Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Littérature et voyages de santé
- Pages: 511 to 518
- Collection: Encounters, n° 322
- Series: The eighteenth century, n° 23
RÉsumÉs
Robert Bedon, « Voyages et séjours thérapeutiques selon Catulle, Horace, Martial et Juvénal »
Le thème du séjour thérapeutique se rencontre chez des auteurs latins, et parmi eux Catulle, Horace, Martial et Juvénal, réunis par la poésie personnelle qu’ils pratiquent, et qui adhèrent plus ou moins à l’épicurisme. Les atteintes de la vie à Rome ou une pathologie légère leur font trouver un remède identique, le repos à la campagne ou dans une petite ville, qu’ils complètent à l’occasion par un traitement médical. Loin de rechercher la compassion des lecteurs, ils ne répugnent pas à l’humour.
Yves Lehmann, « Le séjour égyptien de Sénèque. Cure et culture »
Aux environs de sa vingtième année, Sénèque, dont la santé était fragile, tomba réellement malade, victime d’une affection de type phtisique. Sa famille lui recommanda alors un changement d’air en Égypte. Il y profita d’un climat sec jusqu’en 31 de notre ère. C’est à Alexandrie, dans le milieu des Juifs hellénisés, peut-être au contact direct de Philon, que naquit la vocation théologique de Sénèque, qui s’affirma dans les grandes œuvres de la maturité et de la vieillesse du philosophe.
Jean-Pierre Levet, « La phytopharmacie euro-méditerranéenne de Dioscoride. Voyages, thérapeutique, lexicographie »
De la Matière Médicale contient une somme de la pharmacie antique, particulièrement de la phytothérapie. Elle témoigne des voyages thérapeutiques accomplis pour ainsi dire par le livre. Des indications lexicales sont faites d’emprunts à plusieurs langues du pourtour méditerranéen. L’article montre qu’elles étaient dues à Dioscoride, soucieux de permettre aux voyageurs de faire face à des urgences, et qu’elles avaient pu constituer un encouragement à compléter les informations en grec.
512Gérard Freyburger, « Le voyage à Rome de Lucius dans Apulée, Métamorphoses XI, 26. Réalités concrètes et guérison de l’âme »
Les Métamorphoses d’Apulée relatent les aventures de Lucius. Il a été transformé en âne après avoir, sous l’effet d’une passion pathologique pour la magie, participé à une séance de sorcellerie au cours de laquelle a été commise une erreur de formule. Sous cette forme, il connaît des aventures narrées dans les dix premiers livres, symboles des vicissitudes d’une âme malade des passions. Mais, au onzième livre, il retrouve sa forme humaine sous l’effet de la puissance bienfaisante d’Isis.
Martine Yvernault, « L’écriture du voyage à Jérusalem de Margery Kempe. Naissance de l’âme, naissance du livre »
La présente étude cible la genèse de l’écriture du Livre de Margery Kempe, fondée sur l’entrelacement de la réalité matérielle quotidienne des pèlerinages dans la première moitié du xve siècle, et de l’écriture d’un texte intérieur exprimé, accouché à Jérusalem.
Florent Gabaude, « La satire du séjour aux thermes dans la littérature et l’iconographie protestantes des xvie et xviie siècles germaniques »
Le transfert des savoirs médicaux vers la littérature de mainstream et la publicistique s’accompagne d’une axiologisation négative chez les protestants allemands du xvie siècle. Prescrit aux élites urbaines et cléricales, le loisir balnéaire est proscrit à l’homme du commun. Contre les images positives du baptême ou du locus amoenus, la propagande anticatholique brandit le spectre de la dépravation morale et établit une double équation entre thermalisme, papisme et décadence.
