Présentation
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Privilèges de librairie en France et en Europe. xvie-xviie siècles
- Auteur : Keller-Rahbé (Edwige)
- Pages : 7 à 20
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 116
- Série : Pratiques éditoriales, n° 5
Article de collectif : 1/23 Suivant
Présentation
Au début du xxe siècle, l’abbé Eugène Griselle rangeait les privilèges de librairie dans la catégorie des « curiosités bibliographiques1 », aux côtés d’une liste d’« ouvrages inventés à plaisir », tout en admettant que cette série de documents était « plus sérieuse et moins fantaisiste ». L’examen des livres de Bossuet et de ses amis durant la période de controverse sur le quiétisme, de 1688 à 1700, l’amenait à la conclusion prémonitoire qu’il y aurait profit « à reprendre à l’origine la suite de cette collection de privilèges, où se révèle tout le mouvement des livres officiellement approuvés depuis les premières années du xviie siècle2. »
Levons d’emblée une ambiguïté : « reprendre à l’origine », ce n’est certainement pas partir des premières années du xviie siècle, mais bien de la fin du xve siècle, période d’apparition des premiers privilèges de librairie dans plusieurs États européens, dont la France. Les travaux relatifs à ces aires géographiques, qui se sont considérablement développés depuis Griselle, ont d’ailleurs été menés en amont du xviie siècle. Avec leurs approches intellectuelles variées, ils ont contribué à modifier en profondeur notre perception et notre compréhension du privilège, dont il est apparu qu’il relevait de plusieurs disciplines. L’histoire du droit, l’histoire économique et l’histoire du livre sont logiquement les premières à s’emparer du privilège pour en faire un objet d’étude qui ne soit pas anecdotique ; aussi la bibliographie est-elle abondante dans ces domaines3.
8En France, le renouvellement d’intérêt est notable dans la seconde moitié du xxe siècle grâce à la thèse d’Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598-1701)4, qui consacrait au privilège plusieurs développements pour éclairer la situation éditoriale de la librairie parisienne aux lendemains de la Contre-Réforme. L’analyse sociolittéraire d’Alain Viala, Naissance de l’écrivain (1985)5, permit ensuite d’évaluer l’importance du privilège dans la revendication par certains auteurs du xviie siècle de la propriété littéraire, sur fond de constitution de l’univers des belles-lettres en champ social autonome. En 1990, l’historienne du livre Elizabeth Armstrong entreprit de décrire la période transitoire de la fin xve au début du xvie siècle pour analyser la naissance, le fonctionnement et l’évolution du système des privilèges en France6. Portés par ces nouvelles perspectives, les travaux se sont intensifiés au tournant du xxie siècle : dans sa grande thèse sur l’édition rouennaise (1600-vers 1730)7, Jean-Dominique Mellot proposait un tableau décentralisé pour montrer « comment le régime des privilèges a pu peser sur la loi de l’offre et de la demande et déterminer en province une stratégie éditoriale parallèle8 » ; en 1999, dans une thèse tout aussi marquante sur la formation historique du droit d’auteur du xvie siècle à la loi de 19579, Laurent Pfister retraçait « les transformations qu’a connues le régime des privilèges d’impression et qui ont abouti à la reconnaissance de la propriété littéraire10 ». Deux études décisives pour les disciplines littéraires ont ensuite paru en 2002 dans un collectif consacré à la publication sous l’Ancien Régime11, l’une de Nicolas Schapira, qui mettait en lumière les processus de valorisation 9à l’œuvre dans les privilèges accordés aux auteurs12, l’autre de Claire Lévy-Lelouch, qui soulignait combien le privilège, envisagé comme élément péritextuel, était le lieu de l’expression de la toute-puissance royale13. L’intérêt que Nicolas Schapira prête aux privilèges de librairie s’est confirmé dans sa thèse sur Valentin Conrart, où le rôle du personnel de la Grande Chancellerie dans la délivrance des privilèges était exemplifié à travers ce « professionnel des lettres », premier secrétaire perpétuel de l’Académie française14. Il s’est poursuivi dans de nombreux autres articles parus entre 2004 et 201315. De récents travaux méritent encore d’être signalés : en 2009, certains des participants au colloque Copier et contrefaire à la Renaissance se penchaient sur des cas de contrefaçon d’imprimés et procédaient à d’utiles mises au point théoriques sur la question16 ; en 2011, Alain Riffaud cernait les enjeux littéraires du privilège à la lumière de la bibliographie matérielle dans son Archéologie du livre français moderne17, et Jean-Dominique Mellot livrait une synthèse essentielle sur le privilège dans le Dictionnaire encyclopédique du livre18. Parallèlement, l’intérêt pour les privilèges accordés aux auteurs n’a cessé de croître et, depuis les années 2000, des 10articles explorant la problématique d’un point de vue individuel, social et générique ont fait émerger un champ d’investigation spécifique19.
