Avertissement
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Les Savoirs sur l’animal dans l’Encyclopédie méthodique. Tome II
- Pages : 431 à 440
- Nombre de volumes : 2
- Collection : Bibliothèque du xviiie siècle, n° 48
Avertissement
L’Ouvrage que nous offrons au public est le traité le plus complet qui ait paru jusqu’ici sur l’Ichthyologie ; cependant cette partie de l’Histoire Naturelle est encore bien éloignée de sa perfection. Malgré les travaux et les recherches d’Artedi, de Linné, de Gronou, de Schœffer, de M. Gouan et de M. Bloch1, il reste encore bien des observations à faire, et des espèces à découvrir. Il est vrai que l’Histoire des poissons présente des obstacles qu’il est difficile de vaincre ; l’élément qu’ils habitent ne nous permet point de suivre leurs mouvements, d’étudier leurs caractères, de déterminer leurs espèces : tantôt l’âge, le sexe, le froid, la chaleur, le temps du frai font disparaître les couleurs naturelles de ces animaux et leur en prêtent d’étrangères ; tantôt c’est un individu qui, comme les oiseaux, mue dans une certaine saison de l’année, change de couleur, et semble se reproduire sous une forme nouvelle. Toutes les causes enfin de changement, d’altération, de dégénération, en se réunissant ici et se multipliant, accroissent les obstacles qu’on trouve dans cette science ; mais la principale difficulté, celle qui contribue le plus à retarder les progrès de l’Ichthyologie, c’est qu’il est rare qu’en pêchant dans les mêmes parages, on prenne des espèces inconnues ; et il arrive plus rarement encore qu’au moment où on les a prises, il y ait sur les lieux des Naturalistes assez instruits pour en saisir les caractères et fixer les différences. Les pêcheurs, plus justement occupés de leur intérêt personnel que du soin d’étendre les connaissances humaines, s’empressent de choisir les poissons les plus gros ou les plus délicats, et rejettent indistinctement dans l’eau ceux dont ils ne peuvent retirer qu’un modique avantage. C’est ainsi que l’Ichthyologie avance lentement vers 432le point de sa perfection, tandis que les autres parties de la Zoologie ont fait des progrès si rapides. Il y a eu néanmoins dans ces derniers temps des Savants distingués qui, se trouvant à portée d’examiner les poissons au moment où ils sortaient de l’eau, les ont décrits avec beaucoup de soin et d’exactitude. Les Ouvrages de Salvian, de Rondelet, de Rai et de Willughby contiennent de bonnes observations et d’excellentes gravures2 ; plusieurs célèbres Naturalistes, comme Gueldenstaedt, Leske, Lepechin, Hottuyn, Forster, Muller, M. Broussonnet3, quelques Voyageurs remplis de science et d’érudition, tels qu’Hasselquist, Forskal, Strom, Otho-Fabricius, Brunniche et M. Pallas4, ont donné successivement des mémoires détaillés, des descriptions exactes des poissons qu’ils ont observés dans le cours de leurs voyages ; mais les travaux de ces grands hommes sont comme perdus pour la plupart des personnes qui étudient l’Histoire Naturelle : les uns ne peuvent point [iv] les consulter, parce qu’ils sont écrits en langue étrangère ; les autres ne peuvent point les 433acquérir, parce qu’ils sont consignés dans des Livres trop chers. Il était donc essentiel pour les progrès de la science, et pour l’utilité de ceux qui se livrent à l’étude de l’Histoire Naturelle, de réunir en un corps d’ouvrage ces connaissances dispersées dans une infinité de Livres, et de disposer, suivant la distribution d’une méthode simple et facile, les espèces déjà connues afin de parvenir à reconnaître plus sûrement celles qu’on ignore. Ces deux moyens, si propres à faciliter l’étude de l’Ichthyologie, semblaient en exiger un troisième qui n’est pas moins efficace, celui de joindre des gravures aux descriptions. Notre esprit est trop borné pour saisir tout à la fois l’ensemble des caractères, et se former une idée juste et précise de l’objet qui est décrit : Segniùs irritant animos demissa per aurem, quam quæ sunt oculis subjecta fidelibus5. En conséquence, il était encore très important de donner, à la suite des descriptions, de bonnes gravures, où les principaux caractères de l’animal fussent exprimés avec vérité et précision.
Ce sont là les avantages que nous avons tâché de réunir dans l’Ouvrage dont il est ici question. Nous avons d’abord exposé, dans une Introduction préliminaire, le tableau de l’organisation extérieure du poisson, sa génération, son accroissement et quelques particularités qui concernent ses mœurs et son industrie.
