Elfride Fibiger Réflexions sur le départ de Madame Nora Helmer
- Publication type: Book chapter
- Book: Réparer Une maison de poupée d’Ibsen ?. Réécritures, remaniements et suites (1879-1903)
- Pages: 245 to 246
- Collection: World Literature, n° 43
Elfride Fibiger
Réflexions sur le départ
de Madame Nora Helmer1
Traduit du danois par Marthe Segrestin
Loin de moi l’idée de vouloir bricoler l’œuvre du célèbre poète et grand technicien dramatique, mais il me semble que l’auteur d’Une maison de poupée, sans ajouter un seul mot au dialogue, par une simple parenthèse finale, aurait pu donner à la pièce une fin assez cohérente et passablement apaisante en même temps, au lieu de cette dissonance aiguë sur laquelle elle s’arrête.
Voici ce que j’ai imaginé :
Nora dit sa réplique de départ – comme dans la pièce – à savoir que « la plus grande des merveilles » devrait se produire pour qu’il y ait un espoir de retrouvailles, puis elle s’en va.
Helmer est assis – toujours comme dans la pièce – seul et désespéré, puis, captivé par cette pensée lumineuse, se lève brusquement, et s’écrie : « la plus grande des merveilles ». Boum ! – le portail claque – tout comme dans la pièce.
Mais le rideau ne tombe pas directement cette fois. Ce sont plutôt les habituels applaudissements qui tombent tandis que le malheureux mari 246est assis au comble du désespoir. Puis on entend retentir la sonnette de la porte, très légèrement, timidement. Helmer reste interdit, il ne sait pas s’il peut en croire ses oreilles. Puis la sonnette retentit avec force. Il se lève et se précipite vers le fond, une lampe dans la main droite et le porte-clés dans la gauche.
Le rideau tombe.
1 « Tanker ved Fru Nora Helmers Bortgang », København, Dagens Nyheder, 1er février 1880. L’écrivaine danoise Elfride Fibiger (1832-1911) s’est fait connaître pour ses positions sur la question des femmes, et ses actions en faveur de l’éducation de celles-ci. Opposée aux revendications féministes en matière d’égalité des sexes, elle militait pour que les femmes au foyer et les domestiques bénéficient d’une véritable formation leur permettant d’assumer pleinement leur rôle dans la société, la mère de famille ayant selon elle la lourde responsabilité d’être la gardienne des valeurs morales. Dans cet article paru quelques semaines après la création de la pièce au Kongelige Teater de Copenhague, elle brosse un portrait au vitriol d’une Nora vaniteuse et égoïste, avant de proposer un amendement permettant de préserver la morale, sans toucher à la pièce elle-même.