L’Europe connaît semblable élan critique, les recherches nationales en histoire du livre permettant de modéliser progressivement, compte tenu des facteurs de variations historiques et géopolitiques, un système des privilèges propre à chaque État, territoire, juridiction20. L’année 2010 a vu paraître un essai collectif fondamental sur l’histoire du droit d’auteur, Privilege and Property21, adossé au projet d’archives numériques Primary Sources on Copyright (1450-1900)22, dont l’objectif est de reproduire et de commenter la plupart des sources primaires sur le droit d’auteur, pour l’Italie, la France, l’Allemagne, l’Angleterre et les États-Unis, depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à la Convention de Berne (vers 1450-1886). Et l’École française de Rome vient de publier le volume collectif Hétérodoxies croisées. Catholicismes pluriels entre France et Italie, xvie-xviie siècles23, où plusieurs contributions évaluent les mécanismes de contrôle de l’imprimé et de la censure des livres selon une approche « croisée » France/Italie24. Même s’il exclut les privilèges de 11librairie, on se doit de signaler aussi le vaste projet scientifique en cours sous la direction de Dominique Margairaz, et qui vise le recensement des « Privilèges économiques en Europe, xve-xixe siècles » dans la perspective d’une exploitation comparative et qualitative. Celui-ci fait d’ores et déjà apparaître la diversité sectorielle (mines, chimie, métallurgie, machines, textile, commerce, alimentation, agriculture…) et fonctionnelle (inventer, produire, commercialiser, aménager, servir…) des privilèges, selon les époques et les aires géographiques considérées – France, Angleterre, Saint-Empire romain germanique, Italie25.
Que retenir de ce tour d’horizon bibliographique, forcément incomplet et réducteur ? D’abord que l’apport méthodologique et scientifique de ces travaux est considérable26. Ensuite que l’essor des études sur les privilèges de librairie depuis les années 2000, quel que soit l’angle d’approche adopté, est indéniable. Enfin, qu’il se produit un infléchissement critique, les historiens de la littérature étant gagnés par des questions qui retiennent depuis un certain temps les historiens du livre et du droit d’auteur, convaincus du bénéfice qu’il y a « à ne plus restreindre leur regard au discours du texte, mais à l’élargir à celui du livre27 ». En l’occurrence, les études littéraires investissent l’outil juridique du privilège non seulement pour éclairer l’histoire littéraire et mieux cerner les trajectoires culturelles et sociales des auteurs, mais aussi pour en faire des usages critiques, notamment dans le domaine de la critique d’attribution28. De manière plus originale, elles inclinent à traiter le privilège comme un nouvel objet littéraire – un récit, une histoire – susceptible, en conséquence, d’analyses textuelles.
C’est en fonction de ces orientations de recherche que j’ai dirigé un séminaire de recherche sur les privilèges de librairie à l’Université Lumière Lyon 2 entre 2009 et 2013. Afin de démêler les implications 12intellectuelles de ce système de librairie et de faire apparaître les interactions entre histoire du livre, histoire du droit d’auteur et République des Lettres, je l’ai conçu selon une approche pluridisciplinaire et j’ai mobilisé la participation de nombreux chercheurs et spécialistes, tant français qu’étrangers29. Le présent volume fait état des apports historiographiques, théoriques et prosopographiques du séminaire. Le constat de deux lacunes m’a en outre confortée dans l’idée de rassembler et de systématiser les observations accumulées, mais aussi d’accueillir d’autres analyses : en dépit de nombreux travaux sur les privilèges, d’une part nous ne disposons pas de synthèse sur le sujet, a fortiori de synthèse permettant d’appréhender différentes échelles spatio-temporelles ; d’autre part, les études sont majoritairement historiques, au sens large du terme, et non littéraires.
Intitulé Privilèges de librairie en France et en Europe (xvie-xviie siècles), le volume se divise en deux volets complémentaires qui recoupent les zones géographiques envisagées : le premier centre le propos sur la France en vue d’explorer des problématiques singulières ; le second l’élargit à d’autres zones géographiques d’Europe afin de saisir les variables historiques et socioculturelles du système.
Le volet consacré à la France d’Ancien Régime se compose de dix contributions. À l’ouverture, Marthe Paquant présente une étude lexicologique et lexicographique inédite sur le terme privilège. Menée dans les dictionnaires du xvie au xxe siècle, l’enquête permet de dater l’apparition du mot, d’en repérer les différentes acceptions, de suivre sa lente affectation au domaine de la librairie et, surtout, de mettre au jour les tâtonnements définitionnels qui le caractérisent, en grande partie à cause du mécanisme de compilation. Elle se poursuit par un sondage d’occurrences dans les bases textuelles qui souligne l’intérêt prononcé, quoique rare, de quelques grands auteurs des xvie et xviie siècles pour 13le privilège de librairie, tels Marot, Mersenne, Patin ou Garasse. Comme souvent, les dictionnaires sont en retard sur l’usage, les textes législatifs, les pratiques éditoriales et les mentions auctoriales prouvant que le terme privilège circulait depuis longtemps avec l’acception qui nous intéresse ici.
