Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Les Équivoques de l’institution . Normes, individu et pouvoir
- Pages : 323 à 327
- Collection : Bibliothèque de la pensée juridique, n° 14
Résumés
Élodie Djordjevic, Sabina Tortorella, Mathilde Unger, « Introduction »
Tantôt objet de défiance, tantôt perçue comme protectrice, tantôt encore conçue comme appareil surplombant et coercitif, tantôt pensée comme possible instrument de libération par la constitution de collectif qu’elle permet, l’institution se signale par son équivocité. Cet ouvrage soumet précisément à l’examen cette ambivalence de l’institution sur le triple plan de la manière dont on conçoit son rapport à l’individu, son caractère oppressif ou émancipateur et la normativité qui lui est liée.
Vincent Descombes, « L’institution au sens large »
L’école durkheimienne prend le mot « institution » au sens le plus large : sont des institutions les manières collectives d’agir et de penser qui préexistent aux individus. Mais comment une manière d’agir peut-elle préexister à l’activité dont elle est la manière ? C’est ce qu’on peut expliquer en distinguant avec Ludwig Wittgenstein les règles qui prescrivent de celles qui, telles les règles d’un jeu, précédent logiquement l’activité qu’elles définissent.
Paolo Napoli, « L’institution-chose »
L’article vise à déplacer l’attention de l’idée de centre de pouvoir qui caractérise l’institution-personne vers ce que Maurice Hauriou nomme les institutions-choses, c’est-à-dire les normes juridiques. Celles-ci fonctionnent dans l’immanence sociale et ne sont le privilège d’aucune institution-personne constituée. L’effort que suppose le problème d’une vision matérialiste appliquée au droit et aux institutions est d’éviter la réduction des institutions-choses aux institutions-personnes.
324François Saint-Bonnet, « L’institution aux yeux des citoyens. La protection juridique des costumes et des drapeaux officiels »
La vitalité des institutions se matérialise par des signes (drapeaux, costumes, enseignes). Le droit les protège-t-il efficacement des usurpations et dégradations que pourraient subir leur image ? Cette étude montre que le droit pénal ne protège que les symboles de l’État, au motif que leur altération blesserait ce qu’ils représentent ; une forme d’atteinte à un ordre public « immatériel ». Mais quand leur protection cause des troubles, la paix publique est préférée à l’intégrité des emblèmes.
Mélanie Plouviez, « L’institution comme symbole. Durkheim, en passant par Gurvitch et Descombes »
Cet article étudie la définition que Émile Durkheim et les durkheimiens ont donnée de l’institution comme manière de penser et d’agir que l’individu trouve préétablie. Il vise à montrer que, articulée à sa théorie du symbolisme social, la sociologie durkheimienne des institutions permet un dépassement de l’opposition entre nécessité de l’institué et arbitraire de l’instituant en ouvrant la voie à une nécessité sociale de l’instituant qui ne le réduise pas à de l’institué.
Tristan Pouthier, « Les sources théologiques de la théorie de l’institution chez Maurice Hauriou. L’institution dans La science sociale traditionnelle »
Avec La science sociale traditionnelle (1896), Maurice Hauriou est sorti du champ disciplinaire du droit public pour s’aventurer sur celui de la science sociale naissante. Or, cet ouvrage imparfait et déroutant contient la première formulation de la théorie de l’institution qui reste attachée au nom d’Hauriou. L’institution apparaît comme la pièce maîtresse de la théorie sociale englobante élaborée par l’auteur sur la base de concepts théologiques, tels que le sacrifice et la rédemption.
Sabina Tortorella, « L’institution en tant qu’ordre juridique. Objectivité du droit et autonomie du social selon S. Romano »
Présentant la théorie de Santi Romano à partir de la définition de l’ordre juridique comme institution, l’article présente sa conception objectiviste, 325formaliste et positiviste du droit et à en examiner les enjeux quant au rapport entre être et devoir-être. En effet, Romano développe une théorie du droit qui renouvelle le rapport entre État et société, en récusant l’identification entre droit et norme comme entre droit et État, ainsi que le primat de la loi étatique et du volontarisme juridique.
