Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Mineurs, Minorités, Marginalités au Grand Siècle
- Pages: 375 to 382
- Collection: Encounters, n° 425
Résumés
Gilles Declercq, « Malséances raciniennes. Réflexions sur l’hétérodoxie de l’imaginaire tragique »
La régularité exemplaire de la dramaturgie racinienne est une donnée constitutive de l’œuvre de Jean Racine et de sa réception pluriséculaire. Toutefois ce paradigme d’une tragédie idéale, régulière, consécutivement bienséante, est contredit par l’examen de l’imaginaire racinien nourri de la topique violente et cruelle de l’œuvre sénéquienne et ovidienne. C’est au déchiffrement de ce palimpseste « malséant » que s’applique la présente étude.
Francine Wild, « Le statut paradoxal du poème héroïque »
Le poème héroïque est le genre le plus noble, loué par tous les théoriciens. Mais aucun des poèmes publiés au milieu du xviie siècle n’a le retentissement de ceux de Virgile ou du Tasse. Longuement élaborés, ils semblent ne plus convenir à l’esprit de la société lorsqu’ils paraissent. Le merveilleux chrétien, les formes de l’héroïsme qu’on y trouve, ne sont plus acceptés. Ils disparaissent et restent incompris, et même inclassables, malgré des qualités que certains redécouvrent.
Tiphaine Rolland, « “On a toujours besoin d’un plus petit que soi”. La Fontaine et les marges facétieuses »
L’identification de deux sources de La Fontaine, Le Recueil de plusieurs plaisantes nouvelles de Tyron pour la fable « Le Jardinier et son Seigneur », et Les Contes aux heures perdues de D’Ouville pour le conte « Les Aveux indiscrets », permet de cerner un rapport aux modèles qui n’est pas, chez le poète, direct et rectiligne, mais réticulaire – d’où la nécessité d’une nouvelle topographie des relations littéraires, retraçant finement les interactions entre « majeurs » et « mineurs ».
376Pierre Ronzeaud, « La réécriture symbolique de l’itinéraire d’un mineur devenu majeur à la fin du règne de Louis XIV. Les Mémoires de Valentin Jamerey-Duval, petit berger analphabète devenu académicien »
L’étude de la partie d’enfance des Mémoires de Valentin Jamerey-Duval, petit berger analphabète de la fin du xviie siècle devenu ensuite académicien, montre comment ce « mineur » devenu « majeur » présente le peuple qu’il a quitté par son accession à la culture écrite comme par son ascension sociale. Il raconte en fait sa différence. Comme si l’on ne pouvait dire l’Autre, le dissemblable, l’inférieur, le « mineur » en échappant aux Imagos qui informent la représentation sociale.
Anne Boutet, « L’agréable, l’extravagant et l’ordure. Charles Sorel, lecteur des recueils français de nouvelles du xvie siècle »
L’héritage narratif des conteurs de la Renaissance dans l’Histoire comique de Francion est un défi de Sorel, romancier comique, à ses lecteurs. Cette influence littéraire, souvent grivoise et scatologique, et que Sorel marginalisera dans ses écrits critiques, demande une lecture aussi active qu’espiègle : le jeu fictionnel avec les marges de la bienséance et du genre romanesque invite non pas à se réjouir d’une « écriture ordure », mais à interroger le choix de cette « extravagance » narrative.
Céline Fournial, « La tragi-comédie, un genre “mineur” matrice du débat théâtral moderne »
Parce que son succès est limité dans le temps et qu’elle n’est pas héritée de l’Antiquité comme la tragédie et la comédie, la tragi-comédie est pour l’histoire littéraire un genre mineur. Or tous les auteurs majeurs la pratiquent et elle enclenche une réflexion moderne sur le théâtre en prônant vraisemblance, plaisir, relativité. Le succès de ce genre oblige les Réguliers à refonder leur discours. La tragi-comédie, s’inspirant de sujets et de formes modernes, éveille la critique dramatique.
Michèle Longino, « Un plaidoyer pour les genres mineurs du Grand Siècle. La fable et le conte des fées »
Les Fables de La Fontaine et les Contes des fées de Perrault, sont classés avec la littérature enfantine, dite mineure, puisque Boileau les a classés ainsi. Des genres « mineurs », mais cultivés et savourés dans les salons les plus 377sophistiqués de l’âge classique, ils ont jouit d’une durée de popularité qui dépasse celle des œuvres dites majeures de l’époque classique. Ils ne sont pas mineurs, mais élémentaires, durables, transhistoriques.
