable dans un emploi à durée indéterminée ; (3) une trajectoire marquée par de l’attrition ; (4) une trajectoire marquée durablement par une activité réduite « longue » ; (5) une trajectoire de sortie vers les CDD/CTT ; (6) une trajectoire durable sans emploi en catégorie A. Cette analyse met en évidence que seuls 8 % des demandeurs d’emploi s’inscrivent dans des trajectoires marquées par une sortie durable vers un emploi à durée indéterminée. Alors que 25 % appartiennent à des trajectoires marquées par une activité réduite durable, 30 % présentent des trajectoires caractérisées par une situation durable sans aucune activité.
À l’issue de cette typologie, nous avons mené une analyse descriptive des caractéristiques sociodémographiques et professionnelles des trajectoires individuelles. Cette analyse couplée à une enquête de terrain a permis d’éclairer les parcours biographiques des demandeurs d’emploi qui ont expérimenté de manière plus ou moins durable une activité réduite.
Nos résultats montrent que les caractéristiques des demandeurs d’emploi qui ont eu recours à une activité réduite diffèrent selon leur trajectoire professionnelle. Ainsi, les séniors et les femmes s’inscrivent moins souvent dans une trajectoire débouchant sur l’obtention d’un emploi pérenne, tandis qu’ils sont plus nombreux à se trouver durablement en activité réduite. Les trajectoires marquées par un retour durable à l’emploi regroupent davantage de diplômés du supérieur et de cadres. En outre, le motif d’inscription joue sur l’appartenance à l’une des 66trajectoires types. Les demandeurs d’emploi qui se sont inscrits suite à un licenciement (économique ou autres) se trouvent davantage dans un parcours marqué durablement par une activité réduite courte. De plus, ceux qui se sont inscrits à Pôle emploi suite à une mission d’intérim sont peu présents dans les trajectoires de sortie du chômage vers un emploi à durée indéterminée. Cette recherche confirme la forte segmentation sectorielle qui conduit à une concentration des activités réduites dans certaines activités de service, comme les activités de centre d’appel ou de sécurité. Les demandeurs d’emploi qui recherchent un emploi de service à la personne sont aussi ceux qui ont des trajectoires marquées durablement par une activité réduite courte.
Les parcours biographiques des demandeurs d’emploi interrogés permettent d’éclairer les trajectoires des demandeurs d’emploi et de mettre en évidence les caractéristiques spécifiques de ceux qui ont pratiqué durablement une (ou des) activité(s) réduite(s). Les entretiens permettent de rendre compte de la complexité des facteurs qui influencent les parcours des demandeurs d’emploi. Ces facteurs se croisent et s’accumulent en impactant durablement leur trajectoire professionnelle. L’enquête de terrain révèle ainsi d’autres facteurs de frein à la sortie vers un emploi durable et d’enfermement dans une trajectoire marquée par l’activité réduite, comme les problèmes de santé ou les accidents du travail.
67Bibliographie
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1 Cette recherche a fait l’objet d’un financement de Pôle emploi dans le cadre d’un appel à projet de recherche. Les auteur.e.s sont seul.e.s responsables du contenu de cet article.
2 Calculs des auteurs à partir des données mensuelles du Fichier historique des demandeurs d’emploi (FHS) de Pôle emploi.
3 La moitié des CDD a désormais une durée inférieure ou égale à 10 jours en 2013, contre 14 jours en 2012 (Bourieau et al., 2014).
4 Ce cumul est aussi possible avec la prime d’activité, qui a remplacé le volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA).
5 Pour plus d’informations concernant l’historique du dispositif du cumul et ses modalités précises, voir Issehnane et al. (2016).
6 Nous avons fait le choix de scinder la catégorie C en deux (C1 et C2) afin de prendre en compte l’effet de seuil des 110 heures, qui conduit les demandeurs indemnisés par l’assurance chômage à ne plus percevoir d’allocation d’aide au retour à l’emploi le mois où leur activité réduite dépasse le seuil des 110 heures.
7 Au-delà de ce seuil, les opérations d’insertions-suppressions ne sont plus utilisées (Robette et Thibault, 2008).
8 Nous avons agrégé les séquences identiques en suivant la méthode décrite dans Studer (2013). La typologie est obtenue sur un échantillon contenant 41 985 séquences représentatives, pondérées par leurs fréquences d’apparition.
9 La typologie a été effectuée en évaluant la qualité des regroupements (entendue ici comme la combinaison d’un algorithme de classification et d’un nombre de groupes) à l’aide de différentes mesures de qualité. L’ensemble des mesures de qualité utilisées et des algorithmes de classification testés est détaillé dans Moulin (2014). Le détail des calculs est disponible sur demande auprès des auteurs.
10 Le guide d’entretien de cette enquête est disponible sur demande.
11 L’entropie représente la fréquence et la distribution des durées des différents états des séquences. Celle-ci vaut 0 lorsque la trajectoire individuelle ne connaît pas de variabilité et elle vaut 1 lorsque cette dernière passe par l’ensemble des états avec des durées similaires.
12 Les Annexes 4 du régime d’assurance chômage, supprimées par la Convention d’assurance chômage de 2017, constituent un dispositif dérogatoire relatif au règlement général de l’assurance chômage élaboré en raison des spécificités de l’activité professionnelle exercée, ici celle des travailleurs intérimaires.
- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN : 978-2-406-08264-4
- EAN : 9782406082644
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08264-4.p.0031
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/07/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Activité réduite, chômage, analyse de séquences, trajectoires, formes particulières d’emploi