![Perceval le Galloys en prose (Paris, 1530). Chapitres 1-25 - Introduction](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/MciMS10b.png)
Introduction
- Publication type: Book chapter
- Book: Perceval le Galloys en prose (Paris, 1530). Chapitres 1-25
- Pages: 9 to 23
- Collection: Literary Texts of the Middle Ages, n° 76
- Series: Mises en prose, n° 12
INTRODUCTION
Avec ce volume se clôt mon édition du Perceval de 1530 : le choix de proposer en dernier la partie qui correspond au Conte du graal, qui pourrait surprendre, reposait sur l’existence de l’ancienne édition Hilka : malgré des limites aujourd’hui évidentes, celle-ci a rendu de grands services pendant presque un siècle, en permettant de lire la mise en prose du roman de Chrétien dans une transcription pseudo-diplomatique1.
Le livre
La Tres plaisante et recreative hystoire de Perceval le Galloys fut éditée à Paris par Bernard Aubry pour Jehan Longis, Jehan Sainct Denis et Galliot Du Pré, en 1530 (le privilège est daté 20 mars 1529 [n.st. 1530], l’achevé d’imprimer 1er septembre 1530). La page de titre, qui alterne le rouge et le noir en mettant en relief les éléments saillants, personnages et objets, ne manque pas de souligner la nouveauté de l’impression et la présence du privilège2 :
Tres plaisante et recreative hystoire du tres preulx et vaillant chevallier Perceval le Galloys, jadis chevallier de la Table Ronde, lequel acheva les adventures du sainct graal, avec aulchuns faictz belliqueulx du noble chevallier Gauvain et aultres chevalliers estans au temps du noble roy Arthus. Non auparavant imprimé.
Avec privilege.
10On les vend au Pallais à Paris, en la boutique de Jehan Longis, Jehan Sainct Denis et Galliot Du Pré, marchans libraires demourant audict lieu3.
Ce long intitulé, que Mathilde Thorel a pu considérer comme paradigmatique de la production de l’époque4, dessine déjà, selon Imperiali, « une modification de l’horizon d’attente » : non seulement les adjectifs tres plaisante et recreative indiquent « un déplacement [du] centre d’intérêt du récit »5, mais le fait de nommer le protagoniste d’entrée de jeu prive le texte – et le lecteur – d’une des problématisations majeures du roman de Chrétien.
Parmi les vingt-trois exemplaires recensés à ce jour6, la plupart ajoutent aux 220 feuillets occupés par la mise en prose du Conte du graal et de ses trois Continuations un cahier supplémentaire, signé AA.I-IV, qui contient un fragment intitulé Elucidation de l’Hystoire du Graal ; organisé en quatre chapitres numérotés et introduits par un titre, il constitue indubitablement un ajout ultérieur, comme le prouve le fait que la Table du volume (f. aa.IIr-IVr) n’en fait aucune mention7.
Sur le plan matériel8, cette édition de Perceval est un petit in-folio ; le texte est distribué sur deux colonnes de 44 lignes chacune (justification ca 70 x 220 mm / colonne, intercolonne de 5 mm), avec la seule exception du privilège (f. aa.Iv), disposé sur longues lignes. Après les deux premiers cahiers (aa et AA lorsque celui-ci est présent), les feuillets reçoivent une double numérotation sur le recto : foliotation en bas à 11droite (a.I-VI – Q.I-VI + R.I-IV) et pagination en chiffres romains en haut à droite, de .I. à .CCXX., avec quelques erreurs9.
Le contenu se présente comme suit :
aa1r : frontispice ; aa.1v : privilège ;
aa2r-4r : « Briefve recollection des matieres contenues au present volume », à savoir la table des titres ;
aa4v : gravure (Perceval ? à cheval : Galliot Du Pré avait déjà utilisé cette illustration dans son édition de Meliadus de Leonnoys, publiée en 1528 : Rés.Y2.354) ;
AA1r-4r : Elucidation de l’Hystoire du Graal ;
AA4v : gravure (la même qu’au f. aa.4v) ;
1r-v : Prologue, précédé d’un bois gravé représentant un clerc ou un copiste dans son atelier (demi-page)10 ;
2ra : incipit : « Cy commence l’Hystoire recreative contenant les faictz et gestes du tres preulx et vaillant Perceval le Galloys (Galoyos), chevalier de la Table Ronde » ;
220rb : explicit : « Fin du romant et hystoire du preulx et vaillant chevallier Perceval le Galloys, jadis chevallier de la Table Ronde […] Le tout nouvellement imprimé à Paris pour honnestes personnes Jehan Sainct Denis et Jehan Longis, marchans libraires demourans audict lieu. Et fut achevé de imprimer le premier jour de septembre l’an mil cinq cens trente ».