Nathalie Freidel, « L’envers du roman. Mme de Lafayette épistolière »
Le peu que nous avons conservé de la correspondance de Mme de Lafayette atteste d’un usage stratégique de l’épistolaire et de la posture d’autorité inédite qu’elle confère aux femmes qui veulent écrire, en marge des institutions officielles. Espace privilégié d’affirmation d’une autonomie qui ne va pas de soi, terrain d’exercice d’un véritable don pour les affaires, la lettre selon Mme de Lafayette se révèle enfin lieu de revendication d’une auctorialité problématique.
Nathalie Grande, « Écrire sur le mode mineur. Aux avant-postes de la mode littéraire, Jean de Préchac »
Alors que Préchac est tenu pour un auteur mineur, son œuvre abondante fait de ce courtisan de l’entourage de Monsieur un innovateur en matière générique. À la fois amateur, par les postures adoptées dans ses discours péritextuels, et professionnel de la littérature, par l’ampleur de son œuvre comme par sa prise en compte du gain commercial potentiel, Préchac montre par sa carrière comment la marginalité d’un auteur mineur, en lui laissant une plus grande liberté, peut servir une dynamique de création.
Sophie Tonolo, « Redéfinir les marges ? Les “petits poètes” du xviie siècle »
« Petits poètes », c’est ainsi que Théophile Gautier nomma – et sauva – des versificateurs du xviie siècle méprisés. Mais que sont ces « petits poètes » ? Y a-t-il encore un sens à isoler une telle catégorie ? Cet article propose de reconsidérer ces questions à la lumière des Vies de Guillaume Colletet, l’un des premiers bilans de la production poétique française et, à partir des perspectives qui s’en dégagent, d’analyser des cas singuliers tels Adam Billaut, Charles Beys ou Louis de Neufgermain.
Isabelle Trivisani-Moreau, « Écritures réfugiées entre modèles et invention »
L’article confronte les trajectoires d’écrivains protestants passés au Refuge, Denis Veiras, Anne de La Roche-Guilhen, Simon Tyssot de Patot, 378Anne-Marguerite Petit-Du Noyer, au prisme de la minorité : leur mobilité a joué dans une approximation critique qui schématise leur parcours marginal. Leurs choix génériques témoignent de leurs stratégies pour capter des publics dotés d’une expérience du conflit, auprès desquels ils cherchent à susciter une pratique de la double lecture.
Francis Assaf, « Jean Meslier, aussi athée que Louis XIV était Très-Chrétien (et même plus) »
Chevauchant les xviie et xviiie siècles, Jean Meslier (1664-1729) fut curé d’Étrépigny de 1689 à 1729. Élaborée secrètement et intensément personnelle, son œuvre manifeste un athéisme radical. Elle commença à être connue grâce à Voltaire à partir de l’extrait publié à Genève en 1762. Enterrée par l’Ancien Régime, elle est exploitée par les Lumières, la Révolution française et celle d’Octobre. Ces appropriations font de lui un chef de file qui était loin de se douter de son destin posthume.
Alex Bellemare, « Figurations de la marginalité. Prison, superstition et écriture de soi chez Pierre-Corneille Blessebois »
Dans cet article, nous étudions les figurations de la marginalité dans l’œuvre de Pierre-Corneille Blessebois. Les narrateurs de Blessebois sont volontiers libertins et se situent en marge des espaces traditionnels de sociabilité. C’est à travers une esthétique de la tromperie que s’incarne le libertin, à la fois déviant et monstrueux. Nous montrons en somme que l’exclusion est vécue moins comme un châtiment qu’un triomphe sur autrui : la marginalité fait partie prenante de l’identité libertine.
Marta Marecos Duarte, « L’églogue au classicisme. Une harmonie entre l’humble et le sublime (chez Rapin, Fontenelle et Cruz e Silva) »
Rapin et Fontenelle réhabilitent le genre bucolique en le concevant en tant qu’art modérateur de l’éloquence et des mœurs, par la recherche d’un juste milieu entre le style humble et le style sublime. Dans le cadre du néoclassicisme portugais, au xviiie siècle, la critique du style rustique, inspirée par ces auteurs, fut déterminante pour façonner une conception esthétique dont l’imposition ne laisse place, dans le Parnase, aux poètes qui ne suivent l’idéale d’imitation de la « belle nature ».