Rosanna Gorris Camos, « La bibliothèque bleue de Louis Des Moulins de Rochefort. Une constellation de voyages thérapeutiques à la Cour de Savoie »
L’article analyse la bibliothèque dispersée de Louis des Moulins de Rochefort, médecin, poète et homme de sciences, l’un des intellectuels les plus importants de la cour de Marguerite de France, duchesse de Savoie. Il étudie quelques livres consacrés à la littérature De balneis, comme l’édition Giunta du De Balneis de 1553, le De Thermis d’Andrea Bacci et des poèmes issus de cette cour décrivant des voyages thérapeutiques ou allégoriques (Peletier, L’Hospital, Scaffa).
513Juliette Morice, « Le voyage “homéopathique” dans les Essais de Montaigne (“De la vanité”) »
L’article revient sur la dimension paradoxale de l’apologie montanienne des voyages contenue dans « De la vanité », dirigée contre la diatribe stoïcienne et néostoïcienne sur les voyages. Selon Montaigne, cette « continuelle exercitation » offerte au corps et à l’âme du voyageur possède une valeur thérapeutique liée au fait que le mouvement du voyage épouse le mouvement de notre nature, selon un principe homéopathique de similitude ou de continuité entre la maladie et le remède proposé.
Christine de Buzon, « La santé selon Montaigne »
Montaigne souffrait de gravelle, maladie définitive provoquant des douleurs intermittentes. Corrélée à l’allégresse, la santé est à rechercher dans des lieux et compagnies agréables, par des remèdes naturels et en évitant les passions. Recourant peu – ou pas – aux chirurgiens, aux pharmaciens et aux médecins (dont il dénonce l’ignorance et le défaut d’engagement), Montaigne propose un éloge de la santé mais aussi de la maladie, notamment la sienne, qu’il se propose de traiter avec courtoisie.
Évelyne Berriot-Salvadore, « Défense et illustration du thermalisme par les médecins français (xvie-xviie siècles). Les merveilles des eaux et du royaume »
L’engouement pour le voyage thérapeutique, à la fin du xvie siècle et au xviie siècle, est précédé et accompagné par une abondante production : outre des traités latins, nombre d’ouvrages en français se veulent soit exposé général sur les ressources du royaume en matière d’eau médicinale, soit guide d’un site particulier. Ce phénomène éditorial s’inscrit dans un contexte de concurrence avec l’Italie ou l’Allemagne et retrace l’histoire des controverses médicales dont la cour même est le théâtre.
Antoinette Gimaret, « Scarron aux eaux de Bourbon. Le burlesque comme thérapeutique »
Après deux séjours à Bourbon, Scarron rédige les « Légendes de Bourbon » (1641 et 1642). Ces épîtres constituent des gazettes où les realia de la cure 514s’effacent au profit de la reconstitution d’un microcosme mondain. Elles coïncident cependant avec l’évocation d’un état pathologique réel, le récit de la cure constituant un ex-voto offert à la destinataire en échange d’une protection salutaire. L’article interroge également la tonalité burlesque dans sa valeur de thérapeutique et d’autoportrait.
Odile Richard-Pauchet, « Le voyage thérapeutique de Rousseau à Montpellier. Amours, délices et remords ? »
Le voyage à Montpellier de Jean-Jacques Rousseau, au croisement du voyage de santé et du Grand Tour, serait une stratégie élaborée par Mme de Warens pour éloigner son protégé d’une idylle avec son nouvel amant (Wintzenried). Mais l’autobiographe présente ce voyage comme un fiasco, raison même de son retour dans le giron de « Maman ». À nouveau rejeté des Charmettes, le jeune héros pourra justifier le choix d’une carrière intellectuelle aventureuse comme moyen subtil de soigner un mal profond.
Jacques Berchtold, « L’effet thérapeutique du séjour en montagne. Le Haut-Valais de Saint-Preux et le Ventoux de Pétrarque »
L’étude compare l’expérience thérapeutique en haute montagne dans L’Ascension du mont Ventoux de Pétrarque et dans La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. Dans un texte autobiographique édifiant, le poète italien analyse l’échec de cette thérapie dans le deuil amoureux de Laure, prélude à une vocation mystique. Chez Rousseau, Saint-Preux emploie la raison dans l’ascension des Alpes contre un autre chagrin d’amour, mais la sensualité de ce paysage ravive l’obsession de Julie.
