Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Les Cahiers du dictionnaire
2016, n° 8. Les mots de la Méditerranée dans le dictionnaire - Auteurs : Dotoli (Giovanni), Larocca (Lucia Cristina), Leopizzi (Marcella), Emanuele (Valerio), d'Agostino (Marisa), Jacquet-Pfau (Christine), Blanco Escoda (Xavier)
- Pages : 451 à 494
- Revue : Les Cahiers du dictionnaire
Michele Prandi et Pierluigi Cuzzolin, La recherche linguistique en Italie, « Cahiers de lexicologie », 2015, 2, n. 107, Paris, Classiques Garnier, 252 p.
Les « Cahiers de lexicologie » ont acquis un grand mérite, en consacrant ce numéro à l’état de la recherche linguistique en Italie. Onze articles tous de premier ordre, de Michele Prandi et Pierluigi Cuzzolin en introduction, avec un article aussi du deuxième sur La linguistique historique récente en Italie, de Giorgio Graffi, Caterina Mauri, Paolo Ramat et Andrea Sansò, Stefano Arduini, Angela Ferrari, Federico Albano Leoni, Carla Marello, Marco Fasciolo, Gaétane Dostie, Béatrice Godart-Wendling et Frédéric Goubier, et un appendice bibliographique très utile sur les Publications des trois sociétés scientifiques actives dans le domaine de la linguistique en Italie.
Il s’agit donc d’un panorama fondamental, qui constitue une grande contribution panoramique aussi bien que substantielle. Les auteurs affirment qu’ils ne veulent pas « présenter un panorama exhaustif de la recherche linguistique actuelle en Italie » (p. 9), mais en effet ils réussissent bien dans cette entreprise difficile.
Il apparaît que « la recherche italienne en linguistique peut être considérée comme une réussite » (ibid.). Le secret de cette réussite est dans la pluralité des méthodes, dans le rôle de la glottologia, dans l’action extraordinaire de quelques noms qui font désormais partie de la linguistique des xxe et xxie siècles, dans le monde entier : par exemple, ceux de Tullio De Mauro, Raffaele Simone, Luigi Heilmann, Paolo Ramat, Tristano Bolelli, Romano Lazzeroni.
Un rôle capital jouent les trois sociétés italiennes de linguistique, qui ne sont jamais en compétition de pouvoir, mais toujours en liaison, pour faire avancer la recherche : la Società di Linguistica italiana, la Società italiana di Glottologia et la Associazione italiana di linguistica applicata. Ce trinôme, linguistique italienne, linguistique historique (glottologia) et linguistique appliquée, constitue un modèle. Ce sont trois axes qui font un tout exemplaire.
À partir des passionnantes discussions entre l’écrivain Alessandro Manzoni et le linguiste Graziadio Isaia Ascoli, durant la seconde moitié 452du xixe siècle, on assiste à un mouvement progressif qui portera à d’importants résultats. Par exemple, il est à souligner que c’est Tullio De Mauro qui donne le véritable juste rôle au Cours deLinguistique générale de Ferdinand de Saussure, par sa célèbre et irremplaçable édition critique des années 1960.
Des langues indo-européennes aux langues vivantes, la linguistique italienne a créé des lignes de recherche valables pour le monde entier, toujours fondées sur les documents, les textes, la langue. Comparatiste, cognitive, historique, appliquée, théorique et philologique, la linguistique italienne a énormément contribué à faire avancer la recherche en ce domaine, dans tout secteur.
Dans leur introduction, un vrai modèle du genre, les deux directeurs de ce numéro concluent : « Dans le paysage italien, les études lexicologiques et lexicographiques forment une sorte de basse continue qui accompagne pas à pas le développement de la linguistique, de la sémantique historique de Bréal, aux études de Bailly, du structuralisme aux perspectives cognitives. C’est sur ce terrain solide et fertile que vient se greffer, depuis quelques années, l’étude de la distribution des lexèmes dans de grands corpus qui enrichit la discipline tout en bouleversant ses présupposés théoriques ».
Ce un numéro est à consulter, de la part non seulement des linguistes, mais aussi de la part des littéraires et des philosophes, et même des enseignants.
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
LaBlex
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
Alain Rey – Calligraphies de Lassaâd Metoui, Pourvu qu’on ait l’ivresse. De l’alcool à l’extase : un voyage à travers les arts et les lettres, Paris, Robert Laffont, 350 p.
Voici un livre merveilleux, et des merveilles : un voyage vers l’extase, vers l’horizon secret que chacun de nous voudrait atteindre, toute sa vie.
Alain Rey est l’immense linguiste, lexicologue, philosophe du langage de notre temps, la figure emblématique des Dictionnaires le Robert, l’auteur de nombreux ouvrages sur la langue, la sémiotique et la littérature. À mon avis – et je ne parle pas par amitié, celle dont il m’honore, absolument pas –, il est le plus grand linguiste français du xxe siècle et de cette aube du xxie.
Lassaâd Metoui, formé très jeune à la calligraphie, est un artiste majeur de cette discipline, qui a fait évoluer son art vers une modernité qui transcende les cultures. Il s’inspire d’Henri Matisse, Paul Klee et Pierre Soulages, et de l’art d’Extrême-Orient, notamment japonais.
Ces deux artistes, Alain Rey se proclamant « artisan du dictionnaire » – l’artisan est un artiste dans la tradition méditerranéenne, surtout, et du monde entier –, et Lassaâd Metoui utilisant les principes essentiels de l’art primitif, sans les déviations déformantes de la modernité – tout en l’utilisant avec succès –, ont fait un troisième miracle. Après leur premir livre Le voyage des mots. De l’Orient arabe et persan vers la langue française, Paris, Guy Trédaniel Éditeur, 2013, dont j’ai parlé dans le n. 6, 2013, de cette revue, et Le voyage des formes. L’art, la matière et la magie, Paris, Guy Trédaniel, 2014, dont j’ai parlé dans le n. 7, voici le troisième trajet d’une trilogie passionnante. Trois livres à en faire un coffret idéal : le voyage des mots de l’Orient vers l’Occident, le voyage des formes dans l’art et dans la vie et le voyage vers l’extase.
De la réalité à l’imaginaire. Ce thème central du voyage est le symbole de l’être, le signe de cet infini, cet horizon, ce rêve, cet idéal – cet absolu, disaient autrefois les poètes – que l’être humain cherche depuis l’éternité, et qui se déplace toujours, comme le rappellent Charles Baudelaire, Yves Bonnefoy et Salah Stétié. C’est la véritable nature de l’être inquiet, et de cette sublime formule montaignienne : « Que sais-je ? ».
Et comme j’ai l’impression de ne rien savoir et de toujours recommencer – ce n’est que les grands qui le perçoivent –, voilà le sens de la quête par ce monde et par l’univers, une quête qui ne pourra jamais finir : c’est le cœur de cet être appelé homme-femme.
454Alain Rey est le symbole vivant de ce voyage. De mots, de formes, d’imaginaire : en effet, c’est un voyage de signes, de signifiants-signifiés, de formes de mots et de formes de rêves, de traces commençant par celle sur la pierre et allant jusqu’aux petits points à l’écran d’un ordinateur.
Alain Rey est l’homme-orchestre-artisan-artiste. Je le définis comme le musicien du dictionnaire, du mot et de son secret. Il est lui-même une sorte de voyage-forme qui garde une énergie infinie, merveilleuse et sublime, que l’artisan-artiste qu’il représente doit découvrir, et à la lettre dévoiler – ôter le voile.
Dans ce livre, Alain Rey révèle toute sa passion du mot et du rêve. Il a su redonner au dictionnaire de la langue française ce côté poétique et ancestral qui s’était égaré chez les structuralistes trop structurés, lesquels au fond n’avaient pas bien compris la véritable route de leur maître Ferdinand de Saussure – à lire le livre de Michel Arrivé, Saussure retrouvé, Classiques Garnier, 2016, dont je parle dans ce même numéro, pour connaitre le vrai Saussure.
Il joue sur les mots ivre et ivresse, entre raison et folie, voyage et magie. Moi et l’autre. L’autre et moi. C’est un va-et-vient de mots-voyage, qui « investit l’art, la poésie, les littératures, la conscience, le sacré, en des manifestations vitales de liberté » (quatrième de couverture), et qui nous conduit à l’ivresse vive, par le vin et par tout produit de céréales fermentées, « de la bière au saké, du whisky à l’alcool de riz » (ibid.).
C’est donc un voyage universel. Tout peuple essaie de s’évader, d’aller, par le biais de liquides qui sont la « substantifique moelle » de François Rabelais – auquel Alain Rey consacre justement un chapitre passionnant – et l’essence de la vie. Paul Verlaine et tout poète soi-disant maudit de la fin du xixe siècle ne boivent-ils pas de l’absinthe ? L’absinthe n’est de pas du manque – ce mot rappelle l’absence –, mais de l’essence extraite d’un autre produit, pour engendrer le lien avec le rêve. De la Chine au Japon, de l’Asie à l’Europe, des Amériques à tout nouveau continent, le pouvoir des mots et le pouvoir de l’absinthe se marient.
Ainsi, à l’unisson, Alain Rey par ses mots de poésie, et Lassaâd Metoui par ses calligraphies – des mots peints, comme les envisage Léonard de Vinci –, s’engagent dans un envol vers la folie – et vers la chute, parce que toute folie a une chute, une fin simplement, un délire de joie ou une tragédie –, entreprennent et suivent pas à pas un voyage de folie, transgression, rêve, métamorphose de notre conscience dans le cours du 455temps, au-delà de la logique. Mais c’est quoi la logique ? Les linguistes eux-mêmes de Port-Royal, nos maîtres des signes et de la logique, ont des doutes et s’envolent vers la poésie de la langue. La prison du réel s’ouvre vers l’ivresse, l’au-delà, l’azur, l’infini. C’est le sens du signe de la fenêtre chez Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire, Robert Delaunay. L’ivresse réelle ou cherchée crée de superbes symboliques.
Alain Rey et Lassaâd Metoui réalisent un merveilleux voyage par les époques et les civilisations, en témoins-hérauts-héros du rêve, le drapeau de l’idéal à la main, comme des demi-dieux révolutionnaires. Tout un monde s’ouvre devant nous, de la littérature profane à la littérature sacrée, des arts plastiques à la poésie, à travers des noms qui sont des signes de l’histoire, eux aussi, Apollon, Dionysos, Montaigne, Charles Baudelaire, William Shakespeare, Friedrich Nietzsche, Marcel Proust, Jack Kerouac, Abú Nuwâs, Li Taï Baï.
C’est le potentiel de notre vie qui est en jeu, à travers les mots et les signes visuels, de la consolation, à la destruction, à la libération dans l’infini. Des sources de l’ivresse on arrive aux territoires de l’ivresse. Les alchimies de la conscience sont tout le temps en jeu. Vin et ivresse amènent aux artifices et aux paradis – au pluriel. Apollon est complice de Dionysos. L’être est enivré et assoiffé. Il y a tant et tant d’ivresses, immatérielles, créatrices, d’images, de formes, dans toute religion et dans tout art.
Les mots de l’ivresse unissent tout le monde : Dieu et Mahomet, l’islam et la chrétienté, le Soleil Levant et les Amériques. L’ivresse des signes serait-elle la solution pour la paix universelle ? Ce livre est un hymne à la paix et au dialogue.
L’ivresse est une « notion universelle, mais son expression varie selon les langues et les cultures » (p. 13). Le vocabulaire de l’envol unit tous les points cardinaux du monde. On cherche l’ebbrezza des Italiens, l’ectasy du monde anglophone, l’ivresse des Français et des Francophones. L’essentiel c’est de partir, vers la terre de l’infini. Les langues, les littératures et les différentes formes des signes de l’art sont jalonnées de cette « vaste soûlerie de l’Histoire » (p. 25).