379Deborah Steinberger, « Un nain géant. Le Mercure Galant devant ses critiques »
Le Mercure Galant de Jean Donneau de Visé se voit souvent attaqué pour la qualité peu distinguée de son contenu. De nombreux critiques contemporains ont trouvé le journal trop commercial, trop populaire, trop attaché à l’adulation du roi. Cet article explore les préjugés que traduisent ces jugements négatifs au sujet d’une publication novatrice aux contenus divers et variés, ouverte à la participation de ses lecteurs et lectrices, qu’ils soient « qualifiés » ou simples amateurs.
Stella Spriet, « La Muse historique de Loret. Le récit d’une Fronde en vers burlesque »
Notre étude porte sur la Muse historique de Jean Loret, œuvre marginale à double titre puisqu’elle est proposée parallèlement à la Gazette de Renaudot, l’ouvrage de référence, et qu’elle est rédigée en vers burlesques. Nous examinerons en particulier les trois premières années de cette production hebdomadaire dont de nombreux fragments traitent des événements et acteurs de la Fronde.
Laura Bordes, « Du triolet des ruelles au triolet des rues. Un petit genre frondeur populaire au service d’une bataille d’auteurs »
Vingt-six recueils du petit genre mineur du triolet ont contribué à la diffusion de mazarinades pendant la Fronde. Engagé dans les batailles politiques, le triolet a été le support des témoignages de la vie difficile des Français tout en conservant une langue et un style burlesques. À la fois petit traité d’éducation du prince et porteur de l’injure contre Mazarin, en dehors de son utilisation engagée, il a aussi servi de structure à une bataille d’esprits entre Scarron et Marigny.
Claudine Nédelec et Marie-Claude Canova-Green, « Gaston d’Orléans, un mécène “marginal” ? »
Gaston d’Orléans fut un prince « rebelle » : le mécénat étant une forme de représentation de soi, peut-on le considérer comme un mécène marginal, voire transgressif ? À côté des curiosités de l’honnête homme, son mécénat semble bien être lié à son tempérament enjoué, et à une façon d’exprimer sa position 380politique particulière, ce qui induit une part de marginalité dans le choix des artistes et des formes artistiques qu’il a protégés, dans deux domaines : les ballets de Cour et la poésie.
Marta Teixeira Anacleto, « Des frontières polémiques de la “vraisemblance extraordinaire”. Deux pièces “mineures” de Pierre Corneille »
Cet article s’attache à relire les deux « tragédies à machines » de Corneille (Andromède ; La Conquête de la Toison d’Or) dans leur ancrage expressif et ambigu au Grand Siècle. Les deux textes « mineurs » de Corneille seront, de ce fait, une sorte de mise en abyme (théorique et argumentative) des frontières polémiques de la « vraisemblance » au xviie siècle et, en même temps, des emblèmes d’un spectacle total – « pour les yeux » – que les Poétiques se voient contraintes de légitimer depuis Aristote.
Jean Luc Robin, « En marge de la cour. La dramaturgie spéculaire de La Comtesse d’Escarbagnas de Molière »
Prétexte au Ballet des ballets, le spectacle des spectacles offert par le roi à la Palatine, La Comtesse d’Escarbagnas met à nu le principe de second degré et l’autoréférentialité de la comédie-ballet chez Molière. Axée sur l’œil du prince, la présence du roi et de la cour dans la salle, sa dramaturgie spéculaire (en reflet inversé) et de la marge souligne comiquement l’impossibilité d’une imitation provinciale de la cour, république aristocratique aux frontières plus mentales que spatiales.
Fabien Lacouture, « Solitude et marginalité des enfants chez certains peintres du xviie siècle »
Au xviie siècle, certains peintres choisissent comme sujet l’enfance pauvre, les jeunes mendiants, orphelins, ou travailleurs, des personnages mineurs par leur âge et leur place dans la société ou la famille. L’objectif de cet article est d’analyser la manière dont leur double marginalité, générationnelle et sociale, est mise en image et rendue, dans la construction plastique de certaines œuvres des frères Le Nain ou de Bartolomé Esteban Murillo, par une véritable marginalité picturale.
