Des écoles d’artilleurs pour soutenir un empire
- Auteur lauréat du Prix Turriano 2017 de l’International Committee for the History of Technology et du Prix d’histoire militaire 2017 du ministère des Armées
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Les Artilleurs et la Monarchie hispanique (1560-1610). Guerre, savoirs techniques, État
- Pages : 357 à 424
- Collection : Histoire des techniques, n° 21
Des écoles d’artilleurs
pour soutenir un empire
En tiempo que los Romanos fueron señores del mundo, tenían unas escuelas en Roma donde se aprendía el termino y prática que los soldados han de tener y, de allí, los sacaban para ir a hazer las jornadas que se ofrezían. Y por ir tan diestros y exercitados, siempre salían vitoriosos, siendo ellos menos que sus enemigos. […] Pareciendo al imperio romano que no había en el mundo quien le pudiese ofender, mandaron que no hubiese más las escuelas de la milizia que solía haber y, en quitando, que las quitaron, en poco tiempo fueron perdidos y sujetos1.
Un « humble soldat » écrivant au roi le 23 décembre 1589.
Introduction
Ce soldat anonyme jouant l’arbitrista auprès du roi et de son conseil de guerre raconte une histoire qui, bien que très courte, est riche en enseignements. Selon lui, le succès de l’empire romain reposait avant tout sur des « écoles » où les soldats recevaient leur formation avant d’acquérir une véritable expérience du combat. Lorsque, péchant 358d’orgueil, les Romains décidèrent de fermer ces centres de formation militaire, l’empire s’effondra. De là à faire le parallèle entre l’ancien empire romain et l’actuel empire de Philippe II, il n’y avait qu’un pas… Cette lettre pourrait très bien être interprétée comme exprimant l’opinion excentrique d’un individu inconnu, mais il s’avère qu’elle est conservée au milieu des documents traités par le conseil de guerre durant le mois de décembre 1589. La réflexion sur les rapports entre puissance impériale et formation militaire de cet humble individu attira certainement l’attention des têtes de l’administration militaire de la Monarchie hispanique. Dans ce moment de crise qui suivit le désastre de la Grande Armada, le mot escuela (école) revenait de plus en plus fréquemment dans les discussions du conseil. Nul doute que certains de ses membres, si ce n’est tous, commençaient à partager l’avis de ce soldat anonyme sur l’importance de la formation militaire pour soutenir la puissance impériale.
L’étude précédente sur l’école d’artilleurs de Séville soulève de nombreuses questions quant aux mécanismes de formation des artilleurs au service de la Monarchie hispanique. Il faut le souligner une fois de plus, un tel degré de formalisation et d’institutionnalisation des pratiques de transmission des savoirs apparaît tout à fait original à cette époque où la grande majorité des connaissances étaient transmises de manière informelle, de maître à apprenti, parfois dans le cadre institutionnalisé d’une corporation2. Mais alors, l’école de Séville fut-elle un cas isolé, un cas particulier, même au sein du monde socioprofessionnel de l’artillerie ? Si d’autres centres de formation des artilleurs existèrent, combien furent-ils ? À quelle date furent-ils mis en place ? Dans quel contexte ? Et d’où viennent ces pratiques d’examen et d’enseignement théorique et pratique ? Sont-elles spécifiques aux artilleurs ?
La mise en place d’écoles d’artilleurs pour soutenir les besoins de l’empire espagnol est un sujet méconnu car très peu étudié par l’historiographie. Certes, ces écoles sont brièvement mentionnées dans 359quelques grandes œuvres3, mais rares sont les historiens qui leur ont consacré plus de quelques lignes. Les récentes publications au sujet des écoles d’artilleurs sont pour la plupart le fait de militaires à la recherche d’une généalogie du corps d’artillerie moderne4. La seule exception notable est le groupe d’historiens des sciences espagnols construit autour de José María López Piñero5 et incluant Mariano Esteban Piñeiro6 ainsi que María Isabel Vicente Maroto7. Néanmoins, les développements de tous ces auteurs à propos des écoles d’artilleurs (en dehors du cas de l’école de Séville) reposent principalement sur le travail de Jorge Vigón8, qui s’est lui-même appuyé essentiellement sur des articles écrits par des militaires espagnols à la fin du xixe siècle. Autrement dit, aucun travail approfondi sur des documents d’archives n’a été effectué depuis qu’Adolfo Carrasco y Sáiz publia en 1887 un long article sur les « systèmes d’instruction du corps d’artillerie9 », étude intéressante et pionnière, mais ne citant pas ses sources. Par conséquent, 360ce chapitre propose de retourner aux sources pour comprendre la mise en place et le fonctionnement des écoles d’artilleurs de la Monarchie hispanique.
Les paragraphes suivants mettront d’abord en évidence que les premières écoles de la Monarchie apparurent dans ses territoires italiens, à Milan et en Sicile. En réalité le concept et le terme d’école d’artilleurs n’étaient en rien innovants ; ils trouvaient leur source d’inspiration dans ce qui se faisait au sein des États voisins et notamment à Venise. Néanmoins, cette origine « italienne » des écoles d’artilleurs ne doit pas masquer le fait qu’il y avait, dans la péninsule ibérique, dès le milieu du xvie siècle, des pratiques de formation et d’examen des artilleurs qui, sans revêtir la forme institutionnalisée de l’« école », en partageaient un certain nombre de caractéristiques. Le chapitre montrera également que ces pratiques n’étaient pas spécifiques au monde de l’artillerie et qu’il existait des examens sous forme de questions dans d’autres professions liées à la Monarchie mais aussi liées au monde de l’artisanat. Enfin, ce chapitre relatera comment les créations d’écoles d’artilleurs se généralisèrent au lendemain du désastre de l’Invincible Armada, la Monarchie hispanique se dotant alors d’un important réseau de centres de formation destinés à générer les compétences vitales à ses grands projets atlantiques.
L’origine italienne
des escuelas de artilleros
Dans la documentation de l’administration militaire espagnole, les escuelas de artilleros, c’est-à-dire les écoles d’artilleurs, sont pour la première fois mentionnées en relation avec les possessions italiennes de la Monarchie. Dans le duché de Milan, dès les années 1560, des projets d’école furent conçus en s’inspirant des modèles voisins et en particulier des écoles que les Vénitiens avaient mises en place dans les principales villes de leur territoire. Toutefois, les projets milanais traînèrent en longueur et c’est finalement en Sicile qu’un personnage politique de premier plan, le duc de Terranova, institua à partir de 1575 les premières écoles 361d’artilleurs véritablement pérennes. Cette partie vise donc à comprendre la mise en place de ces premières institutions et à s’interroger sur leur origine italienne et sur leur contexte d’apparition.
Les premières écoles à Milan
et l’inspiration vénitienne
L’établissement d’une école d’artilleurs à Milan fut le résultat d’un long processus qui s’étendit des années 1560 aux années 1580. La première mention d’une école remonte à l’année 1564, lorsqu’un certain Adrian Verbeque présenta au gouverneur de Milan, Gabriel de la Cueva, duc d’Alburquerque, les grandes lignes d’un projet de mise en place d’une école de cent artilleurs à Milan10. La dimension pédagogique du projet est soulignée par le recours répété au vocabulaire écolier. Non seulement le document de Verbeque emploie-t-il systématiquement le terme de escuela (« école ») pour désigner cet établissement, mais il inclut également les salaires de quatre caporaux para enseñar a los escolares (« pour enseigner aux écoliers »). Contrairement au cas sévillan où l’école avait d’abord été conçue comme un office, le projet milanais apparaissait dès l’origine comme une véritable institution de formation. Malheureusement, ce document demeure assez flou quant aux réelles pratiques impliquées dans le cursus, le seul point clair étant que chaque escolar (« écolier ») devait s’entraîner au tir deux fois par mois. Ce premier projet mit toutefois beaucoup de temps à voir le jour. En 1567, il reçut l’approbation de deux personnages importants, Gabrio Serbelloni, capitaine et ingénieur militaire de grande renommée, et César de Napoles, le capitaine général de l’artillerie du duché de Milan11. En 1569, sur ordre du roi, le duc d’Alburquerque lança la mise en place de cette escuela de artilleros, première institution de ce nom que j’ai pu trouver dans les sources concernant les territoires de la Monarchie hispanique12.
Néanmoins, cette première école d’artilleurs n’eut pas d’existence pérenne. En 1576, le marquis d’Ayamonte, successeur du duc d’Alburquerque au gouvernement du duché de Milan, écrivait que
362lorsque, sur la recommendation d’Adrian Verbeque, sa Majesté ordonna il y a quelques années la mise en place et le maintien d’une école d’artilleurs dans cette ville […], celle-ci fut commencée et l’on s’y entraîna, mais tout s’arrêta parce que certains magistrats ordinaires y firent obstacle13.
Une école d’artilleurs fut donc manifestement établie à Milan en 1569, mais les conflits de gestion de l’artillerie opposant les agents du roi aux élites milanaises14 résultèrent en sa fermeture, après seulement quelques années de fonctionnement, d’après le capitaine général de l’artillerie don Jorge Manrique15. Plusieurs cabos (« chefs d’escadre »), payés entre quatre et six écus par mois, y avaient été chargés de la formation d’un nombre inconnu d’escolares16. Contrairement au cas de l’école de Séville où les apprentis ne touchaient aucune indemnité durant leur formation, cette première école milanaise offrait comme incitation aux apprentis non seulement la jouissance de privilèges particuliers tels que le port d’arme mais aussi la perception d’un salaire d’un écu par mois.
Le constat d’échec de cette première expérience menée en 1569 par Adrian Verbeque et le duc d’Alburquerque incita quelques années plus tard le nouveau gouverneur, le marquis d’Ayamonte, et son capitaine général de l’artillerie, le même Jorge Manrique, à proposer un nouveau projet d’école. En 1576, le marquis écrivit au roi à propos des avantages qu’il y avait à disposer d’une telle institution17. En 1577, le roi et son conseil d’État donnèrent leur accord pour qu’un nouveau projet d’école vît le jour18. Signe de l’avancement du projet, en mars 1578, le marquis d’Ayamonte envoya à Madrid les règles de fonctionnement d’une nouvelle école d’artilleurs que lui avait remises le capitaine général de l’artillerie don Jorge Manrique19.
363Ce dernier document fournit de précieuses informations sur le fonctionnement théorique de l’école. Comme dans le cas de Séville, la formation s’adressait à des individus en milieu de parcours professionnel. En effet, pour intégrer l’école, les apprentis (toujours escolares dans les sources) devaient avoir entre 25 et 40 ans. La problématique de la loyauté au roi était également essentielle puisqu’on ne pouvait participer aux leçons qu’à condition d’être né dans un territoire vassal de Philippe II et de lui jurer une exclusivité de service. Comme dans le premier projet d’Adrian Verbeque, cette école était censée accueillir 100 apprentis. À sa tête, un directeur touchant six écus par mois était en charge « d’enseigner toutes les choses appartenant à l’art de l’artilleur20 ». Il était en quelque sorte un équivalent de l’artillero mayor de Séville, mais il était en plus secondé dans sa tâche par quatre cabos de escuadra (« chefs d’escadre »), chacun chargé de la formation particulière de 25 apprentis. Chaque escadre devait se réunir au moins une fois par semaine tandis que l’ensemble des apprentis devait se réunir au moins une fois par mois « pour s’entraîner ». La présence d’un terrain d’entraînement, comme dans le cas sévillan, ne faisait absolument aucun doute. En revanche, les règles de fonctionnement de l’école n’explicitaient pas clairement l’existence d’un enseignement théorique séparé des pratiques de tir. Enfin, cette formation était, comme à Séville, sanctionnée par la pratique de l’examen d’artilleur. En effet, les règles de l’école spécifiaient que l’accès aux postes rémunérés d’artilleur était conditionné par le passage d’un examen devant le capitaine général de l’artillerie.
Cet ensemble de cent apprentis était censé constituer une sorte de réserve dans laquelle la Monarchie pouvait puiser ses futurs artilleurs selon ses besoins. En effet, les règles précisaient que, si une place d’artilleur se libérait dans l’une des garnisons du duché de Milan, le meilleur des apprentis aurait la possibilité de l’obtenir. Cette règle visait avant tout à générer de l’émulation dans le but d’améliorer les compétences de chacun. De plus, la Monarchie se réservait le droit 364de disposer d’eux selon son bon vouloir en cas de nécessité puisque les règles stipulaient que
ceux qui joignent l’école doivent jurer de servir Sa Majesté aussi bien ici qu’à tout endroit où il y aurait besoin de les envoyer, selon les nécessités, sans faire aucune résistance21.
Autrement dit, ces apprentis pouvaient être recrutés en préparation des grandes opérations militaires, lorsque les besoins en artilleurs se faisaient soudainement plus pressants. En contrepartie de cette obligation, et en incitation à l’effort d’apprentissage, les élèves de l’école bénéficiaient de privilèges assez proches de ceux des artilleurs de la péninsule ibérique22. On leur octroyait notamment le droit de porter des armes ainsi que des exemptions de taxes dont la valeur était estimée par le capitaine général de l’artillerie à environ deux écus par an et par individu.
Ce projet d’école ne vit toutefois pas le jour avant plusieurs années. En effet, lorsqu’en 1583, le duc de Terranova arriva à Milan en tant que nouveau gouverneur, il décrivit au roi l’état catastrophique dans lequel se trouvait l’artillerie, ajoutant qu’il manquait d’artilleurs et que très peu d’entre eux connaissaient suffisamment leur art23. Le capitaine général de l’artillerie qui était toujours le même don Jorge Manrique, proposa une nouvelle fois qu’on mît enfin à exécution le projet24. Terranova mena semble-t-il son enquête, rassemblant des documents relatifs aux premiers projets d’écoles et envoya un dossier au roi, en 1585, insistant sur l’importance de cette institution25. Cette démarche porta sans aucun doute ses fruits, puisque l’école d’artilleurs de Milan existait encore en 1596, même si, malheureusement, les détails de son fonctionnement restent inconnus26. Mise en place par l’auteur du projet de 1578 à partir des documents de 1569, il est tout de même raisonnable d’émettre l’hypothèse que son fonctionnement se rapprochait de celui décrit précédemment par les règles de 1578.
365Les difficultés engendrées par la mise en place de cette école milanaise qui s’étala sur une vingtaine d’années ont par bonheur généré une certaine quantité de documents permettant de mieux comprendre les origines de l’institution. D’abord les raisons de l’ouverture de cette école apparaissent de manière univoque. À Milan, comme à Séville, l’école fut ouverte pour éviter le recours aux artilleurs étrangers, en particulier allemands27. Comme le troisième chapitre l’a mis en évidence, Milan était un avant-poste de recrutement des artilleurs de Haute Allemagne et les gouverneurs successifs furent pour la plupart confrontés aux difficultés de recruter ces artilleurs étrangers, de contrôler leurs aptitudes et de les conserver au service de la Monarchie hispanique28. Adrian Verbeque, l’initiateur du premier projet, en avait certainement fait l’expérience puisqu’il était un spécialiste reconnu de ces recrutements, comme le montre cette lettre du roi au duc de Terranova :
Le manque d’artilleurs qu’il y a par ici nous fait regarder du côté du comté de Tyrol et d’autres régions où l’on pourrait recruter un certain nombre d’entre eux […] et comme Adrian Verbeque est familier de ces régions et de ce type de démarches pour s’en être occupé d’autres fois […] vous pourrez l’envoyer29.
D’ailleurs, qui était cet individu qui fut le premier à proposer un projet d’école d’artilleurs ? Son nom, probablement « Verbeke », porte à croire qu’il était d’origine flamande. Depuis le début des années 1560 jusqu’à la fin du siècle, il servit le roi dans le duché de Milan en qualité de lieutenant du veedor general, l’officier royal supervisant la gestion quotidienne de l’appareil militaire milanais30. De plus, comme la citation précédente le met en évidence, Adrian Verbeque était impliqué dans le recrutement des mercenaires allemands, tâche pour laquelle il fut parfois envoyé sur place, en tant que commissaire de montre31. Il est tout à fait possible que son projet d’école fût inspiré de ce qu’il vit lors de ses déplacements dans les territoires d’autres princes.
366D’autres indices permettent d’identifier les sources potentielles d’inspiration de ce projet à l’extérieur des territoires de la Monarchie hispanique. Ainsi en 1569, le projet soutenu par le duc d’Alburquerque était bien de créer une école de cent artilleurs « comme l’ont les Vénitiens et d’autres princes en Italie32 ». En 1576, le rayon d’inspiration s’était élargi puisqu’on souhaitait créer une école d’artilleurs « comme cela se fait en Allemagne dans de nombreuses cités libres et en Italie, dans les terres des Vénitiens et autres33 ». En 1585, encore, le duc de Terranova réitérait le recours à l’exemple des « États voisins et d’autres d’Europe » qui possédaient déjà ce type d’institutions34. Ces divers témoignages révèlent donc que des écoles d’artilleurs existaient dans certains États italiens et allemands avant les années 1570. Le duché de Milan, plaque tournante des armées de la Monarchie hispanique entre la péninsule italienne et l’Allemagne, constituait un avant-poste d’observation des pratiques d’administration militaire des États voisins. Les agents tels qu’Adrian Verbeque, Jorge Manrique et les gouverneurs successifs de Lombardie furent aux premières loges de l’apparition de ces écoles d’artilleurs, et ils n’hésitèrent pas à s’en inspirer pour le service du roi d’Espagne. Une brève comparaison avec les écoles de la République de Venise, modèle d’inspiration le plus récurrent dans les sources, mettra clairement en évidence les nombreuses ressemblances avec les écoles d’artilleurs créées sous Philippe II.