François Pépin, « Le Voyage à Bourbonne de Diderot, un voyage thérapeutique ? »
Le Voyage à Bourbonne et à Langres est tiré d’un séjour aux eaux effectué par Denis Diderot en terre natale, en 1770. Cette lettre posthume se distingue du carnet de voyage par plusieurs traits. Diderot y intègre en effet tant des méditations personnelles sur son passé, que des études chimiques et géologiques sur l’efficacité des sources chaudes et sur la circulation des eaux souterraines.
515Daniel Droixhe, « Tantale à Spa. La maladie d’amour de Madame de Sabran »
De 1777 à 1781, la comtesse de Sabran entretient avec le chevalier de Boufflers, de vingt ans son aîné, une tendre « amitié fraternelle » qui eut notamment pour cadre les mondanités de Spa. Dépeinte au quotidien dans des lettres évoquant des épisodes privilégiés comme la visite à la galerie électorale de Düsseldorf, elle dessine, à travers les désordres de la sensibilité préromantique et les fastes d’une sociabilité réservée aux nantis, le même crépuscule d’un amour et d’un monde finissant.
Claudine Giacchetti, « Le voyage de santé dans les mémoires aristocratiques féminins (1800-1848) »
Au xixe siècle le voyage de santé était pour les femmes mémorialistes de la noblesse française une pratique incontournable du tourisme mondain. Les stations thermales et balnéaires y sont le cadre d’une nouvelle proxémie sociale. L’article explore les « histoires d’eau » de quelques mémorialistes de l’Empire (comtesse de Boigne) ou de la monarchie de Juillet (comtesse d’Agoult), toutes privilégiant une vision ironique et antitouristique.
Anne-Sophie Morel, « Les “soins du voyageur”. Poétique du corps dans l’œuvre de Chateaubriand »
Participant de la mise en scène fantasmatique de soi sous différents masques, les « soins du voyageur », par l’attention qu’ils portent au corps, marquent profondément l’écriture qu’ils contribuent à transformer. Les Mémoiresd’outre-tombe invitent le lecteur à un voyage dans les « capricieux enroulements » de l’esthétique et de l’Histoire, des fontaines d’amour et de poésie des bains pyrénéens de Cauterets, à la ville d’eaux de Carlsbad, royaume des fleurs et des morts.
Andrzej Rabsztyn, « Le voyage thérapeutique chez Senancour »
La thérapie de Senancour en Suisse consiste en un contact direct avec la nature, et permet à l’auteur de se retrouver. Lors de son séjour à la montagne, celui-ci cherche à rompre avec le passé qui le hante, puis veut abandonner « l’homme civilisé » en se soumettant aux lois de la nature, pour enfin élaborer une théorie des climats. Cette étude s’appuie sur son roman Oberman, 516dont le récit de voyage a toujours servi de point de repère à la découverte de la vie de l’auteur.
Émilie Hamon-Lehours et Johan Vincent, « Le voyage thérapeutique sur le bord de mer. Fuites spirituelles à Pornic dans Marianna de Jules Sandeau et La Coupe de corail de Mélanie Waldor »
Fuyant une rupture sentimentale, les écrivains Jules Sandeau et Mélanie Waldor s’installent une saison sur la plage de Pornic, prétexte à la fuite psychologique et source d’inspiration littéraire. Le discours touristique n’étant pas encore fixé dans les années 1830, leurs œuvres laissent transpirer une multitude de réalités, locales, contemporaines, universelles. La station balnéaire, en domestiquant la nature, devient le seuil permettant d’accéder au monde maritime, infini et vivifiant.