Pour la distribution des genres et des espèces, nous avons adopté la méthode de Linné, en mettant néanmoins, d’après M. Daubenton, dans la première classe de ce système, les poissons que le Naturaliste suédois a rangés sous le nom d’amphibies nageurs (amphibia nantes)6.
Comme chaque science a une langue qui lui est propre, nous avons développé, dans l’exposition anatomique du poisson, le sens et la signification des termes qu’on emploie ordinairement dans les descriptions d’Ichthyologie ; de plus, l’Histoire Naturelle n’étant pas bornée seulement aux connaissances de l’extérieur, mais au contraire, son objet principal étant de se porter sur l’intérieur, afin de reconnaître, par l’inspection du dedans, le mécanisme des mouvements qui paraissent au-dehors, 434et les causes des appétits et des inclinations qui sont propres à chaque espèce d’animaux, nous avons cru qu’il était nécessaire, pour compléter nos descriptions, de donner un précis des parties intérieures du poisson.
En traçant le caractère des genres, Linné n’a point suivi de plan uniforme ; il s’est borné à donner un caractère, pris tantôt de la conformation du corps et de la tête, tantôt de la disposition des nageoires ou du nombre des rayons de la membrane [v] branchiostège7. En décrivant les espèces, il s’est attaché uniquement à donner la seule différence spécifique, sans désigner ni la couleur, ni la longueur, ni les autres caractères qui, en abrégeant les recherches, conduisent sûrement à la connaissance du poisson. En profitant des observations et des découvertes de ce grand Homme, nous avons suppléé, autant qu’il nous a été possible, à toutes les omissions qui ont échappé à ses recherches.
Il suffit de savoir que les descriptions doivent être comparées, pour être convaincu qu’il est absolument nécessaire de les faire toutes sur le même plan8. Si on ne décrivait qu’une ou plusieurs parties de chaque animal, sans comprendre la totalité du sujet, le tableau serait incomplet, défectueux, et ne pourrait donner une idée juste de la chose représentée. D’après ce principe, nous avons suivi la plus exacte uniformité dans l’exécution de cet Ouvrage. En décrivant les genres, nous avons exposé succinctement, en latin et en français, la forme du corps et de la tête, la longueur respective des mâchoires, la disposition des dents, la structure des opercules, les rayons de la membrane branchiostège, la configuration de l’ouverture des ouïes, le nombre et la position des nageoires. Dans la description des espèces, après avoir donné en latin la phrase spécifique et la traduction française, nous avons fait connaître, en peu de mots, la structure du corps et de la tête, le nombre, la situation et la figure des dents, la position relative des nageoires, leurs dimensions et le nombre de leurs rayons, la couleur, la longueur du poisson, et le lieu qu’il habite. Tous ces caractères, qui, pris séparément, sont fort équivoques et peuvent 435conduire à des erreurs, donnent presque toujours une connaissance fixe et certaine, lorsqu’ils se trouvent rassemblés dans le même sujet ; mais ils sont bien difficiles à réunir ; et chacun a de plus des difficultés que nous n’avons que trop senties par le désir que nous avions de les surmonter. L’une des principales est de donner, par le discours, une idée des couleurs ; car, malheureusement, les différences les plus apparentes entre les poissons portent sur les couleurs encore plus que sur les formes. Dans les quadrupèdes, dans les oiseaux qui vivent en liberté, elles sont à la vérité très variées et difficiles à exprimer ; néanmoins elles sont constantes et se conservent après la mort de l’animal, au lieu que dans les poissons, non seulement leur couleur change et s’altère suivant l’âge, la saison, et le climat ; mais encore elle s’efface entièrement après que le poisson est retiré de l’eau. Comment donc faire pour déterminer avec exactitude, dans cette classe d’animaux, les couleurs qui conviennent à chaque espèce et les dégradations qu’elles subissent par divers accidents ? Ce détail exigerait une multitude d’observations qu’on n’a point encore faites, et une immensité de paroles, et de paroles très ennuyeuses pour la description de chaque individu ; il n’y a pas même de termes en aucune [vj] langue pour en exprimer les nuances, les teintes, les reflets et les mélanges ; cependant les couleurs sont ici des caractères essentiels, et souvent les seuls par lesquels on puisse reconnaître un poisson, et le distinguer de tous les autres9. Pour mettre dans un article aussi important toute la précision qu’il exige, nous avons examiné avec attention, soit au cabinet du Roi, soit dans les cabinets des Naturalistes, un très grand nombre de poissons qu’on a bien voulu nous communiquer. À l’égard des espèces exotiques qu’il n’est pas possible de se procurer, nous avons consulté ce que différents Auteurs ont écrit sur le même sujet ; nous avons comparé leurs détails, nous les avons combinés pour former un corps entier de ces parties ainsi séparées.
