Avertissement
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Les Savoirs sur l’animal dans l’Encyclopédie méthodique. Tome II
- Pages : 1461 à 1470
- Nombre de volumes : 2
- Collection : Bibliothèque du xviiie siècle, n° 48
Avertissement
La pêche est un art dont l’exercice doit être considéré comme infiniment utile sous tous les rapports. C’est la pêche qui occupe et fait subsister un grand nombre de citoyens robustes et laborieux.
La pêche est la première et la meilleure école de marine, où se forme cette classe précieuse de matelots accoutumés à supporter les fatigues qu’offre sans cesse l’élément perfide sur lequel ils passent la plus grande partie de leur vie. La pêche enhardit les hommes à lutter contre les vents et les flots ; elle les rend intrépides dans les dangers, jusqu’à l’audace, et entreprenants jusqu’à la témérité1.
La jeunesse et la passion de la gloire peuvent former un bon soldat en une seule campagne, mais il faut qu’un vrai matelot ait fréquenté la mer dès son enfance pour façonner son tempérament à un élément qui ne lui est pas naturel ; il faut qu’il acquière, par un exercice continuel, une agilité qui le fait, en quelque sorte, planer au-dessus des abîmes qui sont entr’ouverts de toutes parts pour l’engloutir.
Le fils d’un pêcheur suit son père dès ses premiers ans ; il s’embarque avec lui dans de frêles barques, et se familiarise avec les caprices des mers où il doit aller chercher sa subsistance : ses forces devancent son âge, et le portent à des travaux toujours plus grands et plus périlleux. C’est ainsi que les pêcheurs, après avoir fait leur premier aprentissage sur des barques, passent au service du commerce en qualité de matelots, et parviennent, par degrés, à servir avec honneur sur les vaisseaux de la République. C’est ainsi qu’accoutumés à braver les dangers de la mer, étant pêcheurs, ils montrent la même intrépidité, étant matelots, pour affronter les feux de la guerre.
On sent que tout ceci doit s’entendre des pêcheurs qui s’adonnent [vj] aux grandes pêches, telles que celles du hareng, de la morue, de 1462la baleine, etc., lesquelles exigent de longues et pénibles navigations, avec une confiance infatigable, pour tenir la mer la nuit comme le jour, dans des climats différents, et souvent parmi les glaces des mers du nord. Ces grandes pêches ont un autre avantage bien essentiel, c’est qu’elles forment d’excellents pilotes côtiers, et qu’elles seules peuvent donner les connaissances les plus certaines et les plus circonstanciées de l’hydrographie. Donnons pour exemple et pour preuve de cette assertion ce que Duhamel rapporte dans son Traité des pêches, d’après un mémoire de pêcheur2.
Les bords de la mer présentent bien des objets différents. Ici ce sont des rochers fort élevés et escarpés ; là les rochers ont moins d’élévation, et sont quelquefois recouverts par l’eau des hautes marées ; ailleurs ce sont des dunes ou de grandes montagnes de sable ; quelques côtes sont formées par des terres plus ou moins dures, mêlées de pierres qui, tombant à la mer, s’arrondissent par les frottements qu’occasionne le mouvement de l’eau ; en cet état elles forment ce qu’on nomme legalet. On trouve aussi des plages très étendues, formées de sable, de vase ou de galet qui, étant peu inclinées, sont recouvertes à une grande distance par l’eau de la marée. Çà et là se trouvent soit les embouchures des fleuves, soit des criques, des anses, des ports qui servent d’asile aux pêcheurs quand ils sont pris de gros temps. En s’écartant des côtes, on trouve les mêmes variétés, des rochers, des îlots qui, s’élevant au-dessus de la surface de la mer, forment comme des archipels où les Pêcheurs peuvent mettre pied à terre ; d’autres, étant à une petite profondeur sous l’eau, occasionnent des brisants qui annoncent des écueils très dangereux.
Les fonds de la mer sont de roche, de galet, de gravier, de sable, de fragments de coquilles, d’argile, de vase, de plantes marines, etc. Il est très essentiel aux pêcheurs de connaître toutes ces variétés, ainsi que la profondeur de l’eau, pour savoir si l’ancrage y est bon, quels sont les poissons qui s’y trouvent le plus abondamment, quelle espèce de pêche on peut y pratiquer, et quelle [vij] route ils peuvent suivre la nuit, soit pour faire leur pêche, soit pour gagner la côte.
