Éditorial
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bertrand
2020, n° 3. varia - Auteur : Ravonneaux (Nathalie)
- Pages : 11 à 25
- Revue : Revue Bertrand
Éditorial
« C’est Bertrand qui fait toujours les articles Théâtre » écrivait Charles Brugnot à Théophile Foisset le 13 juin 1828 à propos des chroniques du Provincial1. Une série d’articles relatifs à la venue à Dijon de Mademoiselle George en mai 1828 insérés dans les Œuvres complètes en témoignent. En avril, l’actrice avait entamé une tournée d’un an en province « accompagnée de Jean-Charles [Harel] et d’une troupe d’artistes qui, selon Harel, appartiennent presque tous aux théâtres royaux de Paris – Delaistre, Ernest, Mlle Destrieux et, naturellement, George cadette qui emmène ses deux enfants2 ». La troupe se produisit dans 49 villes. On connaît les dépenses de Mademoiselle George pendant cette tournée car son livre de comptes a été conservé. Roselyne Laplace y a relevé le coût du nouveau costume de Sémiramis : 1521 francs.
[…] il se compose d’un manteau en marmotte semé de couronnes, d’une juive (sans doute veut-elle parler d’une lévite, longue robe simple et ample) à franges, semée de pois, agrémentée d’une guirlande de marguerites, d’un riche voile semé lui aussi de guirlandes de marguerites, d’un voile uni à riche bordure et d’un poignard à pierres de couleur. Fournitures : cinq aunes de franges, trois de tulle semé, cinq et demi de bordures marguerites3.
Le costume compta probablement dans le succès qu’elle connut auprès des « gens bien nés4 » constituant une partie du public du Théâtre de Dijon le 13 mai 1828 car
son imprésario a soigné sa publicité, faisant par exemple annoncer la venue de l’actrice à Verdun en ces termes : « Messieurs et Mesdames, j’ose espérer 12que vous daignerez venir encourager nos efforts par un tribut d’admiration en faveur de la plus belle femme d’Europe, élève de Talma, de Mlle Raucourt, et surtout de la bienfaisante et généreuse Nature. En venant admirer Mlle George, vous verrez à la fois la Nature, Raucourt et Talma. Dans le beau rôle de Sémiramis, elle paraîtra avec 100 000 écus de diamants.
Nota : Tous les diamants sont fins. Mlle George ne porte rien de faux5 !
Mais ce n’est pas le luxe du costume qui retient l’attention du chroniqueur du Provincial. Sachant quel abîme sépare les troupes de province et celles de Paris6, Bertrand a suivi l’actrice avec la plus grande attention « dans toutes les parties de son rôle » et il loue son art de la nuance, sa maîtrise de la diction, son jeu qui « exprime à la fois ou tour à tour, tant d’émotions diverses et contraires » et qui ne peut qu’être le fruit « d’une étude de la nature et du cœur humain », ainsi que sa capacité à dissimuler « l’imitation et l’art ».
Les représentations dijonnaises n’ont pas été sans remous aussi les deux premières chroniques sont-elles suivies d’une note d’avertissement :
On nous fait craindre que des difficultés élevées entre Mlle Georges [sic] et l’administration nous privent de jouir encore du talent de cette grande actrice. Espérons que M. Saint-Léon, qui entend si bien ses intérêts ne voudra pas s’aliéner à ce point le parterre7.
La troisième enchaîne : « Ainsi que nous l’avions prévu, le parterre s’est montré humoriste et rancunier : directeur, régisseur, acteurs, le sifflet n’a épargné personne » et Bertrand donne le détail des contestations avant de conclure : « On prétend qu’il va s’établir à la porte du théâtre un marchand de sifflets : nous pensons que la police ne permettra pas un tel scandale. » D’autres numéros du Provincial confirment la vitalité du parterre dijonnais. Les travaux des historiens et historiens du théâtre attestent qu’elle ne lui est pas propre. Alain Corbin, par exemple, note que « les incidents au cours desquels les spectateurs unanimes s’en 13prennent ainsi au directeur de l’établissement ou à l’un des membres de la troupe » sont « nombreux8 ».
L’auteur des Bambochades romantiques a probablement poursuivi ce travail de chroniqueur à Paris – mais nous n’en avons pas retrouvé la trace à ce jour – avant de le reprendre à Dijon lors de son deuxième séjour dans sa famille en Bourgogne (avril 1830-janvier 1833) – mais, là encore, les preuves font défaut. Qu’il ait ou non assisté à la première représentation de Stockholm, le drame romantique de Dumas aujourd’hui intitulé Christine, et qu’il en ait ou non rédigé un compte rendu encore absent des études bertrandiennes, il faisait en tout cas très probablement partie du public de la septième représentation de Hernani. Ce qui nous est parvenu de ses réactions au drame romantique et à la guerre partisane qui s’est livrée tout autour de la pièce ne nous est pas connu actuellement par un article de journal mais par les manuscrits d’un sonnet adressé à Victor Hugo sans que l’on sache si le « Ronsard » du début de xixe siècle, comme on l’appelait alors, l’a lu. L’étude des variantes du poème suggère que le projet daté du 8 mars 1830 a évolué et qu’il est devenu tout autre dans une deuxième étape qu’il semble possible de situer après le mois de novembre 1831 et avant la fin de l’année 1834 (en 1831-1832 assez probablement). La manière dont Hugo s’est satisfait du régime mis en place après les événements de Juillet 1830 pourrait expliquer cette évolution.
