Conclusion
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Passions de femmes et théorie des humeurs. Balzac analyste des émotions féminines
- Pages : 239 à 240
- Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 128
- Série : Balzac, n° 9
Conclusion
Issues du cœur, les larmes constituent la meilleure part de l’homme. Musset ne cessera de proclamer qu’une larme est ce qu’il y a de plus vrai, de plus impérissable au monde. Une multitude de figures féminines de La Comédie humaine ont montré, par l’abondance de leurs pleurs, une sensibilité authentique et exacerbée. Des larmes sincères les ont accompagnées dans leurs moments de joie, de chagrin, bref dans toutes les émotions de leur cœur qui peuvent exciter l’effusion des pleurs. Le langage des larmes est un langage silencieux qui témoigne de la folie du cœur, des émois du corps, des déchirements et des extases de ces héroïnes balzaciennes. Dans La Comédie humaine, vraies, fausses ou tout simplement superficielles, les larmes féminines ruissellent de toute part. Pour une grande partie de ces femmes, « il n’est pas d’autre salut que la voie humide1 ». La valeur des larmes est telle que les femmes coquettes les font couler artificiellement, un hommage rendu par la vie à la vertu de la sensibilité féminine.
Mais, ces créatures artificieuses, elles-mêmes, peuvent être métamorphosées par l’amour, qui est au centre de la majorité des romans de Balzac. Ces dernières, faisant parfois semblant de pleurer, se transforment parfois en femmes passionnées et passionnantes tant le bouleversement qui s’opère en elle est immense. Désormais, les larmes sont pour elles un moyen d’exprimer leurs douleurs et leurs émotions en les révélant. Elles paraissent alors sensibles à certaines expressions délicates qui, jadis, les laissaient froides. C’est ce que traduisent leurs larmes devenues spontanées.
Ces larmes, qui véhiculent une grande émotion heureuse ou douloureuse varient en genre et en quantité selon les âges de la femme. En outre, toutes ces larmes que laissent couler les femmes de différentes catégories sociales sont soumises à la loi de la pudeur. Cette pudeur 240féminine, qui défend aux femmes de montrer ouvertement ses émotions, trouve son origine dans les conventions familiales et sociales.
La jeune fille, devenue épouse et mère, est contrainte de ravaler ses pleurs, tenue par la délicatesse de cacher l’incompréhension des hommes, et de préserver la paix domestique.
Le fait de cacher ses émotions et de contenir ses larmes ne va pas sans conséquences désastreuses sur la santé des personnages. C’est sûrement d’ailleurs ce qui a amené Freud à inventer une thérapie pour libérer ces femmes encorsetées, devenues malades, voire hystériques à force de refouler leurs émotions et de contenir leur corps. Car tous ces yeux remplis de larmes, tous ces soupirs entrecoupés de sanglots, bref toutes ces larmes versées tout au long des textes de Balzac ne sont pas dissociés d’une attitude corporelle, de mimiques spécifiques, d’un jeu de regards, de bouleversements physiques et psychologiques qui reflètent aussi une multitude d’autres manifestations de l’émotion féminine dans La Comédie humaine.
1 Anne Vincent-Buffault, op. cit., p. 165.