Les titres courants correspondent aux diverses sections et reflètent le contenu :
–aa2r-4r : « La table de ce present livre » ;
–AA1r-4r : « Elucidacion de Hlystoire [sic] du Graal » au recto, « Elucidation de Lhystoire du Graal » au verso ;
–1v : « Prologue » ;
–2-220 : « Perceval le Gallois / Galloys » (même titre au recto et au verso ; les deux graphies alternent).
12le cahier aa
C’est grâce à Perceval le Gallois que le mot même « Elucidation » a fait son entrée dans la galaxie des textes diversement rattachés au Conte du graal de Chrétien : introduit par notre prosateur – ou par l’éditeur, la question demeure ouverte –, le titre attribué ici aux quatre premiers chapitres de la prose a en effet été repris par la suite et appliqué rétrospectivement à la source versifiée. En inaugurant cette tradition critique dans son édition de 1931, A.W. Thompson affirmait que ce substantif n’est pas attesté en ancien français11 : de fait, après une occurrence isolée chez Jean Goulain (traduction du Rationale divinorum officiorum, 1372, citée dans GdfC), le DMF enregistre une occurrence en 1459, une autre chez Simon de Phares (1494-1498) ; le mot reviendra ensuite dans les Illustrations de Gaule de Jean Lemaire de Belges (GdfC toujours) pour s’implanter ensuite dans le lexique. Le sens de son étymon latin, ‘révélation’, convient manifestement à ces chapitres introductifs, qui annoncent les secrets du graal, tout en introduisant le règne du roi Arthur et le cadre familial du protagoniste de la tres plaisante et recreative hystoire qui suivra.
Malgré un titre unifiant, ce contenu correspond à deux sources distinctes : les trois premiers chapitres couvrent en effet le contenu de l’Elucidation proprement dite (manuscrit unique : Mons, BU, 331/206), le dernier celui du Bliocadran (deux copies conservées : même manuscrit de Mons12, et Londres, BL, Add. 36614).
Puisque la copie de Mons ne peut pas constituer la source de la mise en prose, car elle transmet la version « courte » de la Première Continuation, force est de constater une fois de plus que le modèle utilisé par le « prosateur » ne nous est pas conservé. Selon une hypothèse avancée il y a quelques années déjà13, il n’est d’ailleurs pas nécessaire d’imaginer que le « translateur » de 1530 a eu accès à un manuscrit complet contenant la série Elucidation – Bliocadran – Conte du graal – Continuation 131 – Continuation 2 – Continuation Manessier ; au contraire, la structure même de l’édition parisienne rend vraisemblable un accès « tardif » aux deux pseudo-prologues, assez proche dans le temps néanmoins pour permettre une rédaction rapide des quatre premiers chapitres et un ajout après coup de ce cahier supplémentaire.
Mis à part les aspects matériels, on retiendra que tout sépare ces quatre chapitres du reste du Perceval ; non seulement cette section porte un titre à part (Elucidation de l’Hystoire du graal), mais trois des quatre intitulés qui répartissent la matière suivent une structure nominale, qui les différencie de tous les autres : De la louable coustume… ; La cause pour laquelle […] et du premier chevallier […] ; et come il leur estoit mescheu… ; Cy divise le compte du graal… Ils sont aussi les seuls dans tout le texte à être numérotés, de chappitre premier à chappitre quatriesme. Plus important, la technique de « traduction » et d’adaptation de la matière paraît sensiblement différente de celle du reste de la prose, comme on essaiera de le montrer dans le paragraphe consacré à la réécriture.
le contenu
La célébrité même du contenu du Conte du Graal nous dispense d’en fournir un sommaire détaillé ; les lignes qui suivent n’auront pour but que de montrer comment la matière est distribuée dans les chapitres de la prose14.