C’est une tension d’amour, d’enthousiasme, d’idéal, et de beauté. Dans le livre IX des Rig-Véda, le dieu Soma s’exclame (p. 39) :
J’ai dominé le ciel de ma taille […]
Je suis grand, grand, je me suis propulsé jusqu’aux nuées.
N’ai-je pas bu du soma…
456Dans le chœur des Bacchantes, il est question de « thyrse des ivresses » (p. 47). Et surtout, Charles Baudelaire écrit dans Le Spleen de Paris, XXXIII, dans un poème en prose intitulé précisément, lequel dit tout : Enivrez-vous (p. 74) :
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. »
Le vin et toute sorte de liquide, de poésie et de « vertu » enivrante nous conduisent en terre des dieux. Voyage par science et conscience, pour goûter le nectar de la vie et des rêves. Sans les mots de l’idéal, ce serait impossible, nous rappelle Alain Rey.
À lire et à contempler d’un souffle ce livre des mots et des signes du rêve. C’est l’un des chefs-d’œuvre de notre temps, hélas si orienté vers le tragique. Qu’importe si la médecine condamne l’ivresse ? Ce chef-d’œuvre nous conduit à l’Éloge de la folie d’Érasme, en distillant l’ivresse sous le signe de la poésie. L’inspiration n’est-elle pas une forme d’ivresse ? Alain Rey et Lassaâd Metoui sont des poètes-artistes, des mots et des signes, bien inspirés.
Suivons-les, pour nous enivrer, nous aussi. Enivrons-nous !
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
LaBLex
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
Michel Arrivé, Saussure retrouvé, Paris, Classiques Garnier, 2016, 222 p. (« Domaines linguistiques », série « Grammaires et représentations de la langue »).
L’année 1916, date de publication du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure, posthume – Saussure meurt trois ans avant, en 1913 – change à jamais l’avenir de la linguistique et des sciences humaines. Jusqu’à il y a quelques décennies, on a pensé que c’était la seul bible du grand linguiste. Puis, petit à petit, on découvre ses notes, ses inédits, ses brouillons, et on connaît des aspects inédits de l’auteur du Cours.
Des anagrammes au sens du langage à l’analyse sémiologique, Ferdinand de Saussure apparaît au fur et à mesure comme le Léonard de Vinci ou le Picasso de la linguistique. Rien ne sera plus comme avant. Ce que Jean Cocteau dit pour Picasso – à partir de lui la peinture ne sera plus comme avant –, vaut aussi pour Saussure.
Ce livre de Michel Arrivé, professeur émérite à l’Université Paris Ouest – Nanterre – La Défense, est un voyage pour retrouver Ferdinand de Saussure, le vrai, avec ses angoisses et ses perplexités. On découvre le chercheur, au sens littéral de ce mot. Saussure cherche, n’est jamais content, ni serein. La langue le tourmente, comme il arrive pour les grands génies. Et la langue est comme l’eau, une « substance glissante », qui s’échappe de tout côté.
Le « nouveau » Saussure que nous présente Michel Arrivé – le vrai ?, le définitif ?, je ne le pense pas – est passionnant. Son trajet critique est une continuation de ses deux livres précédents, tous deux fondamentaux : À la recherche de Ferdinand de Saussure, Paris, P.U.F., 2007, et Du côté de chez Saussure, Paris, Lambert-Lucas, 2008.
La « référence proustienne » ajoute « son once de piment au plaisir de [la] lecture » (p. 7). On sait que Michel Arrivé aime non seulement la linguistique tout court, mais aussi les interférences entre langue et inconscient et linguistique et littérature.
Ferdinand de Saussure s’était-il perdu avant ? Absolument pas. C’est une marche vers la vérité, vers le Saussure authentique, un homme inquiet, perturbant, révolutionnaire en matière de langage. Il est sur la lignée qui sera de Lévi-Strauss et de Lacan. Au fond, il « n’a pas publié ce qu’il a écrit et n’a pas écrit ce qui a été publié sous son nom » (p. 8).
458Miracle d’un cours : les élèves et les collègues s’en occupent, mais ils ne créent pas le lien avec les inédits, les anagrammes tant aimées, les travaux de sémiologie. Il faudra attendra presque un siècle, pour voir le vrai Saussure, tel qu’il est. On avait tendance à oublier que, très jeune génie à la Arthur Rimbaud, en 1878, à vingt-et-un ans, il publie son livre fondamental, Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes et, en 1881, à vingt-quatre ans, sa thèse De l’emploi du génitif absolu en sanscrit. Il y voit déjà la langue comme un système.
Jusqu’à sa mort, le 22 février 1913 – cette année 1913 est décidément symbolique ; tout y arrive, pour l’avant-garde, mais on oublie l’événement de la mort de Saussure, prince de la linguistique avant-gardiste –, Saussure ne publie que des articles. Le total de ses pages, dans le Recueil des publications scientifiques qui les assemble, en 1922, ne compte que 600 pages. Sûrement, de nos jours, Saussure n’aurait pas gagné un concours universitaire de linguistique !
Après sa mort, ses collègues Albert Sechehaye et Charles Bally reconstruisent les brouillons des Cours. Mais quelle est la correspondance réelle avec le « véritable » texte ? En 1957, Robert Godel publie Les sources manuscrites des Cours. Les Jakobson, Benveniste, Martinet, Lacan, Lévi-Strass, Barthes, Greimas, Tullio De Mauro, ne travaillent-ils pas sur le « vrai » Saussure ? Une œuvre fragmentaire, donc, qui, réunie sur la même table, met un peu de côté les structuralistes coûte que coûte qui ont triomphé dans les années 1960 et 1970.
On revient à la poésie, à l’être, comme dans ce livre de Michel Arrivé. On comprend enfin pourquoi le 4 janvier 1894, Ferdinand de Saussure écrit à Antoine Meillet : « Sans cesse l’ineptie absolue de la terminologie courante, la nécessité de la réforme[r], et de montrer pour cela quelle espèce d’objet est la langue en général, vient gâter mon plaisir historique […]. Cela finira malgré moi par un livre où, sans enthousiasme ni passion, j’expliquerai pourquoi il n’y a pas un seul terme employé en linguistique auquel j’accorde un sens quelconque » (cité p. 113).
Le doute des doutes ! Donc un Saussure retrouvé qui a des doutes, qui ne structure pas. La langue-système est un parcours de poésie : « Faut-il dire notre pensée intime ? Il est à craindre que la vue exacte de ce qu’est la langue ne conduise à douter de l’avenir de la linguistique », affirme-t-il (cité, p. 13).
459Tout est glissant, tout est entre ombre et lumière. D’où les questions essentielles traitées dans ce livre : les problèmes de la voix, de la lettre du langage, du sujet dans la langue et dans le langage, de la conscience et de l’inconscient de la langue, de la place de la syntaxe dans la pensée de Saussure, de sa vision de la littérature.
Le système a une aura et un azur. L’appareil saussurien est un voyage qui l’amène très loin, du côté des plus grands linguistes aussi bien que des plus grands poètes. « Le signifiant est ce qui représente un sujet pour un autre signifiant ? » (p. 60), et quel est « le sens du mot je » (p. 61), et de « l’équivalence de la langue et du sujet parlant ? » (p. 86). Il y a donc un « inconscient de la langue » (p. 93).
Oui, c’est bien un « Saussure retrouvé », celui de Michel Arrivé, dans ce livre, qui ouvre d’autres parcours. Pour Ferdinand de Saussure aussi, on peut affirmer : « Je est un autre ».
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
LaBLex
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
Danièle Leclair et Patrick Née (dir.), Dictionnaire René Char, Paris, Classiques Garnier, 2015, 715 p. (Dictionnaires et synthèses).
Ouvrage d’envergure offrant un portrait kaléidoscopique du poète René Char, chantre de « fureur et mystère » poétiques – ainsi que l’indique le titre d’un de ses plus beaux recueils –, ce dictionnaire fournit une quantité de renseignements, de connaissances et de pistes de réflexion pour les chercheurs ou les simples amateurs.
Publié dans la collection « Dictionnaires et synthèses » des éditions Classiques Garnier, le recueil s’inscrit dans le sillage des dictionnaires d’auteur parus depuis quelques années et comprend 371 notices rédigées par 26 auteurs, sous la direction de Danièle Leclair et Patrick Née. Le lecteur est invité, en vertu de la succession alphabétique du répertoire, à envisager les différentes approches novatrices proposées, afin d’articuler sa propre représentation de l’écrivain et de stimuler de nouvelles recherches. Comme indiqué par les directeurs dans l’avant-propos, l’œuvre s’appuie « sur la découverte et l’analyse de documents inédits ou récemment mis à la disposition des chercheurs » (p. 7), tels que manuscrits, correspondances, lettres et témoignages variés provenant d’archives publiques et privées.
Ce précieux éclairage sur le poète et son époque nous offre un nombre de données concernant ses œuvres, les lieux de sa vie et ceux envisagés par son imaginaire, des thèmes de choix et récurrents. Les notices relatent aussi des ouvrages critiques et des traductions, ses amitiés littéraires ou artistiques ainsi que ses ruptures et ses prises de position politiques, philosophiques et esthétiques. S’appuyant sur la précision scientifique des recherches, chaque notice cite, en fin de texte, les références précises des œuvres de Char ou des contributions critiques, des corrélats et une brève bibliographie des sources. On y trouve souvent des renvois entre des notices aptes à s’éclaircir mutuellement.
D’emblée, la nomenclature du recueil inclut chacun des titres des œuvres parues, de la première Les Cloches sur le cœur (1928) jusqu’à la dernière L’Éloge d’une soupçonnée (1988), pour un total de 42 titres répertoriés. Parmi les thématiques abordées par ses œuvres, quelques thèmes sont incontournables, comme la nature, qui tient une place importante dans toute sa production littéraire. Les lieux de séjour du poète, répertoriés par les auteurs, sont nombreux. En particulier, on y trouve 461ses lieux natals et des paysages du Vaucluse, au cœur de la Provence : son village de naissance « L’Isle-sur-Sorgue », baigné par « La Sorgue » et d’autres localités telles qu’« Avignon », « Le Barroux » « Buoux », « Céreste », « Fontaine-de-Vaucluse », « Mérindol », « Saint-Pantaléon », « Le Thor », « Thouzon », « Venasque », ou encore les massifs montagneux (« Dentelles de Montmirail », « Luberon », « Monts du Vaucluse » et « Mont Ventoux », avec sa rivière « Toulourenc »).
Le poète vit en communion avec la nature, dans une atmosphère rurale entremêlée de paysages champêtres provençaux, dont il chante, à travers le pouvoir évocateur du langage, l’éclatement de la lumière solaire, la puissance énergisante de l’« Eau », ainsi que les rivières et les fontaines, spectacles de la mobilité des eaux. La passion pour la « Marche » est donc significative dans sa dimension poético-poïétique. Les images agrestes et paysannes pullulent. On remarque d’abord la riche « Flore », où « l’écho, voire l’équivalence, entre les qualités de certains végétaux et la démarche poétique, traversent l’œuvre » (p. 245) ; l’« Herbe », perçue comme « cache et réserve vitale de secrets » (p. 293-294) ; la figure insistante du « Berger », qui a « contribué à relancer le mythe d’une mission du poète » (p. 84) ; les « Aromates », dont la fonction est celle de « rétablir les liens perdus entre espace intime et monde concret » (p. 42) ; le « Pulvérin », ou bien « le dernier élément nommable qui puisse caractériser le poème dans sa plus grande force » (p. 461). L’attachement de Char au monde animal se révèle à travers la présence de son « Bestiaire », peuplé d’« Insectes », d’« Oiseaux » et tant d’autres animaux, y compris le légendaire « Loup », figure emblématique et récurrente dans ses vers, et son aimé chien « Tigron ».
