« Mer… ci »
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Œuvres complètes. Tome V. Microcosme
- Pages : 9 à 10
- Collection : Textes de la Renaissance, n° 189
- Série : Studiolo humaniste, n° 3
« Mer… ci »
À en croire Shakespeare, il est des rêves qui ne s’expliquent pas sauf à encourir des risques : « J’ai fait un rêve et aucun esprit humain ne saurait dire quel rêve c’était. Celui-là ne sera qu’un âne qui voudra l’expliquer » (Le songe d’une nuit d’été, sc. 5). Avec Microcosme, et à vouloir en expliquer le rêve, on ne peut se cacher que ce risque existe. Pour minimiser le risque, il aurait été possible de faire travailler une armée de spécialistes : de l’astronomie, de la musique, des mathématiques, de la géométrie, de la géographie, de la cartographie, de la théologie, de l’astrologie, de l’architecture, de l’alchimie, de la technique du verre… mais aurait-on encore reconnu le poème sous des gloses disparates venues d’horizons divers ? Il fallait bien qu’un lecteur affronte le tout pour qu’il reste un tout, avec la certitude de n’être pas savant en toutes choses… et au-delà ; dans la certitude d’avoir parfois mal compris, parfois pas du tout compris mais d’avoir hardiment essayé.
Pourtant je n’ai pas travaillé seule. J’ai pris la main des morts et les vivants m’ont donné la leur. L’édifice du commentaire était déjà largement construit par Larbaud, Schmidt, Saulnier, Staub et Giudici, je me suis appuyée sur eux. Au moment où ils restaient silencieux et où mes lacunes se faisaient trop nettes, d’autres lecteurs, plus compétents que moi, sont intervenus ; c’est une gratitude profonde que j’éprouve pour ceux qui ont accepté de lire les passages les plus ardus de Microcosme et de vérifier mes annotations : Marc Desmet pour la musique, Dominique Descotes pour les mathématiques, Frédérique Lemerlé pour l’architecture, Marthe Paquant pour le lexique, Tristan Vigliano pour quelques phrases latines et tous ceux – amis ou inconnus sur le net – que j’ai ennuyés d’une question sur le nom des enclumes, sur l’épisode de Caron, sur Lemaire de Belges… Aux conservateurs de bibliothèque qui ont vérifié et commenté des exemplaires pour moi, je dis en toute simplicité que leur aide n’a pas de prix : Silvio Corsini, conservateur de la réserve précieuse à la Bibliothèque de Lausanne, Barbara Mussetto à la Biblioteca
Casanatense à Rome, Isabelle de Conihout à la Bibliothèque Mazarine, Juliette Jestaz à l’École nationale des Beaux Arts de Paris et Marie-Françoise Bois-Delatte au fonds ancien de la Bibliothèque municipale et d’étude de Grenoble. Aux étudiants de Master à Lyon 2 qui, en 2011 et 2012, ont lu Microcosme avec moi et m’ont parfois fait voir ce que je ne voyais pas, va ma reconnaissance chaleureuse.
Idéalement, on devrait pouvoir lire Microcosme comme Jean de Tournes l’a donné, comme Valery Larbaud l’a souhaité : « nettement imprimé, encadré de marges bien blanches, en un volume propre, agréable à la vue et au toucher ». Les marges sont ici noircies : qu’elles soient pour le lecteur de bonne volonté, moyen de déployer l’écheveau serré de Microcosme et de faire résonner en contrepoint la netteté du vers de Maurice Scève.