[Introduction à la troisième partie]
- Publication type: Book chapter
- Book: Les Camps nazis. Réflexions sur la réception littéraire française
- Pages: 289 to 290
- Collection: Classiques Jaunes (The 'Yellow' Collection), n° 773
- Series: Essais, n° 40
À ce stade de ma réflexion, il me semble utile de revenir très rapidement sur ma démarche pour expliciter le rapport que le littéraire peut entretenir avec l’expérience des camps. L’onde de choc suscitée par l’événement suppose un foyer, c’est-à-dire un lieu et un moment où la secousse se produit. Cette secousse ouvre un temps de réaction. C’est là le temps de la communication, étudié au cours de la première partie. Le temps de la transmission, étudié au cours de la seconde partie, est celui où une communauté cherche à saisir et à définir la nature de l’événement. Dans ce temps de l’interprétation, tous les types de discours sont susceptibles de réagir. Ainsi est-il parfaitement possible de penser la place du littéraire dans cette reconfiguration générale du monde à la lumière de l’événement, selon deux axes différents mais complémentaires.
Le littéraire naît de l’acte de mise en forme de l’événement par la représentation, mais surtout se présente surtout comme le lieu où son impact peut se mesurer ou être approché. Si l’on postule qu’il est discours sur le monde et que le monde est ce qui peut être déstabilisé et modifié par l’événement, alors il est possible de le penser comme signe de l’événement. Mais le littéraire est aussi un champ discursif qui a sa propre temporalité, et son histoire épouse plus ou moins les mouvements de la mémoire sociale. En effet, l’histoire littéraire peut intégrer l’événement à son propre mouvement et l’événement peut à son tour faire date dans cette histoire en initiant de nouvelles problématiques. Cette troisième partie aura pour ambition de suivre ces deux plans de réflexion.
Un premier mouvement interrogera les modes de visibilité de la « littérature des camps ». À travers l’étude des revues littéraires et la prise en compte de certains textes critiques fondateurs, nous verrons si les textes littéraires issus des camps ont intégré l’histoire littéraire et si, par leur truchement, l’événement a pu avoir un impact réel sur les débats esthétiques de la seconde moitié du xxe siècle.
Un second mouvement interrogera la postérité de l’événement et sa pénétration dans la sphère littéraire, que cette pénétration soit d’ordre théorique, mémoriel ou même allégorique. Il s’agit d’éclairer les textes 290littéraires à la lueur de l’événement, donc de construire une herméneutique littéraire apte à les penser comme des signes et des réponses possibles à l’événement. Le nombre d’œuvres servant de base à mes réflexions, volontairement réduit, constitue un corpus suffisamment diversifié pour mettre en lumière des tendances générales (d’interprétations, de traitements esthétiques, d’enjeux mémoriels) au cœur desquelles pourront s’inscrire d’autres textes et d’autres œuvres.