Laurent Pfister se livre à une autre entreprise de clarification en se penchant sur la question des conditions d’octroi des privilèges d’imprimerie de 1500 à 1630. La période examinée, le xvie siècle et le début du siècle suivant, nous ramène à l’instauration en France et dans d’autres États européens du mécanisme de réservation de la reproduction des textes. L’étude montre que sur le plan juridique, contrairement aux idées reçues, l’octroi des privilèges n’est nullement subordonné à la qualité du requérant, en l’occurrence à celle d’auteur, mais à celle de l’objet protégé, en l’occurrence à la nouveauté de l’impression du texte. Implications, enjeux et fondements de ce critère de nouveauté sont analysés et éclairés d’exemples d’affaires de librairie portées en justice, où des avocats et des magistrats, tels Simon Marion et Barnabé Brisson, se distinguèrent par leur argumentation décisive en la matière. Ce faisant, ce sont les frontières entre privilège de librairie et droit d’auteur, entre exploitation exclusive et domaine public, entre réglementation médiévale de la copie des manuscrits et législation éditoriale sur les imprimés, qui sont précisées. L’étude souligne que l’intérêt public demeure encore, à cette époque, le principe qui garantit le juste équilibre entre le domaine non réservable – livres imprimés une première fois dans le royaume ou à l’étranger –, au nom de la « liberté publique de l’imprimerie », et le domaine réservable – les livres nouvellement imprimés –, en récompense du labeur et des dépenses engagées.
Les contributions qui suivent s’emparent de corpus littéraires instructifs et représentatifs à divers titres pour l’étude des privilèges : corpus idéologiquement sensibles (pamphlets religieux et périodiques), corpus jouissant des faveurs du public (théâtre et poésie burlesque) et corpus érudit (éditions d’auteurs anciens, traductions et essais). Marie-Christine Pioffet analyse pour sa part l’écriture pamphlétaire à la charnière des xvie et xviie siècles, moment d’affrontement bien connu entre catholiques et huguenots. La clandestinité qui est de mise dans les « livres noirs » n’oblitère pas forcément la couverture juridique et censoriale : permissions d’imprimer, approbations doctorales et privilèges de librairie sont sujets à mystification via le détournement satirique – et savoureux – de références 14religieuses qui les transforme en armes de propagande. Jean-Dominique Mellot s’intéresse ensuite aux privilèges concédés aux périodiques dans la France du xviie siècle, corpus en prise directe avec le politique et la politique puisque s’y joue le contrôle de l’information sur fond de construction d’absolutisme. L’étude se propose d’interroger la logique d’attribution de ces privilèges pour nuancer l’idée selon laquelle la presse périodique se réduirait à de rares titres officiels étroitement encadrés et jouissant de monopoles démesurés. Si, d’un côté, le pouvoir monarchique accorde un monopole exorbitant à la Gazette de Renaudot, dont le privilège est à la fois générique et personnel, voire dynastique, de l’autre, tirant les leçons de la Fronde, il procède à une réorganisation du paysage journalistique par une redistribution plus équitable et plus souple des privilèges. Le « paradigme du privilège par titre » suscite l’éclosion d’une multitude de périodiques concurrentiels et spécialisés mais facilite encore, sous le règne personnel de Louis XIV, la surveillance de l’information par l’octroi de nouveaux monopoles à quelques titres fiables, tels le Journal des sçavans et le Mercure galant. Aussi bien la politique de délivrance des privilèges oscille-t-elle entre monopoles et exceptions.