D’un décor naturel bourdonnant à un horizon de terre brûlée, cette poésie d’ombre et de lumière, de l’alternance du jour et de la « Nuit », d’« Eau » vigoureuse ou glacée, pulvérise l’écriture en fragments poétiques et en aphorismes. Le « Cosmos » infini charien se révèle ainsi complexe et mystérieux à déchiffrer dans toutes ses composantes.
Incarnant les idéaux de son époque, Char entame un dialogue fervent avec les intellectuels et les artistes contemporains. Parmi les amitiés littéraires évoquées dans le Dictionnaire figurent les écrivains « Aragon », « Artaud », « Breton », « Crevel », « Éluard », « Tzara » et d’autres auteurs liés au « Surréalisme », auquel il adhère dès 1929 jusqu’à 1935. D’ailleurs, on retrouve d’autres hommes de lettres avec 462lesquels il noue une liaison privilégiée, comme « Bataille », « Blanchard », « Camus », « Jaccottet », « Lely », « Pasternak », « Ponge » et « Saint-John Perse ». On découvre ses intérêts littéraires à travers plusieurs écrivains illustres qui ont considérablement influencé son œuvre et nourri sa pensée, comme « Apollinaire », « Baudelaire », « Chateaubriand », « Cros », « Hölderlin », « Hugo », « Lautréamont », « Mallarmé », « Nerval », « Novalis », « Pétrarque », « Proust », « Rimbaud », « Reverdy », « Sade » et « Vigny ».
Quant aux relations avec d’autres milieux artistiques et, en premier lieu, celui de la peinture, on repère ceux qu’il nommait les « alliés substantiels », auxquels il consacre sa poésie, ou bien les peintres « Balthus », « Braque », « Brauner », « Dalí », « de Staël », « Ernst », « Giacometti », « Klee », « Lam », « Magritte », « Matisse », « Miró », « Picasso », « Sima », « Vieira da Silva », « Zao Wou-Ki » et d’autres, qui ont enluminé ses vers. Une place significative est accordée aux questions philosophiques qui passionnent Char, à partir des présocratiques, « Héraclite » et « Empédocle ». C’est particulièrement Patrick Née qui a rédigé la plupart des articles consacrés aux affiliations philosophiques, à savoir les articles dédiés à « Bataille », « Heidegger », « Nietzsche », tandis que l’auteur Créac’h s’est intéressé à la figure d’« Arendt ».
L’expérience de la « Guerre » et de la « Résistance » le marquent profondément. Démobilisé lors de l’armistice de 1940, après avoir combattu en « Alsace », il s’engage activement dans la Résistance en 1942, sous le pseudonyme de capitaine Alexandre. C’est particulièrement l’œuvre Feuillets d’Hypnos (1946) qui apporte un témoignage direct de ses expériences de combattant, dénonçant inlassablement tous les totalitarismes.
D’autres notices du dictionnaire abordent des aspects controversés de la vie du poète. En ce qui concerne sa vie intime et privée, plusieurs articles se rapportent aux membres de sa famille, ses femmes et ses amantes, en particulier « Billet, Marie-Claude »,« Jolas, Tina », « Knutson, Greta », « Lafont, Maryse », « Reinbold, Anne », « Zervos, Yvonne », sans exclure ses conditions de « Santé », devenues critiques à cause de problèmes à la fois physiques et psychologiques. Suivant une approche philologique, des articles analysent les « Traductions » de son œuvre publiées dans les grandes aires linguistiques du monde et précisément en quatorze langues, qui témoignent de son rayonnement à l’étranger.
463Dans cet univers poétique remarquablement détaillé, d’autres thèmes intéressants émergent, tels l’« espérance », son « goût pour la musique » (le « ballet », « la pantomime et la danse »), ses réflexions à propos de la « religion » ou ses rapports politiques au sein du « communisme ». À cela s’ajoute son intérêt passionné pour l’hellénisme, la culture grecque antique et les « figures mythologiques », témoigné, en particulier, par la présence constante de la figure d’« Orion » dans ses écrits. Par ailleurs, ses ententes dans le monde de l’édition et sa participation à de nombreuses revues littéraires rendent compte de son considérable engagement littéraire, dans plusieurs causes. À propos de la cause écologique, l’auteur mène en outre une lutte acharnée contre le nucléaire, la dévastation de la force atomique et, notamment, contre l’implantation de fusées nucléaires en Haute-Provence. Au final, différents parcours circulaires sont possibles à travers ces thématiques.
Alchimiste du verbe poétique, René Char ne cesse de nous fasciner au fil des notices par sa poésie aphoristique, sa « parole en archipel », riche en images elliptiques et en métaphores à décrypter. Rédigé avec aisance et bien documenté, ce dictionnaire est conçu pour une consultation efficace et immédiate, visant à suggérer la découverte de parcours thématiques inexplorés et capable de stimuler la curiosité littéraire de son usager. Foisonnant d’informations, il s’avère d’ores et déjà un outil de référence incontournable pour approcher d’une manière totale et polyédrique l’œuvre et l’imaginaire chariens.
Lucia Cristina Larocca
LaBLex – Bari
464Jean Pruvost, La guitare. « Profusions d’harmonies… contre mon ventre, dans mes bras », Paris, Honoré Champion, 2015, 144 p. (Champion Les Mots).
Féru de lexicographie, passionné de musique et grand amateur de guitare, Jean Pruvost nous offre une foisonnante étude autour de l’instrument musical le plus répandu au monde, au caractère notoirement convivial : la guitare. L’auteur dresse un aperçu insolite sur l’histoire du mot, il aborde ensuite l’évolution de l’instrument au fur et à mesure des avancés techniques des luthiers, pour agrémenter enfin sa réflexion d’un florilège de citations littéraires remarquablement choisies. Ainsi, suivant la symphonie du temps, lexicologie et art musical s’entremêlent de manière harmonieuse et se marient à chaque page, à l’unisson, dans une constellation de mots et de sens.
Véritable hommage à « la belle aux cordes vibrantes » (p. 42), ce petit volume au sous-titre évocateur, s’inscrit dans la collection « Champion Les Mots », dont l’ambition est de proposer l’étude d’un mot à travers l’histoire de ses occurrences dans les dictionnaires. Comme l’auteur l’indique dans sa préface, le lecteur est invité, au fil des pages et des notes, à un divertissement de noces, notamment le mariage « des mots, des dictionnaires et des notes et guitares » (p. 11), dans un élan lexiculturel hors pair. Dès les premières lignes la lecture se révèle fascinante et agréable, suscitant l’intérêt et la curiosité du lecteur.
La guitare, ancien instrument de musique savante et populaire – presque aussi vieil que l’homme – a des origines multiculturelles et trouve ses racines dans les civilisations anciennes, orientales et gréco-romaines. Dans le premier chapitre l’auteur, investigateur attentif de l’évolution de la langue, se penche sur l’origine du mot et il ébauche, en diachronie, l’itinéraire de sens accompli par le terme à travers différentes périodes historiques et contextes variés. Étymologiquement le terme est issu de la contraction de deux mots provenant de langues différentes, précisément du sanscrit Sangeeta, qui signifie « musique », assimilé au perse târ, qui désigne une corde. À travers ses voyages, le mot s’est constamment modifié, passant évidemment par le mot grec kithara et par l’arabe qîtâra, puis l’espagnol guitarra. Il a franchi les Pyrénées pour se propager dans la langue française et acquérir enfin sa forme actuelle 465de « guitare », avant de passer par plusieurs variantes morphologiques (« quitare », « guiterne », « guyterne », « quinterne », « ghistierne », etc.).
Suivant les recherches lexicologiques proposées, les premières attestations du mot sont documentées à la fin du xiiie siècle, dans le Roman de la Rose par Jean de Meung, où la guitare est évoquée à l’occasion du mariage de Pygmalion, et ensuite dans les Comptes de l’hôtel, de Jean duc de Normandie. Dès le xiiie siècle, les témoignages écrits attestent que la guitare était utilisée par les ménestriers, les troubadours, les trouvères, ainsi que par les rois lors de fêtes populaires, accompagnant les danses. Par la suite, elle fait sa parution solennelle dans les poèmes de Ronsard et, un siècle plus tard, dans les premiers dictionnaires de langue française, à savoir ceux de Richelet, de Furetière et de l’Académie française, qui donnent à l’instrument les premières définitions.
Le deuxième chapitre ramène à une analyse détaillée, « De la guitare de Louis XIV à la guitare électrique ». On se situe là au cœur de l’ouvrage. Tout en soulignant la passion pour la guitare du Roi-Soleil et de Madame de Pompadour, l’auteur illustre le développement progressif de l’instrument au fil des siècles, jusqu’aux temps modernes, en passant par les explications lexicographiques. Flânant parmi les définitions proposées, le lecteur découvre des aspects curieux et surprenants. On remarque la présence d’un article dédié à ce charmant instrument dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert qui le baptise « d’instrument national » (p. 30), fournissant en outre un intéressant tableau du manche (où le mot tablature entre dans l’Encyclopédie). D’un autre point de vue, Pierre Larousse dans son Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, au siècle suivant, le classifie avec mépris d’« instrument flasque, sans consistance, et qui joint à ses défauts un manque de caractère presque absolu » (p. 35), et donc sans avenir face au progrès annoncé par le piano. Malgré son opinion, la guitare a connu par la suite un succès grandissant et une prodigieuse fortune.
Avec l’invention de la guitare électrique, qui a joué un rôle de premier plan dans l’histoire de l’instrument, des guitares célèbres voient le jour, de la Frying Pan de Rickenbacker, aux modèles lancés par les pionniers tels que Leo Fender, inventeur de la première guitare basse électrique Precision, en 1951, et Gibson, créateur de la renommée Les Paul. Ces guitares sont devenues aussi notoires que les guitaristes qui les ont vertueusement utilisées et elles sont désormais des emblèmes 466de la musique rock, blues ou jazz. Des doigts prodigieux de Django Reinhardt aux notes électroniques légendaires de Jimi Hendrix, l’auteur contemple le talent de plusieurs guitaristes, tels que Joan Baez, icône de la musique folk et du pacifisme, Joe Satriani, funambule de l’ultrarock, Eric Clapton, guitar hero par excellence, et encore des artistes qui portent très haut les couleurs de la chanson française, comme Georges Brassens ou Jacques Brel.
Le troisième chapitre étant consacré au « Lexique distinctif de la guitare » permet de passer en revue l’instrument dans son intégralité, voire son anatomie, par une mise à la loupe du détail. Qu’elle soit « sèche » ou « électrique », la guitare est détaillée à la lumière de différents aspects, par le biais d’une riche terminologie technique : l’amplification, les différentes catégories, le jeu des effets, ses constituants « de la tête au corps en passant par la manche », ses accessoires, ainsi que les techniques et les doigtés. S’adaptant bien à divers styles musicaux, la guitare véhicule l’ouverture sur une considérable richesse mélodique. De toute évidence, les pages fourmillent d’éléments lexiculturels, dans le sillon des notions galissoniennes.
Dans le quatrième chapitre, « Guitares ! Un bouquet de citations », on y trouve un arpège de fragments d’auteurs, où il cite Flaubert, Gautier, Lamartine, Hugo, Beauvoir, Vian, Zola, Reverdy, Ronsard, Loti et tant d’autres. Le parcours proposé envisage quatorze thématiques passionnantes, comme celles de l’amour, du temps, de la peinture, des accords et des chansons.