381Emmanuel Faure-Carricaburu, « Tensions et contradictions au sein de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture au prisme de la notion de genre »
Cet article montre que l’Académie représente une forme dynamique, une perspective qui invite à penser la place, la fonction et les effets de la hiérarchie des genres dans leur complexité et conduit à envisager l’intrication de celle-ci dans des réseaux de pouvoirs. Cette approche peut permettre de s’émanciper du paradigme classique qui consiste à voir l’Académie comme le lieu d’une opposition dialectique entre l’autorité du pouvoir d’un côté et la liberté des artistes de l’autre.
Bertrand Porot, « Les finales musicaux au tournant du xviiie siècle. Un partage artistique entre scènes officielles et scènes mineures »
À la fin du xviie siècle, apparaissent, à la Comédie-Française, des finales chantés et dansés renouvelant la dramaturgie de son répertoire comique. Ils sont inspirés par les pratiques des scènes considérées comme « mineures », celle de la Comédie-Italienne et celle de l’opéra-comique né dans les Foires parisiennes. L’étude a donc pour but de mieux préciser les phénomènes de circulation artistique entre des théâtres souvent considérés comme cloisonnés et hiérarchisés.
Judith le Blanc, « Le “vassal du grand Opéra”. Parodies en marge de l’Académie royale de musique »
L’article propose d’étudier les parodies d’opéras créées sur la scène de la Comédie-Italienne à la fin du xviie siècle. Si celles-ci relèvent de la sphère des minores, elles sont le symptôme de la porosité des frontières et de la résistance à la politique des privilèges, n’entrant pas en contradiction avec la culture canonique. La culture savante et la culture populaire sont, en fait, l’avers et le revers d’une même médaille : le goût du public parisien pour l’opéra lullyste.
Jean Leclerc, « Les minores d’un genre mineur, ou s’il faut réviser le statut historiographique des “imitateurs” de Scarron »
Faut-il réhabiliter les auteurs connus sous la dénomination d’« imitateurs » de Paul Scarron ? Quelle place doit-on leur octroyer dans le panorama actuel 382des études sur le xviie siècle français ? À travers un parcours historiographique des jugements sur ces auteurs, il s’agira d’identifier les causes et les relais des préjugés qui maintiennent ces textes dans les marges de l’histoire littéraire et d’interroger des cas où ceux-ci font preuve d’originalité vis-à-vis de Scarron.
Guy Spielmann, « Un marginal essentiel. Thomas-Simon Gueullette, passeur culturel entre deux siècles »
Le cas de Thomas-Simon Gueullette (1683-1766) – conteur, dramaturge, historien, éditeur scientifique, traducteur – illustre le problème de la signifiance d’une œuvre fragmentaire et diverse, qu’il a lui-même voulu minimiser. En reconnaissant le rôle essentiel de ce personnage discret dans l’évolution de la République des Lettres et de l’univers des spectacles, on remet en cause une historiographie fondée sur la valeur esthétique accordée aux œuvres, et le statut assigné aux auteurs.
Sylvie Requemora-Gros, « Enjeux majeurs des lieux mineurs. Les premiers plaidoyers interculturels »
La liste des auteurs dits « classiques » ayant déjà pensé la relation interculturelle (en d’autres termes mais dans le même esprit humaniste) est marginale car elle propose une réflexion aux marges d’un centre culturel français, prédominant au xviie siècle. Dans la lignée de Montaigne, Descartes et Exquemelin, pourtant, il est possible d’envisager l’étude de la marginalisation des premiers plaidoyers interculturels français.
Larry F. Norman, « Déclassiciser le classicisme français. La contestation transnationale du “Grand Siècle” »
La critique acerbe du classicisme français élaborée à l’ère romantique opère une marginalisation du « Grand Siècle » qui aujourd’hui encore joue un rôle décisif dans la réception des « classiques » français. À l’examen des auteurs comme A. W. Schlegel et Germaine de Staël, on envisagera la possibilité de reléguer Racine à un statut d’auteur mineur, tout au moins dans la conception d’une littérature mondiale, ou Weltliteratur, destinée à minimiser la domination culturelle française.
- CLIL theme: 3916 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Histoire de la philosophie
- ISBN: 978-2-406-09208-7
- EAN: 9782406092087
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09208-7.p.0375
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 11-19-2019
- Language: French