Les liens de Bertrand avec le théâtre ne se sont pas limités à la rédaction de chroniques ou d’un sonnet à l’auteur d’Hernani. Il a écrit dans ce genre dès le Collège royal (une lettre d’avril 1826 témoigne qu’Antoine Tenant de Latour souhaite lire une scène de la « comédie » qu’il vient de composer9) et il en publie dès le tout début de sa carrière. Il est l’auteur d’au moins six textes d’ambitions et ampleurs inégales dont deux ont paru du vivant de l’auteur – Le Portier d’une académie de province (Le Provincial, 25 mai 1828), Les Sigisbées parisiens, Monsieur Robillard ou Le Sous-Lieutenant de hussards, Les Conversions (Les Grâces, 11 novembre 1833), Louise ou un pensionnat de demoiselles, Daniel – et d’un « drame en trois actes et deux tableaux, avec un prologue » dont nous ne connaissons que le titre autographe mais qui se présente comme s’il ouvrait une mise au net du texte, Jean-le-Lépreux. Une seule a pu être 14jouée, Le Sous-Lieutenant de hussards, mais il n’y eut qu’une Première – au Théâtre de Dijon – et qui se déroula dans des conditions déplorables. Le manuscrit comporte de nombreux amendements rappelant que la pièce a d’abord été écrite à trois mains pour être représentée « au bénéfice de la 6e Compagnie du 3e bataillon de la garde nationale » qui avait besoin de « compléter [son] “équipement” » mais qu’elle resta lettres mortes, la somme nécessaire ayant été collectée par un tir d’oiseau à l’Arquebuse10. Deux ans plus tard, Bertrand la remanie et en actualise les allusions pour la présenter sur la scène du Théâtre de Dijon11. L’annonce de cette représentation inquiète le Préfet comme l’atteste une lettre conservée aux Archives municipales12. Mais c’est moins la cabale qui en empêche la portée satirique que la médiocrité des acteurs – à moins que celle-ci ne soit pas totalement innocente, le théâtre étant un lieu de haute tension politique à l’époque et la cabale étant souvent indirecte (ce qui n’exclut pas la première explication). Quoi qu’il en soit des raisons expliquant la mauvaise volonté des acteurs à apprendre leur texte (« Le Sous-Lieutenant de hussards n’avait pas été étudié, n’était pas su, et n’a pas été joué13 »), il est attesté qu’ils n’étaient guère capables de mettre en valeur les pièces qu’ils étaient chargées de porter sur la scène : A. Corbin note que les « écoles provinciales ne forment plus d’élèves14 », c’est ce qui explique le succès des tournées des acteurs parisiens. C’est ce qui explique aussi que, originaire d’Amiens, Mademoiselle George n’a pu avoir la carrière nationale qui a été la sienne que parce qu’elle a bénéficié de la pension promise par le Ministre de l’Intérieur, François de Neufchâteau (1 200 francs jusqu’à ses débuts à la Comédie-Française) 15pour succéder à Mademoiselle Raucourt quand celle-ci eut terminé de la former. Du peu de soin apporté à la formation des acteurs en province, Bertrand tire une explication de l’échec des dramaturges locaux sous la Restauration et les débuts de la Monarchie de Juillet : « Le théâtre de Dijon a toujours été un écueil pour les auteurs du département. J’aurais dû me souvenir que des dix ou douze pièces représentées depuis quinze ou vingt ans, aucune n’a eu de succès15. » C’est des différentes versions de Daniel présentées à Paris qu’il en espéra surtout un. Il n’aurait pas été immérité car la pièce témoigne, comme Claire Bigel le note, que l’écrivain savait tirer parti de ses sources – Goethe, Schiller notamment – pour faire œuvre originale.