On a vivement apprécié le chapitre conclusif, une sorte de « dernier accord », où le lexicographe évoque des illustres linguistes tels que Quemada, Cerquiglini, Calvet, avec lesquels son amitié « s’exprime le long des lignes d’imprimerie et des cordes de la guitare » (p. 124), preuve que « les mots et les notes sont faits pour vivre de fructueuses harmonies » (p. 123). Cet instrument polyphonique, presque magique par sa virtuosité, devient alors un sésame de créativité artistique. Comme il l’avoue fièrement, « prendre en mains une guitare, c’est disposer au bout des doigts d’un immense continent dont la qualité stimulante est de nous passer immédiatement à en être les pionniers » (p. 126).
Le dernier mot est confié à Bossuet, par le biais d’une suggestive citation qui met l’accent sur le talent mystérieux des oiseaux, ayant « dans l’estomac et dans le gosier une espèce de lyre et de guitare pour 467annoncer […] les beautés du créateur » (p. 128). L’ouverture finale ravit le lecteur : « faute de pouvoir voler, jouons de la guitare, et gageons que même les poissons dans leur morne silence n’y sont pas insensibles. Pas de limite en effet aux cordes de l’harmonie » (p. 128).
Richement illustré, l’ouvrage contient aussi d’admirables gravures, comme celles de Jacques Callot, avec sa série des Gobbi, et de Grandville, des photographies, des estampes, des planches de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, des extraits de dictionnaires, des toiles de célèbres peintres tels que Pierre-Auguste Renoir et Antoine Watteau, où la guitare devient un élément central des tableaux. Un index des mots et noms propres, précieux pour les recherches, ainsi qu’une utile bibliographie clôturent le livre.
Tel un hymne d’amour à « la six cordes », en harmonie avec l’esprit de la collection, cette passionnante exploration lexicographique et littéraire constitue une mine d’informations pour tout amoureux de la poésie des mots, ainsi que de la « lyre moderne » (p. 125), instrument capable d’exprimer tous les sentiments et flirter avec la mélancolie ou l’humour. Presque un alter ego de l’auteur, la guitare crée dans cet opus un véritable enthousiasme et nous amène immanquablement, page après page, à siffloter quelque mélodie surgie au fond de nos souvenirs. Chaque mot joue sa partition, faisant partie d’un ensemble admirablement orchestré par l’auteur. C’est indiscutablement une contribution originale et incontournable dans le panorama éditorial actuel.
Lucia Cristina Larocca
LaBLex – Bari
468Éliane Viennot (dir.), L’Académie contre la langue française : le dossier « féminisation », Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2016, 224 p.
On envisage le caractère audacieux de l’œuvre déjà à partir de l’image proposée sur la première de couverture, présentant d’un clin d’œil bien provocateur la « Belle Cordière », alias Louise Labé, immortalisée dans un portrait moderniste, vivement coloré « façon Warhol ». Elle y surgit sarcastiquement habillée en vert, telle une icône anticonformiste, suscitant à la fois émerveillement et scandale.
D’emblée, cette piquante réflexion pose un regard inédit et inusité sur la langue française. Le livre a été récemment publié aux Éditions iXe, sous l’égide de la directrice Éliane Viennot, historienne spécialiste des relations de pouvoir entre les sexes, professeure de Lettres, militante féministe et engagée en faveur de la féminisation de la langue française. Il s’agit d’un ouvrage collectif, rédigé avec la contribution de plusieurs autrices et un auteur, à savoir la sociolinguiste Maria Candea, le professeur de stylistique française Yannick Chevalier, la journaliste et lexicographe Sylvia Duverger, la linguiste et sémiologue Anne-Marie Houdebine, avec la collaboration d’Audrey Lasserre, Maîtresse de conférences. Au fil des pages, un cri révolutionnaire contemporain semble se lever : « Liberté, Égalité, Parité », s’insurgeant contre l’abus de masculinisation perpétué à travers les siècles, expressément attribué à l’Académie, célèbre gardienne de la langue française.
En tête de l’ouvrage, un hommage singulier s’esquisse. Suivant l’ordre, le travail est dédié au général de Gaulle, « responsable de l’accès des Françaises au statut de citoyennes » (p. 38), à Jean d’Ormesson, défenseur de la candidature de la première femme admise sous la Coupole, mais aussi opposant acharné de la féminisation, à Sandrine Mazetier, députée émancipée et source d’inspiration de l’œuvre, à Louise Labé, poétesse de la passion féminine, femme de lettres libre et fascinante, considérée comme une véritable co-autrice du livre et, enfin, à Marie de Gournay, « la première des non-élues à l’Académie Française » (p. 7).
Suivant les subtiles observations des « mécréant∙es » (ainsi se nomment les autrices et l’auteur), on retrace cette sorte de « guerre picrocholine » (p. 10) qui est en train de se produire encore aujourd’hui, menée par les illustres « Immortel∙les » contre la féminisation de la langue française. 469La question la plus prégnante porte notamment sur le refus de féminiser les noms de métiers, de titres et de fonctions désignant des femmes. Le cas est riche d’exemples : « écrivaine », « sénatrice », « professeure », « Mme la directrice », « la juge » et tant d’autres. Bien évidemment, au fil des siècles les femmes ont eu finalement accès à toutes les professions et à toutes les fonctions, qui étaient autrefois inaccessibles. Selon l’Académie ces noms de fonctions devraient être neutres, soit masculins, parce que le genre neutre n’existe pas en français. On dénonce ouvertement le conservatisme de l’Académie, ou bien son attitude intransigeante contre l’acceptation du genre féminin de certains mots, ne répertoriant dans son dictionnaire que des termes autorisés par ses membres. On demande en outre de bannir l’attribution à une femme du nom de fonction de son mari, comme c’est le cas de « rectrice », « ambassadrice », épouses d’hommes exerçant les fonctions désignées.
Accusée d’« une longue tradition de masculinisme et de misogynie » (p. 25), l’Académie est la cible de nombreuses objections. Jadis interdite aux femmes, la Compagnie n’a consenti qu’en 1980 à élire sa première femme, Marguerite Yourcenar, une conquête donc assez tardive ne suivie que de sept femmes en habit vert. Les prises de position des « mécréant∙es » sont plusieurs, à partir du refus d’appliquer la règle du « masculin qui l’emporte sur le féminin », dans l’intention de réhabiliter la règle dite de proximité (qui accorde le genre et le nombre de l’adjectif, du participe passé et du verbe avec le plus proche des noms), jadis couramment appliquée.
L’origine de cette « guerre de trente ans » réside en particulier dans la création en 1984, par le ministre Y. Roudy, d’une commission de terminologie chargée de légitimer le vocabulaire concernant les activités des femmes (p. 65-67), afin d’« éviter que la langue française ne soit porteuse de discriminations fondées sur le sexe » (p. 66). De toute évidence, l’initiative fut mal acceptée par l’Académie. Trente ans après cet événement déclencheur, l’idée d’écrire ce livre naît suite à la querelle survenue en 2014, à l’Assemblée Nationale, lorsque le député Julien Aubert a interpellé à plusieurs reprises « Madame le président » (et non pas de « Madame la présidente ») Sandrine Mazetier, présidente de la séance.
L’ouvrage est structuré en deux sections, qui filent, de manière ironique, la métaphore religieuse. Dans la première on commence par 470une présentation de cette institution, appelée d’un ton sarcastique « le Saint-Siège », qui se caractérise par « son homosocialité », ainsi que pour son « activisme en faveur de la masculinisation de la langue française » (p. 13). On retrace ici son histoire, à partir de l’influence exercée par Malherbe avec ses réflexions sur la langue, de sa création en 1635 par le cardinal Richelieu, en passant par les bouleversements de la Révolution, les apports de Napoléon Bonaparte, jusqu’à évoquer ce qu’elle est devenue de nos jours. Par la suite on revient sur « les offenses » qui déclenchent la colère des Quarante, accompagnées de douze dogmes qu’ils défendent et de témoignages qui peuvent leur être opposés, soit « les points de doctrine ».
Dans la deuxième section on propose des textes et des documents en intégralité, méticuleusement annotés et souvent commentés avec sarcasme et humour : « les bulles », ou bien les déclarations officielles émises par l’Académie ; « les exégèses », à savoir des dissertations ou des articles écrits par des Académiciens et publiés dans la presse ; ainsi que « les suppliques », quatre lettres adressées, en désespoir de cause, aux autorités telles que Jacques Chirac, président de la République, René Monory, président du Sénat, Lionel Jospin, Premier ministre et, enfin, Ségolène Royal, ministre déléguée à l’enseignement scolaire. En clôture, « le chapelet des perles » se déploie avec la même pertinence, regroupant les textes qui évoquent les étapes de cette mobilisation, ou bien de cette « guerre sainte ».
Avec un regard affûté sur l’Académie, les « mécréant∙es » réclament de nouvelles perspectives d’évolution linguistique, basées sur un système égalitariste femmes-hommes, pour qu’on puisse communiquer entre nous sans sexisme et dans l’espoir d’exprimer enfin le féminin à égalité avec le masculin.
Lucia Cristina Larocca
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471Filippo Fonio et Monica Masperi (coord.), Les pratiques artistiques dans l’apprentissage des langues. Témoignages, enjeux, perspectives, LIDIL, no 52, Grenoble, Ellug, 2015, 220 p.
« La langue est un théâtre dont les mots sont les acteurs ». Ferdinand Brunetière affirme au moyen d’une métaphore l’importance de la pratique théâtrale associée à l’aspect communicatif et linguistique. Dans cette optique, ce numéro thématique de la revue LIDIL rassemble des études en didactique des langues traitant une réflexion sur les perspectives de la recherche en éducation, au sujet des apprentissages artistiques, en France et à l’étranger. L’attention se porte plus spécifiquement sur l’apport et l’institutionnalisation des pratiques théâtrales dans les formations en langues, dans l’enseignement secondaire et supérieur, en s’appuyant sur plusieurs aspects et témoignages inédits dans contextes variés et dans une vision cosmopolite. Prodigieux outil pour favoriser l’apprentissage en FLE, l’activité théâtrale consent d’accéder à une dimension sociale, culturelle et émotionnelle de la langue, à travers l’aspect ludique et récréatif.
L’ouvrage met en lumière les multiples facettes d’un sujet peu exploité de la didactique des langues et qui éveille un grand intérêt chez les didacticiens. Il réunit sept contributions regroupées en deux sections, rassemblant des spécialistes d’envergure sur le sujet. Après l’introduction présentant les enjeux de la recherche, rédigée par les éditeurs du volume, Filippo Fonio et Monica Masperi, la première section accueille trois études posant des problématiques spécifiques autour de l’apprentissage artistique en langues et des réflexions théoriques offrant un point de vue novateur sur le sujet traité.
Au début de l’ouvrage Christian Ollivier, dans son étude intitulée « Vers une articulation entre didactique de la littérature, pratique théâtrale et approche actionnelle » (p. 15-37), propose une réflexion autour d’un modèle didactique de la littérature basé sur une approche interactionnelle dans le domaine de la pratique théâtrale. À partir de considérations liées à la place de la littérature énoncée par le CECRL, l’auteur prend en examen les aspects théoriques d’une triple investigation concernant la didactique du texte littéraire, les pratiques théâtrales et la perspective actionnelle, dans la réalisation de tâches issues du monde du théâtre. 472En effet, le texte théâtral et son exploitation pédagogique se prêtent à une représentation publique concernant plusieurs individus soumis à des interactions sociales complexes. À travers l’analyse de séquences didactiques tirées des manuels de FLE, l’auteur montre que les tâches à accomplir par les apprenants peuvent être variées et viser, de façon intégrée, des objectifs à la fois linguistiques, langagiers et interculturels, au sein d’une approche socio-interactionnelle.