Au printemps, Perceval rencontre cinq chevaliers dans la forêt (chapitre 1) ; ayant affirmé sa volonté de devenir chevalier à son tour, sa mère lui fournit l’habillement et les enseignements nécessaires ; Perceval la quitte (chapitre 2). Dans une tente, il trouve une demoiselle endormie : il l’embrasse et vole son anneau ; à son retour, l’ami de celle-ci décide de la punir (chapitre 3). Après avoir rencontré le Chevalier Vermeil, Perceval demande au roi Artus de l’adouber ; le rire de la jeune fille provoque la colère de Keux, qui la frappe et renverse le nain du roi ; Perceval quitte la salle (chapitre 4). Ayant tué d’un javelot le Chevalier Vermeil, 14Perceval renvoie la coupe d’or au roi et, avec l’aide de Guyon, il revêt son armure ; Artus regrette le départ du jeune écuyer (chapitre 5). Au château de Gornemart de Gohor, Perceval apprend quelques techniques, il est adoubé et reçoit d’autres enseignements (chapitre 6). Accueilli à Beaurepaire par Blancheflour, il défend ce château contre Guingueron, qu’il envoie prisonnier à la cour ; le château est mis sous siège par Clamadieu (chapitre 7). Battu lui aussi, Clamadieu se rend également chez le roi Artus (chapitre 8). Parti de Beaurepaire, Perceval est accueilli chez le roi Peschor, qui lui offre une magnifique épée (chapitre 9). Il assiste alors au cortège du graal ; le lendemain, le château est désert (chapitre 10). Dans la forêt, Perceval rencontre une dame pleurant son ami mort : c’est sa cousine, qui l’accuse de n’avoir pas posé de questions sur le graal et lui révèle la mort de sa mère ; Perceval devine son propre nom. L’ayant quittée, il rencontre la jeune fille du pavillon, injustement punie par son ami (chapitre 11). Perceval affronte l’Orgueilleux de la Lande, le bat et lui impose de mettre fin à cette punition et de se rendre avec son amie à la cour d’Artus (chapitre 12). Le roi décide alors de partir à la recherche de Perceval ; le matin suivant, celui-ci est entièrement absorbé par les trois gouttes de sang tombées sur une noix (chapitre 13). Après l’échec de Saigremor et de Keux, blessé au bras, Gauvain s’approche (chapitre 14) et parvient à conduire Perceval au roi (chapitre 15). La Damoiselle Hideuse proclame le malheur de Perceval et annonce à la cour l’aventure du Chastel Orguilleux (chapitre 16). Guingambresil se présente alors accuser Gauvain du meurtre de son seigneur (chapitre 17). Ayant quitté la cour, Gauvain participe au tournoi de Tintagel, où il se bat victorieusement au nom de la Pucelle aux Petites Manches (chapitre 18). Accueilli par le roi d’Escavallon et par sa sœur, Gauvain est assiégé par la commune ; le roi défend son hôte et diffère d’un an le combat contre Guingambresil, parvenu par hasard au château (chapitre 19).
Retour rapide à Perceval. Cinq ans plus tard, un vendredi saint Perceval rencontre dix pénitents, puis l’ermite son oncle, qui lui révèle son péché : avoir provoqué la mort de sa mère (chapitre 20).
Retour à Gauvain. Dans la forêt il rencontre d’abord un chevalier navré, puis une jeune fille qui le prie de récupérer son palefroi ; il revient ensuite au chevalier, qu’il guérit, mais qui s’empare de son cheval (chapitre 21). La « male pucelle » se moque de Gauvain et l’encourage à monter un roncin : elle le suivra (chapitre 22). Ils parviennent au bord d’une rivière, 15près du château des demoiselles ; en battant le neveu de Greoreas, Gauvain récupère son cheval. La demoiselle partie, il est accueilli par un nautonier (chapitre 23). Le lendemain, ayant appris les merveilles du château, Gauvain surmonte l’épreuve du Lit de la Merveille ; il est accueilli par la reine, mais refuse de rester, malgré la coutume (chapitre 24). Reparti du château, il passe le Gué Périlleux et rencontre Siromelans, qui lui révèle les merveilles du château des dames ; puis, ayant appris son identité, il fixe la date pour le combat. Gauvain retourne au château (chapitre 25).
Dans la section éditée ici, la matière du Conte du graal – qui correspond à quelque 9 200 vers dans l’édition Busby – est donc répartie en 25 chapitres à la longueur fort inégale : les fragments les plus longs comptent plus de 8 000 mots (chapitres 18 et 19), les plus courts moins de 1 000 (700 mots pour le chapitre 17, moins de 500 pour le chapitre 22), la moyenne correspondant à ca 2 400 mots. À la simple lecture, on constate une correspondance assez régulière entre chapitre et épisode dans la première partie du récit, alors que ce lien devient beaucoup plus lâche à partir du chapitre 21, pour les dernières aventures de Gauvain en particulier. Malgré une distribution si inégale, dont la responsabilité pourrait revenir tant à l’auteur de la prose qu’à l’imprimeur, la technique de réécriture maintient les mêmes caractéristiques que dans le reste de la mise en prose – avec la remarquable exception des quatre premiers chapitres comme on va le voir.
la technique de réécriture
Revenons en premier lieu sur les chapitres qui composent l’Elucidation de l’Hystoire du graal. Plusieurs éléments portent à croire que ceux-ci sont l’œuvre d’un remanieur différent de celui du reste du Perceval15.