Autre corpus-clé examiné à la lumière des privilèges, celui du théâtre imprimé du xviie siècle. Pour cerner les modalités d’inscription et d’apparition du privilège dans le livre, Alain Riffaud se propose de partir des contraintes typographiques propres à l’impression des pièces de théâtre pour arriver à l’influence du contexte éditorial. Étudiant la structuration de plusieurs cahiers liminaires, dont celui de l’édition originale du Cid (1637), il parvient ainsi à modéliser les combinaisons possibles pour les pièces in-quarto. Soulignant l’intérêt d’une prise en compte globale des procédés et conditions de fabrication de ce type d’imprimés, l’étude montre également comment résoudre un certain nombre d’énigmes telles que l’absence de privilèges ou l’incohérence de dates. La spécificité du privilège de théâtre est encore mise en relief lorsque sont détaillées sa composition, les pratiques éditoriales qui l’entourent et les trajectoires de plusieurs dramaturges, qu’ils soient en déficit de notoriété (Baussays) ou qu’ils se comptent parmi les plus réputés (Molière). Jean Leclerc réfléchit lui aussi à partir d’un corpus très en vogue au xviie siècle, celui de la poésie burlesque et de ses travestissements d’épopées antiques, qui renoue avec un contexte politique troublé. Qu’en est-il des privilèges de librairie au moment de la Fronde ? Qu’en 15est-il des privilèges des Perrault, de Laurent de Laffemas, de Brébeuf et de Furetière, dont les parcours sont ici considérés ? Les stratégies ne sont a priori pas différentes de celles adoptées par la littérature pamphlétaire religieuse de la fin du xvie au début du xviie siècle puisque le détournement parodique et ludique triomphe chez les Perrault, qui n’hésitent pas à récrire un privilège en vers burlesques dans Les Murs de Troye (1653). Quoique la finalité semble être littéraire et promotionnelle, ce type de réécriture trahit tout de même, par les lieux et dates de délivrance des lettres patentes, les dérèglements politiques et judiciaires qui affectent le royaume et, consécutivement, la librairie. L’une des pistes développées est en effet que la plupart des informations traditionnellement contenues dans les privilèges – dates d’obtention et d’achevé d’imprimer, nom du requérant, durée – sont, d’une manière ou d’une autre, entachées d’irrégularités et qu’elles pointent vers les bouleversements qui agitent la France. Ce corpus riant a donc forcément partie liée avec celui des mazarinades, d’autant que ses auteurs en ont parfois écrits.
Au cœur de l’analyse d’Éliane Itti se trouve Madame Dacier, dont la figure offre maints intérêts pour notre sujet : femme, femme roturière, femme huguenote, femme savante, femme-auteure prolixe, femme écrivant à l’orée du xviiie siècle, femme veuve d’un libraire, femme de, et, pour finir, femme partageant occasionnellement la plume avec son époux. Autant de caractéristiques fortes et singulières susceptibles d’avoir une incidence sur les privilèges que sollicite Anne Le Fèvre Dacier au cours de sa carrière, qu’ils soient personnels ou communs aux deux époux. L’enquête monographique explore cet éventail d’atouts et de handicaps pour donner à lire la difficulté d’asseoir une auctorialité, mais aussi la modernité d’une attitude face aux notions de rémunération du travail intellectuel et de propriété littéraire, notions qui feront l’objet de débats de plus en plus intenses au siècle suivant.
Pour clore ce premier volet, j’ai choisi de réunir trois études d’histoire de l’art qui pensent le privilège de librairie dans son articulation au texte et à l’image, voire à l’image tout court. Quoique cette discipline s’intéresse elle aussi de près aux privilèges depuis quelques années, elle n’avait guère entrepris à ce jour d’enquête à même de traiter de questions fondamentales : l’image est-elle protégée de la contrefaçon et est-elle soumise à la censure comme le livre ? Bénéficie-t-elle d’une législation propre ou est-elle comprise dans celle de la librairie ? Lorsqu’elle est 16reproduite dans le livre, en est-il fait mention dans le texte du privilège ? Graveurs et peintres sont-ils enclins à solliciter des privilèges et de quelle manière font-ils valoir leur droit à la propriété artistique ?
L’ample contribution d’Henriette Pommier sur les estampes en feuilles et les privilèges sous l’Ancien Régime y répond en grande partie. L’observation de la réglementation pour les livres imprimés sert de point de départ et permet de vérifier tantôt les points morts, l’estampe paraissant sinon absente de la couverture juridique et censoriale du livre, du moins non explicitement prise en compte, tantôt des points d’intersection, voire des transferts législatifs, certaines catégories d’estampes étant traitées comme les livres parce qu’elles touchent à des domaines sensibles (thèmes religieux) et/ou prestigieux (thèmes politiques). L’examen de textes de privilèges pour des ouvrages contenant des gravures corrobore l’idée que l’image est globalement soumise aux mêmes contraintes que le livre car elle est à la fois un objet susceptible d’être contrefait et un facteur potentiel de désordre. De même, un aperçu de la situation de quelques grands artistes peintres soucieux de la diffusion de leurs œuvres par l’estampe, tels Vouet, Rubens et Le Brun, souligne combien ceux-ci, à l’instar des auteurs, savent tirer honneur et fortune de la gratification royale, en remerciement des services rendus au pouvoir. L’objet privilège s’adapte en somme à l’estampe tout en respectant ses spécificités car l’on ne saurait perdre de vue que les graveurs, non régis par une communauté, jouissent d’une plus grande liberté que les éditeurs.