Ce sont ces connaissances, qu’ils doivent à une longue et continuelle pratique, qui les ont mis en état de former les espèces de cartes qu’ils n’ont point tracées sur le papier, mais qu’ils ont dans la tête ; chaque 1463endroit porte un nom connu de tous les pêcheurs d’une côte. Pour en donner une idée, je choisis les fonds et les ridains3 que les pêcheurs de Haute-Normandie fréquentent entre les côtes de France et l’Angleterre par le travers de Dieppe ; ce seul exemple suffira pour donner une idée de ce qui se pratique entre les pêcheurs, sur les autres côtes, tant de l’Océan que de la Méditerranée. Au moyen de ces cartes qu’ils ont toujours présentes à la mémoire, les pêcheurs connaissent dans le plus grand détail les fonds de leur côte, et ils savent ceux qui sont fréquentés par différentes espèces de poissons.
Le port de Dieppe à la côte de France dans la Haute-Normandie, pays de Caux, est établi S. S. E., eu égard à la petite ville d’Hastings, de la côte méridionale d’Angleterre, dans le comté de Sussex qui lui reste au N. N. O. Partant de cet établissement, voici les différents fonds que rencontrent les pêcheurs qui exercent leur métier par le travers les côtes de France à celles d’Angleterre.
Le premier fond qu’ils trouvent en traversant le Canal se nomme le Blanc fond d’Erangue : il commence à environ deux lieues de la côte ; il a demi-lieue de large, fond de sable, par douze brasses d’eau. Le terrain qui suit est de roche, par dix-huit brasses : il peut avoir un quart de lieue de large ; les pêcheurs le nomment le Larron.
On rencontre ensuite le Heu de Limon sur quatorze brasses ; lequel a environ un quart de lieue de largeur ; puis le fort-fond dit l’Etellandel, sur quinze brasses ; celui-ci est des plus rudes et des plus mauvais ; il est aussi étroit que les autres.
Quand on l’a traversé, on se trouve par 13 à 14 brasses sur le [viij]fond blanc d’Etellande, qui est un des meilleurs et des plus sains qu’on puisse rencontrer aux côtes de France ; il a environ une demi-lieue de large. Tous ces fonds ne passent guère au N. O. les rochers d’Ailly ; mais ils s’étendent fort avant à l’Est vers les côtes de Picardie.
Après le fond d’Etellande on trouve le Roquet de St.-Michel, fond de roche, par 18 brasses, mais fort doux ; il n’a guère qu’un quart de lieue. Ensuite est le Bonival blanc, fond de sable sur 18 brasses, qui a environ une demi-lieue le largeur.
Le Roquet-St.-Laurent commence environ à cinq lieues de terre, il est mêlé de roche, de blanc-fond et de gravier, sur 20 à 22 brasses. 1464Puis vient le blanc-fond de Caddeville, qui est un des meilleurs qui se trouvent à la vue les côtes de France ; ce banc a une lieue de large, fond de sable, sur 22 brasses.
À trois lieues de distance de Caddeville par 30 ou 31 brasses d’eau on rencontre un fond dur et de roches qui a une lieue de largeur, ensuite, sur la même profondeur d’eau, le fond qu’on nomme de parmi-Mer, qui est d’abord de sable, et devient ensuite de roche ; il a environ deux lieues et demie de largeur : on y pêchait autrefois beaucoup de vives ; elles y sont maintenant fort rares.
Par 26 à 27 brasses se trouve un fond de petites roches assez douces ; qu’on nomme les Roquets de Feulague, et ensuite le Petit Feulague, qui était autrefois très abondant en vives.
En suivant, on se trouve sur les petit Roquets par 30 brasses, ce fond n’a qu’un quart de lieue de large, et est contigu à un petit blanc-fond d’une demi-lieue de large sur 24 brasses, fond de sable.
Plus loin est le Roquet d’Eleppe, par 28 jusqu’à 35 brasses d’eau, fond de roche assez doux, qui peut avoir deux lieues de large.
Plus on s’approche ensuite des côtes d’Angleterre, plus le fond s’élève, jusqu’à n’avoir plus que deux brasses d’eau. [ix]
Ces petits détails offrent une idée des plans que les pêcheurs se forment du fond de la mer. Ce n’est cependant pas tout. Comme sur les fonds de sable et de coquillage, il se forme des espèces de buttes que les pêcheurs nomment ridains, rideaux, quelquefois ridelles, et où les poissons se plaisent plus qu’ailleurs ; on en tient compte : on sait, par exemple, qu’il y en a un fort grand sur le fond de Cadeville ; trois sur le roquet de S. Laurent, nommés poignants ou rideaux devers l’eau ; sur le roquet de S. Michel, deux grands rideaux que les pêcheurs appellent bourbeaux ; sur le fond du Larron, qu’on nomme de S. Martin ; sur le fond blanc d’Erangue, trois que les pêcheurs appellent lesmasses ; etc.
