Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Lumières et océan Indien. Bernardin de Saint-Pierre, Évariste Parny, Antoine de Bertin
- Pages : 339 à 343
- Collection : Rencontres, n° 291
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 20
Résumés
Jean-Michel Racault, « Émancipation coloniale et littérature émergente aux Mascareignes à la fin du xviiie siècle. Bernardin de Saint-Pierre, Parny, Bertin »
Les relations entre les populations insulaires et les instances administratives de la métropole ont toujours été problématiques. Après 1770, les Lumières aidant, une revendication d’émancipation succède aux menaces d’abandon par les autorités. Cet article propose de suivre les manifestations proprement littéraires de cette évolution chez les premiers représentants des littératures émergentes de l’océan Indien, que leur trajectoire personnelle associe à la fois à la colonie et à la métropole.
Catriona Seth, « Parny et les tropiques »
Évariste Parny, né sous les tropiques en 1753, est envoyé en métropole pour ses études dès l’âge de 10 ans. Il fait deux voyages de retour, adulte, dans son île natale. Il passe par Rio de Janeiro lors de son premier retour et part aux Indes en 1785. S’il est critique dans ses lettres à l’égard des habitants des tropiques, son univers d’origine lui offre, en tant que poète un réservoir d’inspiration original, dans ses Poésies érotiques et ses Chansons madécasses, mais aussi jusque dans ses dernières œuvres.
Noro Rakotobe-D’Alberto, « L’univers culturel malgache dans les Chansons madécasses d’Évariste Parny »
Le caractère incantatoire des Chansons madécasses ne relève pas que du lyrisme traditionnel : le recueil est traversé par une prose anticoloniale qui tient autant à l’expérience personnelle qu’aux idées des Lumières ; il se nourrit aussi des images et du rythme de la poésie des horizons et des rêves madécasses chantés dans le traditionnel Hainteny. Ce genre oral, colloque sentimental oscillant entre le familier, le mythique et le mystérieux, semble paradoxalement l’hypotexte égaré du recueil.
340Jean-Claude JØrgensen, « Le temps des Poésies érotiques d’Évariste Parny ou la quête du bonheur terrestre (recueil de 1781) »
Tempus fugit : résolument épicurienne, la voix du poète célèbre la joie d’aimer au présent. Mais pris entre nostalgie et impatience, espérance prometteuse et tromperie, le poète est soumis à un temps discontinu. Ordonnées pour retracer les étapes de l’aventure amoureuse du poète avec Éléonore, les Poésies érotiques laissent deviner en filigrane une période pendant laquelle l’amant s’est absenté de l’île. La poétique du temps dans le recueil consiste alors à se jouer des frontières géographiques.
Angélique Gigan, « Bourbon, Cythère indianocéanique ? Amours et désamours dans les Poésies érotiques (1778) de Parny »
Dans les Poésies érotiques, Bourbon symbolise la déception amoureuse, le mirage de l’idylle tropicale emportant dans sa fougue la vision d’une île paradisiaque. De même que l’idylle a tourné au drame sentimental, Bourbon a rompu ses promesses de paradis terrestre. Comme une histoire d’amour qui finit mal, l’histoire de l’île suit les étapes de la rupture amoureuse : à l’exaltation des premiers instants se substitue la peine. Les discours se superposent et le paradis est ainsi doublement perdu.
Gwenaëlle Boucher, « Bertin et Parny. Deux frères en poésie »
Au xviiie siècle, la « créolité » redonne souffle et vie à la littérature : Antoine de Bertin et Évariste Parny érotisent l’élégie, raniment les clichés rhétoriques par leurs drames intimes, illustrant une poésie sensualiste à la fois idéale et charnelle. Ces Bourbonnais partagent un même sentiment d’étrangeté et s’interpellent d’un poème à l’autre, construisant ainsi une poésie personnelle où se côtoient le lyrisme et la description, la muse créole et la muse antique.
Guilhem Armand, « Les voyages en églogue de Bertin »
Antoine de Bertin est, avec Évariste Parny, l’un des derniers représentants de la poésie néo-classique qui dominait alors en France. Étonnamment variée, son œuvre semble parfois une quête à la fois poétique et identitaire. Sans cesse en mouvement, loin de sa terre natale, Bertin choisit un enracinement poétique par une écriture qui joue autant sur les lieux communs que sur l’invention 341et qui renouvelle le genre de l’églogue en invitant à un dialogue à la fois avec la nature et avec la poésie elle-même.
Colas Duflo, « Paul et Virginie et l’émergence d’une littérature indianocéanique. Éléments et problèmes »
Dans Paul et Virginie, la nature indianocéanique fait l’objet d’une refiguration narrative qui l’inscrit dans une philosophie de la nature – celle qui est développée dans les Études de la Nature dont le roman est le 4e volume. Cet article s’intéresse particulièrement à des phénomènes de « gazage » de cette philosophie manifestes dans le passage du manuscrit de la bibliothèque Victor Cousin à l’édition imprimée, qui contribuent à dissimuler le côté hétérodoxe de la pensée dans Paul et Virginie.