Pour faire valoir le caractère spécifique de la protection de l’image et aboutir à des conclusions fiables, un autre angle d’approche méthodologique s’imposait, celui de la statistique. Il est adopté par Daniel Régnier-Roux qui se saisit d’un corpus de deux cents livres d’architecture des xvie et xviie siècles pour construire un modèle de livre illustré couvert par un privilège. Les données chiffrées permettent de vérifier ou d’infirmer l’impact des temps forts de la réglementation de la librairie au cours des deux siècles et offrent une vision diachronique d’aspects essentiels pour l’interprétation et l’intelligibilité du système des privilèges : pourcentage des ouvrages d’architecture avec et sans privilège ; distribution des privilèges d’auteurs et d’éditeurs ; pourcentage d’ouvrages d’architecture comportant des extraits de privilège mentionnant l’image… À la lecture des textes de privilèges empruntés aux ouvrages de Jacques Androuet du Cerceau, de Geoffroy Tory, de Jacques Besson ou encore de Mathurin Jousse, il apparaît 17que les dispositions relatives à la protection du contenu iconographique de l’œuvre sont extrêmement détaillées, preuve supplémentaire que le privilège est sensibilisé à l’image et qu’il est attentif aux manipulations qu’elle peut subir. D’autres corpus d’ouvrages illustrés, tels les livres de médecine ou les livres d’emblèmes, restent naturellement à expertiser pour affiner de telles conclusions.
Pour terminer, mais aussi en guise de transition avec le deuxième temps de la réflexion, Sylvie Deswarte-Rosa présente une étude sur les privilèges épigraphiques au xvie siècle qui pourrait paraître anecdotique si elle n’était éminemment révélatrice du caractère protéiforme du privilège. Car celui-ci va chercher dans le champ qu’il doit protéger, en l’occurrence la science épigraphique, ses propres modalités de figuration, adoptant une typographie à l’antique, avec des caractères lapidaires. Ce mimétisme d’hommage est observable chez maints humanistes français et européens, gens de lettres, artistes, savants et éditeurs, qui ambitionnent de donner à leurs livres imprimés l’aspect de livres gravés dans le marbre, privilèges de librairie compris.
Y a-t-il une Europe des privilèges ? Comment le système des privilèges se décline-t-il ailleurs que dans le royaume de France ? Comment l’histoire politique et religieuse, le fonctionnement des institutions propres à chaque territoire, État, juridiction le modèlent-ils ? Tels sont les questionnements qui occupent le second volet de cet ouvrage. Sept contributions sous forme de panoramas historiques et juridiques sont proposées pour évaluer les variations de dispositifs. Les trois premières ont pour point commun de s’arrêter sur des entités politiques d’Europe du Sud, au territoire soit enclavé et limité (République de Venise, Vatican) soit morcelé (Espagne).
Le point de départ ne pouvait être que l’Italie, berceau du privilège de librairie. Angela Nuovo suit à Venise, capitale florissante de l’imprimerie italienne, la naissance et le développement du système des privilèges du xve au xvie siècle, expliquant de quelle manière il y fut porté par une politique encourageant sans cesse l’innovation au profit du développement commercial et du prestige national, comme dans les autres États italiens à la même époque. Mais la République vénitienne eut la primeur de légiférer en matière de privilèges de librairie au xvie siècle, d’abord en fonction d’un pragmatisme témoin des tâtonnements économiques d’un secteur alors en pleine expansion, puis en fonction de la censure 18religieuse liée à la Contre-Réforme, pour partie responsable du déclin de l’imprimerie vénitienne. Le Vatican est l’autre État italien tout puissant au xvie siècle puisque son autorité s’exerce théoriquement sur l’ensemble de la Chrétienté catholique. Jane C. Ginsburg s’appuie sur l’analyse de cinq cents privilèges et suppliques conservés aux Archives Secrètes du Vatican pour donner à comprendre ce que fut le régime des privilèges pontificaux et la place qu’y occupait l’auteur. Car ce corpus inédit s’avère un excellent terrain d’investigation pour définir et distinguer, en termes juridiques, les notions de propriété et de proto-propriété littéraires et artistiques dans la mesure où les privilèges concédés aux auteurs étaient majoritaires et qu’ils prenaient en compte leur statut de créateur. Il s’agit donc de reconsidérer la thèse selon laquelle le système des privilèges ferait passer au second plan la protection des auteurs, sans toutefois assimiler les privilèges émanant des autorités pontificales à un droit d’auteur avant la lettre. Le cas des privilèges d’impression en Espagne, du xve au xviie siècle, est abordé par María Luisa López-Vidriero Abelló. La structure administrative et politique de ce territoire, qui se présente non pas comme une monarchie centralisatrice à l’exemple de la France, mais comme une monarchie composée, a une incidence directe sur la librairie puisque chaque royaume met en place sa propre législation. Plusieurs systèmes de privilèges sont en vigueur au même moment et sont amenés à se superposer dans le livre imprimé, d’où un feuilletage extrêmement complexe de lois, taxes et autorisations, civiles et religieuses, dont témoignent la page de titre et le paratexte. Malgré l’effort de centralisation au fil des siècles, obtenir un privilège du « Roi d’Espagne » est paradoxalement chose impossible dans cette partie de l’Europe.