La République de Venise fut très probablement le premier État à ouvrir des écoles d’artilleurs35. En effet, l’existence d’une école réunissant les artilleurs de la ville de Venise remonte à l’année 150036. Deux années plus tard, une école de trente apprentis fut mise en place à Vérone, puis des efforts furent réalisés en 1506 pour en ouvrir une à Padoue37. Dans 367les années 1570, le phénomène avait pris une certaine ampleur et de telles écoles étaient en place dans toutes les grandes villes de Terra Ferma telles que Brescia, Vicenza, Bergame, Udine, Orzinuovi, Trévise, Crema. Des centaines d’artisans charpentiers, maçons, forgerons et tailleurs de pierre y recevaient une formation les préparant à servir dans la flotte vénitienne et dans ses nombreuses forteresses en Méditerranée38. Comme dans le cas de l’Espagne, une relation explicite peut être établie entre l’existence de ces centres de formation d’artilleurs et le maintien d’un vaste empire maritime39. Malgré une relative abondance de sources qui n’attendent que d’être dépouillées, ces écoles vénitiennes ont très peu attiré l’attention des historiens. Néanmoins, un rapide aperçu de leur fonctionnement suffira à mettre en évidence les ressemblances avec les projets de l’école de Milan, ainsi qu’avec les pratiques de l’école de Séville.
Les pratiques d’enseignement en usage dans les écoles vénitiennes n’apparaissent clairement dans la documentation qu’après plusieurs décennies de fonctionnement. En effet, dans le vocabulaire administratif vénitien, le mot scuola renvoyait avant tout aux confréries, ces associations rassemblant des individus autour du culte à un saint patron. Par conséquent, à la création de l’école en 1500, il est difficile d’identifier précisément si le terme de scuola renvoyait déjà à l’idée d’un lieu de formation et de transmission des savoirs ou bien s’il s’agissait simplement d’une confrérie d’artilleurs dédiée au culte de Sainte Barbe40. Cependant, entre les années 1530 et 1570, un faisceau d’indices permet de mettre en évidence l’existence des trois composantes de l’enseignement identifiées dans le cas de l’école de Séville : un enseignement pratique sur un terrain d’entrainement, une formation théorique à l’art de l’artilleur et, enfin, la pratique de l’examen d’artilleur sous forme de questions.
D’abord, les artilleurs de la scuola de Sainte Barbe de Venise se réunissaient régulièrement pour des sessions de tir sur cible. Ainsi, dès les 368années 1530, des concours de tirs au fauconneau furent organisés deux fois par an entre les artilleurs de l’école de Venise et ceux des autres écoles de Terra Ferma41. En 1570, le livre de la scuola précisait que le premier dimanche de chaque mois, les artilleurs devaient s’exercer au tir lors de ce qui s’appelait un palio, c’est-à-dire un concours lors duquel il y avait probablement un prix à gagner pour les meilleurs tireurs42. En 1571, lorsque le conseil des Dix fit imprimer des règles pour l’école, il donna un statut institutionnel à cette pratique du palio organisé le premier dimanche de chaque mois et réunissant les 300 artilleurs de l’école43. Signe de la volonté d’implication de l’État dans cette école-confrérie, la Sérénissime fournissait même la poudre nécessaire à l’exercice, qui avait lieu, selon Mallet et Hale, sur le champ de Sant’Alvise, au bord de la lagune44. En outre, cette pratique s’inscrivit dans le temps puisqu’elle figurait encore dans les règles de 1607 imprimées par les provéditeurs à l’artillerie45. En plus de ces concours mensuels, les règles de 1571 prévoyaient des réunions de tous les artilleurs de l’école sous forme de montres lors desquelles chaque individu devait tirer avec une pièce d’artillerie devant les membres du conseil des Dix et les provéditeurs à l’artillerie46. En 1607, les règles apportèrent les précisions suivantes quant au déroulement de ces deux montres annuelles :
L’on doit faire chaque année deux montres sur le Lido, en présence au moins d’un Illustrissime Seigneur Provéditeur, lors desquelles en démonstration, les artilleurs devront s’exercer à tirer avec six fauconneaux, en tirant à terre à une distance de 300 ou 400 pas et, lors de la seconde montre, ils tireront sur une cible en mer à une distance de 400 pas47.
369Comme dans les cas de Séville et de Milan, l’enseignement théorique est plus difficile à distinguer dans les sources. Le livre de la scuola indiquait en 1573 que douze chefs d’escadre étaient obligés de réunir leurs artilleurs deux fois par mois pour leur « enseigner les choses relevant de l’artillerie48 ». Ces réunions bimensuelles par petits groupes de 25 individus étaient sans doute l’occasion d’échanger des connaissances sur un plan plus théorique que les sessions de tir du dimanche. Les règles de 1607 reprenaient cet élément d’enseignement bimensuel en petit comité tout en y ajoutant une composante supplémentaire :
Que le chef des artilleurs de cette ville soit tenu en hiver comme en été de réunir chaque soir chez lui le nombre d’artilleurs qu’il estimera adapté, afin de leur enseigner et de les examiner dans toutes les choses de l’art49.
Ces réunions en fin de journée chez le principal maître artilleur de la ville n’étaient sans rappeler les deux heures quotidiennes de leçons que l’artillero mayor proposait aux apprentis artilleurs de Séville. La terminologie employée dans ce document suggère qu’il y avait bien un enseignement théorique dans cette école vénitienne au plus tard à partir du début du xviie siècle.
La pratique de l’examen paraît quant à elle remonter aux premières années de fonctionnement de la scuola. Un règlement de 1507 stipulait que pour être admis en tant que maestro bombardiero (« maître artilleur ») au sein de la confrérie, il était nécessaire d’être « examiné sur les choses appartenant à l’art50 ». Puis les règles de la communauté fusionnèrent progressivement avec les structures de l’État qui employait ses membres. Ainsi, en 1533, le conseil des Dix, mécontent de l’incompétence de 370certains artilleurs sur ses galères, demanda à tout artilleur de l’école de passer un examen en présence d’un député de l’arsenal51. Ces individus devaient y démontrer leurs compétences dans le maniement de l’artillerie et la confection des artifices de feu. En 1539, la réglementation se durcit : tout artilleur au service de la Sérénissime était obligé de passer un examen devant le provéditeur à l’artillerie et différentes autorités techniques telles que le chef des artilleurs, les fondeurs et les officiers en charge de la poudre52. Les règles de l’école publiées en 1571 expliquaient sans ambigüité que le passage du statut de scolari à celui de maestri (c’est-à-dire d’apprenti à maître) était sanctionné par un examen53. Enfin les règles de 1607 précisaient que chaque apprenti disposait d’une durée de six mois pour passer son examen, renouvelable seulement une fois en cas d’échec54. Ce même document spécifie que les chefs d’escadre devaient quant à eux passer un examen propre à leur fonction de formateur et que l’un d’entre eux devait être présent lors des examens d’artilleur. Quant à la nature de cet examen, elle nous est fournie par un document des archives particulières de Giacomo Contarini portant le titre d’« examen qui se fait aux artilleurs à l’arsenal55 ». Bien que sans date, ce document remonte probablement aux années 1593-1595, lorsque Contarini fut provéditeur à l’arsenal56. Or, il présente une série de questions à poser aux artilleurs accompagnées des réponses attendues, ce qui n’est pas sans rappeler les preguntas y repreguntas faites aux apprentis artilleurs de Séville devant les juges de la casa de la contratación. À Venise, comme à Séville, le contrôle des compétences des artilleurs était avant tout un contrôle de connaissances.
Par ailleurs, il faut noter que les similitudes entre l’organisation des écoles vénitiennes et les projets de l’école de Milan sont flagrantes. À Venise, l’école fut placée sous l’autorité d’un directeur qui n’était autre 371que le chef des artilleurs de l’arsenal57. Toutefois, la taille de l’école, rassemblant 300 artilleurs, rendait la mission d’enseignement difficile à réaliser pour un seul homme. C’est la raison pour laquelle il était secondé par douze « capi di squadra », chefs d’escadre, chacun à la tête d’un groupe de 25 individus58. Il s’agissait précisément du chiffre indiqué en 1578 dans le projet de l’école d’artilleurs de Milan proposé par le capitaine Jorge Manrique59. Il n’y a ici que peu de place pour la coïncidence. Le projet de création d’une école d’artilleurs à Milan s’inspirait clairement du modèle des voisins vénitiens. Le vocabulaire employé par les agents de la Monarchie hispanique traduisait en castillan les vocables vénitiens scuola/escuela, scolari/escolares, capi di squadra/cabo de escuadra, etc. Le système de rémunération du projet milanais reprenait presque à l’identique celui de la Sérénissime où le directeur et les chefs d’escadre recevaient un salaire, tandis que les apprentis bénéficiaient simplement de privilèges, notamment le port d’armes ainsi qu’une exemption de taxe d’environ deux ducats60. L’idée que l’école de Milan fût une sorte de réserve d’artilleurs dont l’État pouvait se servir selon ses besoins correspondait aussi précisément au rôle des écoles vénitiennes. À Venise, les artilleurs devenus maîtres après avoir passé leur examen étaient prioritaires pour les postes de garnisons en Terra Ferma61. De même, tous les membres des écoles d’artilleurs avaient un devoir de service et ne pouvaient s’absenter sans autorisation des provéditeurs à l’artillerie62. Autrement dit, les projets successifs d’implanter une école d’artilleurs à Milan furent autant de tentatives d’intégrer à l’administration militaire de Lombardie une institution vénitienne que certains agents du roi d’Espagne considéraient comme particulièrement intéressante.
372Le modèle vénitien des écoles d’artilleurs s’exporta-t-il en dehors du duché de Milan ? L’intérêt du cas milanais réside dans le fait que les sources révèlent un lien explicite entre les projets de création d’une école d’artilleurs et les institutions en place dans les États voisins au premier chef desquels figuraient les Vénitiens. Les informations concernant ces écoles circulaient toutefois très probablement dans tout l’empire à travers divers moyens. D’abord, il faut rappeler l’importante circulation des individus. Comme l’a montré le troisième chapitre, les flottes atlantiques employaient une certaine proportion d’artilleurs vénitiens qui durent sans aucun doute parler de ces institutions63. Comment évaluer par exemple l’influence d’un certain Maestro Gerónimo, vénitien d’origine, qui servait en tant que condestable sur les principaux galions de la carrera de Indias64 à l’époque de la création de l’école de Séville ? Vu sa position remarquable parmi les artilleurs des flottes transatlantiques, il connaissait certainement Andrés de Espinosa, l’homme à l’origine de la création de l’école sévillane, qui avait lui aussi servi dans les mêmes flottes. D’ailleurs, quelques années après la création de l’école, on retrouvait ce même Maestro Gerónimo sur le terrain d’entraînement65. Des informations sur les écoles d’artilleurs furent également échangées entre les têtes de l’administration militaire de la Monarchie, puisque les gouverneurs successifs de Milan informèrent le roi et les conseillers madrilènes de leurs initiatives. Un exemple plus tardif (1604) de tels échanges apparaît dans une lettre du capitaine général don Juan de Acuña dans laquelle il raconte s’être inspiré d’un papier du gouverneur de Milan pour réformer certaines écoles d’artilleurs de la péninsule ibérique66.
Enfin, l’imprimerie contribua également à la diffusion du modèle vénitien. L’un des traités d’artillerie les plus connus de l’époque, publié à Milan par Luis Collado en 1592, proposait ainsi des règles de fonctionnement pour les écoles d’artilleurs67. Sa manière de traiter du sujet montre qu’à son époque, les écoles d’artilleurs étaient devenues des institutions relativement courantes. Collado, expliquait ainsi qu’en général, 373ces écoles possédaient un terrero, terrain de tir d’environ 300 pas de long, doté de cibles en bois. Un cabo maestro ou chef instructeur était chargé de superviser les tirs, mais aussi de donner un enseignement théorique aux élèves. Un majordome, souvent sans salaire, était responsable du matériel. Il gagnait sa vie en vendant la poudre et les balles aux apprentis qui souhaitaient pratiquer en dehors des cours, ainsi qu’aux nombreux aventuriers ayant un goût pour l’artillerie et souhaitant simplement tirer pour le plaisir, sans faire partie de l’école. Enfin, Luis Collado fournissait un ensemble de règles de vie pour cette communauté, dont un certain nombre d’œuvres pieuses dédiées au culte de Sainte Barbe, ce qui démontre une fois de plus l’intrication entre lieu d’enseignement et confrérie religieuse. Or, à la fin de son exposé, Luis Collado couvrit de louanges le modèle vénitien des écoles d’artilleurs, le meilleur selon lui, et sans aucun doute sa principale source d’inspiration. Son traité, écrit en castillan, adressé au roi Philippe II et tiré à de nombreux exemplaires, contribua sans doute à diffuser dans l’empire espagnol le concept d’école d’artilleurs qui avait émergé en Italie quelques décennies plus tôt. Néanmoins, comme la suite de ce chapitre le montrera, l’apparition des écoles d’artilleurs dans l’empire espagnol fut un phénomène complexe, dépassant le seul emprunt aux écoles vénitiennes.
Le duc de Terranova, promoteur d’écoles
en Sicile et à Milan
La mise en place d’écoles d’artilleurs pérennes dans les États italiens de la Monarchie hispanique fut le résultat de l’action d’un personnage politique de premier plan : Carlo d’Aragona e Tagliavia, duc de Terranova. Né à Palerme vers 1530, Carlos de Aragon, comme il est souvent nommé dans les sources castillanes, venait de la très haute aristocratie sicilienne, descendant d’une branche bâtarde de la famille royale des Aragon de Sicile68. Son père, Juan de Tagliavia, seigneur de Castelvetrano et marquis de Terranova, avait assumé à deux reprises le rôle de président et capitaine général du royaume de Sicile. Carlos 374était quant à lui parvenu à collectionner les titres puisqu’il était devenu prince de Castelvetrano69, duc de Terranova, marquis d’Avola et comte de Borghetto. Il était sans aucun doute l’un des personnages les plus puissants de Sicile, portant les titres de Grand Amiral et de Grand Connétable du conseil de Sicile70. Ses réseaux s’étendaient bien au-delà de son île natale puisqu’il était un proche du puissant entrepreneur génois Gian Andrea Doria, perçu comme l’un des cinq principaux acteurs du « parti de la guerre » au conseil d’État du roi Philippe II, à Madrid71. Il jouissait indéniablement de la confiance de son souverain qu’il servit en tant que président de Sicile72 entre 1566 et 1568, et entre 1571 et 1577, puis en tant que vice-roi de Catalogne (1581-1582) et enfin en tant que gouverneur du duché de Milan de 1583 à 1592. Lorsqu’en 1578, l’empereur Rodolphe proposa de présider, à Cologne, une réunion avec les députés des États rebelles des Pays-Bas en vue d’une pacification, ce fut le duc de Terranova que Philippe II choisit comme son représentant pour mener les négociations73. Preuve ultime de la satisfaction de ses services, il obtint du roi, en décembre 1585, le collier de l’ordre de la Toison d’Or74. La relation de confiance entre Philippe II et cet homme à la carrière politique exceptionnelle est perceptible dans une lettre que le monarque écrivit de ses propres mains au duc en 1589 pour annoncer qu’il offrait à ce grand serviteur de la Monarchie de nombreuses grâce à ses descendants :
375La grande satisfaction que j’ai de votre personne peut se reconnaître dans la confiance que j’ai toujours eu en vous, et pour continuer de la sorte, je veux maintenant user avec Vous de mots que j’use avec peu de gens75…
L’intérêt de ce puissant personnage pour les écoles d’artilleurs émergea dans un contexte précis de crise au milieu des années 1570. Le duc de Terranova avait commencé sa carrière au service de la Monarchie hispanique par la voie militaire, prenant part à l’entreprise d’Alger en 1541 puis aux guerres en Allemagne et dans le nord de la France jusqu’à la fin des années 155076. Entre 1566 et 1568, il obtint son premier véritable rôle politique important, celui de président de Sicile, assumant, sans en avoir le titre, la fonction de vice-roi. En 1571, juste après la victoire de Lépante, il fut nommé pour la seconde fois à cet office77. Or, la Sicile joua alors un rôle clé d’avant-poste en Méditerranée dans ces dernières années d’affrontement avec l’Empire Ottoman. Dans l’espoir de tirer quelques bénéfices de la faiblesse des forces navales ottomanes suite aux lourdes pertes subies à Lépante, des projets de conquête de ports d’Afrique du nord furent discutés parmi les principaux acteurs du gouvernement de Philippe II78. La cible choisie fut la ville de Tunis, située juste en face de la Sicile, lieu stratégique permettant un verrouillage de la Méditerranée occidentale. Qui plus est, malgré la conquête de la ville par les Ottomans en 1569, les Espagnols étaient parvenus à conserver la forteresse de La Goulette contrôlant l’accès de Tunis à la mer. La Monarchie souhaitait donc y renforcer sa position. À l’automne 1573, le héros de Lépante, don Juan d’Autriche, partit à la tête d’une armée de plus de cent galères et conquit la ville sans difficulté79. Il y laissa une importante garnison, placée en partie sous le commandement de l’ingénieur Gabrio Serbelloni, qui s’était proposé de construire une forteresse près de la ville, le reste des hommes étant confié au gouverneur 376de la Goulette, Pedro Portocarrero80. Cependant, du fait de la proximité entre Tunis et la Sicile, l’approvisionnement et la sécurité de ces deux forteresses étaient placés sous la responsabilité du président de Sicile, le duc de Terranova81.