Thibault Guilluy, « La doctrine publiciste française, le positivisme juridique et les pratiques institutionnelles. Une illustration de la difficulté des juristes à penser l’institution »
On ne peut que constater la difficulté des juristes contemporains à penser l’institution, et tout particulièrement l’institution politique. Cette difficulté est notamment visible lorsqu’il s’agit d’expliquer, en des termes juridiques, les manifestations les plus spontanées de ces institutions, à savoir les pratiques constitutionnelles. Celle-ci s’explique peut-être par la prédominance, dans la doctrine publiciste française, d’une compréhension positiviste et normativiste du phénomène juridique.
Jean-François Kervégan, « Les droits comme institutions »
Partant de l’opposition classique entre théories jusnaturaliste et juspositiviste, l’article veut montrer, en s’appuyant sur la théorie de l’institution de Maurice Hauriou et sur la conception des Rechtsinstitute de Friedrich Carl von Savigny, qu’une conception institutionnelle des droits peut permettre de surmonter cette alternative. Pour penser les droits comme des institutions, il faut toutefois se doter d’une conception plus discriminante que celle qui est proposée par John R. Searle dans Making the Social World.
Jeanne-Marie Roux, « L’institution ouverte de Merleau-Ponty »
Le concept d’institution joue un rôle important dans l’œuvre de Maurice Merleau-Ponty, son élaboration croissante dans les années 1950 coïncidant avec l’effort du philosophe pour fonder une ontologie non dualiste. Cet article expose en quel sens sa perspective constitue une défense de l’institution. Mais il montre aussi que l’ouverture qu’il confère à l’institution est une arme conceptuelle à double tranchant, qui rend l’extériorité de l’institution aux sujets, et donc l’oppression, difficiles à penser.
326Élodie Djordjevic, « L’ambivalence normative de l’institution »
Confrontant les conceptions hégélienne et bourdieusienne du sens pratique dans son rapport intime à l’institution, cet article prétend mettre en lumière l’ambivalence normative de cette dernière. En effet, bien que d’importantes proximités puissent être décelées entre la sittliche Gesinnung hégélienne et de l’habitus bourdieusien, il s’agit également de souligner la nature profondément distincte de la teneur normative du concept d’institution auquel ils sont chacun liés.
Jérôme Couillerot, « L’institution comme institution symbolique. Brèves remarques sur les notions de représentation et de droits de l’homme chez Claude Lefort »
Philosophe politique d’inspiration merleau-pontienne, Claude Lefort n’a pas développé de théorie de l’institution au sens strict, mais une pensée de « l’institutionnalisation symbolique », que cet article propose de présenter. En procédant à une reconstruction synthétique de quelques articulations conceptuelles fondamentales de l’auteur, il s’agit d’abord de situer la notion, puis d’illustrer le phénomène en interrogeant l’usage lefortien des concepts de représentation et de droits de l’homme.
Olivier Beaud, « Un angle mort de la pensée de Jellinek. Sa théorie de l’institutionnalisation de l’État »
Cet article vise montrer qu’il y a dans l’œuvre de Georg Jellinek une théorie de l’institutionnalisation du pouvoir et de l’État. En effet, au moyen de la double opposition entre l’État et les organes de l’État d’une part et, d’autre part, entre l’organe et le « support de l’organe », Jellinek essaie de penser tour à tour la pérennité de l’État et sa représentation par des entités (les « organes ») qui n’agissent que par l’intermédiaire des individus.
Philippe Raynaud, « John Stuart Mill et la question de l’institution de la liberté »
À partir d’une étude sur les régimes politiques, John Stuart Mill examine les institutions qui font vivre la liberté. Il est le grand théoricien de la démocratie représentative parce qu’il a compris le caractère irrépressible des progrès 327de l’égalité et la nécessité de veiller à ce que la souveraineté du peuple ne verse pas dans la tyrannie de la majorité. Ce faisant, il développe une conception des institutions qui ne cède ni au pur artificialisme, ni au naturalisme des romantiques de son temps.
- Thème CLIL : 3126 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie
- ISBN : 978-2-406-10753-8
- EAN : 9782406107538
- ISSN : 2261-0731
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10753-8.p.0323
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/02/2021
- Langue : Français