Trois aires géopolitiques sont couvertes pour l’Europe centrale et l’Europe de l’Ouest : le Saint-Empire romain germanique, les anciens Pays-Bas et la République genevoise. Ian Maclean retrace d’abord l’histoire des privilèges d’impression du xve au xviie siècle dans la vaste juridiction du Saint-Empire romain germanique et de l’Allemagne. La Chancellerie impériale doit faire face à des problèmes sinon absents dans le reste de l’Europe du moins fortement accentués : gestion d’un grand nombre de villes possédant des presses autorisées et, surtout, coexistence de multiples orientations confessionnelles, y compris au sein des Églises catholique et réformée. D’où de nombreux conflits d’intérêts que cristallise notamment la Foire du Livre de Francfort, 19de nécessaires ajustements dans la procédure d’octroi et, bien sûr, une grande variabilité dans l’exercice de la censure, selon que les villes sont catholiques, réformées ou luthériennes. Paul G. Hojtijzer considère les privilèges d’impression dans les anciens Pays-Bas, région dont on connaît l’importance et l’influence au sein du commerce international du livre à la période étudiée. Les Pays-Bas du Sud, en particulier la ville d’Anvers, se présentent comme le symbole d’une réussite de l’industrie du livre au xvie siècle ; au siècle suivant, c’est au tour des Pays-Bas du Nord et d’Amsterdam de prendre leur essor, grâce à la création de la République des Provinces-Unies en 1581. L’étude montre comment la situation décentralisée, fédérale, de la République néerlandaise crée, à partir de cette date, les conditions propices à une protection commerciale des requérants indépendante de la censure préventive, laquelle disparut quasiment, à l’inverse de ce qui se produisit dans les autres pays, même si les autorités demeurèrent vigilantes à l’égard des écrits religieux et politiques. Tout en décrivant la codification progressive de la procédure d’octroi jusqu’au xviiie siècle, période à laquelle le marché néerlandais perdit de son influence à l’étranger, l’étude souligne aussi les fluctuations de prérogatives en matière de délivrance des privilèges entre les États Généraux d’un côté et les États provinciaux de l’autre. Comme Venise, Genève est au xvie siècle une toute petite République indépendante dont l’industrie typographique réussit néanmoins à rayonner dans l’Europe entière. Jean-François Gilmont rappelle que le souci majeur des imprimeurs et libraires de renom qui se sont installés dans la ville à partir de 1550 est de se réserver non la clientèle locale mais la production locale, étant donné que le marché du livre genevois se situe en dehors des frontières. Il analyse la farouche concurrence pour l’obtention et le maintien de monopoles d’impression qui en découle, savamment entretenue par le Conseil de la ville et ses représentants, qui se servent des privilèges comme d’un instrument de pouvoir et de contrôle.
Représentée à travers l’Angleterre, l’Europe septentrionale met un terme à ce tour d’horizon. John Feather se penche sur les privilèges d’impression au début de l’Époque moderne (fin xve-xviiie siècles). L’étude montre qu’au xvie siècle, la Couronne octroie des monopoles aux imprimeurs royaux afin de promouvoir la Réforme anglaise et qu’elle fait ensuite alliance avec la Stationer’s Company, dont l’influence et la fiabilité sont telles qu’elle se voit déléguer le contrôle des privilèges, avant que 20celui-ci ne revienne aux mains du pouvoir au xviie siècle avec la loi du Printing Act (1662). L’abrogation de cette dernière en 1695 allait mettre un terme définitif à la censure préalable en Angleterre, tout en ouvrant la voie au Copyright Act (1710).
Terminer par l’Angleterre revêt une signification particulière dans le cadre d’une étude sur les privilèges de librairie car il est désormais établi que l’exportation du copyright vers le Nouveau monde s’est effectuée via les migrants anglais au xviie siècle30. Cela dit, nombreuses sont les zones géographiques restant à explorer en Europe pour pouvoir compléter le tableau que nous esquissons dans le présent volume. Le Portugal (et son empire colonial) est un exemple parmi d’autres des pistes susceptibles de prolonger ce travail, la présence de l’Inquisition ayant pu jouer, comme en Espagne, un rôle déterminant dans la censure préventive des livres. Aussi bien mon souhait est-il d’ouvrir le champ de recherche et de participer à une dynamique où les privilèges de librairie s’avèrent un objet de curiosité scientifique plus que des « curiosités bibliographiques ».