Georges Zaragoza soulève la question que peut se poser a priori tout amateur de Gaspard de la Nuit découvrant que Bertrand a écrit pour la scène : le théâtre peut-il être fantastique ? S’il ne semble pas que l’auteur des Fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot ait transposé l’art de Gaspard au théâtre, comme le montre le critique et metteur en scène, Bertrand a néanmoins été attentif au plaisir dramaturgique du public. Sylvain Ledda l’avait mis en exergue dans son compte rendu de l’édition de la pièce : il a le sens du devenir scénique de son texte, « une conscience aiguë du rapport entre personnages et espace16 ». Aussi pourrait-on envisager la question posée par G. Zaragoza selon d’autres approches. Car si elle peut se présenter à l’esprit d’un lecteur des Fantaisies, d’un spécialiste du théâtre de la Restauration et de la Monarchie de Juillet ou d’un connaisseur des arts et techniques de l’époque, c’est aussi parce que les spectacles d’illusion optique qui ont tant plu aux publics de la fin du xviiie siècle et des années 1820-1830 ont joué un rôle important dans l’évolution de la mise en scène théâtrale – et, par cet intermédiaire, du livre illustré dont Bertrand a voulu être l’un des plus éminents représentants. Il suffit, pour l’attester, de rappeler que Georges Soane et Daniel Terry, les deux auteurs de The Devil and Dr Faustus, avaient inclus dans les effets spéciaux de la représentation londonienne de 1825 un diorama 16projetant des images mouvantes sur la scène et que c’est l’imagination encore pleine de ces images que Delacroix a composé la suite de lithographies qui a accompagné la traduction de Faust parue en 1828. Il pourrait être fructueux de considérer par exemple que le fait que la première version de Daniel – structurée par l’artifice d’un rêve – a été destinée au théâtre du magicien et ventriloque Louis Comte où étaient présentées des fantasmagories est significatif. On pourrait alors imaginer tout ce que Bertrand aurait souhaité inclure en termes d’effets spectaculaires dans la représentation comme dans le texte. Il semble en rester des vestiges dans le troisième remaniement de la pièce qui nous est parvenu tant sur le plan d’effets spéciaux possibles à proprement parler que sur celui d’un jeu avec l’imaginaire du prodige malgré la suppression de la dimension onirique de la pièce : l’orage, comme l’a souligné G. Zaragoza, mais aussi les étincelles dans le foyer – un procédé typique de ce qui se faisait sur le scène de théâtre de M. Comte – l’apparition du lingot d’or dans l’âtre, les métamorphoses diaboliques de Magnus le mineur et les déguisements du « voyageur » sont autant de potentiels prestiges chimiques ou théâtraux faisant écho aux prodiges dits par le texte comme le miracle du bois de charpente totalement sauvé après avoir été totalement perdu, ou, logés dans les ellipses du texte, le renversement de fortune qui fait passer Daniel de la prison aux plus hautes fonctions, selon un topos de la littérature romanesque. Si la destinée du protagoniste rappelle celle de personnages de Balzac ou de Dumas, la brutalité de la réalité socio-politique dépeinte renvoie surtout à la poétique de ceux qu’on a pu appeler comme en héritage de la condescendance que Sainte-Beuve vouait au petit cénacle (réplique minable de celui de Hugo dont il avait été l’un des piliers) les « petits romantiques », en particulier Pétrus Borel, au frénétisme de manière générale, comme l’a noté G. Zaragoza. L’échec de Daniel auprès des théâtres tout comme la fin de la pièce disent, chacun à leur manière, sept ans après les Trois Glorieuses qu’il n’y a pas de place dans cette société pour un jeune homme ambitieux mais méprisant ce qui anime la bourgeoisie d’affaires.
Lire Daniel en espérant y trouver la poétique du prestige inventée dans Gaspard de la Nuit peut décevoir mais rend sensible aux nombreux points communs qui lient le drame-vaudeville et Gaspard de la Nuit comme les commentateurs et l’éditeur critique de la première édition de 17la pièce – Jacques-Remi Dahan – l’ont souligné. Daniel apparaît comme au carrefour des œuvres précédentes avec ses motifs métamorphiques du Mal, son onomastique symbolique, ses nombreuses images rappelant celles de plusieurs des textes des Fantaisies, la mythologie familiale sensible à l’arrière-plan (avec la figure du jeune homme ambitieux dans une famille qu’une morale catholique de l’humilité et de la dépense mesurée cherche à retenir dans ses rets), le passage aisé du statut de voleur à celui de représentant et détenteur du pouvoir judiciaire, l’image récurrente de la crédulité, surtout, qui court dans toute l’œuvre mais qui est explicite dans Le Père Chancenet.
Steve Murphy étudie l’apologue pour éclairer la pensée politique de Bertrand en accordant toute l’attention nécessaire aux contextes historiques qu’il implique, en particulier celui des révoltes du Lanturelu suggérées par l’onomastique. On pourrait le lire aussi en écho au texte de Cabet Révolution de 1830 et situation présente […] expliquées et éclairées par les révolutions de 1789, 1792, 1799 et 1804 et par la Restauration qui paraît quelques mois plus tard mais que Bertrand a pu connaître dès novembre 1831. L’analogie entre la liste de dates historiques affichées sur la couverture et les années qui ont marqué la mémoire collective comme le font de bonnes ou mauvaises années viticoles dans Le Père Chancenet, conduit en effet à les rapprocher. Les lettres initiale et finale des patronymes – Chancenet/Cabet – tendent à confirmer le dialogue avec le Député de la Côte d’Or, fils d’un maître-tonnelier dijonnais. Cela paraît encore moins douteux lorsqu’on ajoute que Cabet, qui a été révoqué de sa fonction de procureur général à Bastia pour ses idées trop démocratiques, y dénonce les « usurpations, les tromperies et les trahisons du gouvernement », soit que rien ne change : la Monarchie de Juillet y est présentée comme une « quasi-restauration, appuyée sur la Sainte-Alliance et sur un système de quasi-légitimité, d’aristocratie, de ménagement pour les carlistes » qui se livre à l’effacement des Trois Glorieuses avec toute la rapidité et l’efficacité possibles :
On s’empresse […] de faire disparaître les mots égalité, 27, 28, 29 juillet inscrits par Lafayette sur le drapeau de la garde nationale.
On s’empresse d’effacer l’empreinte des balles et des boulets qui décoraient l’Hôtel-de-Ville, le Louvre, l’Institut, les Tuileries, le palais-Royal, etc.
