In memoriam Jean-Claude Larrat (1948-2020)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire littéraire de la France
1 – 2021, 121e année - n° 1. varia - Auteur : Guérin (Jeanyves)
- Pages : 245 à 246
- Revue : Revue d'Histoire littéraire de la France
in memoriam
JEAN-CLAUDE LARRAT (1948-2020)
Jeanyves Guérin
Jean-Claude Larrat, en 1964, reçoit le deuxième prix de français au Concours Général. Il entre à l’ENS Ulm en 1969 et obtient l’agrégation de lettres classiques en 1972. Il est nommé au lycée Jacques Amyot de Melun. « Il vous faudra un ou deux ans de patience avant l’université » lui avait dit son directeur de thèse, Marius-François Guyard. « Quinze ans plus tard, écrit-il dans son égo-histoire, j’étais encore dans ce même lycée, essayant, comme mes collègues, d’enseigner un peu de grammaire et d’orthographe ainsi que quelques rudiments de politesse petite bourgeoise à des lycéens dont la principale motivation était d’obtenir une note acceptable à l’épreuve anticipée de français ».
En 1991, il soutient sa thèse à Paris IV sur le sujet suivant : André Malraux, théoricien de la littérature : des « origines de la poésie cubiste » aux Voix du silence (1920-1951). Il est aussitôt nommé maître de conférences à l’Université Stendhal et à l’IUFM de Grenoble. « Aucun rapport entre ces nouvelles fonctions et le sujet de ma thèse, bien sûr mais j’eus la surprise de constater que parmi tous les pédagogues en folie au milieu desquels je me trouvai plongé, j’étais le seul à avoir une expérience significative de l’enseignement réel, devant des classes réelles – ce qui fit de moi (au début, du moins) un objet de risée… » Il joue consciencieusement le jeu de l’institution et publie plusieurs travaux de didactique, notamment sur l’enseignement de l’histoire littéraire. Des morceaux choisis de sa thèse paraissent aux Presses universitaires de France en 1996. Il présente et annote, la même année, Le Règne du malin, roman inachevé de Malraux, dans le troisième tome des Œuvres complètes que publie la Bibliothèque de la Pléiade.
En 1997, Jean-Claude Larrat passe à Paris IV une habilitation dont le garant est Michel Autrand. Il a titré l’ouvrage de synthèse La Littérature entre production et séduction. Il obtient aussitôt, « par surprise » avoue-t-il, un poste de 246professeur à l’université de Caen Basse-Normandie où il ne connait personne. Il y est directeur du Département de français puis de l’équipe d’accueil THL. Responsable de la préparation à l’agrégation de lettres modernes, il assure souvent le cours sur l’œuvre du vingtième siècle. Il prend sa retraite en 2012.
C’est comme spécialiste, comme passeur de l’œuvre de Malraux que Jean-Claude Larrat est internationalement connu. Il a participé à des colloques à Tunis, Casablanca, Belfast, Manchester, Beijing, New York, Washington, Rio de Janeiro et donné des conférences un peu partout. Avec Jacques Lecarme, il a organisé le colloque du centenaire à Cerisy-la-Salle et publié ses actes chez Gallimard. Il a été le premier président aux Amitiés Internationales André Malraux et a dirigé la série André Malraux de la Revue des Lettres modernes. Mais il a aussi consacré des études à d’autres auteurs, Michel Leiris, Giraudoux, Orwell, Nathalie Sarraute. Il a co-organisé un colloque sur la Modernité de Rémy de Gourmont de Cerisy-la-Salle et publié ses actes aux Presses universitaires de Caen. On lui doit enfin et surtout la plus grande part d’un livre d’agrégation sur En attendant Godot et Oh les beaux jours paru chez Atlande en 2009.
Le Malraux de Jean-Claude Larrat n’est pas seulement un romancier engagé des années 1930 dont on met La Condition humaine au programme de la licence. C’est toute la production de l’auteur qui est abordée dans plusieurs livres destinés aux étudiants et dans une cinquantaine d’articles publiés dans les meilleures revues. On fera un sort à l’André Malraux paru en 2001 dans la collection « Références » du Livre de poche qui est aujourd’hui encore la meilleure introduction à une œuvre qui se joue des genres.
Jean-Claude Larrat a été le maître d’œuvre du monumental Dictionnaire André Malraux publié en 2015 aux Classiques Garnier pour lequel il a réuni une vingtaine de collaborateurs, généralement universitaires. Lui-même a rédigé quatre-vingts notices. « Un outil précieux, en somme, et un bel ouvrage », qui fournit « une approche détaillée et souvent lumineuse » d’un univers, avait écrit ici-même Pierre-Louis Rey. En 2016, Jean-Claude Larrat réunit vingt-trois de ses quelques cinquante articles aux Classiques Garnier, Sans oublier Malraux. On y trouve certes des analyses narratologiques, mais surtout des travaux relevant de l’histoire des idées. Malraux, sauf au début des années 1920, ne s’est-il pas plus intéressé aux idées qu’à la littérature de son temps ? Au nietzschéisme, au bergsonisme, à Spengler, à la psychologie des profondeurs, à l’ethnologie et à l’anthropologie ? Ce qu’écrit Henri Godard dans la préface au livre vaut pour tous les travaux de Jean-Claude Larrat. Ils fournissent une image renouvelée d’un auteur trop oublié aujourd’hui.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11333-1
- EAN : 9782406113331
- ISSN : 2105-2689
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11333-1.p.0245
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/02/2021
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français