Edwige Keller-Rahbé
Université Lumière Lyon 2
IHRIM-UMR 5317
Je tiens à remercier tous mes collègues, notamment ceux du Groupe Renaissance et Âge Classique, pour leur disponibilité et leur investissement généreux dans ce projet. Ma gratitude va spécialement à Henriette Pommier et Daniel Régnier-Roux ; sans leur compagnonnage intellectuel et amical, sans le temps qu’ils m’ont tous deux patiemment prodigué, ce volume n’aurait pu voir le jour. Je voudrais aussi exprimer ma vive reconnaissance à Nicolas Schapira, dont les travaux ont suscité mon intérêt pour les privilèges. Que soient également remerciés les traducteurs : Renée-Claude Breitenstein (anglais), Jeremy Daly (anglais), Nathalie Doudet (italien) et Philippe Larochette (anglais).
1 Eugène Griselle, « Curiosités bibliographiques (Titres d’ouvrages inventés à plaisir ; Le Registre des privilèges de librairie de 1688 à 1700) », Bulletin du bibliophile, 1911, p. 177-195 et p. 209-222.
2 Ibid., p. 185.
3 Voir la très riche bibliographie de Laurent Pfister, L’Auteur, propriétaire de son œuvre ? La formation du droit d’auteur du xvie siècle à la loi de 1957, Thèse, J.-M. Poughon (dir.), Strasbourg, Université Robert Schuman, 1999, t. II, p. 907-954. L’auteur note cependant que l’histoire du droit d’auteur s’est relativement peu intéressée à l’institution du privilège.
4 Henri-Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au xviie siècle (1598-1701), Genève, Droz, 1969 (rééd. 1999).
5 Alain Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1985.
6 Elizabeth Armstrong, Before Copyright : The French Book-Privilege System, 1498-1526, New York-Cambridge University Press, 1990.
7 Jean-Dominique Mellot, L’Édition rouennaise et ses marchés (vers 1600-vers 1730). Dynamisme provincial et centralisme parisien, collection « Mémoires et documents de l’École des chartes », 1998. Voir aussi « Le régime des privilèges et permissions d’imprimer à Rouen au xviie siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, t. 142, 1984, p. 137-152.
8 Ibid., p. 102-103.
9 L. Pfister, L’Auteur, propriétaire de son œuvre ?, op. cit., p. 10.
10 Ibid., p. 18.
11 De la publication. Entre Renaissance et Lumières, C. Jouhaud et A. Viala (dir.), Paris, Fayard, 2002.
12 Nicolas Schapira, « Quand le privilège de librairie publie l’auteur », ibid., p. 121-137.
13 C. Lévy-Lelouch, « Quand le privilège de librairie publie le roi », ibid., p. 139-159.
14 Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au xviie siècle. Valentin Conrart : une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003. Voir en particulier le Chapitre 2 : « Quand le privilège de librairie publie l’auteur », p. 98-152.
15 Nicolas Schapira, « Occuper l’office. Les secrétaires du roi comme secrétaires au xviie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2004, t. 51, no 1, p. 36-61 ; « Les secrétaires particuliers sous l’Ancien Régime : les usages d’une dépendance », Les Cahiers du Centre de recherches historiques, 40, 2007, http://ccrh.revues.org/3392 ; « Le monde dans le livre, le livre dans le monde : au-delà du paratexte. Sur le privilège de librairie dans la France du xviie siècle », Histoire et civilisation du livre, Revue internationale, VI, 2010, p. 79-96 ; « Nom propre, nom d’auteur et identité sociale. Mises en scène de l’apparition du nom dans les livres du xviie siècle », L’Anonymat de l’œuvre (xvie-xviie siècles), B. Parmentier (dir.), Littératures classiques, no 80, 2013, Paris, Armand Colin, p. 71-86.
16 Copier et contrefaire. Faux et usage de faux, Actes du colloque organisé par R.H.R. et la S.F.D.E.S., octobre 2009, P. Mounier et C. Nativel (dir.), Paris, Champion, 2014. Voir la première partie : « La contrefaçon au xvie siècle : approche générale » (Laurent Pfister, « Histoire du droit et des idées politiques », p. 19-26 et Magali Vène, « Histoire du livre », p. 45-50) et la deuxième partie : « Les pratiques de contrefaçon : études de cas », chap. 5, « Histoire du livre ».
17 Alain Riffaud, Une archéologie du livre français moderne, Genève, Droz, 2011.
18 J.-D. Mellot, article « Privilège », Dictionnaire encyclopédique du livre, P. Fouché, D. Péchoin, P. Schuwer (dir.), et la responsabilité scientifique de J.-D. Mellot, A. Nave et M. Poulain, Paris, éd. du Cercle de la Librairie, t. III, 2011, p. 378-387.