L’aspect le plus évident consiste en la synthèse opérée sur le modèle : bien que ci et là des octosyllabes ou des effets de rime se reconnaissent – ils sont ponctuellement signalés dans les notes au texte – le « prosateur » se permet des coupes importantes, dont deux sautent aux yeux. 16La plus évidente concerne les sept « gardes », passage obscur s’il en est, pour lequel on ne lui reprochera pas la manière dont il se tire d’affaire dans le dernier paragraphe du troisième chapitre16, en affirmant que de toute manière il n’est pas nécessaire d’y insister « d’aultant que le compte y est asséz affamé », c’est-à-dire ‘connu’, ‘célèbre’ (AA3ra)17. Le Bliocadran n’est pas en reste, puisque le quatrième chapitre s’arrête à la mort du père de Perceval, en faisant l’économie de quelque 560 vers18.
L’auteur de l’Elucidation en prose n’hésite pas non plus à prendre le devant de la scène, que ce soit pour s’exprimer à la première personne19, ou pour ajouter des renvois à la source20. Il déploie aussi ses efforts pour raccorder, par des anticipations et des annonces en partie seulement tirées du modèle, ces chapitres préliminaires à des épisodes ultérieurs, entre autres le séjour de Gauvain au château du roi Pêcheur21, ou pour souligner la transition vers l’aventure qui coûtera la vie à Bliocadran22.
Au-delà de quelques difficultés de compréhension de l’ancien français, ou de lecture du manuscrit en vers dont il disposait, commentées dans les notes au texte, il me semble plus intéressant de signaler ici quelques mots et locutions qui ne se lisent que dans ces pages introductives. Le substantif varlet est par exemple conservé (quatre fois au f. AA3va), alors que dans l’ensemble du texte il est soit accompagné, soit remplacé par le synonyme escuier (19va, 19vb pour la portion éditée ici). D’autres mots n’apparaissent que dans cette portion du texte, ou bien y trouvent une concentration d’emplois beaucoup plus importante que dans la suite23 : 17contenement, creancer, delaiment, deviser, dresser, emmy, encommencer, encontrer, (cy) endroict, ensemble o, ensemblement, erramment, sans faille, forment, gramment, greigneur, (en nulle) guise, (en toutes) guises, hanter, lyé, remanoir.
Le « Prologue » mérite aussi quelques mots de commentaire24. Annoncé en bas du f. AA4vb (dans les exemplaires pourvus de ce cahier) par l’incipit « Cy aprés vient le Prologue de cil qui redigea le compte en ancienne rime françoyse, qui puis a esté mis en tel escript comme vous le poués veoir à present » ; sous une forme plus succinte dans la marge supérieure du f. 1r : « Cy commence le Prologue de l’acteur » ; ce texte liminaire est un habile montage de deux voix : celle de Chrétien, dont est repris l’essentiel des v. 1-68, et celle du « traducteur », qui paraphrase, amplifie, glose, et dont l’invite finale, à « retenir et reserver le grain et mectre au vent la paille » (1vb), fait écho ostensiblement au premier vers de l’original (« Ki petit semme petit quelt »), longuement préparé ici : « Il est naturellement impossible à celuy qui en sa terre n’espand ou seme la semence à suffisance qu’il y puisse recueillir le grain en habondance ; par quoy est le proverbe veritable disant ‘qui petit seme petit recueille’ » (1ra).
Le nom de « cil qui redigea le compte en ancienne rime françoyse » n’apparaît de fait pas, ce qui confirmerait la « conspiration du silence » dont Chrétien fut la victime dès le xive siècle25. Cependant, il n’est peut-être pas illégitime de se demander si un concours de circonstances – linguistiques et matérielles – n’ont pas empêché le traducteur de 1530 de reconnaître l’identité du Champenois. Le poète se nomme, comme l’on sait, au v. 7 (« Crestïens semme et fait semence | D’uns romans… »), puis au v. 62 (« Dont avra bien salve sa paine | Crestïens, qui entent et paine | Par le commandement le conte | A rimoier… ») ; or, le contexte même de la première occurrence – au sein de l’évocation de la parabole évangélique – permettrait d’interpréter « crestïens » comme ‘un bon chrétien’, ‘n’importe quel bon chrétien’, qui agira comme le bon semeur en « semant » un bon récit ; si l’on admet la possibilité d’une telle confusion entre nom propre et nom commun, le retour du mot 18pour désigner l’auteur du « conte » autoriserait bien la même interprétation, ce même chrétien acceptant de mettre en rime son sujet afin d’obtempérer à la volonté de son maître. Vaille que vaille, l’initiale majuscule, isolée dans la colonnette de gauche dans les manuscrits du Conte, n’aurait aucunement permis de distinguer celle-ci des autres lettres initiales de vers.