Jean-Claude Carpanin Marimoutou, « Spectres et paysages chez Bernardin de Saint-Pierre »
Dans le monde colonial, inventer esthétiquement un paysage nécessite l’effacement des réalités esclavagistes. L’écriture du paysage chez Bernardin de Saint-Pierre transforme esclaves et marrons en fantômes avec toute la charge terrifiante que cela comporte. Entre roman pastoral et récit de voyage dénonciateur, l’œuvre propose ainsi un double mouvement d’inscription de la terreur dans l’espace colonial et de tentatives de son effacement dans l’invention du paysage comme objet esthétique.
Marco Menin, « De l’expérience indianocéanique au drame africain. Empsaël et Zoraïde entre le Voyage à l’île de France et les Études de la Nature »
Bien que situé dans le Maroc, le drame en prose Empsaël et Zoraïde, écrit en 1771, ne peut être compris qu’à la lumière du séjour de Saint-Pierre à l’île Maurice. Le regard de l’intérieur sur le phénomène de l’esclavage (qui est à la fois un regard décentré par rapport à l’Europe) conduit Bernardin à une réflexion sociologique et philosophique originale sur les relations qui lient les Blancs et les Noirs ; réflexion rendue plus urgente par le processus de créolisation auquel il avait assisté.
342Chantale Meure, « L’usage de l’Inde dans les fictions de Bernardin de Saint-Pierre »
Les fictions de Bernardin de Saint-Pierre prenant pour cadre le monde indien en donnent des aperçus qui renouvellent par certains aspects l’usage traditionnel de l’Inde dans les fictions des Lumières. Son séjour à l’île de France où il découvre la communauté indienne, ses lectures de voyageurs, les événements politiques, la rivalité entre la France et l’Angleterre sur le territoire sont autant d’éléments qui alimentent et infléchissent la vision comme la réflexion philosophique de l’auteur.
Françoise Sylvos, « Le “comparatisme religieux” dans les Études de la Nature »
Le comparatisme religieux de Bernardin de Saint-Pierre participe d’une double dimension : relevant d’une forme d’encyclopédisme et d’une vision globalisante, celle du naturaliste, chercheur de correspondances, il s’intègre dans une démarche argumentative parfaitement maîtrisée, véritable construction visant à désacraliser, à matérialiser les religions. Le romantisme a hérité de cette conception universaliste des cultes et des religions tendant vers une quête de l’unité en dépit des différences.
Thanh Vân Ton-That, « Échos (pré)romantiques d’un siècle à l’autre. Pouchkine, lecteur et traducteur de Parny »
L’appropriation du texte source qui inspire et nourrit le poète second illustre un phénomène de détournement poétique : la peinture de l’amour à la française ou à la russe, à la recherche d’un éternel féminin universel devient analyse d’une pathologie. Ces portraits d’amoureuses scandaleuses sont inspirés par des jeux de mots et d’esprit et des variations subtiles autour de l’innommable et de l’ineffable.
Bénédicte Letellier, « Paul et Virginie en arabe ou la vertu de la littérature selon Manfalûtî »
Dans la littérature arabe, le milieu du xixe siècle marque le début d’une vraie Renaissance, dans la mesure où les écrivains ne se contentent pas d’imiter strictement le modèle européen. La traduction du roman de Bernardin de Saint-Pierre par Mustafâ Lutfî al-Manfalûtî, intitulée La Vertu ou Paul et 343Virginie (1923), illustre de manière originale le souci de repenser, à travers cette forme nouvelle, la conception de la littérature en lui donnant un statut fondamental dans la société arabe.
Ruth Menzies, « La réécriture comme réparation : déplacement et déracinement dans Genie and Paul de Natasha Soobramanien (2012) »
Née à Londres de parents mauriciens, Natasha Soobramanien revisite, dans Genie and Paul, le roman de Bernardin de Saint-Pierre, à travers une « traduction anthropophage », appropriation nourricière de la culture occidentale par une culture indigène ou soumise, dans un rapport non pas d’engloutissement et de mutilation mais d’amour et de respect. Revu depuis Londres, passée de centre colonial au statut de périphérie, l’hypotexte français, profondément bouleversé, montre son infinie richesse.
Hélène Cussac, « Bernardin de Saint-Pierre, Évariste Parny et Antoine de Bertin à l’épreuve de la norme et de l’écart dans l’histoire littéraire française du xxe siècle »
Cette enquête dans des manuels d’histoire de la littérature permet d’observer ce que l’histoire littéraire a retenu de ces auteurs. Quels écrits ? À quelle période sont-ils présents ou absents ? Quels paramètres ont permis, favorisé, entravé leurs écarts éventuels ? Quelles conséquences en découlent sur leur réception et l’histoire littéraire ? Qu’est-ce que leur écart, ou présence, dit de la norme, voire de la constitution d’une histoire littéraire en tant que doxa ?
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06185-4
- EAN : 9782406061854
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06185-4.p.0339
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/04/2017
- Langue : Français