Suit l’essai « Évaluer la pratique théâtrale en FLE avec le CECRL : questions sur les niveaux et l’activité langagière de médiation » (p. 39-61), par Fabienne Dumontet, qui mène le lecteur à considérer la question de l’évaluation de l’apprentissage des langues par la pratique théâtrale, s’appuyant sur des aspects énoncés par le CECRL. En particulier, on prend en considération les niveaux de compétence à évaluer, ainsi que l’identification des activités langagières impliquées et les tâches connexes. L’auteure part d’une expérience d’atelier de théâtre, créée par une équipe pédagogique composée d’un enseignant en langue et un autre en arts du spectacle, afin de dégager restrictions et difficultés associées à l’évaluation de l’apprentissage des langues étrangères par la pratique théâtrale et de souligner l’importance de la compétence de médiation. Pour ce faire, elle se base sur les théories de Louis Jouvet et sur les techniques prosodiques de l’actio.
Ève-Marie Rollinat-Levasseur focalise son attention notamment sur « Les répertoires de théâtre dans l’enseignement-apprentissage du français langue étrangère » (p. 63-81), en explorant un répertoire de textes dramatiques joués en français, tournés plutôt vers un spectacle vivant, avec des mises en voix et des mises en scène, en classe comme en performance publique. Le texte théâtral se révèle un document authentique spécialement exploité à travers la perspective actionnelle, incluant des aspects socioculturels, communicatifs et liés à la pratique de la représentation et du jeu. Les choix des enseignants portent principalement sur la comédie et les farces de Molière. L’auteure préconise enfin une cartographie des répertoires de textes représentés afin de constituer un observatoire consultable grâce à une plateforme disponible sur internet.
Après ce premier volet particulièrement théorique, la deuxième section du volume propose quatre études explorant des problématiques associées à la pratique de classe.
473L’auteur Mark Gray, dans son essai « Using Drama Activities in an Oral Expression Class for Trainee English Language Teachers in a French University Setting (MEEF 1) » (p. 83-106), analyse les pratiques théâtrales dans la formation des futurs enseignants du secondaire, candidats au CAPES d’anglais. L’auteur montre, grâce à son expérience pratique et professionnelle, les effets positifs qui découlent de l’approche théâtrale proposée et qui visent des aspects physiques et psychologiques, tels que la confiance en soi, le soutien à la motivation, ainsi que la prise de conscience de la dimension corporelle dans l’apprentissage de la langue.
Avec son article « Impliquer les apprenants de FLE dans l’évaluation et l’auto-évaluation en cours d’expression théâtrale » (p. 107-127) Marie-Noëlle Cocton apporte des propositions et des outils pratiques concernant le processus évaluatif de l’expression théâtrale en FLE, dans une optique alternative. On met d’abord en évidence l’insuffisance d’éléments donnés par le CECRL à ce sujet. On associe l’apprenant à l’évaluation par le biais des grilles élaborées par l’enseignant, par une démarche de co-évaluation de type informel et enfin, on prend en examen une démarche réflexive autour de l’évaluation. Une grande importance est donnée à l’auto-évaluation de l’apprenant, face à sa performance en langue étrangère et à son travail en équipe. Une grille de critères d’évaluation pour l’enseignant-spectateur est présentée en annexe, proposant trois aspects fondamentaux : l’improvisation (le joueur), l’apprentissage (l’apprenant) et le spectacle (l’acteur).
Par la suite, l’étude de Joannie Dubois et Ophélie Tremblay porte sur « L’enseignement par le théâtre en classe de français au Québec : état des lieux et pistes didactiques » (p. 129-152). Les auteures présentent des objectifs et proposent des résultats pratiques par rapport à l’enseignement secondaire au Québec, à partir des programmes ministériels et des programmes universitaires de formation des maîtres. On considère d’abord la pertinence d’intégrer le théâtre en classe de langue, on propose ensuite une analyse des programmes ministériels de français du MELS traitant l’aspect théâtral et on esquisse enfin des pistes d’exploitation du texte théâtral en classe (le sous-texte, le Théâtre des lecteurs, le texte blanc et la dramatisation).
Dans la contribution qui clôt le volume, Françoise Berdal-Masuy et Christine Renard s’interrogent sur un aspect particulier du débat lancé par les recherches : « Comment évaluer l’impact des pratiques théâtrales 474sur les progrès en langue cible ? Vers un nouveau dispositif d’évaluation de l’oral en FLE » (p. 153-174). Les auteures focalisent l’attention sur les habilités propres aux pratiques théâtrales et leur évaluation, suivant les niveaux énoncés dans le CECRL, dans une perspective de progression didactique, langagière et d’évaluation formative. À partir de leur expérience pédagogique, Berdal-Maduy et Renard soulignent les enjeux d’une pratique corporalisée de l’oral et montrent, avec expertise, les « savoir-être » de l’apprenant. Elles énoncent en particulier une liste de critères qui donnent importance au corps, partie intégrante de la communication à travers le soutien des gestes et des mimiques. On présente en outre une grille détaillée, suivant différents niveaux de A1 à C1, afin de remarquer les acquis concernant l’expression orale interprétée.
L’ouvrage, dans un dialogue interculturel, donne lieu à une mosaïque de discours et permet de faire un point précis sur une grande variété de pratiques pédagogiques, d’expériences d’enseignement et de ressources théâtrales en classe de FLE. Évidemment, la parution de cette revue rend compte de l’intérêt croissant pour la notion de pratique artistique dans le champ des études didactiques, à travers des résultats concrets et positifs. Au total, la diversité des thèmes traités et la documentation minutieuse fournissent un cadre d’analyse novateur. Les résultats didactiques proposés invitent les enseignants à donner une place considérable au théâtre, pour enrichir les pratiques de classe à travers le travail coopératif, l’activation de la mémoire et de la dimension créative propre à délivrer l’expression chez les élèves.
Lucia Cristina Larocca
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475Gisella Maiello, Etica e traduzione nel XXI secolo, Napoli, Edizioni Scientifiche Italiane, 2015, 184 p.
Cet ouvrage se compose de trois parties : Etica e traduzione nel XXI secolo ; Progetto bermaniano e approccio semiotico di Umberto Eco ; Analisi di testi bermaniani. Comme en témoigne le titre, il offre une réflexion sur le rapport entre l’éthique et la traduction au xxie siècle. L’auteure analyse le concept d’« éthique » d’après une perspective philosophique et sociologique, et, en démontrant que l’acte traductif implique une ouverture à l’altérité, elle met en relief que toute stratégie linguistique et traductive découle d’une réflexion éthique.
En prenant en considération un riche et important apparat critique (tout particulièrement les travaux d’Anoine Berman, d’Umberto Eco, d’Henri Meschonnic, de Paul Ricœur, de George Steiner, de Friedrich Schleiermacher, de Walter Benjamin, de Jean-René Ladmiral, de Jacques Derrida et d’Yves Bonnefoy), elle examine la traduction d’après une approche énonciative, une approche métalinguistique et une approche éthique. Elle réfléchit au concept d’« intraduisible » et elle porte une attention particulière à l’étude du texte poétique. En appendice, elle propose la traduction de quelques essais de Berman : ce qui lui permet de mieux mettre en évidence l’étroite relation entre éthique et traduction, et le rôle actif que Berman a joué dans cette direction, ayant ouvert le chemin à une attitude traductive plus responsable.
Tout au long de l’ouvrage, l’auteure envisage à juste titre la traduction comme une éthique de la confrontation interculturelle et comme un acte de responsabilité. Elle s’arrête ponctuellement sur l’éthique du traducteur (qui renvoie à une déontologie du comportement) et sur l’éthique de la traduction (qui concerne comment traduire et qui s’interroge sur quoi et pourquoi traduire). Ainsi, en démontrant les « limites » d’une traduction basée sur le littéralisme syntaxique ainsi que sur l’interprétation arbitraire, les pages de ce livre soulignent l’importance d’une traduction-interprétation qui se veut comme une « intro-duction » dans le texte-source, pour écouter l’autre et pour en saisir le sens intime non seulement du point de vue linguistique mais aussi historico-culturel : chaque texte faisant partie d’un « système » déterminé par le lieu et le moment.
De ce fait, la traduction étant une « médiation » entre les langues et les cultures, le concept d’« éthique » insiste, sur le respect des identités 476linguistiques des communautés sociales impliquées. D’où la constatation que la traduction constitue un acte qui, plus qu’effectuer un transport tout court, accomplit une véritable mise en rapport.
En mettant en valeur la traduction comme ressource, voire comme occasion fondamentale de dialogue et de rencontre entre réalités totalement différentes, le travail de Gisella Maiello a le grand mérite de présenter harmonieusement les théories de la traduction qui ont marqué l’histoire de cette activité.
Marcella Leopizzi
Université de Bari Aldo Moro –
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Giovanni Tallarico, La dimension interculturelle du dictionnaire bilingue, Paris, Honoré Champion, 2016, 494 p.
Dans le panorama lexicographique français, l’étude du dictionnaire bilingue a souvent été négligée par rapport à la masse de recherches consacrées à son homologue unilingue. L’état de l’art sur la lexicographie bilingue en France dresse un bilan lacunaire, qui montre comment la réflexion autour des répertoires métalinguistiques bilingues doit encore parcourir des voies partiellement ou totalement inexplorées. L’élément culturel, qui ressort avec véhémence lors de la confrontation entre deux idiomes distincts, constitue une des composantes qui illustrent la richesse des acquisitions extralinguistiques véhiculées par le dictionnaire bilingue, dont l’analyse s’avère porteuse de renseignements métalexicographiques prégnants.
La recherche de Giovanni Tallarico, chercheur en langue et traduction à l’Université de Vérone, s’inscrit donc dans un secteur de recherche fécond et qui mérite d’être bien davantage sondé, avec grand profit pour la communauté scientifique. Auteur en 2011 d’une thèse de Doctorat sur La dimension interculturelle dans les dictionnaires bilingues italien-français, soutenue en 2011 à Paris 7, Tallarico livre au public un texte issu d’une recherche peaufinée au fil des années et qui constitue certainement « le summum sur l’élément culturel de la lexicographie bilingue » (p. 12).
John Humbley, préfacier d’exception, nous présente l’auteur et la démarche adoptée, susceptible « de confirmer ou d’infirmer ce que l’on dit de la part culturelle des dictionnaires bilingues » (p. 11). Dans son discours d’introduction, intitulé de manière dithyrambique « Défense et illustration du dictionnaire bilingue », Humbley parcourt l’histoire de la lexicographie en soulignant son développement fulgurant dans des nombreux pays du monde. Évoquant les linguistes lexicologues ayant associé les acquisitions sociales aux éléments linguistiques, comme Matoré, Wagner, Dubois, Guilbert, Quemada, Rey-Debove et Rey, le préfacier indique que l’élément culturel dans le dictionnaire monolingue a déjà été pris en compte par la lexicologie française, laquelle toutefois manque d’études systématiques du côté des répertoires bilingues. L’ouvrage de Tallarico comble alors ce vide, contribuant à montrer que le dictionnaire bilingue, souvent délaissé par la recherche scientifique, « a autant de 478fonctions à remplir que celle du monolingue […] et l’une n’est pas plus noble que l’autre » (p. 10). Humbley trace alors le sillon dans lequel s’inscrit la recherche de Tallarico, désignée comme ayant hérité de la ligne de recherche issue de Meillet, à son tour génitrice d’une école de lexicologie basée sur la synergie entre linguistique, analyse de la société et étude de la culture. Appliquant la sémantique de Wierzbicka à l’analyse de l’élément culturel dans le dictionnaire bilingue, Tallarico adopte une démarche qui montre « l’implication profonde de la lexicographie, dans la linguistique […] et dans la lexicologie » (p. 11). Par le biais de ces interconnexions fécondes, le chercheur de l’université de Vérone parvient à éclaircir les schémas de pensées et de vie intrinsèquement incorporés dans le dictionnaire bilingue. Fils d’une approche « résolument empirique » (p. 11), l’ouvrage de Tallarico permet ainsi de comprendre « dans quelle mesure les lexicographes italiens projettent une image convenue de la société française et italienne » (p. 11) ainsi que « la nature foncièrement directionnelle des dictionnaires bilingues » (p. 11-12), qui détermine, le cas échéant, une organisation lexicographique rendant davantage de services aux usagers italophones qu’aux francophones.