Sur le petit nombre de Naturalistes qui se sont occupés de l’Ichthyologie, il en est quelques-uns qui, en décrivant des espèces nouvelles, des individus rares qui habitent des climats éloignés, n’ont donné simplement que le caractère principal, et ont négligé les accessoires : alors, ne pouvant nous procurer d’autres renseignements que ceux qui sont contenus 436dans ces Ouvrages, nous n’avons pu suppléer à ce qui manque dans ces descriptions trop concises. Si l’on continue d’étudier et de cultiver l’Ichthyologie, les observations se multiplieront ; on augmentera, on rectifiera la somme actuelle de nos connaissances ; et cette belle partie de la Zoologie, la plus incomplète jusqu’ici et la moins connue, s’élèvera insensiblement au niveau de celles qui sont les plus avancées.
Quelques Auteurs, en voyant la différence qui se trouve dans le nombre des rayons dont les nageoires sont garnies, ont cru qu’il était absolument inutile d’employer un caractère aussi équivoque ; mais cette différence n’existe souvent qu’en apparence. Quelquefois le premier rayon est si court qu’il se cache sous la peau, surtout lorsque le poisson est bien gras ; il arrive encore que la plupart des Auteurs qui ont décrit ces poissons n’ont point fait entrer dans leur calcul les petits rayons qui accompagnent ou qui précèdent ordinairement les nageoires. Dans ce cas, l’erreur ne doit être imputée qu’au Naturaliste qui a décrit, ou à celui qui observe. Il faut cependant avouer qu’il y a quelquefois une différence réelle dans la somme de ces rayons, et qu’il est rare d’en trouver exactement le même nombre sur toutes les nageoires ; mais cette variation ne s’étend jamais au-dessus ni au-dessous de trois ou quatre, sur les nageoires mêmes où ces différences sont les plus fréquentes. On peut donc se servir efficacement de ce moyen pour reconnaître les espèces ; et lorsqu’il s’agira de caractériser un poisson sur le nombre de ses rayons, c’est surtout à ceux des nageoires du ventre et de la membrane branchiostège qu’il faut avoir recours : leur nombre est presque toujours invariable. Nous n’avons eu garde de [vij] négliger un caractère aussi essentiel dans le cours de notre Ouvrage. En corrigeant les fausses indications de Linné à cet égard, en suppléant, soit par notre propre observation, soit par celle des autres Ichthyologistes, à celles qu’il avait omises, nous avons assigné le nombre des rayons qu’on trouve à chaque nageoire ; et pour éviter des répétitions qui, à la fin, seraient devenues fastidieuses, nous avons employé des abréviations, dont il est nécessaire de donner ici l’explication10. Dans cette indication prise au hasard,
437on doit distinguer autant de descriptions particulières qu’il y a de lettre majuscules. La membrane branchiostège est désignée par la lettre initiale B ; la nageoire du dos par le D ; celles de la poitrine par le P ; celles du ventre par le V ; la nageoire de l’anus par A ; et celle de la queue par Q. Le chiffre qui accompagne ces lettres désigne le nombre de leurs rayons. Il faut donc conclure, dans l’exemple cité, qu’il y a quatre rayons à la membrane branchiostège ; douze à la nageoire du dos ; et dix à celles de la poitrine. Il arrive souvent que les nageoires sont garnies de rayons flexibles et de rayons épineux. Dans ce cas, nous employons un nombre fractionnaire ; le chiffre inférieur annonce la somme totale des rayons ; et le terme supérieur désigne seulement le nombre des rayons épineux : ainsi, V. exprime qu’il y a six rayons aux nageoires du ventre, dont trois épineux. Lorsque la somme des rayons est sujette à varier, alors on joint par un trait les chiffres qui sont les limites de cette variation. A. , dans l’exemple ci-dessus, signifie qu’il y a neuf ou dix rayons à la nageoire de l’anus, dont trois ou quatre épineux. Si deux chiffres égaux sont séparés par un trait, comme dans cette abréviation Q. , il faut conclure qu’il y a quatre rayons épineux de chaque côté de la nageoire de la queue.