Il est évident que les Pêcheurs qui connaissent avec tant de précision les parages qu’ils fréquentent, et qui de plus ont lieu d’étudier la force et la direction des courants, sont les meilleurs Pilotes côtiers. La sonde, dont le dessous frotté de suif leur indique la profondeur et la nature du fond, leur suffit pour connaître leur position : ils savent, par exemple, que par tant de brasses, fond de roche, de sable, de coquillage, de vase, etc., ils sont à tel endroit ; et au moyen de la boussole, ils connaissent encore pendant la nuit la route qu’ils doivent tenir pour gagner le port 1465ou la côte, comme s’ils aperçevaient les balises, les amers, ou les signaux qui les guident pendant le jour.
C’est pour ces raisons qu’à Dunkerque, ainsi que dans les autres ports où les grandes pêches sont établies, les Chambres du Commerce fournissent avec la plus grande confiance pour Pilotes aux vaisseaux qui vont dans le Nord les Doyens des Pêcheurs ; la grande pratique qu’ils ont leur faisant connaître tous les bancs et les écueils ; au lieu que les Pêcheurs qui ne sont pas assez anciens pour avoir passé par les charges qu’on peut regarder comme des preuves de leur capacité sont obligés d’aller toujours en tâtonnant et la sonde à la main.
Il y a, dans les Départements, des hydrographes pour enseigner la théorie de la navigation aux Élèves qui, après avoir subi un examen, et sur l’attesta-[x]tion de l’Hydrographe, sont reçus Pilotes. Ces écoles sont de la plus grande utilité, surtout pour former les pilotes hauturiers qu’on emploie dans les grandes navigations. Quelques principes de pilotage sont même utiles aux Pilotes côtiers qu’on prend pour les attérages ; mais c’est la pratique de la pêche qui donne à ces derniers une connaissance parfaite des fonds, des sondes et des courants.
Ces considérations, jointes à la grande utilité de la pêche, ont engagé à établir sur presque toutes les côtes une espèce de Juridiction consulaire, composée de pêcheurs qui sont choisis et élus par tous leurs camarades. Ces Juges qu’on a coutume de nommer Prud’hommes, Anciens ou Jurés-Pêcheurs, sont presque toujours irréprochables dans leurs mœurs et leur conduite, et très experts dans leur métier.
Il a paru nécessaire de confier la police des pêches à ces Prud’hommes, parce que les jugements sur le fait des pêches dépendent d’une infinité de combinaisons, qui ne peuvent être connues que par ceux qui ont longtemps pratiqué toutes les différentes espèces de pêches. Si la pêche à la mer fournit à l’État de bons matelots et d’excellents pilotes côtiers : elle présente encore, ajoute Duhamel, une utilité bien sensible, quand on la regarde du côté des aliments qu’elle procure. Combien de bons poissons s’élèvent dans les étangs et les rivières : les Carpes, les Brochets, les Perches, les Truites, les Barbots, les Tanches, les Lottes, les Anguilles, etc. ! Plusieurs excellents poissons sortent de l’eau salée, remontent dans les rivières, et fournissent par là à ceux qui habitent le Continent une partie des productions de la mer : les Esturgeons, les Saumons, les Aloses, les Plies, les Éperlans, etc., remontent dans les 1466fleuves, quelquefois très loin de la mer, qui est sans contredit le réservoir le plus abondant d’une infinité d’espèces différentes de poissons ; ses productions en ce genre sont si variées que personne ne peut espérer de savoir les distinguer toutes. Les pêcheurs les plus anciens et les plus laborieux en prennent de temps en temps qui leur sont inconnus, et il y a tout lieu de soupçonner que la mer en nourrit beaucoup d’autres dont on n’a aucune idée.
On distingue le produit des pêches en poissons frais, qu’on mange tels qu’ils [xj] sortent de l’eau ; et en poissons salés, marinés ou boucanés, qu’on peut conserver longtemps sans qu’ils se gâtent.