Dans l’introduction de l’ouvrage, composée de deux parties (Appréhender les spécificités de la lexicographie bilingue et Structure de l’étude), Tallarico explicite les objectifs de sa recherche, les sources qui ont nourri sa réflexion, sa méthodologie ainsi que le plan de l’ouvrage. Après avoir constaté le complexe d’infériorité qui frappe la lexicographie bilingue, (considérée comme résiduaire par rapport à la lexicographie monolingue), et les contraintes qui caractérisent l’objet dictionnaire, Tallarico affirme que l’analyse des dictionnaires demeure une étape fondamentale pour la recherche lexicologique et lexiculturelle. Le chercheur italien s’inscrit dans le sillage de Szende et Laurian, qui ont déjà analysé les traits culturels dans les dictionnaires bilingues, montrant comment l’examen des implications culturelles dans les langues constitue une thématique capable de dynamiser la lexicologie actuelle.
Mettant l’accent sur le lexique comme fait culturel, Tallarico vise à rendre compte des écarts culturels entre la langue française et la langue italienne par le biais de l’analyse du dictionnaire bilingue I/F F/I, ouvrage « éminemment culturel » (p. 15), dans lequel les différences identitaires constituent une présence permanente, lisible en filigrane dans la microstructure du dictionnaire, en particulier dans les exemples, qui « véhiculent 479des points de vue et des représentations socialement partagées » (p. 15). L’examen des notes culturelles et des faux emprunts permet également de faire ressortir les différences identitaires qui exaltent la culture qui palpite au sein de tout répertoire métalinguistique bilingue.
Comme l’auteur l’explique, l’ouvrage comporte deux parties et deux annexes volumineuses. Dans la première partie (Pour une approche [inter]culturel des dictionnaires), Tallarico explique les notions de base de son analyse (culture, interculturel, dictionnaire, lexicographie bilingue), situe le champ d’action de sa recherche, articulée autour du rapport entre langue et culture (1.2), et analyse la naissance, le développement et les caractéristiques du dictionnaire bilingue (1.3), montrant l’insertion de celui-ci « dans l’histoire, dans la société et finalement dans la culture des communautés linguistiques concernées » (p. 47). Le nœud conceptuel de cette partie est certainement constitué par le chapitre 1.5, dans lequel l’auteur introduit la notion d’écart culturel, « lieu d’apparition des différences spécifiques entre les deux langues-cultures mises en présence » (p. 66). Ce concept est mis en relation avec l’anisomorphisme linguistique, asymétrique par laquelle « les langues font référence à une même réalité par des termes différents, entraînant une distribution dissemblable des signifiés […] » (p. 66). Après avoir analysé la conséquence de cet état de choses dans le dictionnaire, Tallarico énonce la typologie des écarts (sémantiques et référentiels) qui seront analysés en détail dans la deuxième partie et éclaircit les implications sémantiques et pragmatiques de l’équivalence. D’autres concepts clefs sont énoncés dans les paragraphes suivants : les relations entre théories sémantique et lexicographie (1.7), la connotation et sa place dans la description lexicographique (1.9) et les différentes approches aux traits de culture dans le lexique (1.10).
Commence alors la deuxième partie (Analyse du corpus), dans laquelle l’auteur effectue l’analyse des écarts culturels au sein des quatre dictionnaires bilingues I/F F/I faisant partie de son corpus de recherche : Boch, Garzanti, Hachette-Paravia et Sansoni-Larousse. La méthodologie adoptée est à la fois longitudinale et transversale. Longitudinalement, l’auteur effectue une analyse minutieuse de la lettre A dans les dictionnaires retenus, se penchant sur la partie français-italien comme sur celle italien-français afin de faire ressortir, par ce jeu de miroir, une dimension interculturelle qui se manifeste par des phénomènes liées à l’équivalence ainsi que par la pratique de l’exemplification 480lexicographique. Transversalement, l’auteur prend en examen les notes culturelles et les faux emprunts, « phénomènes nécessitant une étude globale, qui dépasse obligatoirement le cadre d’un sondage de quelques lettres » (p. 17).
Les annexes qui complètent le volume fournissent aux lecteurs la liste des lemmes rendant compte des écarts culturels dans les dictionnaires retenus pour l’analyse ainsi que la liste des notes culturelles avec l’indication du domaine dont elles relèvent.
En conclusion, cet ouvrage constitue un bénéfice d’exception pour tous les chercheurs en lexicographie bilingue. Par sa démarche rigoureuse, conceptuellement inattaquable et nourrie de théories linguistiques solides, Tallarico montre brillamment comment les faits de langues sont indissociables des acquisitions sociales, ce qui rend le dictionnaire bilingue quelque chose de bien plus complexe qu’un simple « outil pour la traduction ». On ne peut qu’être d’accord avec John Humbley, qui souligne le caractère pionnier de cet ouvrage phare, « étape fondamentale non seulement pour la compréhension du fonctionnement du dictionnaire bilingue I/F F/I, mais aussi pour poser les jalons de toute future étude d’autres paires de langue ». (p. 11).
Valerio Emanuele
Université de Cergy-Pontoise
Université de Palerme
481Fedele Raguso, Storie di parole italiane. Nuove esperienze ed avventure nella Filologia Romanza, Edizione digitale, Università de Saarland – Saarbrücken (Germania) 2015, presentazione di Max Pfister, 210 p.
L’illustre filologo e lessicografo Max Pfister, ideatore e creatore del progetto filologico-lessicografico del Lessico Etimologico Italiano (LEI), presenta l’opera, definendo in una sintesi significativa, autore e lavoro:
Questo volume miscellaneo riunisce il contributo di Fedele Raguso al LEI, parte degli articoli (voci) del vocabolario storico italiano redatti come collaboratore al progetto LEI e come redattore e co-redattore. Come archivista e storico si è lanciato con grande impegno a questo lavoro lessicografico. Nel suo contributo personale « Nuove esperienze per ricerche linguistiche nell’area dell’Alta Murgia barese » ha mostrato di aver imparato anche il mestiere del lessicologo nella officina del LEI. (pagg. 16-17.).
In verità Storie di parole italiane di F. Raguso è un prezioso contributo alla linguistica italiana e non solo. Infatti, tramite esso, molti avranno motivo di conoscere il progetto LEI per la filologia, lessicografia e storia della lingua italiana. Il Lessico Etimologico Italiano fu concepito e avviato con un progetto di lavoro ambizioso, di qualità, moderno e rivoluzionario. Esso iniziò a Marburg sul Lahn e continua ancora oggi a Saarbrücken: viene da lontano e deve andare lontano in termini di quantità e qualità1. Infatti, fu subito riconosciuto e scritto che: “… De toute autre dimension se veut le Lessico Etimologico Italiano (LEI) de Max Pfister, qui n’aspire pas à arriver trop vite à sa conclusion étant donné que, connu comme une œuvre basée sur une très vaste exploitation de documents, surtout dialectaux …”2 . I lavori ebbero inizio nel1968, quando il progetto fu condiviso e promosso dall’Università 482di Zurigo, ove Max Pfister svolgeva attività di libero docente. Il Lessico Etimologico Italiano per andare avanti aveva bisogno della collaborazione di filologi e lessicologi italiani, per cui furono coinvolti in primis Manlio Cortelazzo e i dialettologi che misero a disposizione le loro competenze per cercare materiale utile alla migliore stesura degli articoli del grande dizionario.
L ’ opus magnum del LEI fu, quindi, progettato e programmato con la seguente struttura principale: 1 – Etimi latini; 2 – Etimi che risalgono ad un sostrato (per es. celtico, ligure, osco-umbro e le altre varietà prelatine) o ad una radice onomatopeica; etimi risalenti ad un superstrato (germanico; arabo; francese; iberoromanzo); 3 – Materiale ignoto o di origine incerta (ordinato secondo criteri onomasiologici); 4 – Indice generale.
La squadra iniziale dei sostenitori e collaboratori del LEI nel tempo è cresciuta, si è arricchita, ben qualificata, costituendo un gruppo di redattori e coredattori che, sicuramente, porteranno a compimento il progetto e la monumentale opera.
I redattori del LEI usufruiscono da diversi anni di nuovi e preziosi strumenti per la datazione più antica e più precisa di tutte le voci oggetto di esegesi: TLIO (Tesoro della lingua italiana delle origini)3; LIZ (Letteratura italiana Zanichelli), ITACA progetta dal prof. Antonio Lupis (Database per la datazione delle opere citate nel Grande Dizioario del Battaglia); Dizionari Online per facili consultazione e datazioni di nuove parole che hanno arricchito e arricchiscono il Vocabolario Italiano. Il LEI con la genesi, lo sviluppo, i contenuti, le finalità, è conosciuto, maggiormente, dagli addetti ai lavori del mondo accademico. In verità, moltissimi, anche linguisti, non sanno e non fruiscono dei preziosissimi strumenti e risultati dell’opera.
Nel corso della realizzazione del LEI si è reso indispensabile estrapolare dal ricco dizionario della lingua italiana, sottoposto a severa esegesi filologica, tutte le voci derivate da altre lingue neolatine e non, 483che vanno a formare volumi specifici con francesismi, iberismi, anglicismi, germanismi, arabismi. Essi costituiranno “volumi fratelli” del LEI, ovverosia “Dizionari del Vocabolario” della lingua italiana, che ha subito infiltrazioni linguistiche per varie ragioni storiche accadute in tutta la penisola italiana.
Frutto di grande intuizione e prezioso contributo a tutta la linguistica dei paesi occidentali, da cui sono derivati i molteplici prestiti delle varie lingue che durante i secoli hanno arricchito la lingua scritta e parlata italiana. I prestiti, chiamati gallicismi, provenienti d’oltralpi, alludono a molti fenomeni storici, sociali ed economici del popolo italico, non ancora svelati dai consueti e tradizionali studi storico-storiografici.
Il prof. F. Raguso iniziò la sua esperienza e “avventura filologica-linguistica” nel 1997, continuando parallelamente quella storica e storiografica dell’area apulo-lucana in particolare, tesa alla ricerca di fonti, di ricostruzioni storiche per dare contributi preziosi alla storia generale, regionale e nazionale d’Italia, valorizzando beni culturali sconosciuti e abbandonati (in specie fondi archivistici).
Il lavoro di Storie di parole italiane di Fedele Raguso, storico medievista, ricercatore e filologo di fonti medievali, è una filiazione della monumentale opera Lessico Etimologico Italiano, ancora in atto nel Dipartimento di Romanistica dell’Università degli Studi de Saarland di Saarbrücken. Esso raccoglie tutti gli articoli, o meglio voci già pubblicate nella monumentale opera LEI, a cui seguirà un secondo volume che racchiuderà gli articoli già stilati ed in corso di edizione.
Il titolo del volume è significativo per attestare l’impegno e il contributo dell’autore all’ambizioso progetto di filologia romanza, contempla la storia delle parole della lingua italiana, nel cui mondo ha consumato una grandissima esperienza ed una vera e propria avventura singolare, poiché la sua formazione e attività gravitava in campo archivistico-filologico, storico, storiografico presso il Dipartimento di Scienze Storico-Geografiche della ex Facoltà di Magistero e presso il Dipartimento di Paleografia e Diplomatica della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università degli Studi “Aldo Moro” di Bari.
