Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Penser et panser la démocratie
- Pages : 345 à 349
- Collection : Rencontres, n° 330
- Série : Science politique, n° 1
Résumés
Patrick Troude-Chastenet, « Introduction. Penser et panser la démocratie (avec ses amis et ses ennemis) »
À l’heure de la montée des extrémismes, alors que le hiatus entre les citoyens et leurs représentants n’a jamais été aussi grand, le régime démocratique a-t-il dit son dernier mot ? La démocratie représentative doit-elle laisser la place à un autre modèle ? L’avenir n’est-il pas déjà à l’évacuation du choix politique authentique au profit de la gouvernance technocratique au nom de la recherche de l’efficacité ou, au contraire, à la multiplication des formes de démocratie participative ?
Marcel Gauchet, « Pourquoi l’avènement de la démocratie ? »
L’avènement de la démocratie désigne ce processus conduisant des sociétés hétéronomes vers l’autonomie et substituant l’égalité à la hiérarchie. L’individu y remplace le tout, la représentation la domination, l’histoire la tradition. Cet avènement consiste aussi en un enchaînement de trois vagues : la première débouche sur l’État-nation, la deuxième institue une communauté des citoyens, la troisième signifie l’invention historique, c’est-à-dire la prise de conscience de la société par elle-même.
Philippe Portier, « La conviction religieuse dans les démocraties libérales »
La sortie d’un ordre théologique au profit d’une nouvelle configuration instituant une séparation du légal et du moral est à la fois un processus historique et un principe politique. La relation entre la démocratie et la religion est-elle marquée par une relation d’extériorité réciproque ? Répondre à cette question suppose un retour sur le modèle français de laïcité. Le schéma de la IIIe République, tel qu’il se constitue entre 1880 et 1905, débouche sur une excommunication politique du religieux.
346Jean Baudouin, « Faut-il penser la démocratie avec Hayek et Popper ? »
Friedrich Hayek a toujours fait primer le libéralisme sur la démocratie allant jusqu’à cautionner la dictature de Pinochet sous prétexte qu’elle ouvrait grand les vannes de l’économie de marché. À l’inverse, Karl Popper considère la démocratie comme une procédure pacifique de désignation des gouvernants s’inscrivant dans le cadre d’une société ouverte qui en appelle aux principes de liberté et de responsabilité. Lire ces deux auteurs rappelle ainsi qu’être libéral ne signifie pas nécessairement être démocrate.
Alfio Mastropaolo, « Pas de démocratie sans démagogie »
La démagogie est ambivalente car elle peut produire tout aussi bien l’État-providence que de la xénophobie mais en laissant à la droite populiste le monopole de la démagogie, les partis dits de gouvernement ont fait le choix d’ignorer la voix du peuple au nom même de son bien. En congédiant l’égalitarisme des socialistes et le paternalisme des modérés, nos dirigeants ne semblent pas s’apercevoir qu’ils encouragent une démagogie néfaste qui menace les bases mêmes de la démocratie.
Dominique Rousseau, « Mais c’est quoi la démocratie continue ? ! »
Alors que la démocratie représentative tient l’espace public en suspicion, la démocratie continue l’inscrit au centre du dispositif en tant que lieu de formation de la volonté générale. Elle n’existe que par le truchement d’un espace public constamment mobilisé. C’est une forme de fabrication des règles de la vie commune qui a pour principe la délibération et qui permet de mettre en scène les tensions existant entre le peuple pensé dans son unité et le peuple réel compris dans sa diversité.
Sandra Laugier, « Désobéissance civile et démocratie radicale »
Les actes de désobéissance civile qui se multiplient dans les démocraties ne doivent pas être considérés comme des dysfonctionnements mais comme un rappel de leurs propres fondements. Face à l’emprise croissante des experts, la désobéissance s’affiche comme un moyen pour le citoyen dépossédé de sa voix de réaffirmer sa compétence politique. Elle n’est pas un refus de la démocratie mais une mise à jour du rapport entre la revendication individuelle de liberté et celle, collective, de citoyenneté.
347Philippe Raynaud, « L’extrême gauche et la démocratie. Parasitisme ou fécondation ? »
La chute du communisme n’a pas éteint la critique portée à l’encontre de la démocratie libérale car cette contestation est inhérente à ce type de régime pour deux raisons : l’insatisfaction permanente générée par la distance incompressible entre représentant et représenté et le fait que la promesse égalitaire ne soit jamais accomplie car en perpétuelle extension. Si la gauche radicale s’est recomposée autour de la dénonciation du néolibéralisme elle reste divisée entre souverainistes et mondialistes.
Benjamin Loveluck, « La démocratie au prisme du numérique »
L’internet a soulevé de grands espoirs pour sa capacité supposée à revitaliser la démocratie, en faisant résonner la voix des citoyens en dehors des élections. En effet, il reconfigure trois grandes dimensions de la vie démocratique : la nature de l’espace public, les modalités de la délibération collective, et les formes de l’engagement citoyen. Mais ces transformations n’ont rien d’univoque. Elles peuvent même, à certains égards, porter atteinte aux fondements du débat public.