Ceci dit, juste après la célébration des mérites et des vertus chrétiennes de Philippe de Flandre, c’est l’auteur de la prose qui prend la parole pour reconstituer les conditions de composition de l’œuvre, le comte ayant chargé « aucun docte orateur »26 de mettre par écrit « les faictz et vie » de Perceval (1va) ; beaucoup plus tard, la comtesse Jeanne confiera à Manessier la tâche de mener à terme un récit demeuré malheureusement inachevé (1vb). La totalité du texte est ainsi présentée comme l’œuvre de deux seuls auteurs, un anonyme et Manessier, conformément aux indices qui se lisent dans l’épilogue de la Troisième Continuation (v. 42638-42668 de l’édition Roach)27, les seuls dont disposait notre prosateur, les manuscrits contenant le Conte du Graal et ses Continuations ne présentant de fait aucune coupure interne28.
C’est ainsi sur un tronc ancien que se greffe le travail du prosateur, qu’il justifie d’abord – comme beaucoup de ses devanciers au siècle précédent – par des raisons d’ordre stylistique et linguistique29 ; si le langage de la source est qualifié de « fort non acoustumé et estrange » (1vb), c’est le recours au verbe traduire qui doit plutôt éveiller notre attention, s’agissant d’une formation récente surtout pour son application à une traduction intralinguale : le prosateur affirme en effet avoir dû opérer à deux niveaux : « traduire » la langue et « mectre de rithme en prose familiere » un poème devenu peu accessible ; ce n’est sans doute pas un 19hasard d’ailleurs si les auteurs des modèles en vers sont désignés par le susbtantif ‘ancien’ : « mes predecesseurs translateurs » (1vb)30.
Pour l’ensemble de la réécriture, je ne peux que réaffirmer l’extrême proximité de la prose avec son modèle en vers, quel qu’il fût. Les reprises d’octosyllabes étant trop nombreuses pour être seulement répertoriées ici, je me limiterai à rappeler les groupes de plus de trois vers que le prosateur a reproduits soit tels quels, soit à de petits détails près ; on retrouve ainsi dans Perceval le Galloys les v. 4728-4733, 4864-4868, 5017-5020, 6267-6270, 6476-6480, 7045-7047 et 7049-7051, 7331-7338, 7825-7828, 8146-8149, 8199-8202, 8430-8433, 8436-8439, 8463-8468, 8616-8620, 8631-8633, 8638-8641, 9027-903131. Les détracteurs de nos mises en prose y trouveront matière pour accuser le prosateur de paresse ; sans que cela constitue une défense à tout prix, ce procédé me semble constituer aussi la preuve d’une certaine compétence passive de l’ancien français de la part des lecteurs de 1530 qui irait à l’encontre des affirmations du Prologue : certes, une traduction demeure indispensable, mais la langue de Chrétien devait être globalement compréhensible sous François Ier, même sur le plan morphosyntaxique : quelques pronoms personnels, des formes verbales, article indéfini pluriel, génitif organique, gardent parfois l’ancienne forme.
D’autre part, les passages ne manquent pas où la prose reproduit le rythme de l’octosyllabe indépendamment de la source en vers ; en principe, rien ne permet d’exclure que les « vers » relevés se trouvent dans le manuscrit que le prosateur avait sous les yeux, mais ces fragments sont assez fréquents pour que l’hypothèse d’une influence du rythme lui-même ne soit pas invraisemblable. Je ne fournirai qu’un court extrait, où les octosyllabes venant du Conte du graal s’enchâssent dans des phrases où le rythme est maintenu, malgré quelques approximations32 :
Atant soubz le chesne regarde (= v. 6540), | où veit une pucelle assise | qui moult fut advenante et belle (= v. 6542), | qui avoit triste contenance | qui fainctement ne demonstroit | par le derompement que de ses cheveulx faisoit | et par deuil qu’on luy veit faire | pour ung chevallier fort navré | que souvent baisoit en la bouche. | Et lorsque Gauvain l’aprocha, le chevallier blessé apperceut, 20| lequel fort deplaisant estoit | et eust une plaie moult griefve (= v. 6553) | d’ung coup d’espee sur la teste ; | et de ses costez en deux lieux | coulloit le sang habundamment… (f. 35rb)
La fidélité à tout prix dont l’auteur de 1530 fait preuve, et la bonne maîtrise qu’il avait de l’ancien français ainsi que de la paléographie, ne lui ont pas évité des fautes flagrantes. Point n’est nécessaire de revenir, après Jean Frappier, sur la scène célèbre des trois gouttes de sang sur la neige, transformées en trois gouttes tombées sur une noix (voir la note au f. 24ra). Ailleurs, c’est le cas sujet masculin qui lui pose difficulté : on rappellera la mise en garde de la demoiselle, qui craint que [s]es amis ne trouve Perceval dans son pavillon (v. 692), alors que dans la prose ce serait un groupe d’amis qui risquent de faire retour (f. 5vb) ; ou encore, li sages créateur d’un proverbe (v. 1653) passe au pluriel (des aucteurs au f. 10va) ; ou li deables évoqué au sein d’une imprécation (v. 8604) se transforme lui aussi en une troupe : les faulx ennemis (f. 44rb).