Le nombre des vertèbres et des côtes étant des caractères constants, et d’une très grande utilité pour reconnaître les espèces, nous avons mis à la suite de l’indication des rayons celle de ces parties, après que leur exactitude a été bien constatée par notre observation ou par celle des Naturalistes. On trouvera ces os désignés par les trois lettres initiales de leur nom ; les chiffres suivants en déterminent le nombre.
La nomenclature a été de tout temps un des obstacles les plus funestes aux progrès de l’Histoire Naturelle. En accumulant sans nécessité des dénominations nouvelles, on augmente les difficultés, et bientôt la science se trouve enveloppée d’un déluge de mots qu’il est impossible de débrouiller11. Pour éviter cet inconvénient, [viij] nous avons suivi la nomenclature latine de Linné, et les noms français que M. Daubenton a adoptés dans son Histoire des Poissons. Pour les espèces qui ne se trouvent pas dans le Système de la Nature, et que nous avons tirées de différents Ouvrages, nous avons conservé les noms que les Auteurs qui les ont publiées leur ont donnés ; ou bien nous leur avons donné la dénomination qu’elles portent dans leur pays natal.
438À l’égard des planches, nous n’avons rien négligé pour que chaque portrait donnât l’idée nette et distincte de son original. Nous avons fait graver quelques individus d’après nature, nous avons employé quelques dessins qu’on nous a communiqués, et nous avons choisi les autres dans les meilleurs Ouvrages d’Ichthyologie qui ont paru jusqu’ici. Pour donner sur chaque genre contenu dans le Systèmede la Nature de Linné au moins une figure, nous avons été obligés de recourir à celles de Brown, de Sloane, et de Catesby12, parmi lesquelles il s’en trouve quelques-unes d’imparfaites ou de défectueuses : mais nous avons mieux aimé laisser subsister ces défauts dans les copies que nous avons tirées de ces Auteurs, plutôt que d’y faire des corrections hasardées. Dans ce cas, on trouvera dans le texte des remarques sur les imperfections que nous avons trouvées dans ces gravures.
Le but de notre Ouvrage étant uniquement de traiter la description des animaux, qui est la partie fondamentale de l’Histoire Naturelle, puisque les autres en dépendent pour la certitude et l’intelligence des faits, et nous bornant à faire connaître les différences qui caractérisent chaque individu, et la place qu’il doit occuper dans le système des êtres créés, nous n’avons pas cru à propos d’entrer dans les détails qui concernent les mœurs de chaque poisson, et l’avantage qu’on peut en retirer dans le commerce ou pour les arts. Le Dictionnaire méthodique et encyclopédique des Poissons, publié par M. Daubenton, dont ce traité fera le complément, fournira des notions curieuses et intéressantes sur cette partie ; on y trouvera aussi une synonymie complète sur chaque espèce : une table de nomenclature eût rendu notre Ouvrage trop volumineux. Lorsque nous avons décrit les poissons dont il a été fait mention par Linné, nous avons eu soin de citer la page qu’ils occupent dans la douzième édition du Système de la Nature : on y verra sous chaque description une synonymie assez étendue.
Toutes les espèces nouvelles, éparses dans les Ouvrages des Savants, dans la Relation des Voyageurs et dans les Mémoires des Académies, ont 439été décrites suivant le plan de celles qui étaient déjà connues, et placées dans l’ordre qui leur [ix] convient ; celles qui ne se trouvent point dans le Systema Naturæ, sont indiquées par un astérisque (*). Lorsque les descriptions des Auteurs nous ont paru remplir notre but, nous les avons adoptées dans leur entier ; et alors, nous avons mis immédiatement après la phrase latine la citation de l’auteur et de l’ouvrage d’où nous l’avons tirée. Lorsqu’au contraire, nous avons jugé à propos de faire quelque inversion ou quelque correction dans la phrase descriptive ; ou lorsque nous avons été obligés de réduire des détails trop étendus, nous avons cité, à la fin de l’article seulement, le nom de l’auteur qui nous a fourni la description.