Entre les poissons frais, les uns très délicats ne peuvent être transportés loin de la mer ; il faut les consommer dans les provinces maritimes. D’autres, dont la chair est moins sujette à se corrompre, sont distribués par les chasse-marée4 à des distances assez considérables dans les terres. La délicatesse et la rareté de quelques poissons font qu’ils ne paraissent que sur les tables des gens riches ; les pêcheurs les appellent la grande Marée ; d’autres, qui sont de très bon goût, mais plus abondants, sont à portée des gens qui n’ont qu’une fortune médiocre, et ceux-là forment ce qu’on appelle la petite marée. D’où il suit que, quand une espèce de poisson se montre en grande quantité sur une côte, il peut, après avoir été compris dans la grande marée, être rangé dans la petite. Enfin, d’autres, très abondants et peu délicats, ne méritant pas d’être transportés, sont consommés au bord de la mer par les gens peu aisés ; on ne les comprend point dans les marées.
Pour donner une idée générale des poissons que la mer fournit, on peut les distinguer, 1o en poissons ronds, dont les uns remontent dans les rivières ; et de ce genre sont le saumon, l’esturgeon, l’alose, la lamproie, l’éperlan, etc. ; les autres ne remontent point dans les rivières, tels sont la dorée, la dorade, la vive, le merlan, le colin, le rouget, le bar, l’égrefin, le célan5, le lieu, les chiens de mer, les marsouins, l’anguille, le mulet, la sardine, le maquereau, l’orphie, le surmulet ; en Provence, la pélamide, le thon, la bonite, etc. ; plusieurs de ces poissons ne sont que de passage.
La seconde classe est celle des poissons plats à arête, ou cartilagineux, ce qui comprend les raies de différentes espèces, la sole, le carrelet, la 1467limande, la limandelle, la barbue, la poule de mer, le turbot, etc. ; et la plie, qui remonte dans les rivières.
Joignez à cela les crustacées ; les écrevisses dans les ruisseaux ; à la mer, les crabes de beaucoup d’espèces différentes, les homards, les langoustes, les chevrettes6, etc. [xij]
À l’égard des testacées, on ne transporte guère dans les grandes villes que les huîtres et les moules ; mais on en trouve au bord de la mer une infinité d’autres, dont bien des gens font leur nourriture.
Ce tableau des productions de la mer, quoique représenté fort en raccourci, montre aux pêcheurs de quoi faire une ample moisson ; mais il faut qu’ils sachent où ils doivent aller les chercher ; car chaque espèce de poisson choisit pour son habitation le lieu qui lui convient le mieux : celui-ci se retire dans les rochers ; cet autre se plaît et s’enfouit dans le sable ; plusieurs cherchent les herbiers et les fonds de vase ; si quelques-uns se tiennent dans les endroits où l’eau est peu agitée, d’autres se plaisent dans les courants occasionnés par les rivières ou l’agitation de la marée. Quand il fait chaud, beaucoup de poissons s’approchent de la côte à des endroits où il y a peu d’eau, où ils trouvent leur nourriture en abondance. Lorsqu’aux approches de l’hiver le froid se fait sentir, ils se retirent dans la grande eau où, se tenant à une grande profondeur, ils trouvent une eau plus tempérée.
Un phénomène bien singulier est celui des poissons de passage qui, venant dans des saisons réglées, nous offrent des pêches tout autrement abondantes que celles que peuvent fournir les poissons qui restent sur nos côtes, et qu’on peut regarder en quelque façon comme domiciliés. Quelle richesse en effet que celle que nous fournissent, dans certaines saisons, les maquereaux, les harengs, les sardines, les merlans, les morues, les saumons, les thons, etc. ! Quoique ces poissons soient excellents à manger frais, ils sont si abondants dans les saisons où ils donnent à certaines côtes, que la plus grande partie serait perdue si on ne savait pas les préparer de différentes façons pour les mettre en état d’être conservés et transportés fort loin. Ces poissons salés, marinés, desséchés ou boucanés mettent les pays les plus éloignés de la mer en état de profiter de ses richesses, et forment des branches de commerce très considérables, qui font que ces pêches sont d’une utilité supérieure à celles des poissons frais.
1468Il faut que les pêcheurs soient instruits fort en détail de tout ce qui vient d’être indiqué, pour savoir dans quelle saison et en quel lieu ils doivent [xiij] aller chercher le poisson ; dans quelle circonstance ils peuvent l’attaquer avec avantage, et quelle façon de pêcher ils ont à choisir pour prendre telle ou telle espèce.