Mais les monumens funéraires (que la commission municipale a ordonné d’élever sur tous les lieux où reposent les dépouilles des citoyens morts pour 18la patrie, et dont elle a chargé l’Académie des Beaux-Arts de proposer les plans), où sont-ils ?
Où est la narration officielle des traits d’héroïsme et d’humanité qui ont illustré la grande semaine, narration que la commission a décrétée, et dont Plougoulm a sollicité et obtenu l’honneur d’être chargé ? Où donc est cette histoire si intéressante pour la gloire nationale ?
[…]
On détruit autant que possible l’inscription Pont d’Arcole que, dès le 29 juillet, le peuple a écrite avec un pinceau sur le pont qui conduit à l’Hôtel-de-Ville, pont sur lequel un enfant brava la mort et périt en y plantant le drapeau tricolore : car pourquoi cette inscription du peuple ? c’est un souvenir du fameux pont d’Arcole en Italie sur lequel Bonaparte ou plutôt Angereau planta le drapeau français au milieu de la mitraille autrichienne ; mais le juste-milieu, qu’effraie la mémoire de Bonaparte ou de Napoléon, publie que l’inscription vient uniquement de ce que cet enfant s’appelait Arcole17.
La mise en place des conditions favorables à un oubli collectif de 1830 comme des événements qui ont précédé l’accession au trône de Louis XVIII s’accompagne d’une inscription dans la tradition restaurée :
Si l’on supprime les monumens en l’honneur de la révolution, en revanche, on conserve le monument expiatoire élevé dans la rue d’Anjou à la mémoire du duc d’Enghein.
On conserve celui de la place Louis XV construit pour honorer Louis XVI et pour outrager la nation. Pour le soustraire à la justice populaire, le prudent architecte se hâte d’y faire graver ces mots : Monument à la charte ; et le juste-milieu, assez rusé pour faire, comme on dit, d’une pierre deux coups, se hâte de publier que cette inscription est l’ouvrage du peuple lui-même et la preuve qu’il veut conserver le monument et la charte.
[…]
l’effigie d’Henri IV est formellement conservée par une ordonnance sur la croix d’honneur, qui continue d’avoir pour rivales les croix de Saint-Louis, du Saint-Esprit, etc18.
L’analogie entre l’ouvrage du Député de la Côte d’Or et l’article-conte philosophique de Bertrand présente toutefois une limite importante : à la longue dénonciation du bégaiement de l’histoire et du ressassement du passé portée par Cabet, le court apologue oppose une page blanche 19qui contraint à l’invention du présent et de l’avenir hic et nunc et qui vise, sans didactisme, à l’émancipation du lecteur invité à se servir de son entendement19.
L’œuvre principale de Bertrand devait porter à un sommet l’exigence du travail de la pensée en y incluant une donnée idéologique. Car le livre aux mille prestiges et trompe-l’œil ne miroite pas seulement des reflets d’un goût pour le canular et la mystification, d’une réflexion sur la tendance de l’esprit humain à l’erreur ou de l’intégration par les artistes des jeux d’hallucination visuelle ou auditive à leurs techniques et à leurs œuvres. Elle conduit aussi à s’interroger sur la place du faux dans les constructions idéologiques, c’est-à-dire en particulier dans le travail de propagande auquel se livrent des pouvoirs en quête de légitimité. Elle conduit à rapprocher les mises en scène par lesquelles la Restauration a cherché à se donner une assise et celles des escamoteurs qui, ayant installé la Monarchie de Juillet, prolongeaient les pratiques illusionnistes et contorsionnistes des ministères du régime précédent. Car les historiens ont montré que la construction idéologique de la première ne s’était pas seulement fondée sur des travaux de « restauration » de bâtiments et monuments – Stendhal s’y montre sensible par exemple dans la présentation de Verrières aux lecteurs du Rouge et le Noir20 – ayant fait évoluer le sens du mot jusqu’à introduire « une nouvelle acception du terme : le rétablissement des institutions qui ont précédé la Révolution et l’Empire » et en faire le chrononyme de la période, après une sélection qui a exclu « rétablissement », « rappel », « retour » ou encore « relèvement21 ». Les tentatives pour effacer le passé proche et lui substituer d’autres grilles de lecture sont aussi passées par une véritable théâtralité pour ne pas dire « dramaturgie22 ». L’un des « symbole[s] de la réconciliation des Français23 » savamment orchestrée 20a consisté à réinstaller sur le Pont-Neuf la statue équestre de Henri IV dont le bronze avait servi à faire des canons en 1792 (et refondue en partie avec le bronze du Napoléon de la colonne Vendôme24).
On conçoit aisément toute l’ironie qu’il y a alors à proposer de rebaptiser notre plus vieux pont de Paris – le Pont-Neuf – d’un nom qui assure un lien plus étroit entre le signifié et le signifiant comme le fait Bertrand dans « Le Bibliophile » : le geste rappelle que le travail de « restauration » consiste à faire du neuf avec du vieux comme le souligne Arthur Houplain dans sa lecture du diptyque qui clôt le livre II de Gaspard de la Nuit. Il faut prendre la mesure du verbe élu par Bertrand. Comme le fait remarquer le commentateur, « débaptiser » est à lire en écho à « décapiter ». Ce dernier est employé dans le texte liminaire des Fantaisies pour résumer l’entreprise de déchristianisation active des révolutionnaires :
Cette ville [Dijon] n’est plus que l’ombre d’elle-même. Louis XI l’avait découronnée de sa puissance, la Révolution l’a décapitée de ses clochers. Il ne lui reste plus que trois églises, de sept églises, d’une sainte chapelle, de deux abbayes et d’une douzaine de monastères25.