La crise survint toutefois en 1574, lorsqu’une gigantesque flotte ottomane fut envoyée pour chasser les Espagnols de Tunis et la Goulette. Ces deux places fortes étaient de taille tout à fait exceptionnelle, considérées comme imprenables par les experts de l’époque. Leur artillerie s’y comptait en dizaine de pièces82 et don Juan d’Autriche y avait laissé, après la conquête de Tunis, une garnison de 8 000 hommes83. Cependant, les effectifs envoyés par la Grande Porte étaient encore d’une toute autre échelle : selon un esclave échappé des galères turques, une armée de plus de 50 000 hommes avait été embarquée sur près de 250 navires de guerre, transportant plus d’une centaine de pièces de batterie84. Les Turcs arrivèrent le 13 juillet 1574 et se déployèrent en vue d’un long siège. La détresse des défenseurs face à l’avancée inexorable de cette immense armée est perceptible à travers la correspondance que purent entretenir Gabrio Serbelloni et Pedro Portocarrero avec le duc de Terranova, grâce au courage de quelques individus qui parvinrent régulièrement à se glisser, de nuit, par barque, entre les galères du blocus ottoman85. Subissant de lourdes pertes, complètement débordés par les forces ottomanes, ces deux commandants ne cessèrent de demander en vain une aide extérieure86. Après seulement quelques semaines de siège, le 25 août, 377l’armée ottomane lança un dernier assaut qui emporta la Goulette, laissant seulement 73 survivants parmi les 2 800 hommes que comptait à l’origine la garnison87. Le 13 septembre, Gabrio Serbelloni rendit à son tour le fort qu’il venait de construire à Tunis quelques mois plus tôt.
Il s’avère que, lors de ce siège, la problématique de disposer d’un nombre suffisant d’artilleurs apparut comme un enjeu essentiel. La forteresse de la Goulette disposait au début de l’année 1573 de 34 artilleurs, un maître artilleur et un capitaine d’artillerie, auxquels le duc de Terranova ajouta en avril 1573 un renfort de dix artilleurs siciliens88. Cependant, lors des combats, ces artilleurs furent systématiquement pris pour cibles par les tirs ottomans. Le 26 juillet, le commandant Pedro Portocarrero informa ainsi Terranova qu’il avait perdu déjà deux artilleurs sans compter les blessés89. Le 6 août, il ne lui restait plus que neuf artilleurs, et le fort de Tunis n’en avait plus que huit, de sorte qu’il devenait difficile, d’après le commandant Portocarrero, d’utiliser l’artillerie90. Ce constat alarmant fut réitéré de vive voix par le capitaine Pedro de Loaysa qui, après s’être échappé du siège le 9 août 1574, confirma au duc de Terranova qu’il n’y avait plus que huit artilleurs survivants à la Goulette91. Malgré des ressources et une marge de manœuvre limitées, Terranova chercha des solutions de secours. Vers le 10 août, il envoya d’urgence à la Goulette, dans une petite embarcation, huit artilleurs sous le commandement du capitaine Federico Venusta dont le duc louait les aptitudes92. La relation d’un ragusain échappé du camp turc confirma à Terranova que l’envoi de ces artilleurs contrecarrait la tactique des Turcs qui cherchaient à réduire à néant la capacité de feu 378de la Goulette et qui, soudainement, souffraient en particulier de l’un d’entre eux – s’agissait-il du fameux Venusta ? – « faisant de nombreux artifices de feu93 ». Entre temps, Terranova avait préparé l’envoi de deux galères, qu’il était prêt à risquer afin de faire entrer en renforts dans la Goulette 300 soldats et 21 artilleurs, chiffre qu’il n’avait pu atteindre, selon ses dires, qu’au prix de grands efforts94. Parties le 16 août, ces galères souffrirent de mauvais vents et ne purent parvenir à destination avant la prise de la Goulette le 25 août95.
Les conséquences immédiates de la perte de ces deux forteresses furent un traumatisme important mêlé à des craintes d’une invasion ottomane, en particulier en Sicile qui se trouvait si proche du lieu des combats. Informé dans les moindres détails de ce qui s’était passé à la Goulette, le duc de Terranova était alors parfaitement conscient de la vulnérabilité de l’île dont il avait le commandement. En complément des plans préventifs du conseil d’État (envoyés depuis Madrid) visant à renforcer les garnisons siciliennes et napolitaines96, Terranova lança quelques procédures d’urgence pour la défense du royaume97. Portant principalement sur l’artillerie et les munitions, ses ordres montrent qu’il avait clairement su tirer une leçon des combats à la Goulette : il était indispensable de disposer d’artilleurs qualifiés en nombre suffisants. Il envoya l’ingénieur Locadello inspecter les effectifs d’artilleurs de toutes les forteresses et le lieutenant d’artillerie Baldassare Gago leur faire passer un examen pour vérifier leurs compétences98. Au même moment, il demanda à Locadello « d’essayer de faire une école d’artilleurs99 ». Le duc de Terranova était donc manifestement au courant, en 1575, de l’existence de ce type d’institutions, preuve que le concept circulait en Italie.
379En contraste complet avec le cas de Milan, en Sicile, face à l’urgence de la situation, le projet de création d’une école d’artilleurs devint une réalité en deux mois à peine. Début janvier 1575, une école d’artilleurs ouvrit à Palerme100. Terranova expliqua au roi qu’il aurait souhaité mettre à la tête de cette école le fameux Federico Venusta qu’il avait envoyé en renfort à la Goulette, mais que, étant donné que ce dernier était captif des Ottomans, il avait résolu de confier cette tâche à deux artilleurs espagnols, Pedro de Iniesta et Martín García. Or, il spécifia que ces hommes, tous deux servant au château de Palerme, « avaient été formés à la discipline de Milan101 ». Il faut sans doute déduire de ces mots que ces deux individus avaient pris part à la première école de Milan, celle de 1569, qui n’avait fonctionné que quelques années.
Il faut en outre remarquer que les règles de l’école de Palerme ressemblaient grandement à celles du projet milanais et donc, par extension, à celles pratiquées à Venise102. D’abord, le vocabulaire employé était très semblable, puisqu’on parlait d’une scuola d’artiglieri et que les apprentis étaient désignés sous le terme de scuolari. Comme à Milan, il s’agissait de former cent artilleurs, mais à Palerme la structure d’encadrement était plus réduite puisqu’il n’y avait que deux enseignants (appelés maestri et non pas capi), au lieu de quatre plus un directeur à Milan. Comme à Venise, l’école jouait aussi le rôle de confrérie dédiée au culte de Sainte Barbe et le recrutement visait principalement des artisans forgerons, charpentiers, maçons, fondeurs, fabricants d’armes103. Comme à Venise, à Milan et, plus tard, à Séville, l’école devait disposer d’un terrain d’entraînement sur lequel des sessions de tir partiellement financées par la Monarchie devaient régulièrement avoir lieu. Preuve qu’il y avait des cours théoriques séparés des exercices de tir, les maîtres de l’école devaient également « enseigner par des leçons la profession et doctrine du bon artilleur104 », s’appuyant sur un programme d’enseignement prédéfini dans les règles de création de l’école105. Enfin, leur formation 380était sanctionnée par le passage d’un examen devant les maîtres de l’école ainsi que le lieutenant du capitaine général de l’artillerie. Comme dans les autres exemples d’écoles, les apprentis jouissaient du privilège de port d’armes, ainsi que de quelques exemptions, très proches, en réalité, de celles octroyées aux artilleurs de la péninsule ibérique, ce qui pourrait être le résultat de la participation active des deux maîtres espagnols à l’élaboration des règles de l’école. Enfin, ces artilleurs étaient bien censés constituer, comme à Milan et à Venise, une réserve d’artilleurs disponibles selon les besoins de la Monarchie puisque les apprentis devaient jurer de servir sur terre ou sur mer n’importe où la cour royale de Sicile le leur ordonnerait106.
Non seulement cette institution s’inscrivit-elle dans le temps, mais son succès fut confirmé par l’ouverture d’autres écoles siciliennes. Ainsi, en 1591, il y avait des écoles d’artilleurs à Palerme, à Messine, à Trapani et à Syracuse107. Probablement créées dans les années qui suivirent l’ouverture de l’école de Palerme, ces écoles avaient été logiquement établies dans les principales garnisons de l’île, celles qui possédaient le plus grand nombre de pièces d’artillerie108. Ces institutions constituaient d’importantes réserves d’artilleurs compte tenu de la modeste taille du territoire. Ainsi, en 1591, le personnel de l’école de Palerme, initialement composé de deux maîtres, avait été augmenté d’un cabo de escuela, c’est-à-dire un directeur d’école109. Ce développement laisse supposer que les effectifs initiaux de l’école, d’une centaine d’apprentis, avaient été probablement dépassés dans les années suivantes, justifiant l’emploi d’un troisième homme. À Trapani, le directeur de l’école, Alonso de Salamanca, d’origine espagnole et faisant partie des rares survivants du siège de la Goulette, enseignait avec l’aide d’un autre maître à un ensemble de 70 apprentis110. Avec le même encadrement, l’école de Messine devait sans doute accueillir un nombre comparable d’élèves. Enfin, celle de Syracuse était probablement de taille plus modeste, avec seulement un maître d’école. En d’autres termes, ces quatre écoles représentaient 381une importante réserve d’environ 300 artilleurs non payés, mais deux à trois fois plus nombreux que les artilleurs payés par la Monarchie en garnison sur l’île111.
Pourquoi ce territoire disposait-il de tant d’écoles à l’heure où la menace ottomane déclinait sensiblement ? D’abord, il faut noter que, malgré la diminution de la pression ottomane, la Sicile resta le principal avant-poste méditerranéen de la Monarchie hispanique. Ainsi, en 1591, le comte d’Alba de Liste, qui occupait la fonction de vice-roi, justifiait le maintien de ces écoles par le fait que cette île constituait une « frontière » avec l’empire ottoman112. À cette époque, la Sicile disposait de plusieurs grandes forteresses et d’un escadron de douze galères qui requéraient un certain nombre d’artilleurs113. En outre, le conseil de guerre du roi reconnaissait que ces écoles, et en particulier celle de Trapani, étaient également cruciales dans la lutte contre l’intense activité des corsaires d’Afrique du nord114. Enfin, générant un surplus d’artilleurs à l’échelle locale, ces écoles permettaient d’alimenter les grands projets d’armada mis sur pied sur les côtes ibériques. Des contingents d’artilleurs siciliens furent ainsi régulièrement envoyés en Andalousie, en Galice ou à Lisbonne, pour servir dans les équipages des galions. Par exemple, au début de 1587, le vice-roi envoya en Espagne une douzaine d’artilleurs lors des préparatifs de la Grande Armada115. De tels envois durent se répéter car les documents mentionnent souvent des groupes d’artilleurs siciliens embarqués à bord des différentes armadas116. Par conséquent, il est possible de conclure que ces écoles siciliennes assuraient un double rôle, constituant une réserve défensive locale, tout en participant aussi à l’effort général de développement de la puissance navale atlantique de la Monarchie hispanique.
382Il faut par ailleurs insister sur le rôle décisif du duc de Terranova dans la mise en place des écoles d’artilleurs, en Sicile comme, plus tard, à Milan. Le succès et la rapidité de mise à exécution du projet de l’école de Palerme doivent sans aucun doute être attribués à ce personnage politique de premier plan qui disposait d’un pouvoir local important. En 1583, Terranova arriva avec le titre de gouverneur117 à Milan où, comme cela a été expliqué plus haut, les projets d’ouverture d’une école d’artilleurs avaient traîné en longueur depuis près de vingt ans. Dès les premiers mois, il manifesta au roi la nécessité d’ouvrir une école, signe qu’il était particulièrement sensible à l’importance stratégique de la formation des artilleurs :
Il me paraît fort nécessaire […] que tous les artilleurs s’exercent régulièrement et aient une école, pour qu’ils enseignent à d’autres que l’on pourra ainsi assigner aux postes vacants118.
Avec l’aide du capitaine général de l’artillerie don Jorge Manrique, Terranova reconstitua l’historique des projets de création d’écoles d’artilleurs à Milan. En 1585, il envoya au roi tout un dossier à ce sujet, afin d’obtenir un soutien politique et financier de Madrid119. Il y a fort à parier que nulle autorité locale n’osa s’opposer à un projet qui était poussé par un homme arrivé au sommet de sa puissance – il reçut le collier de la Toison d’Or exactement à la même période120. Le poids politique de ce grand personnage conjugué à son intérêt particulier pour la formation des artilleurs – acquis suite au siège traumatique de la Goulette en 1574 – expliquent sans doute pourquoi ce gouverneur de Lombardie réussit là où ses prédécesseurs avaient échoué. Une école d’artilleurs fut donc créée à Milan, qui existait encore une dizaine d’années plus tard, en 1596121.
En 1604, la formation des artilleurs du duché de Milan prit une nouvelle échelle puisque le comte de Fuentes, alors gouverneur, fit ouvrir 383trois nouvelles écoles dans les principales garnisons du territoire : à Pavie, Alexandrie et Crémone122. Leur fonctionnement, bien que peu détaillé dans les sources, suivait le concept habituel de formation d’artilleurs sans salaire mais jouissant de privilèges et servant de réserve dès que le besoin se faisait sentir. En tout, avec l’école de Milan, les quatre centres de formation constituaient une réserve de deux cents artilleurs non payés, venant s’ajouter aux quelques dizaines d’artilleurs payés servant dans les garnisons du duché123. Ainsi, au début du xviie siècle, la Sicile et la Lombardie s’étaient dotées chacune de quatre écoles d’artilleurs servant à la fois des objectifs défensifs locaux et permettant d’alimenter partiellement les flottes atlantiques extrêmement demandeuses en artilleurs. Pendant ce temps, le modèle des écoles d’artilleurs s’était également exporté dans d’autres territoires de la Monarchie hispanique, à l’image de Séville. Il s’agit par conséquent maintenant de comprendre comment s’est développé et institutionnalisé l’enseignement de l’artillerie dans d’autres espaces du vaste conglomérat d’États réunis sous l’autorité du roi d’Espagne.
Pratiques d’enseignement et d’examen
dans la péninsule ibérique
Si le développement précédent s’est attaché à mettre en évidence l’émergence des premières écoles d’artilleurs en Italie, cette seconde partie se propose quant à elle de déplacer la focale de l’analyse vers la péninsule ibérique. Il s’agira dans un premier temps de montrer que, bien que les sources n’emploient pas le terme d’escuela, des pratiques de formation et d’examen des artilleurs relativement proches de celles décrites dans les écoles italiennes existaient déjà en Espagne depuis au moins le milieu du xvie siècle. Ceci indique donc qu’il n’est pas possible d’établir un lien généalogique certain entre les écoles d’artilleurs italiennes et espagnoles. Par conséquent, dans un second temps, cette partie souhaite s’interroger sur les différentes sources d’inspiration potentielles 384des pratiques en usage parmi les artilleurs d’Espagne, en observant ce qui se passait pour d’autres professions telles que les pilotes ou certains groupes d’artisans. De cette manière, il devrait apparaître clair que les pratiques d’enseignement et d’examen d’artilleurs émergèrent dans un contexte élargi de transformation, à la Renaissance, des pratiques d’apprentissage parmi de nombreuses professions.
Des pratiques d’enseignement et d’examen
avant les écoles
En Espagne, à l’exception notable du cas de Séville, l’expression escuela de artilleros ne se rencontre pas dans les sources avant la fin des années 1580. Il ne faudrait toutefois pas en conclure que les artilleurs d’Espagne ne recevaient aucune formation avant cette date. En réalité, depuis au moins le milieu du xvie siècle, certaines places fortes de la péninsule ibérique organisaient un entraînement des artilleurs en garnison et la pratique de l’examen se retrouve même mentionnée dans des documents du début du xvie siècle. Par conséquent, pour comprendre l’émergence des écoles d’artilleurs, il est nécessaire de prendre la mesure de ce que furent ces pratiques d’enseignement et d’examen avant l’existence d’écoles à proprement parler.