Bien que les cas ne soient pas nombreux, quelques mots demeurent opaques au prosateur : si le contexte peut aider dans certains cas, dans d’autres il essaie de se débrouiller avec des résultats parfois déroutants. J’ai déjà eu l’occasion de commenter certains remplacements systématiques33 ; c’est surtout le mot vavasors qui s’avère intéressant pour nous, dans la mesure où les solutions adoptées révèlent la difficulté de l’auteur à trouver un correspondant univoque dans sa langue, et sans doute aussi dans sa culture : maistre en chevallerie (f. 10va), divinateur (f. 28ra, 29ra, 29rb, 31ra), preudhomme (f. 29rb), veneur (f. 32ra, 33rb, 33va, 33vb).
Je ne pense pas pécher d’affection, après une fréquentation de quelque quinze ans, en considérant l’auteur anonyme comme un bon interprète du roman qu’il adaptait au public de 1530 ; les modifications qu’il a introduites, conscientes ou non, volontaires ou non, sauf exception n’ont finalement pas dénaturé le texte de départ ; et son travail immense – n’oublions pas qu’il s’est confronté à une somme de plus de 40 000 vers – a permis à un nombre sans doute non négligeable de lecteurs d’avoir accès pour la première fois grâce à l’imprimé aux aventures de Perceval et aux mystères du graal tels que Chrétien de Troyes les avait proposés34.
21Un manuscrit modèle ?
Je ne reviendrai pas sur la tradition manuscrite du Conte du graal, dont la complexité et le caractère lacunaire ont jusqu’ici empêché les éditeurs de reconstituer un stemma définitif ; les mots de Keith Busby sont clairs : « Après de longs et de vains efforts, j’ai abandonné tout essai de construction d’un stemma généalogique des manuscrits du Perceval » (édition, p. xl), bien que la reconstitution de quelques familles et filiations demeure possible (p. xliii et ss.).
Quant à la possibilité de reconnaître un lien entre notre version en prose et l’une ou l’autre des copies conservées du roman médiéval, elle se heurte à des relevés extrêmement contradictoires35. Même en négligeant les leçons où la tradition manuscrite est changeante par définition (noms de nombre, noms propres…) et en se limitant aux macro-variantes, les passages que j’ai retenus ne permettent aucunement de déceler un rapport avec l’un ou l’autre des manuscrits conservés.
Je n’offrirai ici qu’un specimen de la collation exhaustive que j’ai menée sur la base de l’apparat critique de Busby. Tout d’abord, on lit dans la prose quelques passages absents dans certaines copies : v. 131-132 (absents dans ABCHV), v. 4661-4668 (absents dans C)36. Des leçons significatives rattacheraient Perceval aux manuscrits suivants :
– cinq jours (v. 288 : ABCPU) ; l’hostel de sainct Julien (v. 1538 : TU) ; porpense (v. 1957 : TBP) ; noveles (v. 6570 : leçon erronée de HM) ; le Chevallier à la Charrette (v. 8121 : leçon fautive de EH) ;
alors que des leçons isolées le rapprochent des manuscrits :
22– T : quinsaine (v. 1264) ;
– P : et biaus enfans (v. 1558) ;
– F : ains que vienge le tierc jor (v. 2701) ;
– A : Que il avoit la amenee (v. 7365) ;
– U : Et cil devant et cele aprés (v. 8449).
Les données sont à la fois trop dispersées et trop peu nombreuses pour nous permettre de tirer quelque conclusion que ce soit.
édition – traitement du texte
J’ai opté pour une numérotation indépendante des deux parties du livre, en attribuant les numéros I à IV aux chapitres de l’Elucidation (cahier AA), puis de 1 à 25 à ceux qui correspondent au Conte du graal (à partir du cahier a).
Les alinéas sont ceux de l’imprimé, y compris pour ceux qui interrompent soit une réplique au DD (f. 4rb : les propos de la mère de Perceval ; f. 12rb : les paroles de Blanchefleur) soit une liste (f. 31ra : les chevaux pris par Gauvain au tournoi de Tintagel et envoyés aux dames).
Les grandes capitales sont reproduites en police 20 ; les petites capitales ou les alinéas + pied de mouche, en police 14 ; l’alinéa seul (f. 19ra, 32ra, 32va) en police 12.