Le rapprochement entre « Le Bibliophile » et le récit d’ouverture fait résonner le plurisémantisme du verbe « débaptiser » qui peut renvoyer le lecteur à la vaste entreprise de changement des noms de communes qui a constitué une part non négligeable du travail de déchristianisation de la France des années 1792-179426. À la référence religieuse portée par tel ou tel toponyme était substituée par exemple une référence géographique, neutre, « Baume-les Messieurs » devint ainsi « Baume le Jura27 » (cette dernière conserva son nom neutre jusqu’en 1968-1969). Le nom pouvait être tronqué aussi, « décapité » : « Saint-Georges-de-Didonne devint “Didonne28” ». Mais le nouveau nom pouvait également afficher 21fièrement son soutien à la Révolution : les communes de « Meyrignac-L’Église » et « St-Hilaire-Peyroux » en Corrèze furent ainsi renommées respectivement « Meyrignac-la-Montagne » et « Le Peyrou-Marat29 ». Mais comme les toponymes d’Ancien Régime n’étaient pas seulement porteurs de la soumission d’un peuple à la puissance religieuse, il ne s’est pas seulement agi de « débaptiser » pour déchristianiser : il y eut également l’objectif de « déféodaliser30 ». Un grand nombre de toponymes portaient des titres nobiliaires (Pommerit-le-Vicomte, Bar-le-Duc) ou symbolisaient la puissance du seigneur local (Chaudenay-le-Château). Or, c’est de cette dernière catégorie que relève la commune de Châteauneuf en Bourgogne à laquelle renvoient indirectement « La Messe de minuit » et « Le Bibliophile » (qui mentionne « la maison des sires de Chateauvieux » rappelant l’identité du fief et du patronyme). Pour les lecteurs qui connaissent l’histoire de la Bourgogne sous la Révolution, le diptyque formé par la pièce dédiée à Sainte-Beuve et « Le Bibliophile » peut ainsi rappeler que la commune de Châteauneuf en Auxois prit, sous la Convention, le nom de Mont-Franc31. Bertrand n’a pas choisi la Bourgogne par facilité : c’est « dans l’ancien duché de Bourgogne (Saône-et-Loire, Côte d’Or et l’est de l’Yonne) que le poids de la féodalité se fai[sai]t le plus sentir : plus d’un tiers des localités est en effet encore soumis au servage en 178132. » Sur les 3 000 communes environ qui ont changé de nom entre 1792 et 1794, 2 725 environ ont retrouvé le nom qu’elles portaient sous l’Ancien Régime à la chute de Robespierre ou par la suite. Châteauneuf en Auxois appartient à la première catégorie : elle ne s’est appelée Mont-Franc que de manière éphémère. C’est bien de restauration de la féodalité qu’il est question dans le diptyque qui clôt le livre II des Fantaisies.
Déroulons le fil de la bobine. Parler de baptême à propos du Pont-Neuf, c’est-à-dire, par métonymie, du roi Henri IV, ne saurait être innocent, non pas seulement parce que le monarque dut se convertir pour accéder au trône – avec Bertrand les questions de religion et de tolérance ou 22intolérance religieuse ne sont jamais très loin – mais également parce que c’est Henri IV qui aurait baptisé le Pont-Neuf par opposition aux ponts qui existaient en 1607 au moment de son inauguration33. Débaptiser et « déféodaliser » sont complémentaires comme le Trône et l’Autel se soutiennent mutuellement et il ne faut pas se laisser prendre aux apparences trompeuses d’une agglutination (Châteauvieux) qui ne diffère que peu de noms composés lexicalisés (Pont-Neuf) ou qui peut prendre nombre d’orthographes différentes34. Et puisque la lutte politique est affaire de linguistique, elle est aussi poétique et heuristique. L’invitation à opérer des substitutions de synonymes ou d’antonymes (Châteauneuf/Pont-Vieux), à inverser les morphèmes lexicaux (Neufchâteau), à opérer des rapprochements (Vieux Paris/Chateauvieux) ou à croiser les procédures (Vieux Paris/Paris-Neuf35) et à jouer avec les homonymies (Châteauneuf en Auxois/Châteauneuf-du-Pape) conduit à toute une série de réflexions.