Le meilleur exemple d’existence d’un centre de formation d’artilleurs sans emploi du mot escuela est certainement la garnison de Burgos. Comme le second chapitre l’a montré, le château de Burgos, en plus d’accueillir une fonderie, était un lieu central d’administration de l’artillerie124. Un corps de 60 artilleurs, appelés « de Burgos » parce qu’ils étaient attachés à cette garnison, jouissaient du salaire du roi moyennant le respect d’un certain nombre de règles dont l’objet principal était l’entraînement. Il s’agissait d’une pratique institutionnalisée vers les années 1540 et qui demeura presque inchangée tout au long du xvie siècle125. Ces 60 artilleurs étaient divisés en trois groupes de 20, chacun sous l’autorité d’un chef d’escadron. Un système de rotation obligeait chaque groupe à être présent quatre mois de l’année, de sorte qu’il y avait toujours 20 artilleurs à Burgos.
385Or, cette présence à Burgos se justifiait non pas par les impératifs de défense du château mais par l’obligation qu’avaient ces artilleurs de s’entraîner126. Les sources insistent de manière récurrente sur le fait qu’ils devaient abilitarse, c’est-à-dire se rendre aptes à la profession. Des détails sur le contenu de cet entraînement apparaissent clairement dans les sources. Ainsi, les artilleurs devaient voir comment les pièces étaient fabriquées dans la fonderie et comment la poudre était préparée par les spécialistes présents à Burgos. Mais surtout, ils devaient s’entraîner au tir d’artillerie sur un terrain d’entraînement, le terme le plus courant dans les sources, exercitarse, faisant référence à des exercices pratiques. En outre, les nouveaux venus devaient rester non pas seulement quatre mois mais toute une année, afin de se perfectionner dans l’art, jouissant de la moitié du salaire des autres. Autrement dit, dans sa logique de fonctionnement, la garnison d’artilleurs de Burgos tendait à se rapprocher du système des écoles que l’on trouvait dans les territoires italiens. D’abord, comme dans les écoles italiennes, l’une des motivations principales des participants était de bénéficier de privilèges. La première grande ordonnance royale sur les privilèges des artilleurs en Espagne (1553) concernait spécifiquement ceux de Burgos127. Qui plus est, l’objectif annoncé était là aussi de constituer une réserve d’artilleurs prêts à servir dans les grandes opérations militaires de la Monarchie128. Et c’est exactement ce qui se passait dans les faits. Ainsi par exemple en 1580, trente artilleurs de Burgos furent appelés à joindre l’armée d’invasion du Portugal129. De même, un groupe de vingt artilleurs de Burgos, sous le commandement du maître Juan Zorrilla fut embarqué dans l’un des plus grands galions de l’Invincible Armada130. On retrouve encore trente d’entre eux en 1591 dans l’armée destinée à réprimer le soulèvement de l’Aragon131.
Burgos n’était pas la seule garnison à servir de centre de formation pour les artilleurs. Ainsi les comptes des années 1550 de la garnison de 386Barcelone affichent des dépenses mensuelles de poudre donnée aux artilleurs para exercitarse y abilitarse132. Toujours avec le même vocabulaire, dans les années 1570, des documents comptables révèlent que les artilleurs de Fontarrabie, Saint-Sébastien et Pampelune avaient des dépenses mensuelles de poudre para su abilitación, ce qui indique que des exercices de tir y avaient lieu133. Il est par conséquent manifeste que ces grandes garnisons de la frontière pyrénéenne opéraient également comme des centres de formation, possédant chacune entre vingt et trente artilleurs. Ces contingents constituaient bien sûr un élément défensif important de ces forteresses face au royaume de France. Néanmoins, ils jouaient parfois aussi, tout comme Burgos – et les écoles italiennes – le rôle de réserve à la disposition des grands projets de la Monarchie. Ainsi, le chef des artilleurs de Fontarrabie dut former et accompagner un contingent d’artilleurs dans l’armada de Santander préparée et avortée en 1574134. De même, Pedro de Veynca, artilleur de la garnison de Saint-Sébastien, participa à la bataille des Açores (1582) et à la Grande Armada (1588) dans l’escadron de Guipúzcoa de Juan Martinez de Recalde135. Autre exemple, un groupe d’une dizaine d’artilleurs de Pampelune fut embarqué dans une flotte réunie au Ferrol en 1589 en protection des attaques anglaises136.
En outre, la plupart des petites garnisons, même si elles ne généraient pas de surplus d’artilleurs, mettaient tout de même en jeu des pratiques d’entraînement impliquant des sessions de tirs sur cible. Les documents comptables prouvent en effet que, dès les années 1570, dans de petites places telles que Estella en Navarre (3 artilleurs) ou encore Gibraltar (7 artilleurs), des exercices de tirs avaient régulièrement lieu afin d’entraîner les artilleurs137. De même, une ordonnance royale de 1580 obligeait tous les ports fortifiés des Indes à disposer d’un terrain d’entrainement au tir pour leurs artilleurs :
387Nous ordonnons aux gouverneurs et capitaines généraux des ports où il y aurait des forteresses ainsi qu’aux châtelains qu’ils fassent très attention à ce que dans chaque fort il y ait un terrero (terrain d’entraînement) où les artilleurs puissent régulèrement s’exercer au tir138.
Il faut par conséquent considérer que les pratiques de tir sur un terrero étaient relativement courantes dans la plupart des places fortes de la Monarchie dans la seconde moitié du xvie siècle. Ces modestes garnisons assuraient le rôle de centre de formation à l’artillerie à une échelle locale tandis que les grandes garnisons de Burgos et de la frontière pyrénéenne, parce qu’elles étaient capables de générer des surplus de main d’œuvre qualifiée, servaient les desseins de la Monarchie à plus grande échelle.
Enfin, un modèle alternatif de formation des artilleurs existait à Malaga. Comme le second chapitre l’a montré, cette ville était le principal centre de production d’artillerie d’Espagne139. La Monarchie y entretenait également une milice de 50 artilleurs qui servaient sans salaire, uniquement pour bénéficier des privilèges d’artilleurs140. D’après le capitaine général de l’artillerie, la plupart d’entre eux travaillaient en ville comme charpentiers, menuisiers, maçons ou forgerons et se rassemblaient pour l’entraînement certains dimanches. Or, ce contingent d’artilleurs ne constituait pas seulement une garnison défensive bon marché. Ils étaient en effet parfois réquisitionnés pour participer à certaines opérations, comme ce fut le cas en 1579, lorsque le capitaine général Francés de Álava demanda à une trentaine d’entre eux de servir dans l’entreprise d’invasion du Portugal141. Bien que le mot escuela ne soit pas prononcé dans les sources, ce système d’organisation des artilleurs de Malaga fait bien entendu étrangement penser au fonctionnement des écoles italiennes.
Les pratiques d’enseignement au sein de ces garnisons étaient-elles donc équivalentes à celles en usage dans les véritables escuelas de artilleros ? La réponse est de toute évidence positive concernant la dimension pratique de l’enseignement. Tout comme les écoles, les garnisons 388d’artilleurs réunissaient apprentis et vétérans autour de sessions de tir sur un terrain d’entraînement. En revanche, la dimension théorique de l’enseignement est, comme toujours, plus difficile à cerner. Le cas de la garnison de Perpignan offre quelques éléments de réflexion intéressants à ce sujet. Faisant partie du système de défense contre le royaume de France, la forteresse de Perpignan était l’une des plus lourdement armées de tous les territoires de l’empire espagnol, possédant près de 120 pièces et une garnison de 36 artilleurs pour s’en occuper142. Comme dans les autres garnisons, les documents comptables attestent, dès les années 1560, de l’existence d’exercices de tir pour les artilleurs environ une fois par semaine143. Par chance, ces documents sont accompagnés d’une instruction de 1560 fournissant des indications sur les détails de la formation des artilleurs144. Il y est inscrit notamment que les sessions de tir s’effectuaient habituellement avec des pièces très légères, de type falconete, mais que, pour que offrir aussi une expérience avec d’autres armes, certains exercices intégraient des pièces plus lourdes de type sacres ainsi que des mortiers. De plus, leur formation allait au-delà du seul exercice de tir puisqu’ils devaient également s’entraîner à fabriquer de la poudre et étaient encouragés à pratiquer la construction de mines remplies d’explosifs pour saper les murailles. Enfin, en accompagnement de ces documents se trouve un feuillet de quelques pages dans lequel ont été couchées par écrit de nombreuses connaissances sur l’art de l’artilleur145. La présence de ce feuillet aux allures de manuel dans un ensemble de documents plus généralement dédiés à l’entraînement des artilleurs laisse penser qu’en plus d’un enseignement purement pratique, oral et gestuel, des connaissances étaient construites, formalisées, discutées, échangées au sein de ces forteresses146. Néanmoins, dans les garnisons, cette composante plus théorique de la formation des artilleurs n’eut certainement pas de caractère formel ni systématique avant les dernières années du xvie siècle, au moment où le mot escuela devint partie intégrante du vocabulaire des officiers militaires de la Monarchie, comme cela sera montré plus loin.
389Troisième pilier de la formation proposée dans les écoles en Italie et à Séville, la pratique de l’examen remontait au début du xvie siècle en Espagne. La première mention de cette pratique se trouve dans l’instruction de 1501 donnée à Mosen San Martín, proveedor et veedor general del artillería (ancêtre de l’office de capitaine général de l’artillerie) qui avait la charge
d’examiner tous les fondeurs, artilleurs, bombardiers et tireurs, pour renvoyer ceux d’entre eux qu’il ne trouverait pas abiles (capables)147.
L’officier à la tête de l’artillerie des Rois Catholiques disposait donc de cette prérogative de l’examen permettant de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire d’identifier les artilleurs abiles de ceux qui ne l’étaient pas. Néanmoins, l’instruction suggère qu’il s’agissait plus d’une procédure de vérification après coup que d’un rituel de passage systématique auquel tout individu devait se soumettre pour obtenir un poste d’artilleur. Il faut en outre noter que dans les faits, cette prérogative de l’examen d’artilleur était déléguée à des subalternes. Ainsi par exemple, en 1545, Francisco de Rojas, lieutenant du capitaine général de l’artillerie, fut envoyé faire passer des examens aux artilleurs des garnisons de Fontarrabie et Saint-Sébastien148.
Il est peu probable que cette pratique de l’examen ait eu un caractère systématique dès la première moitié du xvie siècle, mais son usage se répandit de sorte qu’elle devint souvent la norme pour obtenir une place d’artilleur dans la seconde moitié du xvie siècle. Notons d’abord que la prérogative octroyée à Mosen San Martin en 1501 figura plus tard dans les instructions de tous les capitaines généraux de l’artillerie149. Cette prérogative se traduisait dans les faits par un contrôle des compétences des individus accédant aux postes d’artilleurs. Ainsi par exemple, dès les années 1560, les artilleurs de la forteresse de Perpignan devaient systématiquement passer un examen devant des artilleurs vétérans afin de valider l’acquisition de leur office150. Au château San Felipe de 390Mahon, sur l’île de Minorque, les artilleurs devaient régulièrement passer un examen en présence du veedor – c’est-à-dire du contrôleur royal151. L’examen était même en vigueur dans les petites garnisons, telles que Salses, avec seulement quatre artilleurs152. En outre, cette pratique n’était pas répandue que dans les places fortes mais aussi au sein des armadas : en 1586, tandis que le capitaine Juan Martínez de Recalde recrutait ses équipages pour préparer un nouvel escadron de galions, il demanda au roi qu’on lui fournît un homme capable d’examiner les artilleurs153. Enfin, certains cas particuliers montrent l’importance que le haut commandement accordait à cette pratique dans les dernières décennies du xvie siècle. À Pampelune, le conseil de guerre exigeait des aspirants aux places d’artilleurs le passage d’un examen devant le vice-roi de Navarre, premier représentant du roi sur place154, ce qui n’était pas sans rappeler les examens à Séville, qui avaient lieu, quant à eux, devant les juges de la casa de la contratación155. En d’autres termes, le contrôle des compétences des artilleurs devint, durant le xvie siècle, non seulement une prérogative théorique du pouvoir royal mais une pratique courante jugée nécessaire par le haut commandement militaire.
Les raisons du développement de cette pratique de l’examen sont multiples. D’abord, du point de vue de la Monarchie et du conseil de guerre, l’examen était bien évidemment perçu comme un moyen de contrôler les compétences d’hommes placés à des postes à la fois dangereux et essentiels. Cet enjeu de la fiabilité des artilleurs augmenta proportionnellement au nombre d’artilleurs au service de la Monarchie hispanique. Non seulement le risque devenait généralement plus élevé du 391fait de la prolifération de l’artillerie, mais encore la pression grandissante exercée sur un ensemble de ressources humaines limitées forçait à recourir à des individus dont la fiabilité et les compétences étaient douteuses. La pratique de l’examen tâchait de fixer de la sorte une limite basse de recrutement, garantissant un minimum de sécurité et d’efficacité dans l’utilisation de l’artillerie. Il ne faudrait toutefois pas exagérer cette interprétation considérant l’examen comme un moyen de contrôle social par le pouvoir monarchique. Les artilleurs furent probablement complices de ce changement. Le chapitre précédent sur l’école de Séville a en effet tenté de fournir une interprétation socio-anthropologique à cette pratique s’apparentant à un rite de passage. Dans cette perspective d’analyse, la pratique de l’examen peut être interprétée comme un artefact fabriqué par les artilleurs eux-mêmes, construisant une communauté, une corporation s’intégrant et fusionnant avec les structures, alors émergentes, de l’administration militaire de la Monarchie. L’examen, pratique liminale, était un puissant instrument de distinction sociale permettant de justifier un accès au service rémunéré du roi ainsi que la jouissance de nombreux privilèges socio-économico-juridiques. Mais alors, quelle était la nature de cette limite entre l’artilleur et le profane mise en place par la pratique de l’examen ?
Il est difficile de cerner avec précision le degré d’homogénéité des pratiques d’examens d’artilleurs. Malheureusement, bien que les mentions d’examens soient fréquentes dans les sources, la forme et le contenu de la procédure ne sont pour ainsi dire jamais décrits. Il faut toutefois noter qu’une phraséologie caractéristique se développa autour de ces pratiques, suggérant, d’une part, leur fréquence et, d’autre part, leur relative homogénéité. D’abord, le contrôle des compétences était désigné, en castillan, par un unique mot, examen – parfois sous la forme desamen – et ses variantes verbale (examinar) et qualificative (examinado). Le résultat attendu de ce contrôle était presque toujours exprimé avec les mêmes termes dans les sources qui viennent d’être citées : un examen était mené pour savoir si un individu était abil y suficiente ou s’il avait la suficiencia y abilidad pour être artilleur. À ce couple venait parfois se greffer d’autres mots tels que platico ou esperto, renvoyant eux aussi aux aptitudes de l’artilleur. À Palerme, le capitaine général de l’artillerie, qui était en charge, d’après les règles de l’école d’artilleurs, d’examiner les nouvelles recrues, employait exactement les 392mêmes expressions pour qualifier cette activité156. De même, ces mots sont précisément ceux qui étaient utilisés dans les comptes rendus d’examens d’artilleurs à Séville157.
Comme le chapitre précédent l’a mis en évidence, les examens d’artilleurs prenaient, à Séville, la forme de questions et réponses portant sur les savoirs du candidat. Faut-il déduire de cette ressemblance de vocabulaire que la pratique de l’examen transformait partout le contrôle des compétences en contrôle des connaissances ? Certains détails présents dans les sources permettent de mettre en doute la spécificité du cas sévillan sur ce point. Ainsi, à Perpignan le 16 mars 1563, les artilleurs Juan Navarro et Toribio de Escobedo procédèrent à l’examen de Pasqual de Vera, enregistrant l’acte de la manière suivante :
Nous examinons Pasqual de Vera pour vérifier s’il est abil y suficiente (capable et compétent) afin de servir sa Majesté au poste d’artilleur qu’il vient d’obtenir et il doit donc montrer comment il tire et s’il connaît toutes les autres choses relevant du service de l’artillerie158.
Ce document met clairement en évidence que le candidat devait non seulement savoir faire feu avec une pièce d’artillerie, mais qu’il devait aussi posséder les connaissances adéquates. De même, le veedor (inspecteur) de Minorque expliquait au conseil de guerre en 1589 qu’il avait plusieurs fois assisté aux examens de l’artilleur Sébastian Soler, et que ce dernier avait toujours « bien rendu compte de ce qu’il était obligé de savoir en raison de son office159 ». Il semble par conséquent raisonnable d’admettre que la pratique de l’examen consistait à vérifier les aptitudes d’un individu à travers un contrôle de ses connaissances au moins tout autant que de ses compétences.