Les critères de transcription sont les mêmes que pour les volumes précédents :
–distinction u/vi/j ;
–séparation des mots et introduction de l’apostrophe ;
–normalisation des initiales majuscules ;
–introduction de l’accent aigu en fonction de diacritique pour : des (art.) / dés (prép.), es (P2 v. estre) / és (prép.), nez (< nasus) / néz (< natos), pres, prez (prép.) / préz (subst. pl.) ; sur -ez final il permet de distinguer -ez atone (amblez, apostrez, confitez, costez, ellez, erminez, guerez, jusquez, merveillez, oncquez, quelquez, sussidez, toutez, veuez ; P2 23demandez, deussez, eussez, fussez, puissez, sachez ; P5 fustez, dictez, vintez) et -éz tonique ; sont aussi accentués les deux substantifs blé, gré ;
–ajout de l’accent grave diacritique sur à, là, sà, où ;
–emploi de la cédille selon les critères actuels ; du tréma uniquement sur ï pour distinguer les homonymes (païs / paÿs, aïr), et sur haÿr ;
– tres est toujours séparé, quelle que soit la forme du -s final dans l’imprimé, sauf dans les cumuls avec si : si tresbelles, si tresdoulce, si tresgrant, si treshardy, si treshault, si tresjoyeuse, si treslasche, si treslyé, si tresnotable, si tresplaisans, si tresplaisante, si tresriche ; pour les adverbes : si tresbien, si tresfort, si treslegierement, si tresmal, si trespovrement, si trespres, si tresrudement ;
–distinction entre puisque (conjonction à valeur causale) et puis que (conjonction à valeur temporelle : ‘après que’) ;
–résolution des abréviations sur la base de l’usus ; la forme chm a été transcrite chascun.
1 Hilka 1932 : voir Colombo Timelli 2017, p. 19.
2 La numérisation en couleur dans Gallica de l’exemplaire BnF, Arsenal, 4-BL-4249, me dispense de toute reproduction. Les éléments en rouge sont soulignés dans ma transcription.
3 En bas de la page, marque de Bernard Aubry (« BA » dans un écusson régi par deux griffons), dont Perceval serait la dernière édition ; l’impression a pu être attribuée à Jean Cornillau sur la base du matériau typographique (BP16). Cf. Renouard 1926, n. 19 ; Renouard 1964, p. 163-164 ; Moreau 1985, n. 2239. La bibliographie sur Galliot Du Pré, déjà abondante, s’est encore enrichie ces dernières années ; après Delalain 1890, Tilley 1922, Connat 1944, on verra maintenant Parent 1974 (en particulier p. 247-248) et Delsaux – Van Hemelryck 2019.
4 Thorel 2010, p. 177 et 180.
5 Imperiali 2019, p. 117-118.
6 Aux dix-sept que je connaissais en 2008 (Colombo Timelli 2008 (a)), s’en sont ajoutés d’autres : un passé en vente en 1995, tombé sans doute en mains privées (éd. Colombo Timelli 2017, p. 8, note 5), et quatre exemplaires conservés dans des Bibliothèques publiques (éd. Colombo Timelli 2018, p. 7-8). Tout récemment, Mme Christine Pellehigue, responsable des Fonds patrimoniaux de la Médiathèque d’Agen, m’a signalé un exemplaire ultérieur, relié avec Beufves de Hantone, Paris, A. Vérard, [1499-1502], et conservé sous la cote Rés. 16. De menues variantes, essentiellement graphiques pour les exemplaires dont j’ai pu collationner des specimens de texte, révèlent l’existence d’au moins deux tirages différents, sans doute partiels (voir par ex. f. 11rb).
7 Je reviendrai plus loin sur le contenu de cette section.
8 Description basée sur l’exemplaire conservé à Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Y-Fol-1415 (inv. 205) Rés.
9 Pour la partie éditée ici : le f. 34 est numéroté xxx ; le f. 41, xxxi ; le f. 42, xxxii ; le f. 45, xliiii. Dans mes renvois j’utilise les chiffres arabes.
10 Cette gravure a circulé pendant une trentaine d’années au moins dans des versions légèrement différentes, entre autres chez Michel Le Noir qui l’a utilisée entre 1501 et 1520 : je remercie M. Sergio Cappello et Mme Fanny Maillet, qui m’ont fait part des informations qu’ils ont réunies sur ce bois. Rouse & Rouse 2010 le reproduisent en tant que « Printer’s mark of Jean Trepperel » (vol. 2, ill. 182 : colophon des Epistres d’Ovides, éd. datée 6 mars 1505 [n.st. 1506]).
11 Thompson 1931, p. 10, note 8. Voir aussi Bouget 2018, p. 12-13.
12 Son début y est signalé par une rubrique / incipit et par une grande capitale historiée : « Cy endroit comence li contes del saint Greail », cit. par Bouget 2018, p. 28.
13 Colombo Timelli 2008 (a), p. 2-3.
14 Malgré leur caractère parfois déroutant, j’utilise les prénoms adoptés par le prosateur.
15 Je reprends ici quelques éléments de Colombo Timelli 2008 (a). Ma perspective se distingue de l’analyse purement littéraire menée par Séguy 2019.