Commençons par prendre au pied de la lettre l’affirmation du Bibliophile : « Chateauneuf et Chateauvieux ne sont qu’un même château ». Substituer Châteauneuf à Châteauvieux ne relève pas d’un pur jeu poétique mais a du sens, historiquement. Le nom porte en effet en lui non pas seulement tout le système de l’Ancien régime mais son mode de perpétuation : le nom « Chateauneuf » (« nouveau château ») présuppose un vieux château. C’est bien ce que confirme l’histoire de la commune 23bourguignonne qui porte le nom de Châteauneuf : Jean, Seigneur de Chaudenay, a fait construire pour son fils cadet, le château de Châteauneuf dans la deuxième moitié du douzième siècle. Ce fils cadet est ainsi devenu Jean I de Châteauneuf en prenant possession des lieux en 117536 et il a fondé une nouvelle lignée avec un nouveau blason, apparenté à celui de la lignée originelle dont les descendants ont dominé la population du fief pendant près de trois cents ans (1174-1456). La branche s’est éteinte avec une exécution judiciaire : l’épouse du sire de Châteauneuf et son amant ont empoisonné le mari embarrassant mais la mort subite, le même jour, d’une servante gourmande (elle avait dérobé une part du gâteau qui avait été fatal au mari trompé) a révélé le crime et rendu aisée l’identification des coupables. Il y aurait presque de quoi justifier un effacement dans un Nobiliaire ! Ceux qui porteront le titre de Châteauneuf par la suite ne le devront plus, en tout cas, qu’au toponyme. La continuité peut ainsi toujours être instaurée quand elle n’est plus assurée en lignée directe. C’est à un fidèle aux Bourbons en exil, qui participa à la fuite du Roi à Varennes, et qui fut nommé Duc à la Restauration, que le château appartient au début du dix-neuvième siècle, Charles de Damas, fils de Jacques-François de Damas, marquis d’Antigny. Bertrand ne l’ignore probablement pas, deux brèves anonymes du Provincial lui ayant été consacrées37. Quoi qu’il en soit du nom des propriétaires au dix-neuvième siècle, il y a des homonymes de Châteauneuf auxquels Bertrand et les lecteurs de Gaspard de la Nuit ne peuvent s’empêcher de penser. Si Benoiston de Châteauneuf, l’un des représentants du troubadourisme français sous la Restauration, ne vient plus spontanément à l’esprit aujourd’hui, le nom du doyen de l’Académie française qui permit à Mademoiselle George de faire carrière et apporta un soutien de poids au jeune Hugo, « choyé des châtelaines, des damoiseaux et des ménestrels », ne peut manquer de s’imposer. Bertrand aurait-il intitulé le texte qui ironise sur le retard des « sires de chateauvieux » à l’office comme il l’a fait pour rappeler aux lecteurs que François de Neufchâteau avait été favorable à la suppression de la messe de minuit sous la Révolution ? Il n’y aurait là que l’un des 24nombreux exemples de l’art des plurisémantismes et de leurs effets dans lequel Bertrand est passé maître38.
Si l’identification de Châteauvieux et Châteauneuf a plus de sens que ce que l’on pouvait penser au premier abord, il ne serait pas sans conséquences de suivre le conseil du bibliophile proposant de rebaptiser le Pont-Neuf : l’ouvrage a généré tout un ensemble d’expressions (être solide comme le Pont-Neuf, se porter comme le Pont-Neuf, faire le Pont-Neuf) ou de conversions (un pont-neuf est un air bien connu ou un lieu commun). Une disparition prématurée du mot aurait empêché par exemple un effet de sens interne au livre II des Fantaisies puisque, si l’on considère que « Lanturelu » était un air connu, il faut aussi considérer que c’est un pont-neuf. L’acte de nomination posant en permanence des questions de genèse et de fin, « Le Bibliophile » n’est pas seulement à lire en diptyque avec « La Messe de minuit » (les sires de Châteauneuf qui ont vécu en Bourgogne, comme ceux de Châteauvieux dans la fiction, pratiquaient activement la charité) mais aussi, à distance, comme le jeu des titres y invite, avec « À un bibliophile », ses questions de restauration (« Pourquoi restaurer les histoires vermoulues et poudreuses » ?), de début, d’achèvement et d’oubli (« Toute tradition de guerre et d’amour s’oublie, et mes fables n’auraient pas même le sort de la complainte de Geneviève de Brabant, dont le colporteur d’images ne sait plus le commencement, et n’a jamais su la fin ! »). L’identification de référents confirme cette démultiplication d’effets de renvois internes qui contraignent à circuler dans le recueil « sur-éclaté » mais faisant « tout39 » : Châteauneuf en Auxois, possédé par Philippe le Hardi, a été fortifié après le traité de Brétigny pour protéger la population des Grandes Compagnies40.
25Hugo Boyère suit l’un des nombreux fils de l’entrelacs en pistant, dans « Le Vieux Paris », le retour du motif de l’incendie, évoqué ici également par Steve Murphy à propos du Lanturelu et dont Georges Kliebenstein avait décelé la présence dans une chaîne discursive diabolique en 2010 :
« école flamande » > [flam] > incendies > Breughel d’Enfer [L’Incendie de Troie, L’Incendie de Sodome] > enfumé (en vertu du principe « pas de feu sans fumée », de l’association stéréotypique Enfer-feu et de la paronomase Enfer/enfumé) > diable41.
S’inscrivant dans la lignée de l’étude de Marvin Richards sur les cycles narratifs dont se composent les Fantaisies, il propose de nouveaux référents historiques possibles en étudiant les textes du deuxième livre de Gaspard pour mettre à jour, notamment, les « reflets » inquisitoriaux des pouvoirs politiques et religieux que génèrent les miroitements des signifiants et des motifs.