393Il faut par ailleurs souligner l’intime relation, dès la première moitié du xvie siècle, entre la pratique de l’examen et la formation donnée aux artilleurs. Par exemple, en 1545, trois artilleurs du roi furent envoyés à Fontarrabie pour former quelques individus de cette garnison160. Pendant quatre mois, ils devaient « leur montrer comment tirer avec les pièces d’artillerie, comment fabriquer de la poudre et bien d’autres choses requises pour l’office d’artilleur161 ». Passé ce délai, ces trois enseignants étaient censés s’assurer que chacun de leurs élèves était abil y suficiente – synonyme d’examen, même si le mot ne figure pas dans la source – et renvoyer ceux qui ne le seraient pas. D’ailleurs, ce lien indissociable entre enseignement et examen trouve un écho étymologique dans le vocabulaire employé puisque l’entraînement et la formation des artilleurs dans les garnisons étaient souvent désignés par le vocable abilitación tandis que l’examen jugeait de l’abilidad du candidat. Ainsi, dans le courant du xvie siècle, formation et examen devinrent deux faces d’une même pièce. Toutefois, apparaissant plus tôt dans les sources, la pratique de l’examen semble avoir été une force motrice dans la mise en place de structures de formation des artilleurs. Ce fut clairement le cas à Milan, où les examens d’artilleurs se pratiquaient bien avant l’établissement définitif de l’école162. D’autre part, même après la création de l’école milanaise, les pratiques d’examen s’étendaient au-delà du cadre de l’école puisqu’en 1589, l’ingénieur Luis Collado dut par exemple examiner à Milan des artilleurs engagés en Allemagne et envoyés en Espagne163.
En d’autres termes, les écoles qui émergèrent dans les années 1570 à Séville, à Milan et en Sicile, puis dans les années 1590 dans la péninsule ibérique, furent donc bien souvent construites à partir de pratiques et même de structures déjà en place depuis au moins le milieu du xvie siècle. Certes l’encadrement de la formation des artilleurs n’était pas aussi formalisé, systématique ni institutionnalisé que dans le cas des écoles d’artilleurs, mais force est de constater que de nombreux éléments de 394fonctionnement de ces écoles existaient antérieurement. Dans la plupart des garnisons de l’empire espagnol, un enseignement pratique avec des sessions de tir sur un terrain d’entraînement (le terrero) fut mis en place dans la seconde moitié du xvie siècle. Parfois, cet enseignement intégrait même une dimension théorique, comme c’était manifestement le cas à Perpignan. En outre, les plus grandes garnisons de la péninsule ibérique incarnaient le rôle des futures écoles, générant des surplus d’artilleurs utilisables par la Monarchie lors de ses grandes opérations militaires. Ces ressemblances entre garnisons et écoles prouvent combien il est difficile d’identifier et de délimiter des structures d’enseignement encore fort malléables et relativement hétérogènes car en processus de construction. Enfin, il faut insister sur l’importance de l’examen dans ce phénomène de construction. Cette pratique était l’aboutissement de la formation, son objectif, et c’est sans aucun doute autour d’elle que s’établit l’enseignement. C’est la raison pour laquelle il paraît important, avant de s’intéresser à la mise en place des écoles dans les années 1590, de s’interroger sur la diffusion de cette pratique. Dans quelle mesure l’examen fut-il spécifique au monde de l’artillerie ?
Une culture de l’examen des connaissances
à la Renaissance ?
Les artilleurs ne furent pas les seuls individus soumis à l’examen au sein de l’administration militaire de la Monarchie hispanique. Ainsi par exemple, en 1577, le capitaine général de l’artillerie Francés de Álava émit des doutes quant aux compétences de Diego Sobrino, fondeur de boulets pour le compte de la Monarchie. Le conseil de guerre, qui considérait qu’une certaine inimitié entre les deux hommes remettait en question l’objectivité du général, demanda à « faire la preuve et l’examen de son abilidad (compétence)164 ». Il s’agit ici précisément du vocabulaire employé pour décrire les examens d’artilleurs. En outre, comme dans le cas des artilleurs de Séville, l’examen impliquait des démonstrations à l’aide d’instruments165. Le fondeur devait démontrer ce qu’il « savait devant quelqu’un capable de le comprendre166 ». Par conséquent, ce contrôle des compétences consistait là aussi, en un contrôle des connaissances.
395Il est essentiel de remarquer que de tels examens n’avaient rien d’exceptionnel au sein des milieux techniciens au service de l’empire espagnol. Ainsi, en 1591, le roi ordonna que les maîtres artisans de la grande fabrique d’armes de la Monarchie à Eugui, en Navarre, ne pussent être admis sans passer un examen devant des pairs et en présence du directeur de la fabrique, Lope de Elio167. Ce dernier était censé organiser ces examens, choisir les juges et donner des titres d’examens (carta de examen) après l’épreuve. Enfin, le monarque justifiait cette ordonnance par la coutume, affirmant que c’était ainsi que l’on procédait pour les autres artisans. Même les ingénieurs militaires étaient parfois concernés par ce type de pratiques. En 1589, le napolitain Marco Antonio Nicoletta, servant alors comme soldat dans une compagnie d’infanterie à Lisbonne, prétendait avoir consacré beaucoup de temps à l’étude des mathématiques, de la science des mesures, des machines et des fortifications168. Il demandait au conseil de guerre à être examiné par des ingénieurs militaires afin d’obtenir une place d’assistant d’ingénieur169. Ces multiples indices permettent d’émettre l’hypothèse que la pratique de l’examen s’étendait, à la fin du xvie siècle, à une grande partie des professions techniques de l’administration militaire, pour la plupart rassemblées sous l’autorité du capitaine général de l’artillerie170. Le rôle de grand contrôleur des compétences techniques joué par ce puissant personnage est d’ailleurs confirmé dans les instructions reçues par Francés de Álava en 1572 et Juan de Acuña Vela en 1586171.
Le capitaine général de l’artillerie n’était toutefois pas la seule autorité suprême de contrôle des compétences au sein de la Monarchie hispanique. La casa de la contratación assurait aussi cette fonction en ce qui concernait l’organisation des convois de la carrera de Indias, puisque, comme le chapitre précédent l’a mis en évidence, les examens d’artilleurs à Séville avaient lieu sous la supervision et l’autorité des juges de cette 396institution, dans le cadre d’un programme de formation mis en place en 1576. Il faut mentionner à ce propos que, déjà bien avant cette date, la casa de la contratación était impliquée dans des pratiques d’enseignement à destination de techniciens absolument essentiels au développement du trafic américain : les pilotes172. Afin d’être guidé et de suivre en toute sécurité les routes maritimes de l’Atlantique et des Caraïbes, chaque navire embarquait alors au moins un de ces experts en navigation. Dès 1508, un homme tenant l’office de piloto mayor de la casa de la contratacion était responsable de la formation de ces pilotes. L’étude d’Alison Sandman révèle que, dans la première moitié du xvie siècle, de grandes disputes eurent lieu concernant la nature de cette profession173. D’un côté, les tenants de la pratique, pour la plupart pilotes vétérans, affirmaient que le pilotage était un art s’apprenant par l’expérience de la navigation. Face à eux, les tenants d’une approche plus « théorique », désignés par Sandman comme « cosmographes », défendaient la toute-puissance des mathématiques et de l’astronomie appliqués à la navigation. Or, le triomphe de cette seconde posture se manifesta, selon Sandman, par l’institionnalisation de pratiques d’examen liées à de l’enseignement : en 1552, le conseil des Indes instaura une chaire de cosmographie dépendant de la casa de la contratación et dispensant des leçons quotidiennes aux pilotes174. De la sorte, la conception de ce qu’était le pilotage de navire glissa progressivement du statut de compétence acquise par l’expérience en mer à celui de connaissance apprise en classe et validée par un examen. Il faut par ailleurs noter que, dans la seconde moitié du xvie siècle, les maestres (maîtres) de la carrera de Indias devaient se soumettre exactement aux mêmes obligations de suivi des cours de cosmographie et de passage d’un examen théorique175. L’explication réside dans le fait que, sur la 397plupart des navires de commerce, les maestres étaient non seulement en charge de la gestion de l’équipage et des marchandises, mais ils disposaient de l’autorité suprême en matière de navigation et pouvaient remplacer le pilote en cas d’indisposition ou de décès176.
La procédure de l’examen de pilote, relativement bien connue pour la seconde moitié du xvie siècle, reflète le statut particulier acquis par la connaissance sur la compétence177. La pratique de cet examen peut-être mieux saisie à travers un exemple caractéristique : celui du candidat Antón Sánchez, datant de l’année 1580178. Son dossier rassemblait plusieurs dizaines de pages manuscrites, la plupart constituant une enquête sur l’origine, l’expérience et les mœurs du candidat. L’expérience de la navigation était nécessaire au passage de l’examen puisqu’un certain nombre de personnes devaient témoigner du fait qu’Antón Sánchez avait participé à la carrera de indias pendant plus de six années. Elle n’était néanmoins pas suffisante. Le dossier de Sánchez contenait également un certificat de Rodrigo Zamorano, l’homme en charge des leçons de cosmographie, indiquant que le candidat avait bien assisté à ses cours pendant 60 jours. Sánchez fit alors auprès du piloto mayor Alonso Chavez la demande d’être examiné en tant que pilote de la route de Nouvelle-Espagne. Ce dernier convoqua dans une des salles de l’Alcazar de Séville dix-huit pilotes experts de cette navigation pour le jour de l’examen, fixé au 13 novembre 1580. Le contenu de l’examen est inconnu car le procès verbal spécifie que les pilotes réunis ce jour jurèrent de garder le secret179. Cette source précise néanmoins qu’il fut demandé à chaque pilote de poser au candidat trois questions, les plus difficiles possibles180. Puis, les pilotes réunis autour du piloto mayor votèrent pour ou contre la validation du candidat. Comme ce dernier obtint la majorité des voix, il 398reçut son titre de pilote de la route de Nouvelle-Espagne, inclus dans ce même dossier car Antón Sánchez le rendit à la casa de la contratación une dizaine d’années plus tard. Comme son mauvais état de conservation en témoigne, ce titre remis en 1580 avait de toute évidence grandement souffert des voyages de son propriétaire, qui souhaitait en obtenir une copie en meilleure état.
La description précédente met en évidence le rôle particulier joué par les connaissances dans la vérification des compétences techniques des pilotes. Il faut bien saisir la transformation à l’œuvre : dans la seconde moitié du xvie siècle, la preuve ultime des compétences en navigation ne se faisait plus sur un navire mais dans l’une des salles de l’Alcazar de Séville, face aux questions d’autres experts. Alison Sandman a sans doute raison d’affirmer que les « cosmographes » théoriciens l’emportèrent sur les « pilotes » de terrain, mais le phénomène me semble toutefois dépasser le cadre d’un débat sur l’art de la navigation à la casa de la contratación. Les ressemblances entre les examens des pilotes et ceux des artilleurs sont frappantes, même si l’enregistrement de cette pratique a produit plus de traces écrites dans le cas des pilotes, peut être parce que la profession était plus sensible. À la fin du xvie siècle, servir le roi en tant que technicien, que l’on fût artilleur, fabricant d’armes, ingénieur ou pilote, réclamait de se soumettre à une épreuve particulière lors de laquelle la priorité était donnée aux connaissances. Au début du xviie siècle, on trouvait même ce type de pratiques appliquées aux notaires envoyés en Amérique181. S’agissait-il d’une spécificité du service au monarque ? Le caractère précieux et crucial de ces compétences techniques pour le fonctionnement de la machine impériale avait-il généralisé un type d’évaluation jusque-là étranger aux pratiques d’administration ?
L’histoire des pratiques d’examen est un vaste chantier encore peu ouvert par les historiens. L’examen est devenu, dans nos sociétés, partie intégrante de nos systèmes d’éducation et de sélection, une « institution sociale à part entière182 ». Depuis la fin du xviiie siècle, il a acquis un rôle central dans la sélection des élites, soutenant l’idée de recrutement égalitaire et méritocratique contre les barrières sociales des privilèges de 399l’Ancien Régime183. Avant la Révolution, cette pratique trouva d’ailleurs un terrain fertile de développement au sein des filières d’enseignement militaire mises en place, en France, dans le courant du xviiie siècle – l’école royale du génie militaire de Mézières (1748), l’école militaire de Paris (1751), ou encore l’école royale des élèves d’artillerie de la Fère (1756)184. Pour les périodes antérieurs, l’espace principal d’implantation de l’examen était, depuis le Moyen Âge, l’université. La licence, jalon final du cursus universitaire octroyant le droit d’enseigner, consistait en un double examen185. D’une part, comme dans le cas des examens de pilotes de la casa de la contratación, la naissance et les mœurs du candidat étaient vérifiés. D’autre part, la procédure de vérification de la science de l’élève passait par une disputatio, une dispute orale sous forme d’un jeu de questions-réponses avec les maîtres. Les examens d’artilleurs, d’ingénieurs et de pilotes ont peut-être emprunté certains aspects de cette pratique courante de l’université médiévale.
Toutefois, fait méconnu et très peu étudié, la pratique de l’examen se rencontre, au xvie siècle, dans un univers social plus proche des techniciens militaires : celui des corporations. Ainsi à Malaga en 1552, les statuts des travailleurs de la soie spécifiaient qu’il était nécessaire, pour ouvrir son propre atelier, d’être « examiné en théorie et en pratique » par les instances supérieures de la corporation186. Or, les quelques exemples de lettres d’examen (carta de examen) survivantes rappellent de manière saisissante les termes employés par les sources militaires en ce qui concerne les examens d’artilleurs187. De hautes autorités de la corporation examinaient un candidat pour savoir s’il était abil y suficiente. Pour ce faire, en plus de lui demander la réalisation d’une œuvre, on lui posait des « questions188 ». Autrement dit, la corporation des tra400vailleurs de la soie de Malaga régulait l’entrée de nouveaux membres en contrôlant non seulement leurs compétences manuelles mais aussi leurs connaissances, à l’oral.
Ce type d’évaluation par un examen oral sous forme de questions existait dans d’autres corporations de la Renaissance. Ainsi à Séville, les ordonnances de différents métiers de la fin du xve siècle et du début du xvie siècle – forgerons, fabricants d’épées, fileurs d’or – interdisaient à quiconque d’ouvrir boutique et de pratiquer l’office sans avoir préalablement été « examinés » par les autorités de la corporation élues à cet effet189. La nature de l’examen n’est malheureusement pas précisée dans ces textes, mais une ordonnance, plus tardive (1606), de la corporation des confituriers, offre quelques pistes d’interprétation190. Cette ordonnance royale explique que la fabrication de confitures atteignait alors d’importants volumes à Séville mais que cette activité n’y possédait pas d’ordonnance ni d’examen – « contrairement à bien d’autres villes ». Il était par conséquent nécessaire d’y remédier afin de garantir une production saine de confiture. Ce préambule révèle combien la pratique de l’examen était répandue dans la péninsule ibérique au début du xviie siècle. L’association entre examen et ordenanzas – c’est-à-dire statuts – montre que l’examen pouvait être considéré comme un élément essentiel de la définition d’une profession et de l’institutionnalisation d’un métier191. Les détails de la procédure rappellent quant à eux ce qui se pratiquait auprès des artilleurs et des pilotes puisque, d’après ce document, l’examen de confiturier réunissait jusqu’à douze confituriers qui devaient poser des « questions » au candidat. À l’issue de cette épreuve, quelques uns d’entre eux, élus par les autres, disposaient d’un droit de vote permettant d’accepter ou non le candidat192. Rien ne résume mieux, en Espagne, cette pénétration de l’examen parmi les arts 401mécaniques que la définition du mot examen publiée dans le dictionnaire de Covarrubias de 1611 :
Dans toutes les sciences, disciplines, facultés, arts libéraux et mécaniques, il y a un examen pour valider ceux qui l’exercent ou les rejeter : et cet acte rigoureux les fait étudier et travailler pour qu’ils donnent une bonne image d’eux-mêmes193.
En outre, ce phénomène ne semble pas avoir été circonscrit aux seuls artisans de la péninsule ibérique. Des examens sous forme de questions étaient en vigueur dans certains métiers à Venise, là où apparurent les premières écoles d’artilleurs. Ainsi, en 1509, les statuts de la corporation des tisseurs de soie intégrèrent une nouvelle régulation portant sur la pratique de la prova194. Tout tisseur de soie souhaitant devenir maître devait être « examiné » par des officiers de la corporation195. Le document précisait que le candidat devait être « interrogé » ce qui indique que cette pratique de l’examen s’effectuait certainement sous forme de questions196. On retrouve ici aussi une forte implication de l’État puisque la régulation fut modifiée par le console dei mercanti, organe d’administration de la Sérénissime aux mains des patriciens. L’originalité de ce cas réside cependant dans le rapport particulier à l’écrit de cet examen, puisque les candidats sachant écrire étaient invités à coucher leurs réponses sur une feuille de papier197 tandis que les réponses des illétrés devaient être prises en notes par un scribe198. La preuve écrite des réponses du candidat, conservée durant huit jours, fournissait ainsi une base de discussion en cas de contestation du résultat de l’examen.
402L’examen d’artilleur émergea donc dans un contexte probablement bien plus large de transformation du monde professionnel. Un nouveau régime de la preuve des compétences professionnelles faisait alors son apparition aussi bien dans les corporations d’artisans que dans l’administration militaire de certains États199. Peut-on aller jusqu’à parler d’émergence d’une véritable culture de l’examen à la Renaissance ? Plus d’études sont nécessaires pour évaluer précisément l’ampleur de ce phénomène, ses racines et son degré d’homogénéité. Ce qui est certain, c’est qu’après ce détour par les examens d’artisans, la comparaison entre école d’artilleurs et corporation apparaît d’autant plus pertinente. La mise en place d’une formation à l’artillerie sanctionnée par un examen avec des questions reprenait les mécanismes de construction d’identité professionnelle et de différenciation sociale utilisés par les métiers de l’époque. Cependant, les examens d’artilleurs se distinguèrent par le caractère relativement centralisé de la structure qui les mit en jeu – l’administration militaire de la Monarchie hispanique – et par l’échelle remarquable de leur application – des milliers d’individus à travers tout un empire. C’est sans aucun doute la raison de leur importante visibilité en comparaison des pratiques locales des corporations d’artisans. Est-il alors possible de dresser une cartographie de l’ampleur de ce phénomène à l’échelle de l’empire espagnol de la fin du xvie siècle ?