Dario Battistella, « Kant trahi. De la paix perpétuelle aux guerres démocratiques »
La multiplication des guerres démocratiques ne réfute pas seulement l’image de soi complaisante que les régimes démocratiques ont d’eux-mêmes mais contredit les postulats de base de l’approche dominante en relations internationales. Le comportement guerrier des démocraties libérales contemporaines trahit les principes posés par Kant pour atteindre l’objectif de la paix perpétuelle quant au choix des moyens et des justifications, au consentement des citoyens et à la séparation des pouvoirs.
Pierre Bourgois, « De la démocratie libérale chez les néoconservateurs américains »
Faut-il exporter la démocratie libérale aux quatre coins du monde ? Persuadés de la supériorité de ce régime sur tous les autres, les néoconservateurs américains en sont convaincus. Pour autant, on aurait tort de réduire le néoconservatisme 348à sa version musclée. En dépit de son hétérogénéité ce courant d’idées fait émerger une véritable conception de la démocratie libérale, en politique intérieure comme en politique étrangère, domaine où les divergences avec Donald Trump sont les plus grandes.
Nathalie Blanc-Noël, « Les démocraties nordiques et le paradoxe du populisme »
Les pays nordiques sont systématiquement en tête des classements mesurant les différentes dimensions de la qualité de vie démocratique, ils peuvent même se targuer de truster les meilleures places du monde des pays où il fait bon vivre. Paradoxalement, les partis populistes ne cessent d’y progresser. Si l’on peut y voir le symptôme d’une crise des démocraties nordiques on peut tout aussi légitiment interpréter leur succès comme le signe du bon fonctionnement d’un pluralisme jamais démenti.
Slobodan Milacic, « Les ennemis de la démocratie. Éléments pour une problématique systémique »
Qui sont les ennemis de la démocratie et comment sont-ils traités ? La démocratie libérale est d’abord un système bipolaire dont les deux branches constitutives se retrouvent dans l’exigence juridique incarnée par l’État de droit. La libérale y voit la garantie des droits de l’homme, la démocratique y trouve la garantie des droits collectifs acquis dans la lutte politique. A prévalu dans la culture démocratique la foi en la capacité intégrative du système à transformer ses ennemis en adversaires.
Daniel Bourmaud, « Concept mou, idéologie dure. La gouvernance contre la démocratie »
Au pluralisme démocratique, la gouvernance substitue un principe unique d’organisation collective. Indissociable de l’emprise néolibérale, elle vise à régenter sphère économique et politique. Appliquant le postulat de la neutralité axiologique à l’action publique, elle promeut l’horizon indépassable du marché à travers le règne des experts. En généralisant l’emprise de la technique sur les décisions affectant nos sociétés, elle conduit à un processus de dépolitisation qui ruine l’esprit même de la démocratie.
349Farhad Khosrokhavar, « Les jihadistes contre la démocratie »
La chute du Mur a entrainé une crise des utopies immanentes qui a profité à l’islam radical en tant qu’utopie transcendante susceptible de combler le vide idéologique des démocraties. Le malaise est d’autant plus profond que visible est le hiatus entre l’idéal promu par le discours démocratique et la réalité. L’islam radical se substitue alors au projet citoyen. L’égalité se réalise dans la mort, la fraternité dans la mise à mort de l’ennemi et la liberté dans la volonté d’infliger la mort au nom de Dieu.
Dominique Schnapper, « L’Individu contre la démocratie ? »
Alors qu’il faut du temps pour construire des institutions démocratiques et de la patience pour faire naître des mœurs démocratiques, les individus de l’ère numérique sont enclins à critiquer la lenteur inhérente au fonctionnement de ces institutions. De cette capacité réflexive qui leur est propre, les démocrates en viennent à remettre en cause la règle de droit censée protéger la liberté politique. Si les symptômes de corruption du modèle sont observables, il appartient à tous de contribuer à sa guérison.
Yves Sintomer, « Démocratisation de la démocratie ou post-démocratie ? »
La publicité des débats a laissé la place au secret de décisions prises par des instances techniciennes, les élections ne permettent pas de vrai choix, le pouvoir des agences de notation et des firmes est supérieur à ceux des États dont les dirigeants interchangeables naviguent d’une sphère à l’autre, la concentration des médias menace le pluralisme et la logique commerciale le projet éducatif. Mais existent également des contre-tendances qui laissent espérer une véritable démocratisation de la démocratie.
- Thème CLIL : 3284 -- SCIENCES POLITIQUES -- Histoire des idées politiques
- ISBN : 978-2-406-07376-5
- EAN : 9782406073765
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07376-5.p.0345
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/12/2017
- Langue : Français