Du miroitement, Alain de La Bourdonnaye a fait le sujet même de sa mise en livre d’« Ondine » dans un livre d’artiste dont la Bibliothèque d’Angers a acquis récemment un exemplaire, venu enrichir d’un nouveau trésor le fonds unique d’éditions de Gaspard de la Nuit dont elle dispose. Aura-t-elle un jour l’opportunité d’acquérir également quelques-uns des originaux de Daniel Vierge ? Rien n’est certain : Marcelle Roussey rappelle que de l’ensemble des 170 compositions réalisées par Auguste Leroux et par le fils de Vicente Urrabieta Y Ortiz, seuls onze dessins sont connus actuellement. Que sont devenues les autres œuvres exposées à l’aube du xxe siècle ? Nul ne le sait. L’interprétation que Daniel Vierge donnait de Gaspard de la Nuit offrirait une lumière intéressante sur la réception de l’œuvre à cette époque et l’on ne peut que souhaiter la réapparition de cet ensemble inédit.
Nathalie Ravonneaux
1 OC, p. 621, n. 1.
2 Roselyne Laplace, Mademoiselle George ou un demi-siècle de théâtre, Paris, Fayard, 1987, p. 184. Les chroniques de Bertrand confirment que Delaistre, Ernest et Mlle George cadette ont joué sur la scène du Théâtre de Dijon. Une affiche conservée aux Archives municipales de Dijon annonce Sémiramis.
3 Ibid., p. 186.
4 OC, p. 595.
5 Ibid., p. 187-188.
6 Alain Corbin a noté que « le fossé qui sépare la province de la capitale se révèle plus profond qu’à la fin de l’Ancien Régime ; le succès considérable remporté par les acteurs parisiens en tournée est, à ce propos, révélateur. » (« L’agitation dans les théâtres de province sous la Restauration », dans Le Temps, le Désir et l’Horreur. Essais sur le xixe siècle, [1991], Paris, Flammarion, 2014, p. 55, n. 8.)
7 OC, p. 597.
8 art. cité, p. 59.
9 OC, p. 831.
10 OC, p. 716.
11 Les corrections portées sur le manuscrit ne sont peut-être pas toutes antérieures à cette tentative de faire jouer la pièce : elle est toujours désignée à cette époque sous le titre Le Sous-Lieutenant de hussards alors que ce titre est biffé sur l’autographe (OC, p. 716).
12 « Je vous invite, Monsieur le Maire, à vous assurer si la représentation des pièces […] qui ont pour titre le Sous-Lieutenant de hussards et les Saint-Simoniens à Dijon ont été autorisées ; dans le cas où elles ne l’auraient pas été, veuillez intimer l’ordre au Directeur du spectacle de suspendre la représentation de ces pièces, jusqu’à ce qu’il se soit conformé aux dispositions du décret du 8 juin 1806 ; vous lui recommanderez en même temps de ne mettre en scène à l’avenir aucune pièce avant d’avoir obtenu l’autorisation de M. le Ministre de l’Intérieur. » (Lettre du Préfet H. Chaper à M. le Maire transcrite dans « Manuscrits bertrandiens. Quelques repères pour un état présent des connaissances », Revue Bertrand, 2, éditions Classiques Garnier, 2019, p. 171)
13 OC, p. 716, n. 1.
14 art. cité, p. 55, n. 8.
15 « J’ai appris trop tard et à mes dépens de quelle indifférence est accueilli dans nos coulisses tout ouvrage qui ne vient pas de la capitale. Le théâtre de Dijon a toujours été un écueil pour les auteurs du département. » (OC, p. 716)
16 « Aloysius Bertrand, Daniel, éd. Jacques-Remi Dahan, Du Lérot, 2017 », Revue Bertrand, 1, éditions Classiques Garnier, 2018, p. 256.
17 Révolution de 1830 et situation présente (mai 1833) expliquées et éclairées par les révolutions de 1789, 1792, 1799 et 1804 et par la Restauration par Cabet, député de la Côte d’Or, 3e édition, Pairs, Cavellin, Pagnerre, 1833, p. 7-8.
18 Ibid., p. 8-9.
19 Sur les enjeux différents de ces deux textes, voir Un « nouveau genre de prose ». Les Fantaisies de Gaspard de la Nuit (à paraître).
20 « C’est à la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que l’on doit l’aisance générale qui, depuis la chute de Napoléon, a fait rebâtir les façades de presque toutes les maisons de Verrières. »
21 Philippe Boutry, « Restauration », dans Dominique Kalifa (dir.), Les Noms d’époque. De « restauration » à « années de plomb », Paris, Gallimard, 2020, p. 33.
22 Dominique Kalifa, « Dénommer l’Histoire », dans Les Noms d’époque, op. cit., p. 9.
23 Ibid., p. 35. Voir également, précise P. Boutry, Jean-Jacques Barbéris, D’un roi l’autre. La légende de Henri IV à la Restauration, 1814-1824, maîtrise d’histoire, Paris XII Val-de-Marne, 2002.