L’enseignement de l’artillerie
après la Grande Armada de 1588
Les développements précédents ont mis en évidence la création d’écoles d’artilleurs dans les États italiens de la Monarchie hispanique à partir de la fin des années 1560. À la même époque, en Espagne, de nombreux témoignages attestent de l’existence de centres de formation des artilleurs ainsi que de la pratique courante de l’examen. Or, du 403fait du développement des grandes armadas atlantiques, les besoins en artilleurs de la Monarchie hispanique augmentèrent considérablement à la fin du xvie siècle. Au lendemain du désastre de la Grande Armada de 1588, les initiatives de créations d’écoles d’artilleurs se multiplièrent soudainement, constituant un vaste réseau de centres de formation. L’enseignement de l’artillerie prit une dimension nouvelle à laquelle les élites durent également s’adapter. L’art du tir au canon fut de plus en plus enseigné non seulement à ceux qui maniaient les canons, mais aussi à ceux qui les commandaient et devaient évaluer leurs connaissances et leurs compétences.
Cartographie des écoles d’artilleurs après 1588
Le tournant atlantique de la Monarchie hispanique et la nécessité de trouver suffisamment d’artilleurs pour servir dans les flottes stimula l’institutionnalisation de l’enseignement de l’artillerie au sein de la péninsule ibérique. En Espagne avant l’année 1588, l’école de Séville était le seul centre de formation appelé escuela de artilleros dans les sources. Sur ce plan, le désastre de l’Invincible Armada (1588) marqua un tournant décisif. Comme les chapitres précédents l’ont montré, du point de vue de l’artillerie, cette entreprise mobilisa des quantités de ressources jamais vues auparavant. Des navires, des pièces d’artillerie et des artilleurs de toute la Méditerranée occidentale et du nord de l’Europe convergèrent vers la péninsule ibérique afin de préparer cette opération. Or, les pertes en ressources humaines – Parker les estime à environ la moitié des équipages200 – et particulièrement en artilleurs, handicapèrent lourdement la machine impériale. De plus, malgré tous ces efforts de mobilisation, la Grande Armada fut vaincue à Gravelines par la supériorité de l’artillerie anglaise201. Cette défaite mettait en évidence des défauts techniques, tactiques et structurels importants des flottes de guerre espagnoles. La contre-offensive anglaise sur la Galice, Lisbonne et les Açores en 1589 montra clairement à Philippe II et à ses ministres qu’il fallait réagir vite202. Des escadrons permanents de galions, réunis sous le nom d’armada del mar Océano, furent mis 404en place dès 1590. En outre, la tactique navale espagnole tâcha de s’adapter à l’adversaire anglais : comme le premier chapitre l’a mis en évidence, l’armement des galions s’alourdit considérablement et le nombre d’artilleurs par galion augmenta d’environ 30 %203. Cette transformation rendait compte de l’importance qu’attribuaient désormais à l’artillerie embarquée les têtes de l’administration militaire espagnole.
Ce nouveau programme de construction, juste après l’Invincible Armada, d’une flotte de guerre lourdement équipée en artillerie se traduisit par une préoccupation accrue pour la formation des artilleurs. À Lisbonne, en décembre 1589, Hernando de Acosta, lieutenant du capitaine général de l’artillerie, écrivit au roi qu’il y avait une grande nécessité d’artilleurs pour les flottes204. Avec Marcos de Aramburu, l’un des principaux capitaines rescapés de la Grande Armada, ils proposaient une série de mesures d’urgence205. Outre les solutions classiques telles que le recours aux artilleurs étrangers par voix diplomatiques ou embargos, les deux hommes proposaient d’utiliser des artilleurs pour « enseigner l’usage du canon » et « montrer la doctrine de l’artillerie » aux marins206. Quelques semaines plus tard, le duc de Medina Sidonia, malheureux général de l’Invincible Armada, fit au roi le même constat du grand besoin d’artilleurs pour les flottes, suggérant que, dans chaque port de la côte andalouse, fût créée une « école d’artilleurs » – le mot était prononcé207 ! Quatre ans plus tard, Pedro López de Soto, comptable de l’artillerie de l’armada en Galice, évoquait l’importance qu’il y avait de former 1 000 artilleurs sur les côtes espagnoles en mettant en place des « écoles d’artilleurs » dans chaque port208. Comme dans le cas des écoles en Italie et à Séville, pour 405tous ces projets d’écoles, il s’agissait de former des groupes d’artilleurs non payés mais jouissant de privilèges et prêts à s’embarquer dans les flottes dès qu’on le leur ordonnerait.
La création d’écoles d’artilleurs dans les ports de la péninsule ibérique ne resta pas à l’état de projet. En 1588, Bartolomé de Andrada, artilleur venu de Sicile à Lisbonne pour participer à la Grande Armada, dut renoncer à s’embarquer en raison de sa santé défaillante. Or, Andrada était un vétéran avec plus de vingt ans de service à son actif ; en Sicile, il était maître d’une des quatre écoles d’artilleurs. Le conseil de guerre voulut par conséquent tirer profit de son expérience et, dès avant le retour de l’Armada, en août 1588, on lui proposa un poste au château São Jorge de Lisbonne, avec obligation « d’enseigner en école209 ». Au début de l’année 1590, l’enseignement de l’artillerie s’était multiplié au Portugal : le capitaine général de l’artillerie don Juan de Acuña Vela indiquait que des maîtres artilleurs étaient chargés d’enseigner et donner des cours publics d’artillerie dans les châteaux São Jorge et São Julião de Lisbonne ainsi qu’au fort São Felipe de Setubal210. Au même moment, le contrôleur de l’artillerie López de Soto expliquait que, conformément aux ordres royaux, dans les ports du Ferrol et de la Corogne en Galice, deux maîtres artilleurs d’origine italienne avaient mis en place deux écoles rassemblant 49 artilleurs et visant à former de nouvelles recrues pour l’armada211. D’ailleurs, il faut noter que l’un de ces deux hommes, nommé Evangelista, faisait partie d’un contingent d’artilleurs venus de Sicile212. Une tendance claire se dessine. Les nouvelles écoles mises en place après l’échec de l’Invincible Armada se construisirent autour de maîtres siciliens (ou plus généralement italiens) qui transférèrent leur expérience d’enseignement de l’artillerie d’Italie vers la péninsule ibérique.
En plus de ces écoles attachées à un port, d’autres initiatives d’enseignement furent mises en place en relation directe avec des escadrons spécifiques de navires. Ainsi, à la fin de l’année 1589, le 406commandant des galéasses, don Bernardino de Avellaneda, souhaita profiter de la période des fêtes pour entraîner ses artilleurs au tir avec une pièce de 4 lb. et demanda au roi l’autorisation d’utiliser de la poudre et des munitions à cet effet213. Cette initiative locale donna néanmoins peu de fruits car, comme les galéasses stationnaient alors à Lisbonne, le conseil de guerre répondit à Avellaneda qu’il devait envoyer ses artilleurs à l’école de la ville, mise en place l’année précédente. Pourtant, à la même époque, le chef artilleur de l’escadron de huit galères stationnées à Lisbonne tenait en place une « école214 ». Fils d’un artilleur, cet individu répondant au nom de Lazaro de la Isla avait une longue carrière au service de l’artillerie de Philippe II, ayant pris part à la bataille de Lépante (1571), la prise de Tunis (1573) et ayant joué un rôle de premier plan dans l’invasion de la Terceira (1583)215. En 1590, il parvint à transformer son initiative locale en institution puisqu’il obtint l’accord officiel du monarque « pour enseigner l’artillerie sur les galères à tous ceux qui souhaiteraient apprendre cet art216 ».
D’autres initiatives de ce genre apparurent dans les mêmes années. Ainsi, en 1593, Pedro de Zubiaur, général de l’escadron de filibotes de la côte cantabrique, expliqua au conseil de guerre qu’il avait mis en place une école dotée d’une pièce d’artillerie pour l’entraînement au tir217. De cette manière, les marins désirant devenir artilleurs (avec une augmentation de salaire de 50 % expliquait Zubiaur) pouvaient recevoir la formation nécessaire et ainsi passer l’examen218. Zubiaur 407affirmait que 92 hommes avaient déjà été examinés de la sorte et que bien d’autres marins seraient formés sous peu afin d’être disponibles comme artilleurs selon les besoins des armadas. Il faut remarquer que dans ce cas, comme dans ceux de Lisbonne et la Corogne, le maître chargé de l’école et des examens était italien, d’origine milanaise219 ce qui renforce la thèse de l’influence italienne du modèle de l’école d’artilleurs. Toutefois, ces écoles attachées à un escadron différaient de celles de Palerme, de Venise ou de Milan en ce qu’elles ne pouvaient fonctionner que par intermittence, lors de l’hivernage des flottes. Il faut également noter que ces initiatives de formation des artilleurs au sein des flottes, bien que rarement institutionnalisées, étaient sans doute très courantes. Ainsi, un document administratif de la fin du xvie siècle recommandait au chef des artilleurs de chaque navire de donner des leçons à l’équipage, d’entraîner les soldats à aider au maniement de l’artillerie, d’enseigner aux autres artilleurs et de les entraîner par des exercices de tir en sortant une pièce du navire lorsqu’il était au mouillage220.
En plus de ces formations implantées dans les ports d’attache des flottes de guerre espagnoles, d’autres écoles furent mises en place en Espagne. Ainsi, au début de l’année 1589, le capitaine général de l’artillerie écrivit au roi :
Concernant ce qu’il conviendrait pour avoir davantage d’écoles d’artilleurs, si Votre Majesté l’accepte, on pourrait mettre en place une école à Burgos, une autre à Pampelune, une autre à Saint-Sébastien, une autre à Fontarrabie et enfin une autre à Gibraltar221.
Cet extrait montre que, quelques mois seulement après le retour de la Grande Armada, le roi et son conseil de guerre avaient demandé au capitaine général de l’artillerie ce qu’il convenait de faire pour mettre en place de nouvelles « écoles d’artilleurs ». Toutefois, la réponse de ce dernier ne manque pas d’étonner puisqu’il suggéra d’implanter des 408écoles dans tous les principaux centres de formation d’artilleurs existants avant les écoles. Don Juan de Acuña Vela justifiait ce choix par le fait que ces lieux possédaient déjà des maîtres capables d’enseigner l’artillerie. Autrement dit, ces « écoles » se construisirent sur des structures d’enseignement mises en place dans les décennies antérieures. C’est aussi ce qui se passa à Lisbonne où l’école de Bartolomé de Andrada fut créée à la fin de l’année 1588 sur la base préexistante d’exercices de tir pour « l’habilitation » des artilleurs établis depuis 1584 dans les garnisons de la région222. Cette évolution des formations d’artilleurs en garnison vers des écoles d’artilleurs est également perceptible dans le cas de Séville. En effet, comme l’a montré le chapitre précédent, le premier maître de cette école, Andrés de Espinosa, était l’un des 60 artilleurs de Burgos, la garnison de formation des artilleurs par excellence.
La transformation de ces grandes garnisons en écoles d’artilleurs signifia-t-elle un véritable changement pour la formation des artilleurs ? Comme cela a été dit précédemment, dans les faits, le fonctionnement de ces garnisons se rapprochait de celui des écoles créées en Italie et à Séville. On y trouvait un terrain d’entraînement au tir, des pratiques d’examens. Tout comme les écoles, ces garnisons servaient de réserve d’artilleurs pour les grandes opérations militaires de la Monarchie223. En ce sens, l’usage du mot escuela, devenant courant dans les sources à partir de l’année 1589, pourrait simplement signifier un glissement de vocabulaire, une influence de la terminologie italienne résultant de la venue en Espagne de nombreux artilleurs italiens lors des préparatifs de la Grande Armada en 1588. Mais alors, comment expliquer l’exception du cas de Séville, appelé escuela depuis l’année 1576 ?
Quelques indices tendent à prouver qu’il existait de légères différences de fonctionnement entre les garnisons et les écoles d’artilleurs. Ces différences s’expriment d’abord au niveau des destinataires de l’enseignement. Dans les garnisons, la formation s’adressait à des hommes qui étaient déjà au service de la Monarchie, payés par l’argent 409du roi. En revanche, à l’école de Séville, comme à celles de Palerme ou de Milan, l’enseignement de l’artillerie était public et ouvert « à tous ceux qui voudraient apprendre l’art » comme le répétaient les différentes instructions des maîtres. Les élèves, pour la plupart marins ou artisans, pouvaient s’inscrire gratuitement, mais sans rémunération – hormis, dans certains cas, la jouissance de privilèges. Dans cette perspective l’emploi généralisé du terme escuela après 1588 faisait aussi plutôt référence à un enseignement public. Il en allait ainsi de l’école de Bartolomé de Andrada à Lisbonne224. De même, la création d’écoles à Burgos, Pampelune, Fontarrabie et Saint-Sébastien visait, selon le capitaine général de l’artillerie, à instruire les natifs de ces régions, en particulier les artisans charpentiers, forgerons et tailleurs de pierre, invités à s’inscrire en échange de la jouissance des privilèges et de l’obligation à servir la Monarchie en cas de nécessité225. Autrement dit, le glissement de vocabulaire vers le mot escuela correspondit à une évolution de l’enseignement de l’artillerie, de plus en plus ouvert au public et visant à générer des artilleurs à partir d’autres métiers plutôt que de perfectionner des artilleurs déjà au service du roi.
En outre, ce passage des garnisons d’artilleurs aux écoles s’accompagna d’une insistance de plus en plus marquée sur les cours théoriques. Avant 1588, seule la forteresse de Perpignan fournit un indice fort de l’existence de cours théoriques. Cependant, la situation changea dans la dernière décennie du xvie siècle. À l’école de Séville, il fallut attendre la venue, en 1591, du mathématicien italien Julián Ferrofino pour obtenir la preuve irréfutable que des cours théoriques étaient donnés séparément des exercices de tir226. Le parcours de cet homme avant son arrivée à Séville est révélateur de la nouvelle tournure que prenait alors l’enseignement de l’artillerie dans la péninsule ibérique. Il faut d’abord noter une fois de plus le lien évident avec les écoles italiennes puisque Ferrofino avait enseigné l’artillerie et la fortification à Milan pendant six ans227. Lorsque cet homme arriva en Espagne en 1589, Hernando de 410Acosta, lieutenant de l’artillerie à Lisbonne fut chargé de donner son opinion sur le savant :
Il est très docte en mathématiques et je suis certain que, en ce qui concerne la théorie, il instruira très bien à l’emploi de l’artillerie, et avec la facilité qu’il promet, tous ceux qui l’écouteront, ce qui conviendrait parfaitement et est fort nécessaire au service de Votre Majesté228.
Cet homme que le lieutenant Acosta jugeait excellent pour enseigner les aspects théoriques de l’artillerie, le conseil de guerre jugea pertinent de l’envoyer à l’« école » de Burgos – il s’agit de la première occurrence chronologique de ce mot appliqué au centre de formation de Burgos229. Comme le chapitre précédent l’a montré, après un bref séjour à Burgos, Ferrofino fut finalement appelé auprès du capitaine général de l’artillerie à Malaga, où il donna également des leçons aux artilleurs de la ville. Signe de la valeur attribuée à cet individu capable de bien enseigner la théorie, le lieutenant Hernando de Acosta réclama sa présence à Lisbonne230. Il est par conséquent possible d’affirmer que ces écoles d’artilleurs étaient considérées comme des centres de formation à la théorie de l’artillerie autant qu’à la pratique. D’ailleurs, l’usage plus fréquent du mot escuela s’accompagna d’un glissement de vocabulaire des verbes abilitar et ejercitar rappelant les exercices de tir, vers le mot enseñar, se référant à un enseignement plus formel231.