Thomas Hohnerlein, lessicografo del LEI, nella sua testimonianza presente nel volume si esprime così: “Fedele…esperto di storia sociale ed economica di quella parte dell’Italia meridionale (Puglia – Basilicata) 484e appassionato della letteratura italiana…affrontò il lavoro di redattore con passione, disinvoltura, serenità e severità. Divenne un collaboratore esterno, un redattore, un coredattore e per più di quindici anni ha trascorso diverse settimane presso il Dipartimento di Filologia Romanza dell’Università degli Studi di Saarbrücken per stilare voci del lessico storico italiano. Egli … nonostante venisse da percorsi di studi e attività professionali ben diverse dalla filologia, della linguistica, della lessicografia. è riuscito sempre dignitosamente, vincendo la battaglia con gli onori di un vincitore. Infatti molti articoli del LEI portano la sua firma in veste di autore o di coautore, che costituiscono l’espressione impressionante del suo contributo all’opera epocale del LEI” (p. 32 e 34).
F. Raguso dal 1997 è entrato nella schiera dei collaboratori del LEI e, sino ad oggi, con limitate puntante a Saarbrücken, si è dedicato alla filologia e alla lessicografica stilando ben oltre 45 voci con varie difficoltà ed impegni temporali. Egli ha lavorato, soprattutto, a stretto contatto con il prof. Max Pfister, con il dott. Thomas Hohnerlein coredattori di molti articoli.
La voce Charta, alquanto consistente, attesta l’impegno più arduo di F. Raguso, che, per più di quattro anni di lavoro certosino, come risulta dalle singole parti derivate dalla radice ‘carta’ e dai relativi commenti, che sintetizzano i percorsi storico-formative delle voci. Infatti proprio i commenti di ogni voce riassumono le vicende linguistiche ed evidenziano l’excursus etimologico che ha portato la voce “charta” all’attuale forma morfologica e fonetica con i molteplici significati.
La raccolta delle voci è preceduta da un significativo contributo scientifico che il prof. F. Raguso elaborò per la costituzione del volume in onore di Max Pfiste in occasione del suo 70o genetliaco.
Esso si compone di tre parti: la prima spiega l’approdo dell’autore nel mondo della filologia romanza di Saarbrücken; la seconda racchiude un studio particolare di filologia e lessicografia di natura giuridico-consuetudinaria del termine heres‘erede’, termine essenziale ed importante di una espressione giuridica degli atti dotali, derivata dalla consuetudine di Gravina per influsso del diritto normanno e longobardo:
485“Rerə scamannə doutə uadagnannə”: Erede (neonato) che emette vagito durante il parto consente al padre di guadagnare la dote della mamma in caso di morte; la terza ed ultima parte risulta un ricco contributo alla bibliografia del LEI con tutte le pubblicazioni di interesse linguistico lessicografico relative alla Puglia.
Marisa D’Agostino
Presidente dell’Associazione Culturale della Fondazione
« E. Pomarici-Santomasi »
di Gravina
Annie Mollard-Desfour, Le Gris, préface de Philippe Claudel, CNRS Éditions, 2015, 316 p. (Dictionnaire de la couleur. Mots et expressions d’aujourd’hui – xxe-xxie siècles).
Après Le Bleu, Le Rouge, Le Rose, Le Noir, Le Blanc et Le Vert , la linguiste et sémiologue Annie Mollard-Desfour 4 donne la parole au gris, « couleur-caméléon aux frontières incertaines ». Ni noir, ni blanc, cette couleur présente, plus que toute autre, mille nuances dont les mots et les expressions ne cessent de chercher à rendre compte, à travers des associations parfois surprenantes. L ’ auteure, à travers l ’ examen minutieux de textes très diversifiés (littéraires, techniques, médiatiques, etc.) des xx e et xxi e siècles, selon le principe éditorial de la série, nous livre sans doute la clé pour comprendre pourquoi cette couleur est très à la mode aujourd ’ hui – alors qu ’ elle ne figure pas d ’ ordinaire, comme le rappelle Philippe Claudel, auteur notamment de Les Âmes grises , dans une très belle préface intitulée « La douceur des gris », parmi les préférées des hommes, qui l ’ associent souvent au mauvais temps, à la tristesse, à la mélancolie, à une étape du deuil. Pour l ’ écrivain, la couleur grise évoque avant tout les brouillards de sa Lorraine et « une volonté musicale de douceur ». Mélange de deux couleurs antithétiques comme les symboles qu ’ elles véhiculent, le blanc et le noir, le gris est aussi pour lui une couleur aux mille nuances, indéfinissable, une non-couleur en quelque sorte, ce que montrent parfaitement les 316 pages de ce dictionnaire thématique qui n ’ a rien de traditionnel, notamment parce que les exemples y ont un rôle définitoire essentiel ; d ’ ailleurs, comment procéder autrement pour cerner une couleur, quelle qu ’ elle soit, par essence différente selon les personnes ?
La structure du cœur de ce dictionnaire consacré à la classification du lexique des couleurs est identique à celle adoptée dans les volumes précédents. Après une riche introduction dans laquelle Annie Mollard-Desfour présente les principales clés destinées à faciliter la lecture de son travail (p. XIX-XLII), trois parties organisent le dictionnaire lui-même, sous le 487titre « Dictionnaire. Le Gris » : « Gris » (p. 5-61), « Dérivés : De Grisaille à Vert de gris. En passant par Grisbi, Grizzli / Grizzly, Polio / Polyomélyte, Felgrau » (p. 63-96) et « Variations sur le gris. De Acier à Zinc » (cette partie constitue le cœur du volume ; p. 97-256). La même série d’annexes qui, dès le premier volume paru en 1998 et réédité deux fois déjà, Le Bleu. Le Dictionnaire des mots et expressions de couleur. xxe-xxie siècle, confirme le caractère scientifique de l’ouvrage, complète très utilement le parcours lexicographique et aide le lecteur à se retrouver dans ce foisonnement inattendu de mots et d’expressions pour dire une couleur qui est traditionnellement, et nous le savons maintenant, de façon erronée, liée au neutre : une liste des « Abréviations et signes conventionnels » (p. 257-262), une « Bibliographie » (p. 264-284) structurée en deux parties, « Ouvrages et articles de référence » et « Sources textuelles des exemples cités », un « Index des termes et locutions de couleur » (p. 286-297) et un « Abrégé et index de l’article Gris » (p. 301-308). Dans l’esprit de la collection, quelques photos originales et empreintes de poésie ouvrent ce dictionnaire sur un univers esthétique qui s’allie avec bonheur, ici, à la linguistique.
Du dépouillement et de l’analyse fine de ce vaste corpus, il ressort que le gris est une couleur toute en nuances et subtilités, mais aussi en contradictions. N’est-ce pas là, finalement, une constante de toutes les couleurs, comme le montre chacun des volumes de l’auteur ?
Parmi les domaines de références relevés, il convient de noter en tout premier lieu celui des éléments atmosphériques liés au mauvais temps (grisbrouillard, orage, tornade, cieldeParis…), celui des éléments liés à la nature (gris ardoise, anthracite, galets, pierre ponce…), celui d’objets fabriqués (grisclasseur, acier, ballast, béton, ciment, prison, building, banlieue, urbain, industriel…). Le gris peut être encore nuancé par l’évocation des produits de la combustion (gris cendre, smoky, suie…), mais fait également référence à la palette des peintres (gris Delacroix, Renoir, Vélasquez…), aux créateurs de mode, aux romanciers, aux personnages de la mythologie, à la biologie, au corps, au domaine alimentaire (poivre et sel…). La variété particulièrement riche des domaines sémantiques auxquels font référence les mots, termes et expressions pour évoquer le gris témoigne à elle seule à la fois de sa complexité et de sa « versatilité », cette couleur étant souvent confondue avec d’autres couleurs (beige, grège, mastic…). Le gris peut encore être associé à des notions plus abstraites (gris administration, gris pouvoir, gris secret…).
488L’un des intérêts de ce dictionnaire d’un type particulier est de montrer que pour exprimer toutes les nuances de cette couleur la langue a recours à de multiples termes, anciens ou de création récente et à divers procédés de composition ou de comparaison (gris-bleu, gris-acier, gris-nuage…). Parmi le relevé des mots du gris, composés de dénominations de nuances, de locutions, d’expressions, de proverbes, le lexique révèle la variabilité des sens, les persistances et les évolutions du ressenti de la société par rapport à ce champ chromatique, et ce n’est pas le moins intéressant !
Si le dictionnaire à proprement parler, très finement structuré selon un modèle de description établi par A. Mollard-Desfour dès le Dictionnaire du bleu, constitue le cœur du volume, l’introduction est précieuse car elle aborde, à travers les principales thématiques référentielles du gris, son histoire à travers les siècles, qui nous donne envie d’en savoir davantage… mais là n’est pas le propos de cette série. Souvent associée à des valeurs négatives, la vieillesse, l’ennui, la tristesse, la fatigue, la monotonie, le manque d’éclat, l’invisibilité, la clandestinité, le complot, la confusion…, cette couleur évoque aussi l’intelligence (matière grise, cellules grises…), la ville et la technologie, et… la griserie de l’âme.
Parmi les multiples lectures que nous offre ce volume, nous en retiendrons essentiellement trois : celle de la description lexicologique et de la rigueur ; celle des utilisations sociales et culturelles que dénotent les dénominations chromatiques et les associations symboliques qui y sont rattachées (et là réside une des richesses de l’ouvrage : l’analyse de la langue est toujours en relation avec la culture et la société dans lesquelles la couleur est mise en perspective) ; mais aussi celle de la poésie, de la rêverie qui permettent de transformer une couleur a priori neutre et terne en une couleur exaltante et fascinante, comme le décrit très bien l’auteur à la fin de son introduction : « Ce que je retiens du gris ? C’est son mystère, son alchimie, et – comme Philippe Claudel – sa douceur, “la douceur qu’il procure et qui permet d’estomper, de faire disparaître du monde et de nos vies, toutes formes tranchantes, qu’elles soient mentales ou physiques”. Le gris qui établit “un nouvel ordre ouaté du monde” et “entraîne à la rêverie”. » (p. XLII).
C’est, encore une fois, à un parcours très riche, qui s’appuie solidement sur des citations et des références extraites d’un corpus très diversifié et représentatif des divers niveaux de langue (dictionnaires, 489œuvres littéraires, presse, nuanciers…), que nous invite Annie Mollard-Desfour, à travers les mots et expressions du vocabulaire français du xxe siècle et du tout début du xxie. Si le genre dictionnaire implique que l’ouvrage ne soit jamais lu in extenso ni définitivement refermé, celui-ci semble échapper à un parcours discontinu, tellement il nous entraîne, d’article en article, dans la fascination qu’exerce le gris. Il ne nous reste plus qu’à attendre, avec impatience, le prochain volume, qui sera consacré au violet.
Christine Jacquet-Pfau
Collège de France
490DanguolėMelnikienė, L’onomatopée, ou le « monstre hybride », Paris, Hermann Éditeurs, 2016, 272 p. (« Vertige de la langue »).
Le livre de Danguolé Melnikiené sur l’onomatopée, ce mot aux frontières de la langue, est structuré en trois parties principales : la première passe en revue les théories (principalement onomatopéiques et phonocentriques) de la glottogenèse, la deuxième aborde la question du statut linguistique des onomatopées et la troisième analyse la description lexicographique des onomatopées.
La première partie de l’ouvrage de D. Melnikiené constitue un parcours passionnant à travers les théories de la glotto-genèse qui, d’une façon ou d’une autre, ont pris position par rapport à la question de l’onomatopée comme première manifestation du langage chez l’être humain. L’auteure nous rappelle que la signification du terme onomatopée (littéralement « je crée des noms » en grec) était beaucoup plus large que ce que l’on entend communément par onomatopée de nos jours et englobait toute forme de néologie (sens recueilli encore dans le Dictionnaire général de la langue française de Hatzfeld et Darmesteter).