On peut voir, par tout ce que nous venons de dire, que ce Traité d’Ichthyologie a été composé sur le plan du Système de la Nature de Linné. En mettant dans la première classe les cartilagineux, c’est-à-dire, les animaux que Linné avait décrits sous le nom d’amphibiesnageurs13, la distribution méthodique, quant au fond, est exactement conforme à celle de cet excellent ouvrage, dont il y a eu treize éditions depuis 1735 : l’exécution offre seulement quelques différences qui sont à notre avantage. 1o Nous avons réuni et placé dans l’ordre méthodique les genres nouveaux, et toutes les espèces découvertes par les Naturalistes modernes, dont le nombre est presque double de celles qui sont décrites dans le SystemaNaturæ ; 2o la description de chaque individu est plus détaillée, plus complète, et mise à la portée de tout le monde, étant composée en langue nationale ; 3o nous avons ajouté, à la suite de nos descriptions, des gravures exactes, qui, en offrant avec fidélité et précision les caractères de l’objet représenté, laissent dans l’esprit une idée des autres espèces dont nous ne donnons point de dessins, mais qui appartiennent au même genre.
Les recherches qu’il fallait faire pour la rédaction de ce Traité, la quantité immense de livres qu’il fallait consulter et la rareté des objets qu’il était nécessaire de voir et d’examiner nous eût totalement découragés, si nous n’avions trouvé des secours puissants, et les seuls capables de nous procurer quelques succès. M. le Noir, Conseiller d’État et Bibliothécaire du Roi14, a bien voulu concourir à la perfection de notre Ouvrage ; il 440nous a ouvert les trésors qui lui sont confiés. M. Daubenton et M. le Comte de la Cepède, aussi profonds en Histoire Naturelle que zélés pour en étendre les progrès, nous ont permis d’examiner et d’étudier, au cabinet du Roi, la plupart des objets que nous avions à décrire15 ; ils nous ont même prêté quelques individus pour les faire dessiner et graver d’après nature. M. de Jussieu16, de l’Académie des Sciences, M. Petit, Médecin de Monseigneur [x] le Duc d’Orléans17, etc., ont eu la complaisance de nous communiquer des livres rares qu’on ne trouve que difficilement, et qu’il était essentiel de consulter. Malgré ces encouragements et ces secours ainsi multipliés, on trouvera encore beaucoup d’imperfections, peut-être même des erreurs dans notre travail ; mais si nos Lecteurs considèrent l’immensité de l’ouvrage que nous avons entrepris, et la confusion qui règne dans la partie que nous venons de traiter, nous osons espérer d’avoir quelque part à leur indulgence. [xj a]
1 Artedi (1738) ; Linné (1767-1770) ; Gronovius (1754-1756) ; Schaeffer (1761) ; Gouan (1770) ; Bloch (1782-1784 ; 1785-1795 ; 1785-1797). Jacob Christian Schaeffer (1718-1790), naturaliste allemand, enseignait à l’université de Ratisbonne où il constitua une importante collection. Il était en relation avec de nombreux savants européens et fut membre correspondant de l’Académie Royale des Sciences.
2 Salviani (1554) ; Rondelet (1554-1555 ; 1558) ; Willughby (1686) ; Ray (1713).
3 Les naturalistes russes Johann Anton Güldenstädt (1745-1781) et Ivan Ivanovitch Lepekhin (1740-1802), membres de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, publièrent dans les recueils de cette institution plusieurs mémoires sur des poissons, observés notamment à l’occasion de leurs voyages dans le Caucase et en Asie Centrale. Le naturaliste allemand Nathanael Gottfried Leske (1751-1786), professeur à l’université de Leipzig, fit paraître un petit livre sur des poissons de sa région (Leske, 1774). Maarten Houttuyn (1720-1798), médecin et naturaliste hollandais, possesseur d’un important cabinet d’histoire naturelle, publia un mémoire sur des poissons japonais (Houttuyn, 1782). Le naturaliste voyageur Johann Reinhold Forster (voir t. I, vol. 2, note 38 p. 1248) décrivit quant à lui des espèces envoyées de la baie d’Hudson (Forster, 1773). Otto Frederik Müller (1730-1784), naturaliste danois, est l’auteur d’une esquisse de la faune de son pays (Müller, 1776), prélude à un ouvrage plus ambitieux qu’il ne put achever. Broussonnet rédigea un traité d’ichtyologie inspiré des principes linnéens (Broussonnet, 1782).