L’enseignement de l’artillerie connut un franc succès dans les deux décennies qui suivirent le désastre de l’Invincible Armada. En plus des écoles créées dans les ports d’attache des escadrons de l’armada del mar Océano, le capitaine général de l’artillerie ordonna la mise en place, en décembre 1589, d’une école d’artilleurs à Carthagène, sur le modèle milicien de Malaga où la seule rémunération des artilleurs était 411la jouissance des privilèges232. Au début du xviie siècle, avec celle de Gibraltar, trois écoles en tout fonctionnaient complètement comme une milice citoyenne233. Probablement après le sac de la ville par les Anglais en 1596, une école d’artilleurs fut également ouverte à Cadix où fut envoyé quelques années plus tard Lazaro de la Isla, le maître artilleur qui avait enseigné sur les galères de Lisbonne234. Par ailleurs, l’existence des autres écoles perdura dans le temps. Ainsi, à la Corogne, le maître Gerónimo Ruiz remplaça en 1594 le sicilien Evangelista235. De même au château São Jorge de Lisbonne, l’artilleur vétéran Juan Carlos succéda à l’enseignement de Bartolomé de Andrada236. La situation semblait inchangée au début du xviie siècle puisque, dans un document dédié aux écoles d’artilleurs en 1605, don Juan de Acuña Vela écrivait au conseil de guerre que
en Catalogne, Navarre, Galice, Portugal et à Cadix, il y a des écoles où s’exercent les artilleurs qu’il y a dans ces régions ainsi que ceux qui souhaitent devenir compétents, et à Gibraltar, Malaga et Carthagène, ils s’exercent aussi mais sans aucun salaire, jouissant seulement des privilèges237.
Ces écoles de Catalogne, Navarre, Galice et Portugal citées par le général de l’artillerie, renvoient certainement aux places fortes de Perpignan, Barcelone et Pampelune considérés à cette date comme des « écoles », ainsi que les escuelas du Ferrol, La Corogne et Lisbonne.
Les cartes des figures 37 et 38 mettent en évidence la constitution de ce réseau de centres de formation à l’artillerie. Ces cartes n’ont pas l’ambition d’être exhaustives. En particulier la seconde carte fait figurer les différents centres qu’au moins une source identifie comme escuela. Par conséquent, de nombreuses petites garnisons incluant un 412terrain d’entraînement et une formation des artilleurs à l’échelle locale ne sont pas représentées. Comme la frontière entre garnisons formant des artilleurs et véritables écoles d’artilleurs était relativement ténue, il est tout à fait possible que certains lieux soient passés au travers des mailles de mes recherches. De plus, comme les traces de ces écoles dans les sources sont relativement rares, il n’est pas possible d’affirmer leur continuité totale de fonctionnement. L’étude du cas détaillé de Séville dans le chapitre précédent a bien démontré combien il pouvait être difficile pour ces établissements semi-institutionnalisés de perdurer dans le temps, sans discontinuité, au-delà de leur contexte de création et des parcours des maîtres auxquels ils étaient initialement attachés. Cependant, malgré ces imprécisions, ces deux cartes permettent de visualiser clairement le phénomène de multiplication des centres de formation d’artilleurs entre 1588 et 1605. Elles montrent également la principale force motrice de ce phénomène : la constitution des flottes de guerre atlantiques, engendrant une concentration des centres de formation près des côtes, dans les ports où stationnaient les armadas espagnoles.
Par ailleurs, cette cartographie de l’enseignement présente de grandes disparités de répartition puisque plusieurs écoles se concentrent parfois sur un espace réduit tandis que d’autres territoires bien plus vastes tels que les Pays-Bas, le royaume de Naples et l’Amérique apparaissent comme totalement démunis d’écoles. Comment expliquer de tels écarts ? Dans le cas de l’Amérique, il a été mis en évidence dans la partie précédente que les principaux ports fortifiés étaient censés posséder un terrero, c’est-à-dire un terrain d’entraînement pour les artilleurs en garnison. Il est possible que davantages de recherches ciblées sur cet espace révèlent l’existence de véritables écoles d’artilleurs ayant émergé de ces terreros. Toutefois, il faut rappeler qu’à la fin du xvie siècle, ces garnisons reposaient encore en grande partie sur la péninsule ibérique pour le recrutement d’artilleurs238. Pour des raisons démographiques, il était certainement plus difficile de générer un surplus d’artilleurs à Carthagène des Indes qu’à Séville ou à Lisbonne, villes importantes et principaux centres d’affluence des migrations de toute la péninsule ibérique et d’au-delà. Quant aux Pays-Bas et au royaume de Naples, les archives de Simancas ne mentionnent aucune trace d’écoles 413d’artilleurs, mais il est tout à fait possible que des recherches dans les archives de Bruxelles et de Naples révèleraient quelque surprise à ce sujet. Toutefois, ces territoires ayant joué des rôles secondaires dans la construction de la puissance navale espagnole en Atlantique, il n’y a rien non plus d’absurde à ce qu’ils soient restés en marge du grand mouvement de création d’écoles d’artilleurs qui suivit la défaite de l’armada de 1588.
D’autres exemples viennent soutenir l’hypothèse d’une relation causale entre la dynamique de création d’écoles d’artilleurs et la construction d’une puissance navale pour soutenir un vaste empire. En effet, la Monarchie hispanique ne fut pas le seul État à recourir massivement à ce type d’institutions pour soutenir un empire s’étalant entre différentes mers et océans. À Venise, le Sénat justifiait le maintien de ses écoles d’artilleurs par les besoins de sa flotte de guerre et de ses places fortes disséminées dans toute la Méditerranée orientale239. L’Angleterre, principale rivale de l’Espagne dans l’Atlantique, commença également à se doter d’une école d’artilleurs240. De manière parfaitement symétrique à ce qui est observable dans la péninsule ibérique, les artilleurs de la Tour de Londres commencèrent dans les années 1580 à s’entraîner dans les faubourgs de la ville. Les apprentis étaient appelés scholars dans les sources, ce qui ne manquera pas de rappeler les vocables de scolari et escolares usés dans les écoles d’artilleurs italiennes et espagnoles. Bien que le phénomène eut une portée plus limitée en Angleterre, puisque Walton n’évoque l’existence que d’une seule école d’artilleurs, l’exemple démontre que, d’une part, les modèles de formation à l’artillerie circulaient à travers toute l’Europe – mais cela étonne peu compte tenu de l’importante circulation des artilleurs eux-mêmes – et, d’autre part, que la formation des artilleurs devenait un sujet de plus en plus crucial pour tout État ayant l’ambition d’être une puissance navale internationale.
414Fig. 37 – Écoles d’artilleurs et autres centres de formation à l’artillerie de la Monarchie hispanique vers 1570-80.
Carte réalisée par l’auteur.
Fig. 38 – Écoles d’artilleurs de la Monarchie hispanique vers 1600.
Carte réalisée par l’auteur.
Néanmoins, malgré son important réseau d’écoles d’artilleurs, la Monarchie hispanique n’était pas capable de satisfaire les besoins colossaux en artilleurs engendrés par ses grandes ambitions. Dans les premières années du xviie siècle, le vieux capitaine général de l’artillerie Juan de Acuña Vela ne cessa ainsi de rappeler le manque chronique d’artilleurs aux autres membres du conseil de guerre241. Par conséquent, de nouveaux projets de création d’écoles d’artilleurs furent discutés en 1604, 1605 et 1606242. Pour entretenir un lien direct avec les flottes de guerre, le port de Bilbao fut alors suggéré comme nouveau centre de formation. En outre, les membres du conseil proposèrent la mise en place d’une école proche de la cour qui, à cette époque, était installée à Valladolid243. Don Juan de Acuña convainquit également le reste du conseil d’établir une école à Avila, fief de sa famille, car il s’agissait selon lui de la ville de Castille possédant le plus d’artisans à même de devenir artilleurs244. Le projet prévoyait également une réforme de l’école de Burgos, qui devait accueillir plus d’élèves, ainsi que le retour de l’école de Séville sous le contrôle du conseil de guerre. Cependant, la mise à exécution de ce projet d’un budget de 6 000 ducats tarda et il fallut finalement attendre l’année 1608 pour que le successeur d’Acuña Vela, le marquis de San Germán, parvînt à le faire approuver par le roi en écartant l’idée d’avoir une école proche de la cour, « lieu inapproprié aux exercices de tir245 ». Les preuves concrètes de l’existence de ces nouvelles écoles manquent mais il faut tout de même noter que la réforme de l’école de Burgos eut bien lieu, les effectifs ayant été doublé, de 60 à 120 artilleurs246.
Que fut le devenir de ces écoles dans le courant du xviie siècle ? Faute d’études sur ce thème, la réponse à cette question mériterait un travail approfondi dans les archives sur cette période qui sort du cadre fixé par mes recherches. Il est cependant intéressant de noter que, même 417si certaines de ces institutions, comme l’école de Séville, traversèrent le siècle, d’autres tombèrent en désuétude à des dates inconnues. Ainsi, en 1638, le capitaine général de l’artillerie demanda la réouverture de l’école de Burgos apparemment fermée quelques années plus tôt247. En outre, en 1678, le conseil de guerre réalisa qu’il y avait alors un grand manque d’artilleurs dans le royaume et proposa d’ouvrir des écoles d’artilleurs à Cadix, Saint-Sébastien, Barcelone, La Corogne, Malaga, c’est-à-dire dans des villes où avaient précédemment existé des écoles d’artilleurs au début du même siècle248. Il semble donc qu’au milieu du xviie siècle, dans un moment de crise pour l’empire espagnol, la plupart des écoles d’artilleurs avaient été fermées.
Cependant, sur le long terme, l’enseignement de l’artillerie sous une forme institutionnalisée devint la norme puisque, à partir du xviiie siècle, la plupart des grands États européens se dotèrent d’écoles d’artillerie249. Néanmoins, les structures des administrations militaires avaient entre temps évolué au point que, à la fin de l’époque moderne, les élèves sortant des écoles d’artillerie de La Fère (en France), de Ségovie (en Espagne), ou de Woolwich (en Angleterre) n’étaient plus de simples artilleurs mais des officiers d’artillerie en charge de les commander. À ce titre, il convient donc de s’interroger sur les conséquences, au xvie siècle, de l’apparition des premières écoles d’artilleurs sur la formation du corps officier encadrant ces techniciens de la poudre.
418Formation à l’artillerie des officiers
L’incorporation des pratiques d’enseignement et d’examens des artilleurs aux structures administratives de la Monarchie hispanique ne put se faire qu’avec la participation de nombreux officiers en charge d’assister aux examens, de recruter et de commander les artilleurs ou encore de gérer le matériel. Au premier rang de ces cadres de l’artillerie figuraient bien entendu le capitaine général de l’artillerie et ses lieutenants, qui, lorsqu’ils manquaient d’expertise en artillerie, devaient se former dans les quelques mois suivants leur nomination250. Toutefois, bien d’autres postes de l’administration militaire requéraient quotidiennement des connaissances sur l’artillerie. Ainsi, tout le personnel comptable de l’artillerie – les mayordomos, contadores et pagadores – devaient quotidiennement travailler en étroite collaboration avec les artilleurs afin d’identifier, fabriquer, préparer et réparer le matériel251. De telles fonctions ne pouvaient être que difficilement assurées par ces individus s’ils n’étaient pas en mesure de juger du niveau de compétences et d’expertise des artilleurs avec lesquels ils travaillaient. En outre, il faut rappeler que lors des examens, même si les questions étaient posées par des artilleurs, la procédure se faisait souvent sous l’œil scrutateur d’autres officiers contrôlant son bon déroulement. À Séville, il s’agissait des juges de la casa de la contratación252, à Minorque le veedor y prenait part253, à Milan l’ingénieur militaire Luis Collado en était chargé254 et à Pampelune, c’était le vice-roi lui-même qui devait surveiller l’examen255. Par ailleurs, comme la pratique de l’examen n’était pas systématique, les recruteurs eux-mêmes devaient être capables de juger des compétences des artilleurs qu’ils engageaient. Il en allait ainsi des capitaines de navire tout comme du recruteur de mercenaires allemands Adrian Verbeque. En d’autres termes, le contrôle formel ou informel des compétences des artilleurs obligeait une pléthore d’officiers au service du roi à développer leurs connaissances sur l’artillerie.
Cette nécessité qu’avaient les officiers de se former à l’artillerie est tout à fait perceptible dans les sources. Ainsi, dans un rapport de l’année 4191582 sur l’état de défense des Caraïbes, un agent du roi recommandait que les capitaines de navires et commandants de forteresses fussent eux-mêmes examinés en matière d’artillerie :
Pour capitaine, il faut un homme qui comprenne la guerre, comment se charge une pièce, comment l’ajuster. De plus, j’en avise Votre Majesté, il en va de même de tous les châtelains de forteresses à votre service, car cela est de grande importance et ils devraient être examinés comme le sont les caporaux artilleurs de ces forteresses ainsi que les artilleurs eux-mêmes. Parce que j’ai vu de nombreux capitaines de navires et de forteresses qui, au moment où l’artilleur veut faire feu sur l’ennemi, s’enfuient car ils ont peur de la pièce d’artillerie […], mais s’ils comprenaient son maniement, les châtelains des forteresses seraient toujours présents et verraient si les artilleurs réalisent bien leur office256.
D’après cet agent de la Monarchie, la formation des commandants à l’artillerie était un impératif pour contrôler l’activité des artilleurs, cruciale sur le plan tactique. D’après d’autres sources, les capitaines de navire devaient savoir poser les questions d’examens aux artilleurs afin d’optimiser l’usage de leur artillerie257. Le conseil des Indes songea même à obliger les maîtres et pilotes à passer l’examen d’artilleur afin d’être en mesure de surveiller et juger de la qualité d’action de leurs artilleurs258.
Les officiers disposaient de diverses solutions pour se former à l’artillerie. D’abord, un certain nombre de capitaines et de lieutenants d’artillerie tiraient leurs connaissances des nombreuses années d’expérience de combats qu’ils avaient à leur actif. Certains comblaient leurs lacunes au contact de spécialistes plus expérimentés. Ainsi, lorsque Francés de Álava fut nommé capitaine général de l’artillerie, on lui adjoignit un 420lieutenant d’artillerie vétéran pour l’assister dans sa tâche et le former259. De plus, certains officiers recouraient directement aux centres de formation des artilleurs. Comme le chapitre précédent l’a mis en évidence, des capitaines de la carrera de Indias fréquentaient l’école d’artilleurs de Séville et assistaient aux leçons quotidiennes de l’artillero mayor. En outre, le développement d’une littérature technique sur l’artillerie fournit certainement à d’autres officiers la possibilité d’apprendre les aspects théoriques de l’art260. Enfin, des institutions entièrement destinées à former le commandement firent leur apparition en parallèle des écoles d’artilleurs.
À partir du mois d’octobre 1583, une académie royale de mathématiques fut ouverte à la cour de Philippe II261. Un an plus tard, le porteur du projet, l’éminent architecte Juan de Herrera, fit publier un livret explicatif du programme de cette institution et des raisons de son existence262. D’après ce document, le but de cette académie était de proposer aux jeunes de la cour des leçons gratuites de sciences mathématiques incluant notamment la cosmographie, l’architecture, l’ingénierie militaire, la mécanique et l’artillerie. Le public visé était celui des futurs grands serviteurs de la Monarchie : « les fils des nobles qui, à la Cour et au Palais de sa Majesté s’éduquent et s’instruisent […] avant d’aller à la guerre et aux charges de gouvernement263 ». Comme je viens de le souligner, avoir des connaissances en artillerie pouvait s’avérer utile à ces jeunes gens dans leur future carrière d’officiers du roi, qu’ils devinssent capitaines ou même vice-rois. Cependant, cette 421académie s’inscrivait dans les projets plus larges de formation des techniciens de l’empire. En effet, le livret de Juan de Herrera prévoyait une sorte de système centralisé de contrôle de l’enseignement attribuant aux étudiants sortant de l’académie le monopole de l’enseignement de certaines professions telles que l’artillerie264. En outre, Juan de Herrera souhaitait créer tout un réseau d’académies de mathématiques dans les grandes villes du royaume de Castille265. Néanmoins, d’après Esteban Piñeiro, ni le système centralisé de contrôle de l’enseignement, ni les académies de province ne virent le jour.
En revanche, l’académie de mathématiques de la cour eut une existence plus pérenne. Toutefois dans ses premières années de fonctionnement, le large panel de disciplines mathématiques présenté dans le programme de 1584 était en réalité réduit à l’arithmétique, la géométrie et la cosmographie, les cours étant dispensés dans une maison près du palais royal de Madrid par le cosmographe portugais Lavanha et son disciple Ondériz266. Une décennie plus tard, à l’aube du xviie siècle, l’enseignement de l’académie commença peu à peu à se diversifier avec Andrés García de Cespedes à la cosmographie, l’alferez Rodriguez à la formation des escadrons de soldats, ou encore Cristóbal de Rojas aux fortifications267. Différents témoignages mettent par ailleurs en évidence que ces cours rencontrèrent un franc succès parmi les jeunes aristocrates de la cour. D’importants personnages y firent leurs premiers pas, tels que le poète Lope de vega, le comte de Puñoenrostro, le marquis de Moya ainsi que de nombreux autres courtisans et gentilshommes, tels que le regidor de Murcie – le représentant local du roi – Ginés de Rocamora268.