L’homme, qui peut tout au plus subsister quelques instants dans l’eau, a réussi, par son industrie, à devenir possesseur des poissons qui habitent un élément si opposé à sa nature : le gibier essaie de se dérober à la vue du chasseur qui le poursuit, et sa principale ressource est de fuir son ennemi ; mais il semble que les poissons soient séparés du pêcheur par une barrière impénétrable, et que retirés au fond des eaux, ils soient à l’abri de toute insulte ; on verra que l’homme a cependant imaginé une infinité de moyens pour surmonter toutes les difficultés.
Si l’on eût voulu comprendre dans ces recherches tous les animaux qui vivent dans les eaux, comme il n’est pas possible de se les procurer, on aurait été obligé, suivant la remarque de Duhamel, d’avoir recours aux auteurs qui ont donné des traités particuliers ; à Ovide, pour les poissons du Pont-Euxin7 ; à Oppian, pour ceux de la mer Adriatique8 ; à Mangolt, pour ceux du lac de Constance9 ; à Benoit Jove, pour ceux du lac Côme10 ; à Artedi, suivant lui d’après un auteur qu’il nomme Figulus, pour ceux de la Moselle11 ; à Schwenkfeld12, pour ceux de la Silésie ; à Marcgraf et à Pison, pour ceux du Brésil13 ; à PaulJove et Salvian14, pour ceux de 1469la mer de Toscane ; à Gille et Rondelet, pour ceux de la Méditerranée15 ; à Schonevelde, pour les poissons de Hambourg et de la mer Baltique16 ; à Marsigli, pour ceux du Danube17 ; enfin, au peu qu’en ont dit les voyageurs pour les poissons qui ne se trouvent que dans les mers fort éloignées. C’est en puisant dans ces sources qu’Aldrovande, Ray, Jonston, Charleton, Gesner, Ruysch, etc., ont réussi à compléter leurs histoires générales des poissons18. C’est encore ce qui a contribué à établir les méthodes dont nous sommes redevables à Willughby, à Artedi, au chevalier Linné, à Gronovius, à Goüan et autres célèbres auteurs19.
Quand on se représente le nombre presque infini de poissons qui se trouvent dans les rivières et à la mer, on conçoit qu’il est impossible qu’un [xiv] homme les ait tous sous les yeux ; et que celui qui entreprend une histoiregénérale des poissons est indispensablement obligé de s’en rapporter aux auteurs qui ont donné l’histoire particulière de ceux qui se trouvaient à leur portée, et à ce qu’ont dit les voyageurs, où souvent on ne trouve que des figures vicieuses et des descriptions peu exactes, dont cependant les ichthyologisles ont été réduits à tirer le meilleur parti qu’il leur a été possible. Ces ouvrages, qui ont exigé de grandes et pénibles recherches, méritent assurément des éloges, et les naturalistes doivent à leurs auteurs des témoignages de reconnaissance.
Mais quoique l’on ne puisse douter de l’utilité de leurs méthodes pour l’étude de cette partie de l’Histoire Naturelle, cependant, comme il s’agit principalement ici des procédés de la pêche, l’ordre alphabétique est sans contredit celui qui paraît le plus commode pour le lecteur, comme le plus convenable pour la distribution des divers articles qui composent cet art.
1470En effet la pêche est devenue un art varié et partagé en un grand nombre de branches aussi curieuses qu’intéressantes. L’objet de ce dictionnaire doit donc être d’en développer toutes les parties d’après les ouvrages des savants naturalistes, et surtout par l’analyse du grand traité de Duhamel-Dumonceau qui s’est attaché à décrire toutes les sortes de pêches qui se font dans les étangs, dans les lacs, dans les rivières et à la mer. Nous faisons connaître avec le secours de ces guides éclairés toutes les espèces de poissons qui servent non seulement à la subsistance de l’homme, mais encore à différents usages de commerce, des arts et d’industrie. On trouve dans ce recueil les procédés employés pour conserver les poissons frais ou salés, séchés, fumés, boucanés, marinés. La pêche aux hameçons ou haims, qui se diversifie d’une infinité de manières, y est développée avec les détails suffisants. On y a décrit toutes les espèces de filets et la façon de s’en servir, ainsi que les pêches qui se font au harpon, à la fichure, à la fouane, au râteau, etc. On y rapporte quantité d’inventions plus ingénieuses les unes que les autres pour aller chercher les poissons au fond des mers et dans les retraites où ils semblent à l’abri des entreprises des pêcheurs. Enfin le lecteur trouvera dans les 114 planches gravées, et dans [xv] les explications imprimées qui les précèdent (XIVe partie des planches d’Histoire Naturelle) tout ce qu’il importe de connaître relativement aux instruments, machines et apprêts des pêcheurs ; sans doute aussi qu’il parcourra avec quelque satisfaction les tableaux agréables et nombreux qui représentent les bâtiments divers et les manœuvres multipliées des pêcheurs.