16 Une douzaine de (demi-)lignes de l’imprimé contre quelque 120 vers.
17 Sur le problème que soulève ce passage dans l’Elucidation en vers, on verra Thompson 1931, p. 75-79 ; Bouget 2018, p. 91.
18 Il s’agit du v. 722 dans l’édition Bouget (v. 237 dans l’édition Wolfgang 1976), ce qui représente moins d’un tiers du Bliocadran en vers. La question demeure sur le contenu du modèle suivi par le prosateur. Sur le contenu de cette dernière section, cf. Bouget 2018, p. 92.
19 « je vous ay commencé à faire le compte », AA1ra ; « si n’est ja besoing vous dire », AA1rb ; « come je vous voys devisant », AA1rb ; « Et que vous diray je ? », AA1va ; « tant vous puys je bien dire », AA1va ; etc.
20 « en caves, que l’ancienne hystoire appelle aultrement puys » (AA1ra), « L’ancienne hystoire nous parle en maint lieu de… » (AA1vb), « Come nous tesmoigne la vraye hystoire » (AA2ra), « Or dit le compte » (AA2rb) etc.
21 « comme le compte plus au long vous devisera cy aprés » (AA2va).
22 « et viendrons à parler du pere de Perceval le Galloys, à qui le compte appartient, pour vous advertir des adventures qui luy advindrent à la fin de ses jours » (AA3ra).
23 On voudra bien se reporter au Glossaire pour les renvois aux f. et pour d’autres mots, dont l’emploi unique dans ce premier fragment ne m’a pas paru constituer la preuve de l’exclusion de la part de l’auteur « principal ».
24 Cf. Frappier 1961, p. 235-237 ; puis Colombo Timelli 2008 (a), p. 10-12 ; Colombo Timelli2009, p. 17-19.
25 Pickford 1981, p. 393 : « there seems to have been throughout the fourteenth and fifteenth centuries a conspiracy of silence insofar as the name of Chrétien is concerned ». Voir aussi Stanesco 2002, p. 308.
26 Le substantif désigne un ‘écrivain (en particulier attaché à un grand personnage)’ : cf.DMF, orateur, B.3 ; Huguet ne donne qu’une occurrence pour le sens générique de ‘écrivain’. Voir aussi la note au texte.
27 Le débat sur l’attribution des sections qui composent le corpus du Graal a d’ailleurs occupé la critique jusqu’à des années relativement récentes : j’ai essayé de faire le point dans Colombo Timelli 2008 (a) p. 11 et note 25.
28 Cf. Nixon 1993, vol. II, p. 18 et ss. (notices 17, 23, 24, 25, 26, 31, 39, 40) ; Gaggero 2006-2007, notamment les pages consacrées aux mss. Q (252-270), E (271-292), M (293-316), U (422-436) ; et les tableaux aux p. 523 et ss. (ms. Q), 556 et ss. (ms. E), 584 et ss. (ms. M), 761 et ss. (ms. U).
29 Pour un aperçu des prologues de mises en prose, après Doutrepont 1939, p. 380-394, cf. Colombo Timelli 2015, p. 42-44.
30 Colombo Timelli 2007 (a) et 2022 ; pour les dénominations translateur/traducteur, Colombo Timelli 2019, p. 290-292.
31 Ils sont enitièrement cités dans les notes au texte.
32 Les barres verticales séparent les « vers en prose », alors que l’italique signale les ruptures de rythme.
33 On trouvera les renvois dans les notes au texte à propos notamment des substantifs vallés, chaceor, herceor, tref, vassal.
34 La matière arthurienne n’était certes pas inconnue à cette date, grâce notamment aux éditions de Tristan, de Lancelot, puis de Merlin, procurées à partir de 1488 par Antoine Vérard ; on soulignera cependant que le Perceval de 1530 constitue à la fois la première et la dernière édition ancienne d’un roman de Chrétien de Troyes. Au sein d’une vaste bibliographie, je citerai pour rappel : Pickford 1961, Frappier 1965, Cooper 1990, Ménard 1997, Roccati 1990, Cappello 2001, Taylor 2013, 2014, 2020, Roccati 2016.
35 J’ai dû renoncer à effectuer des rapprochements sur la base de la présentation matérielle (lettrines, iconographie…), : les alinéas indiqués par Busby ne coïncident d’ailleurs pas avec celles de son ms. de base (T). D’autre part, la thèse de Gaggero 2006-2007, précieuse de ce point de vue, porte sur les manuscrits des Continuations du Conte du graal.
36 D’autre part, la prose omet le contenu des v. 343-360 (interpolation de AL), 2201-2214 (interpolation de AL et partiellement de R).
- CLIL theme: 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- ISBN: 978-2-406-16046-5
- EAN: 9782406160465
- ISSN: 2261-0804
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16046-5.p.0009
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-26-2024
- Language: French