19 Voir la Bibliographie ainsi que celle de l’anthologie des privilèges d’auteurs en France (xvie-xviie siècles), éd. M. Clément et E. Keller-Rahbé, Paris, Classiques Garnier, « Textes de la Renaissance », série « Discours éditoriaux », 2017.
20 Voir la bibliographie et les contributions réunies dans le présent volume.
21 Privilege and Property. Essays on the History of Copyright, R. Deazley, M. Kretschmer, L. Bently (dir.), OpenBook Publishers, Cambridge, 2010.
22 www.copyrighthistory.org.
23 Hétérodoxies croisées. Catholicismes pluriels entre France et Italie, xvie-xviie siècles, Gigliola Fragnito et Alain Tallon (dir.), Collection de l’École française de Rome, 2015 ; en ligne sur OpenEditions Books (14 mai 2015) : http://books.openedition.org/efr/2823?lang=fr.
24 Sur le chapitre de l’organisation du contrôle de l’imprimé, voir : Gigliola Fragnito, « La censura ecclesiastica nell’Italia della Controriforma : organismi centrali e periferici di controllo » (http://books.openedition.org/efr/2836) et Jean-Louis Quantin, « Les institutions de censure religieuse en France (xvie-xviie siècles) » (http://books.openedition.org/efr/2837). Sur le chapitre de la censure des livres, voir : Giorgio Caravale, « Censura romana e libri francesi nella seconda metà del’500. Qualche riflessione su normativa e casi specifici » (http://books.openedition.org/efr/2846) ; Elena Valeri, « “Per la conservatione della religione e dello stato”. Les guerres de religion en France aux yeux des historiens italiens (xvie-xviie siècles) » (http://books.openedition.org/efr/2847) ; Jean-Louis Quantin, « Érudition gallicane et censure romaine au tournant des xvie et xviie siècles : Papire Masson devant l’Index » (http://books.openedition.org/efr/2849) ; Miguel Gotor, « “Onde non apparisca che anco tra i cattolici siano diversità d’opinioni in quello che riguarda la fede” : i sermoni di Ignazio di Loyola e le censure della Facoltà di Teologia del 1611 tra Parigi e Roma » (http://books.openedition.org/efr/2850) ; Jean-Pascal Gay, « Histoire de censures inversées : Nicolas Chichon, Suárez et Saint-Office (1624-1637) » (http://books.openedition.org/efr/2852) ; Corrado Pin, « Paolo Sarpi a colloquio con i gallicani » (http://books.openedition.org/efr/2869).
25 Programme ANR : Blanc-SHS 3-Cultures, arts, civilisations (Blanc SHS 3) 2011 ; référence projet : ANR-11-BSH3-0006. Voir la présentation du projet en ligne par Dominique Margairaz, coordinatrice : http://www.agence-nationale-recherche.fr/?Projet=ANR-11-BSH3-0006.
26 Je tiens ici à marquer ma dette personnelle envers ces travaux et leurs auteurs.
27 Le Discours du livre. Mise en scène du texte et fabrique de l’œuvre sous l’Ancien Régime, A. Arzoumanov, A. Réach-Ngô et T. Tran (dir.), Classiques Garnier, « Études et essais sur la Renaissance », 2011, 4e de couv.
28 Voir, par exemple Frédéric Deloffre, « Quelques réflexions sur la critique d’attribution », L’Histoire littéraire : ses méthodes et ses résultats. Mélanges offerts à Madeleine Bertaud, L. Fraisse (dir.), Genève, Droz, 2001, p. 247-271.
29 Pour la France : Michèle Clément (Université Lyon 2), Sylvain Cornic (Université Lyon 3), Dominique Descotes (Université de Clermont-Ferrand), Louise Katz (EPHE), Jean-Dominique Mellot (BnF), Julie Menand (Université Lyon 2), Alain Riffaud (Université du Maine), Nicolas Schapira (Université de Marne-la-Vallée), Dominique Varry (Enssib), Laurent Pfister (Université de Panthéon-Assas), Denis Reynaud (Université Lyon 2), Laurent Thirouin (Université Lyon 2), Magali Vène (BnF), Tristan Vigliano (Université Lyon 2). Pour l’Europe : Ilaria Andreoli (Harvard University Center for Italian Renaissance Studies, Florence) ; Maria Luisa López-Vidriero (Biblioteca real de Madrid). Pour l’Amérique du Nord : Jane Ginsburg (Columbia University) ; Claude La Charité (Université du Québec à Rimouski).
30 Voir Oren Bracha, « Early American Printing Privileges. The Ambivalent Origins of Authors’ Copyright in America », Privilege and Property, op. cit., p. 89-114.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-05985-1
- EAN : 9782406059851
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05985-1.p.0007
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 02/06/2017
- Langue : Français