4 Le naturaliste suédois, Fredrik Hasselquist (1722-1752), élève de Linné, partit en Égypte et au Proche-Orient de 1749 à 1752 pour y effectuer des observations d’histoire naturelle. Après sa mort à Smyrne, ses papiers et ses collections furent achetés par la reine Louise-Ulrique, qui les confia à Linné, lequel les fit publier quelques années plus tard dans un ouvrage en suédois et en latin (Hasselquist, 1757). Comme lui, Forskål, autre élève de Linné mort au cours de son voyage (voir t. I, vol. 1, note 60 p. 572), décrit plusieurs poissons dans son ouvrage posthume (Forskål, 1775). Hans Strøm (1726-1797), pasteur naturaliste norvégien, est l’auteur d’une description des ressources naturelles de son pays, poissons compris (Strøm, 1762-1766) ; de même, Otto Fabricius (voir t. I, vol. 1, note 5 p. 546) publia une faune du Groenland (Fabricius, 1780). Son compatriote Morten Thrane Brünnich (voir t. I, vol. 2, note 20 p. 1247), qui voyagea en Europe dans les années 1760, s’intéressa en particulier aux poissons de Méditerranée (Brünnich, 1768). Enfin, Pallas décrivit dans ses divers ouvrages zoologiques de nombreuses espèces nouvelles observées lors de ses voyages.
5 « Ce qui est transmis par l’oreille fait sur l’esprit une impression plus faible que ce qui est placé sous des yeux fidèles » (Horace, Art poétique, 180-181).
6 Voir plus haut, p. 23-25, 39-41, et les détails que Bonnaterre donne plus loin, p. 443. On rappelle que Linné, en 1758, plaçait les poissons cartilagineux dans l’ordre des Nantes,lui-même dans la classe des Amphibia ; en 1766, il déplace dans ces Nantes un autre groupe de poissons, les Branchiostegi. Daubenton a admis la classification linnéenne des poissons de 1758, mais en y réintégrant les Nantes.
7 La membrane branchiostège recouvre les branchies. Elle est parcourue par des rayons osseux. Comme le note Bonnaterre, Linné n’est pas parvenu à identifier un caractère unique dont les variations lui auraient permis de définir tous les genres de poissons ; ses définitions sont donc hétérogènes.
8 Il s’agit d’un des principes énoncés par Daubenton, qui a esquissé en 1753 une théorie de la description en histoire naturelle : « Dès que l’on est bien convaincu que les descriptions doivent être comparées, on ne doutera pas qu’il ne soit absolument nécessaire de les faire toutes sur le même plan » (OC, vol. 4, p. 214).
9 Cette incapacité de la langue à décrire exactement les couleurs des animaux avait été relevée par Buffon à propos des oiseaux (HNO, vol. 1, p. vi-x) ; mais le problème avait été résolu dans ce cas par le moyen des planches enluminées.
10 Le fait de donner une série de valeurs sous cette forme dans les diagnoses de poissons est une pratique assez courante (on la trouve chez Linné et Broussonnet notamment), mais la solution particulière adoptée par Bonnaterre est inédite.
11 Il s’agit d’un thème récurrent chez Buffon, mais celui-ci l’emploie contre Linné, ce qui n’est évidemment pas le cas ici.
12 Browne (1756) ; Sloane (1707-1725) ; Catesby (1731-1743). Patrick Browne (1720-1790), médecin et naturaliste irlandais, passa quelque temps à Antigua, puis étudia à Paris et à Leyde avant de repartir pour les Antilles, où il visita plusieurs îles, et de s’établir en 1746 à la Jamaïque pour plusieurs années. Il publia à son retour à Londres une histoire naturelle de cette île, jugée plus complète que celle de Sloane et influencée par les principes de classification de Linné. Il consacra la fin de sa vie à l’étude de la flore d’Irlande. Sur Hans Sloane, voir t. I, vol. 1, note 299 p. 244.
13 Voir plus haut, p. 23-25, 39-41.
14 Jean-Charles-Pierre Lenoir (1732-1807), magistrat français, fut lieutenant général de police de 1774 à 1775 et de 1776 à 1785. Après sa démission, Louis XVI le nomma garde de la Bibliothèque du Roi.
15 Daubenton, en tant que « garde et démonstrateur », avait la charge des collections royales. Lacepède, lui, avait été nommé « garde et sous-démonstrateur » en 1784. Il avait probablement entamé son propre travail pour l’Histoire naturelle des poissons au moment où Bonnaterre s’adressa à lui.
16 Antoine-Laurent de Jussieu (1748-1836), neveu de Bernard et d’Antoine de Jussieu, était lui-même botaniste, membre de l’Académie Royale des Sciences et professeur au Jardin du Roi.
17 Antoine Petit (1722-1794), médecin, était comme Jussieu membre de l’Académie Royale des Sciences et professeur au Jardin du Roi.
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- ISBN : 978-2-406-09624-5
- EAN : 9782406096245
- ISSN : 2258-3556
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-09624-5.p.0431
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Langue : Français