1 Cette idée se trouvait déjà chez Duhamel du Monceau (1769-1782, vol. 1, p. 1 ; voir le vol. 1 de ce t. II, p. 249). Lacombe la développe en l’adaptant aux circonstances, ce qui est d’autant plus utile que la marine de guerre française connaît dans les années 1790 une des périodes les plus sombres de son histoire.
2 Ce qui suit (jusqu’à « surmonter toutes les difficultés », p. xiii) est en effet tiré de Duhamel du Monceau (1769-1782, vol. 1, p. 2-8).
3 « Se dit de certaines rides du sol que l’on trouve au fond de la mer » (Littré).
4 Le métier de chasse-marée consistait à acheter des poissons sur le littoral et à les transporter vers les marchés de l’intérieur des terres.
5 Autre nom de la sardine.
6 Crevettes.
7 Le poète latin Ovide (43 av. J.-C.-18 ap. J.-C.), exilé sur les bords de la mer Noire, composa les Halieutiques, poème didactique sur la pêche.
8 Voir plus haut, note 4 p. 1398.
9 Gregor Mangolt (1498 – vers 1580), historien allemand établi à Zurich, composa un ouvrage sur les poissons du lac de Constance (Mangolt, 1557).
10 Benedetto Giovio (1471-1545), historien italien, frère de Paolo Giovio (voir plus loin), écrivit une histoire de la ville de Côme, dont il était originaire ; il évoque les poissons du lac.
11 Artedi (1738) ; Figulus (1540). Carolus Figulus (actif en 1540-1541), érudit allemand installé à Coblence, élève de Melanchthon, fut l’auteur d’une traduction latine des œuvres d’Hésiode ainsi que d’un opuscule en forme de dialogue sur les poissons, notamment ceux de la Moselle.
12 Schwenckfeld (1603). Sur Schwenckfeld, voir t. I, vol. 2, note 5 p. 1244.
13 Markgraf (1648) ; Piso (1658). Sur ces auteurs, voir t. I, vol. 1, note 98 p. 310 et 147 p. 322.
14 Jove (1524) ; Salviani (1554). Paolo Giovio, dit Paul Jove (1483-1552), historien et humaniste italien, étudia la médecine, se vit confier par le pape Léon X une chaire de philosophie naturelle à Rome et devint par la suite évêque de Nocera (Campanie). Il publia divers traités historiques et géographiques, ainsi qu’un opuscule sur les poissons mêlant des informations héritées des Anciens à quelques données d’observation.
15 Rondelet (1554-1555 ; 1558). Les travaux de Pierre Gilles sont surtout connus d’après Gesner, qui les exploita.
16 Schönefeld (1624). Stephan von Schönefeld ou Schonevelde (mort en 1616), naturaliste et médecin de Hambourg, auteur d’un ouvrage sur la nomenclature des animaux aquatiques de Hambourg et des duchés de Schleswig et de Holstein.
17 Marsigli (1726). Sur Marsigli, voir t. I, vol. 2, note 16 p. 1242.
18 Gesner (1558) ; Aldrovandi (1613) ; Jonston (1649) ; Charleton (1668) ; Ray (1713) ; Ruysch (1718). Walter Charleton (1619-1707), médecin et naturaliste anglais, étudia à Oxford, puis se rendit à Londres où il fut reçu au sein de la Royal Society dès 1661. Il enseigna l’anatomie au collège des médecins, qu’il présida. Il s’intéressa à de nombreuses questions, médicales ou archéologiques. Hendrik Ruysch (1671-1727), médecin, néerlandais, fils de Fredrik Ruysch, professeur à Amsterdam, publia en 1718 une compilation reprenant presque tel quel l’ouvrage de Jonston.
19 Willughby (1686) ; Artedi (1738) ; Linné (1735, etc.) ; Gronovius (1754-1756) ; Gouan (1770).
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN : 978-2-406-09624-5
- EAN : 9782406096245
- ISSN : 2258-3556
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-09624-5.p.1461
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Langue : Français