Catherine Botterel-Michel, « De Châtel Guyon à Mont-Oriol. De la mimesis à la fiction »
Mont-Oriol est un roman réaliste de Maupassant ayant pour décor une ville d’eaux fictive, Mont-Oriol, située aux environs de Châtel-Guyon. Cherchant l’effet de réel, le récit met en scène tant les thérapeutiques proposées aux patients, que les activités ritualisées des curistes et les médecins comme types sociaux et moraux. Roman mêlant des intrigues amoureuses vouées à l’échec, c’est aussi un document précieux sur la cure de la fin du xixe siècle.
Laetitia Levantis, « Vers une nouvelle approche de Venise et sa lagune. thermalisme et tourisme balnéaire au temps des Habsbourg »
La crainte du mauvais air des lagunes est un véritable leitmotiv dans la plupart des récits de voyageurs français séjournant à Venise au siècle des Lumières. D’abord définie comme un élément menaçant et dévastateur, siège des épidémies les plus redoutées, l’eau des canaux et des lagunes se voit progressivement investie de puissants pouvoirs curatifs. Venise devient alors le siège d’une expérience physique et n’est plus seulement perçue comme un miracle d’art et d’histoire.
517Marie Cazaban-Mazerolles, « Sur la piste de la Grande Santé nietzschéenne. Le voyage de Michel dans L’Immoraliste d’André Gide »
Au début de sa carrière littéraire, André Gide fait conjointement l’expérience de la maladie et du voyage, événements racontés dans L’Immoraliste (1902), sous l’influence de la pensée nietzschéenne de la Grande Santé que l’écrivain découvre à la même époque. Les deux motifs sont investis de valeurs intellectuelles, éthiques et esthétiques, qui subsument le vécu et font du récit gidien un texte polémique dirigé contre toutes les formes de morbidité.
Daniela Padularosa, « Hugo Ball et Hermann Hesse. Poèmes schizophréniques et voyages thérapeutiques »
Hugo Ball et Hermann Hesse sont deux artistes-voyageurs ayant cherché réponse par l’écriture à la Zeitkrankheit, névrose sociale de l’époque. En 1923 Ball écrit pour son ami Hesse Sept Sonnets Schizophréniques, puis part en Italie étudier la psychanalyse religieuse. Hesse, parvenu à Zurich, s’y livre aux plaisirs mondains et parachève son recueil Krisis. Si la crise est d’après Friedrich Nietzsche l’étape clé vers l’évolution spirituelle, ces voyages représentent leur parcours de guérison.
Lorraine Dumenil, « Voyage, récit de vie et thérapeutique de soi. Antonin Artaud et les Tarahumaras »
En 1936, au cœur de la Sierra Tarahumara mexicaine, Antonin Artaud aurait expérimenté un rite chamanique indien : la danse de guérison procurée par le Peyotl, champignon hallucinogène aux vertus thérapeutiques. Si l’on peut douter de la réalité de ce voyage fort peu documenté, et si Artaud revient en France plus malade qu’il n’en était parti, il ne cesse de reprendre jusqu’à sa mort le récit de cette expérience dans les nombreux textes du corpus Tarahumara.
Chloé Conant-Ouaked, « Le voyage thérapeutique contemporain, entre texte et image. Sophie Calle, Hervé Guibert, W. G. Sebald »
Sophie Calle, Hervé Guibert et W. G. Sebald sont trois créateurs dont les œuvres s’ancrent dans plusieurs médiums : texte, photographie et vidéo. Ils reprennent la tradition du voyage thérapeutique pour guérir de leurs maux, 518que ceux-ci soient le chagrin d’amour, le cancer, le sida ou encore une irrésistible mélancolie. Mais y croient-ils vraiment ? Cette question de l’adhésion à un grand récit ne permet-elle pas surtout de mettre en scène les pouvoirs de la fiction ?
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-06396-4
- EAN: 9782406063964
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06396-4.p.0511
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 12-21-2017
- Language: French