24 Jean-Marc Hovasse, Victor Hugo, I, Avant l’exil (1802-1851), Paris, Fayard, 2001, p. 197.
25 JB, p. 84.
26 Sur la déchristianisation de la France sous la Révolution, voir Michel Vovelle, Religion et Révolution : la déchristianisation de l’an II (Paris, Hachette, 1976) et Xavier Maréchaux « Les séquelles de la déchristianisation de l’an II : l’héritage laïc sous le Consulat et l’Empire » (Napoleonica. La Revue, 2012/3, no 15, p. 4-16) et « République et “laïcité” : le nom révolutionnaire des communes de France sous le Consulat et l’Empire (et au-delà), essai de recensement et d’interprétation » (Napoleonica. La Revue, no 25, 2016/1, p. 94-122).
27 Ibid., p. 100, p. 102 n. 20 et p. 115.
28 Ibid., p. 112.
29 Ibid., p. 113.
30 Ibid., p. 104.
31 Michel Barastier, Châteauneuf en Auxois, 1981, (deuxième double page) et, du même auteur, Châteauneuf aux vents de l’histoire, Association des amis de Châteauneuf, 2000 (p. 12).
32 Xavier Maréchaux, « République et “laïcité” : le nom révolutionnaire des communes de France sous le Consulat et l’Empire (et au-delà), essai de recensement et d’interprétation », art. cité, p. 106.
33 L’ironie préparée par l’auteur s’enrichit pour les lecteurs d’aujourd’hui d’un effet imprévu, le livre ayant été lui-même victime de ce genre de pratique, puisque, comme l’a relevé Jacques Bony, « À Monsieur Charles Nodier » a été « débaptisé » pour être renommé « À M. Sainte-Beuve » (JB, p. 13).
34 Michel Barastier a recensé les variantes de Châteauneuf. Voici la liste qu’il en dresse : C’est en 1176 qu’apparaît pour la première fois dans les textes le nom de Chateauneuf sous la forme « Castro-Novo ». Au cours des siècles, le nom de Chateauneuf prendra diverses formes. A. Roserot, dans son dictionnaire topographique de la Côte d’Or, p. 92, donne : Novum-Castrum en 1179 (Titre de l’Abbaye de La Bussière), Castello-Novo en 1181 (Citeaux. Johannes de Castello-Novo), Chastelneuf en Auxois, en 1289, Chastel Neuf (1302), Chastiauneuf (1316), Chasteaul Neuf (1338), Chastealnuef (1341), Chastelnuef (1341), Castro-Novo (1349), Chastelnuf (1365), Chastelneuf (1397), Chasteauneuf (1425), Chastelneufz (1429), Castrum Nuvum in Auxeto (1459), Chastelneuf en l’Auxois (1492), Chasteauneuf en Auxois (1492), Chasteauneuf en Auxois (1531), Chasteau neuf (1561. Titre de l’abbaye de Ste Marguerite), Chasteaulneufz (1569. Arch. Nat.), Chasteauneuf (1625), Château-Neuf (xviiie siècle. Carte de Cassinin) (Michel Barastier, Châteauneuf en Auxois, op. cit., (deuxième double page) et, du même auteur, Châteauneuf aux vents de l’histoire, op. cit., p. 11 et 12).
35 Ces jeux ont pu faire partie des raisons pour lesquelles Baudelaire a lu et relu Gaspard de la Nuit lorsqu’il composait Le Spleen de Paris : les grands travaux d’Haussmann n’ont fait que prolonger la politique urbanistique commencée à l’époque de Bertrand.
36 Michel Barastier, Châteauneuf en Auxois, op. cit.
37 On lit dans la première, qui annonce que le Duc est nommé « Gouverneur de S.A.R. Mgr le duc de Bordeaux » : « Les Damas appartiennent à la Bourgogne, comme les Montmorency à la France » (Le Provincial, 4 mai 1828, p. 9). Il est question dans la deuxième de la légère incommodité du Duc à la suite d’un « bain qu’il avoit pris trop chaud » (Le Provincial, 29 mai 1828, p. 47).
38 Le titre pourrait faire allusion aussi au fait qu’une « Messe de minuit » très singulière était célébrée à Châteauneuf en Auxois et attirait des fidèles venus de toute la Bourgogne voire au-delà mais nous n’avons pu trouver la preuve que c’était le cas dans les années 1820-1830. Des témoignages postérieurs l’assurent en tout cas pour la deuxième moitié du xixe siècle et l’association des amis de Châteauneuf a voulu renouer avec la tradition en instaurant une nouvelle manière de singulariser la messe de minuit locale : une crèche vivante imitant le retable du Maître de Flémalle conservé au Musée des Beaux-arts de Dijon attire chaque année des fidèles venant de toute la France. On peut imaginer combien Bertrand aurait apprécié que les lecteurs du début du vingt-et-unième siècle puissent ajouter cette réception imprévue à sa « Messe de minuit ».
39 Georges Kliebenstein, « Aloysius Bertrand et le pacte onomastique » dans S. Murphy (dir.), Lectures de Gaspard de la Nuit de Louis (« Aloysius ») Bertrand, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 239.
40 Sylvie Le Clech-Charton dans Françoise Vignier, Sylvie Le Clech-Charton, Daniel Sautai, Brigitte Fromaget, Châteauneuf-en-Auxois, Paris, Monum, éditions du patrimoine, 2004, p. 3.
41 Georges Kliebenstein, art. cité, p. 241.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10649-4
- EAN : 9782406106494
- ISSN : 2649-2644
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10649-4.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/07/2020
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français