Le Cratyle présente déjà une exposition et une réfutation de la thèse onomatopéique. Platon semble ainsi s’opposer aux thèses des stoïciens sur le symbolisme sonore d’après lequel certaines caractéristiques sensorielles des objets définissent les caractéristiques des sons. Dante, à son tour, s’en tient à la Genèse et exclut toute origine imitative des noms du fait même que Dieu aurait créé une « forme déterminée de parler » (certa forma locutionis) en même temps que le premier homme sur terre. Locke, par contre, considère que Dieu n’a pas créé le langage, mais qu’il a doté l’homme de la faculté de le développer. En même temps, il nie que les mots aient une liaison naturelle avec les idées, un conventionnalisme que Leibniz refusera net, puisqu’à ses yeux les êtres humains adaptent les sons à leurs sentiments et à leurs émotions. Ce dernier fonde ainsi la première théorie onomatopéique de la glotto-genèse, bientôt attaquée par ses contemporains, Herder entre eux. Ce dernier postule une théorie de la glotto-genèse qui n’est pas onomatopéique mais phonocentrique, où la langue d’origine est vue comme une langue de l’émotion ressemblant à un chant, mais non imitative. En cela, il suit Rousseau, à ceci près que pour celui-ci la plupart des mots seraient quand même imitatifs.
491Au xixe siècle, la théorie de l’origine onomatopéique du langage trouve en Charles Nodier, auteur du Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises (1808), un défenseur convaincu pour qui tous les radicaux primitifs ont un caractère imitatif. Il classe les onomatopées d’après deux relations binaires : d’une part, les onomatopées propres (les mots « que la nature semble avoir enseigné à tous les peuples », p. ex. glouglou) face aux onomatopées abstraites (construites par analogie, p. ex. clignoter) et, d’autre part, les onomatopées naturelles (communes à tous les peuples) face aux onomatopées locales (propres à une seule langue). Dans la deuxième édition de son dictionnaire, il distinguera encore les onomatopées propres des onomatopées de seconde formation ou mimologismes. Justement, Genette consacrera à Nodier tout un chapitre de son ouvrage Mimologiques.
La linguistique du xxe siècle a vu Nodier comme un poète qui se laissait emporter par sa fantaisie. Le caractère arbitraire du signe linguistique s’oppose aux théories de la glotto-genèse. Pourtant, Jespersen reconnait l’intérêt de ces théories, bien qu’en leur reconnaissant un pouvoir explicatif partiel et Genette affirme qu’à l’origine de tout mot arbitraire il y aurait un mot expressif. Les langues deviendraient donc arbitraires, elles ne le seraient pas essentiellement.
Ce dernier auteur adopte cependant une position qui apparaît déjà comme anachronique et qui relève plus de la littérature que de la linguistique.
La deuxième partie de L’onomatopée, ou le « monstre hybride »est consacrée au statut linguistique des onomatopées, qui reste encore incertain. L’onomatopée constituerait une sous-classe de l’interjection, elle-même une sorte de paria grammatical, « la partie honteuse du discours » comme la qualifiait L. Rosier.
Ce sont les latins, Varron d’abord, Donat ensuite, qui confèrent à l’interjection la condition de catégorie grammaticale. Priscien ira jusqu’à distinguer les interjections primaires (onomatopéiques) des interjections secondaires (lexicalisées).
Pour ce qui est des grammaires du français, Palsgrave mentionne les interjections secondaires mais ignore les interjections primaires, c’est-à-dire, les onomatopées. Sylvius, malgré ses vues novatrices sur l’interjection, délaisse également l’onomatopée. Louis Meigret sera le 492premier grammairien français à évoquer les interjections primaires sans toutefois en donner une analyse poussée et Robert Estienne inclut l’onomatopée imitant le rire dans les interjections, sans la commenter. Déjà au xxe siècle, Damourette et Pichon se servent du terme factif nominal pour désigner l’interjection (factif parce qu’il « tient la place d’une phrase », nominal parce qu’il n’est « ni verbal ni strumental »).
La linguistique du xxe siècle établit la ligne de démarcation entre l’interjection et l’onomatopée. Bally distingue trois types d’interjections : exclamations (émotives), onomatopées (descriptives) et signaux (déictiques). Swiatkowska reprend cette distinction et parle d’interjections modales (n’apportant aucune information sur le monde extérieur), dictales (« onomatopées pures » ayant une fonction uniquement descriptive) et mododictales (« onomatopées hybrides », par exemple brrr !). R. Laurence sépare, à son tour, fonction expressive (interjection) de fonction imitative (onomatopée). Kleiber fait remarquer que, bien que motivé, l’onomatopée est un signe linguistique et, en tant que tel, une adaptation conventionnelle (le coq ne dit pas cocorico, qui est un signe de la langue française). Par ailleurs, l’interjection témoigne d’une réalité subjective (le locuteur ressent l’émotion exprimée) tandis que l’onomatopée véhicule une réalité objective (un cri ou un bruit). Ces différences ont été bien perçues, et de bonne heure (Jablonskis, 1919), par les grammairiens lituaniens qui ont postulé une classe grammaticale exclusive pour l’onomatopée : l’ištiktukas. Le lituanien, où les onomatopées sont une source très importante de néologismes, montre ainsi la voie aux autres langues indo-européennes pour lesquelles la différenciation entre onomatopée et interjection semble moins bien définie.
La deuxième partie du livre de Melnikiené se termine par la présentation de quelques propositions de classement des onomatopées, dont la plus détaillée est celle d’Enckell et Rézeau, qui distinguent six grands groupements thématiques (bruits d’animaux, bruits de la nature, etc.).
La troisième et dernière partie de l’ouvrage de D. Melnikiené est consacrée à la description lexicographique des onomatopées. L’auteure constate que, au xvie siècle, la présence des onomatopées est très réduite (on peut trouver, par exemple, tinter chez R. Estienne). Déjà au xviie siècle, Nicot évoque la formation de noms par onomatopée, comme dans le cas de coucou. Richelet n’inclut pas des mots à caractère imitatif ; par contre, Furetière considère les onomatopées comme des entités autonomes (comme 493on peut l’observer sous la propre entrée onomatopée de son dictionnaire) et leur accorde un traitement lexicographique qui inclut des exemples.
Beauzée signe les articles interjection et onomatopée (de presque trois pages) de l’Encyclopédie. Pour cet illustre grammairien, les onomatopées sont « l’écho de la nature », cependant il ne présente, en tant qu’exemples, que des lexèmes ayant une prétendue origine imitative, mais non des onomatopées stricto sensu.
Nodier et le Dictionnaire de l’Académie suivront son exemple au cours du xixe siècle, ne présentant que des onomatopées lexicalisées (trictrac, cliquetis) à de rares exceptions près. Littré, par contre, s’intéressera aux onomatopées authentiques, les présentera comme lemmes et leur joindra une description sémantique détaillée ainsi qu’une étude historique. Sur ce point, Littré, qui considère que les onomatopées suivent les lois générales du lexique, se montrera plus avancé que certains auteurs du xxe siècle, comme Nyrop ou Damourette et Pichon, qui prétendent que les onomatopées ne connaissent pas de changements historiques. Hatzfeld, Darmesteter et Thomas incluent également des onomatopées authentiques dans leur dictionnaire (1890-1893), tandis que le Dictionnaire de l’Académie ne le fera que lors de sa huitième Editon (1932-1935). Des dictionnaires comme le Grand Robert (GR) ou le Trésor de la Langue Française (TLF) offrent des traitements lexicographiques détaillés de nombreuses onomatopées, bien que dans des perspectives différentes. Le GR présente une liste de presque une centaine de ces unités dans l’article onomatopée. Le TLF prête une attention toute spéciale à la description diachronique.
Du fait que l’onomatopée est une catégorie grammaticale à part entière en lituanien, les dictionnaires lituaniens recensent et décrivent un grand nombre de ces unités. Ainsi, le Dictionnaire du lituanien contemporain décrit plus de quatre cents onomatopées. Toutefois, Melnikiené regrette, à juste titre, que certains dictionnaires bilingues du lituanien omettent toute description sémantique de l’onomatopée.
La troisième partie du livre se termine par une revue des dictionnaires français spécialisés en onomatopées, comme Miot (1968), Rudder (1998) et, surtout, Enckell et Rézeau (2003, 2005), le premier dictionnaire scientifique des onomatopées françaises qui offre, en plus, de très nombreux exemples tirés de textes littéraires allant du xvie au xxie siècle. Ce dictionnaire présente, de surcroît, comme paratexte, un classement 494thématique des onomatopées, qui constitue une grande aide pour le lecteur hésitant entre différentes formes d’une unité donnée ou souhaitant vérifier quelles unités sont disponibles pour certains sons.
On ne saurait assez saluer l’apport de Danguolé Melnikiené à l’étude d’une unité qui mérite beaucoup plus d’attention qu’elle n’a reçue. L’auteure, qui nous avait déjà offert un aperçu sur cette question au chapitre iv de son ouvrage Le dictionnaire bilingue. Un miroir déformant ?, vient nous rappeler que toute unité linguistique doit être envisagée comme objet de la description lexicographique et que tout objet de cette description mérite la plus grande attention. L’onomatopée, ou le « monstre hybride »est une précise et délicieuse synthèse de la tradition grammaticale et lexicographique concernant ce « sémantisme tout nu » dont parlait Benveniste. Aucune étude ultérieure de l’onomatopée ne pourra se passer de cet ouvrage qui devrait inspirer des études linguistiques détaillées sur l’onomatopée en différentes langues.
Il est à remarquer, finalement, que le livre de D. Melnikiené est d’une lecture facile et agréable en dépit de la technicité de son sujet, de la rigueur des analyses et de la précision des nombreuses références. Chaque chapitre est suivi de conclusions spécifiques qui constituent, en fait, un bref résumé très utile de chaque axe de recherche envisagé.
En conséquence de tout cela, je ne peux que recommander vivement et sans aucune réserve la lecture du livre de Danguolé Melnikiené, que je considère un événement marquant pour les recherches sur l’onomatopée.
Xavier Blanco Escoda
Universitat autòma de Barcelona
1 Max Pfister, LEI Lessico Etimologico Italiano, Wiesbaden 1979, vol. I, p. 5-7. Dalla diretta testimonianza del « padre del LEI » si conosce la storia della grandiosa opera che si pone sulla gloriosa tradizione-innovazione della lessicografia italiana e aspira a continuarla con ambiziosa certezza di miglioramento nel metodo, nella forma e nella sostanza. Per la lessicografia italiana si cfr. Della Valle V., La lessicografia, in Serianni L. / Trifone P., Storia della lingua italiana, Torino 1992, p. 29-91.
2 Antonio Duro, La lexicographie italienne du xxe siècle, in: Hausmann F. J. / Reichmann O. / Wiegand H. E. / Zgusta L., Wórterbiicher dictionaries dictionnaires, Berlin / New York 1990, vol. lI torno II, p. 1863-1880, in particolare p. 1876.
3 Il database testuale, nacque nel 1995 e fu inaugurato nel 1998. Costituito da più di 1.780 testi per circa 20 milioni di parole, tratte da scritti in prosa e in poesia, in lingua italiana, prima del 1375. Una prima versione della banca dati fu implementata in dtb di Eugenio Picchi, che è interrogabile online con registrazione gratuita al sito dell’OVI (Istituto Opera del Vocabolario Italiano).
4 Membre associé du LDI (UMR 7187, Lexique, Dictionnaires, Informatique – Paris 13 et Cergy-Pontoise). Parmi bien d ’ autres activités, elle est Administratrice du Centre Français de la Couleur, après douze ans de présidence. Elle est également rédactrice en chef de la revue Primaires .
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-06640-8
- EAN : 9782406066408
- ISSN : 2262-0419
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06640-8.p.0451
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/01/2017
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français