C’est dans ce contexte que, en 1595, le mathématicien italien Julián Ferrofino fut promu professeur de mathématique à la cour269. Les sources ne précisent malheureusement pas le contenu de ses leçons de « mathématiques ». Plusieurs indices laissent néanmoins penser que l’enseignement de ce professeur portait en grande partie sur l’artillerie. D’abord, il est primordial de rappeler qu’avant d’être professeur à la 422cour, Ferrofino avait dû faire ses preuves en enseignant plusieurs années à l’école d’artilleurs de Séville270. Par ailleurs, les notes manuscrites « tirées des brouillons de Ferrofino » à l’époque où il enseignait à la cour portent essentiellement sur l’artillerie. De plus, bien que, comme les autres professeurs de l’Académie, sa chaire dépendît du conseil des Indes – qui lui payait la généreuse somme de 800 ducats par an – le contenu de ses cours était dicté par don Juan de Acuña Vela, capitaine général de l’artillerie271. Signe clair que la spécialité reconnue de cet homme était l’artillerie, les ordres du roi stipulaient que, malgré son poste à la cour, Ferrofino devait être prêt à aller enseigner l’artillerie partout où le capitaine général choisirait de l’envoyer272.
Autrement dit, à partir de 1595, les jeunes aristocrates de la cour recevaient des leçons d’artillerie par le même homme qui avait formé les artilleurs de la carrera de Indias quelques années plus tôt. Ce cas montre clairement que la mise en place d’une formation des nobles et futurs officiers du roi était un phénomène interconnecté avec celui de l’apparition des écoles d’artilleurs et des pratiques d’examens. En outre, il est à noter que cette chaire de mathématiques et d’artillerie connut une longue existence aux mains de la famille Ferrofino puisque, à la mort de Julián en 1604, son fils Julio César lui succéda. En effet, à partir de 1605, le conseil de guerre le chargea, comme son père avant lui, d’enseigner les matières que recommanderait le capitaine général de l’artillerie273. Non seulement assuma-t-il cette charge jusqu’en 1650, mais il publia également deux traités d’artillerie et constitua l’autorité principale de cette discipline à la cour pendant la première moitié du xviie siècle274.
Le cas de cette chaire d’artillerie et de mathématiques des Ferrofino mise en place à la cour d’Espagne montre que l’émergence, à la Renaissance, d’une culture mathématique de cour n’est pas un phénomène socioculturel interne à l’univers courtisan. Dans le cas de l’artillerie, il s’agit d’un processus complexe traversant différentes couches sociales, s’appuyant sur 423des pratiques semi-institutionnalisées de l’administration militaire et mettant en jeu un système où les connaissances étaient appelées à jouer un rôle considérable dans les dynamiques de promotion socio-économique. En ce sens, la cour ne fut que l’une des deux faces de cette pièce de monnaie que constitua le développement d’une culture mathématique, l’autre étant formée des techniciens subordonnés. Avec la prolifération des artilleurs dans les dernières décennies du xvie siècle, de plus en plus de nobles au service de la Monarchie se retrouvaient tôt au tard confrontés à la nécessité d’acquérir les connaissances leur permettant de commander ces individus. Il ne s’agit pas d’exagérer l’impact des écoles d’artilleurs et des pratiques d’examens sur la culture de cour. Cependant, la transformation du rôle des savoirs devenant une norme de médiation entre différents milieux sociaux au sein des armées renforça certainement le succès des mathématiques auprès des gentilshommes275 et le succès des mathématiciens au sein des cours princières276.
Conclusion
Le sujet des écoles d’artilleurs demeure aujourd’hui encore un thème marginal, voire inexistant au sein de l’historiographie. Le long exposé centré sur le cas sévillan pourrait inciter à considérer le phénomène de création d’écoles d’artilleurs comme un fait isolé ou ponctuel. Toutefois, l’objet de ce chapitre a été de démontrer que l’école d’artilleurs devint, aux xvie et xviie siècles, une institution relativement répandue en Europe occidentale. Lorsque l’empire espagnol se dota de tels centres de formation, il ne fit que copier un modèle en place chez les États voisins, notamment chez les Vénitiens. Les discussions du haut commandement militaire autour de la création de la première école à Milan laissent entendre qu’il y avait déjà, dans les années 1560 et 1570, des écoles d’artilleurs 424dans plusieurs États d’Italie et d’Allemagne. Quelques décennies plus tard, au tournant du xviie siècle, ce modèle proliférait à travers les structures de la Monarchie hispanique. Au même moment, les rivaux anglais s’en étaient également dotés et avaient mis en place une école à Londres277. Dans les décennies qui suivirent, d’autres États durent leur emboiter le pas, à l’image de la France de Louis XIV qui ouvrit plusieurs « écoles » dans les années 1680 à La Fère, Metz, Strasbourg, Grenoble et Perpignan278. Toutefois, l’histoire de la circulation de ce modèle de formation reste encore en grande partie à faire.
Le sujet des écoles d’artilleurs est pourtant essentiel pour mieux saisir certaines grandes transformations de l’époque moderne. Dans le cas de la Monarchie hispanique, le vaste réseau d’écoles d’artilleurs servit notamment à développer la force de projection navale en permettant de générer l’expertise nécessaire à l’usage des milliers de canons se trouvant à bord des navires et des forteresses d’un État qui s’étendait à travers plusieurs continents. De plus, la démultiplication du transfert de compétences induite par le système de l’école d’artilleurs contribua indubitablement au changement d’échelle caractéristique de la révolution militaire279. Cependant, un élément fondamental demeure à étudier pour mieux comprendre les mécanismes en jeu dans ce changement d’échelle : il s’agit des savoirs au cœur du transfert de compétences. L’existence d’un enseignement théorique, l’implication de mathématiciens, l’examen par questions sont autant d’indices d’une transformation de la nature des savoirs artilleurs. En outre, le fait que la pratique de l’examen par questions ne soit pas spécifique au monde des artilleurs invite à envisager l’hypothèse d’une transformation plus large de la relation des contemporains aux savoirs formalisés. C’est donc cet univers des connaissances autour de l’artillerie que propose d’analyser la partie suivante de l’ouvrage.
1 AGS GYM leg. 254/265. « Du temps où les Romains furent seigneurs du monde, ils avaient des écoles à Rome où l’on apprenait la manière et la pratique que les soldats doivent avoir et, de là, ils partaient directement prendre part à toutes les occasions de combat qui se présentaient. Comme ils étaient si habiles et exercés, ils sortaient toujours victorieux, tout en étant moins nombreux que leurs adversaires. […] Comme il parut à l’empire romain qu’il n’y avait personne dans le monde qui pût le menacer, il fut ordonné de mettre fin aux écoles de soldats qu’il y avait jadis et, lorsqu’elles furent supprimées, comme ce fut bien le cas, en peu de temps les Romains furent perdus et assujettis. »
2 Voir les remarques de Pamela Smith sur la nature manuelle des savoirs transmis entre artisans, Smith, Pamela H., The Body of the Artisan, op. cit. p. 7. Voir aussi Farr, James Richard, Artisans in Europe, 1300-1914, p. 34-37, 135, 284-286. Epstein, Stephan. R., « Craft Guilds, Apprenticeship and Technological Change in Preindustrial Europe », op. cit. De Munck, Bert, Technologies of Learning, op. cit.
3 Braudel, Fernand, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II – Tome 2, Paris, Armand Colin, 1976, p. 133 ; Goodman, David C., Power and Penury, op. cit., p. 123.
4 Voir le numéro spécial des 250 ans d’existence de l’académie d’artillerie de Ségovie, et en particulier : Medina Avila, Carlos, « De la escuela a la academia. Los centros de formación de artilleros », Revista de Historia Militar, Extraordinario I, 250 Aniversario del Real Colegio de artillería, 2014, p. 13-72. Herrero Fernández-Quesada, Dolores « El Real Colegio de artillería. De la fundación a la consolidación de un modelo de centro docente militar y científico-técnico », ibid., p. 73-134. De plus anciens exemples : Barrio Gutierrez, Juan, « La Enseñanza de la Artillería en España hasta el Colegio de Segovia », Revista de Historia Militar, XIV, no 28, 1970, p. 39-66. Frontela Carreras, Guillermo, « La enseñanza de la artillería dependiendo del Consejo de Indias », op. cit.
5 López Piñero, José María, Ciencia y tecnica en la sociedad española de los siglos xvi y xvii, op. cit., p. 94, 106-107.
6 Esteban Piñeiro, Mariano, « Los oficios matematicos en la España del siglo xvi », dans II Trobades d’Història de la Ciència i de la Tècnica, Victor Navarro Brotons (éd.), Barcelone, Societat Catalana d’Història de la Ciència i de la Tècnica, 1993, p. 239-251. Esteban Piñeiro, Mariano, « La ciencia aplicada y la técnica en la Castilla del siglo xvi », dans La filosofia española en Castilla y León : de los origenes al siglo de Oro, Valladolid, Universidad de Valladolid, 1997, p. 421-430.
7 Vicente Maroto, María Isabel, « Las escuelas de artillería en los siglos xvi y xvii », op. cit. Vicente Maroto María Isabel, García Tapia, Nicolas, « Las escuelas de artillería y otras instituciones técnicas », dans Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, siglos xvi y xvii, José María López Piñero (éd.), Valladolid, Junta de Castilla y León, 2002, p. 73-82.
8 Vigón, Jorge, Historia de la Artillería Española, op. cit., p. 149, 267-272.
9 Carrasco y Saiz, Adolfo « Apuntes sobre los sistemas y medios de instrucción del cuerpo de artillería », op. cit.
10 AGS EST leg. 1260/115 (année 1564).
11 AGS EST leg. 1222/50 (08/08/1567). Pour en savoir plus sur Gabrio Serbelloni, voir p. 212.
12 AGS EST leg. 1260/117 (10/09/1569).
13 « Haviendo su Magestad mandado los años passados por advertencia de Adrian Verbeque que en esta ciudad de Milan se hiziese y mantuviese una escuela de artilleros […] se començo a hazer y exercitar pero dexose de continuar por causa de algunos del magistrado ordinario que lo estorvaron », AGS EST leg. 1245/64 (01/10/1576).
14 Ces conflits sont exposés plus en détail p. 170-173.
15 « Todo el tiempo que duro la dicha scuela que fue no sé quantos años », AGS EST leg. 1249/80 (12/03/1578).
16 Ibid.
17 AGS EST leg. 1245/62 et 64 (01/10/1576).
18 AGS EST leg. 1246/69 (13/08/1577).
19 AGS EST leg. 1249/78, 80 et 81 (12/03/1578). Le document 81 contient les règles de fonctionnement de l’école, sous le titre « Los capitulos que parece se podrían hazer con los escolares de la scuela de los artilleros que su Magestad manda que se haga en el estado de Milan ».
20 « Haviendose de señalar y proveer de un hombre suficiente para cabeça de la scuela, que sea obligado de enseñar todas las cosas pertenientes al arte del artillero », AGS EST leg. 1249/81 (12/03/1578).
21 « Los que entraren en la dicha scuela juren de servir a Su Magestad assí aqui como a las partes donde se offreciere haberlos de enviar, conforme las necessidades, sin hazer resistencia ninguna », ibid.
22 Sur ces privilèges, voir p. 150-151.
23 AGS EST leg. 1260/119 (28/10/1583).
24 AGS EST leg. 1260/126 (sans date, accompagnant une lettre du 28/10/1583).
25 AGS EST leg. 1260/109, 113 et suivants (12/10/1585).
26 AGS EST leg. 1280/30 (05/01/1596).
27 AGS EST leg. 1245/64 (01/10/1576).
28 Voir p. 268-271.
29 « La falta que hay por aca de artilleros ha hecho mirar en que en el Condado de Tirol, o en otras partes podría levantar algún numero dellos […] y porque Adrian Berbech es plático dessas partes y deste manejo por haberse ocupado otras vezes en otros semejantes […] lo podreys enviar », AGS EST leg. 1265/210 (03/02/1589).
30 AGS VIT leg. 330 (1) fol. 151 (11/04/1587) et AGS EST leg. 1284/182 (année 1597).
31 AGS EST leg. 1068/42 (03/03/1575).
32 « Instituir una escuela de cient artilleros como la tienen Venecianos y otros principes en Italia », AGS EST leg. 1260/117 (10/09/1569).
33 « Haviendo su Magestad mandado los años passados por advertencia de Adrian Verbeque que en esta ciudad de Milan se hiziese y mantuviese una escuela de artilleros y carpinteros que se ejercitasen como se haze en Alemaña en muchas ciudades francas y en Ytalia, en tierras de Venecianos y otras », AGS EST leg. 1245/64 (01/10/1576).
34 « Sería acertado el mandar Vuestra Magestad que se introdujiesse en este estado la escuela de los artilleros que en todos estos vezinos, y en otros diversos de Europa se usa », AGS EST leg. 1260/109 (12/10/1585).
35 Ces écoles ont été partiellement étudiées par Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State : Venice c. 1400 to 1617, Cambridge University Press, 2006, p. 403-407.
36 Le livre de règle de cette école-confrérie permet de rendre compte de son existence continue à partir de l’année 1500. Voir ASV, Scuole Piccole, Ba 257.
37 Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 86.
38 Ibid., p. 404-405. Le Sénat vénitien expliquait ainsi le rôle clé de ces écoles : « E importantissima la provisione de Bombardieri, essendo necessario mandarne buon numero in Armata et altri luoghi, et isole nostre » ASV, Senato Terra, reg. 49, fol. 81 (13/12/1572).
39 Le Sénat vénitien expliquait ainsi le rôle clé de ces écoles : « La provision d’artilleurs est très importante, car il est nécessaire d’en envoyer bon nombre dans l’armada et autres lieux et îles nous appartenant », (« E importantissima la provisione de Bombardieri, essendo necessario mandarne buon numero in Armata et altri luoghi, et isole nostre » ASV, Senato Terra, reg. 49, fol. 81 (13/12/1572).
40 Le texte de création de l’école par Paolo da Canale date du 31 octobre 1500 : ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 1r.
41 ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 20v (année 1534).
42 Ibid. fol. 45v (20/04/1570).
43 « Parte presa nell’Eccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri di Venetia, stampata per Pietro Pinelli, stampator ducale », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).
44 Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 405.
45 « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de’ Bombardieri. Stampata per Antonio Pinelli, stampator ducale », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).
46 « Parte presa nell’Eccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).
47 « Si debbano far due mostre al Lido ogni anno alla presentia di un’Illustrissimo Signor Proveditor al meno, dove in una mostra si essercitino a tirar con sei falconi, tirando in terra in distantia di 300 over 400 passa et nell’altra Mostra tirando in un segno in Mare distantia di 400 passa », document intitulé « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de’ Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).
48 « Che li 12 capi di squadra che sarano elletti siano obligati due volte al mese [riunire ?] li soi bombardieri et insegnarli delle cose pertinenti all artellaria », ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 50v (année 1573).
49 « Che il Capo de Bombardieri di questa Città sia tenuto cosi l’inverno come l’estate ridur ogni sera in casa sua tutti quelli Bombardieri che stimera atti, insegnandoli et essaminandoli in tutte le cose dell’Arte », dans le document intitulé « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de’ Bombardieri… », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).
50 « Da poi che el ditto [bombardiero] havera meso in deposito ducado do hover el valor de quelli non haltramente se intenda vegnir a la prova et poi essaminado dele cose hapartinente hal arte… », ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 10r (04/07/1507).
51 ASV, Capi del Consiglio dei Dieci, Notatorio, reg. 10, c. 19r-v (28/04/1533).
52 ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 23v (19/04/1539).
53 « Parte presa nell’Eccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardier », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).
54 « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de’ Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).
55 « Examinatione che si fa nel Arsenale alli bombardieri », ASV, Archivio propio Giacomo Contarini, Ba 25.
56 Hochmann, Michel « La collection de Giacomo Contarini », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, vol. 99, no 1, 1987, p. 447-489.
57 « Parte presa nell’Eccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).
58 ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 50v (année 1573). « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de’ Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).
59 AGS EST leg. 1249/81 (12/03/1578).
60 Mallett, Michael E., Hale, John R., The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 406. ASV, Scuole Piccole, Ba 257, fol. 45v (année 1570).
61 « Parte presa nell’Eccelso Conseglio di Dieci in materia de Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (18/07/1571).
62 Mallett, Michael E., Hale, John R, The Military Organisation of a Renaissance State, op. cit., p. 406. « Terminatione et regolatione delli Illustrissimi Signori Proveditori alle artellarie in materia de’ Bombardieri », ASV, Savio alla Scrittura, Ba 193 (25/01/1607).
63 Voir p. 255-258.
64 Maestro Geronimo apparaît comme condestable dans la liste de recrutement du galion amiral de la flotte de Nouvelle-Espagne en 1574, AGI CT leg. 2937.
65 Voir le compte rendu d’examen de Juan Gutierrez du 19 mai 1581 : « ha ganado seis precios a Geronimo Lopez, y a Maestre Geronimo, y a Gaspar de Ubaldeche, y a Pedro Hernández… », AGI CT leg. 4871.
66 AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604).
67 Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit., fol. 103r-104v.
68 Voir les enquêtes pour l’attribution d’un habit de l’ordre de Santiago à ses fils Pedro et Cesar, respectivement AHN OM-Santiago, Exp. 496 (année 1571), et AHN OM-Santiago, Exp. 495 (année 1593). Voir aussi les autres membres de la famille, Juan le petit-fils et Hernando le neveu, respectivement AHN OM-Santiago, Exp. 491 (années 1592-1595) et AHN OM-Santiago, Exp. 487 (années 1592-1596).
69 Titre octroyé par Philippe II en 1564 selon Villabianca, Francesco Maria Emanuele e Gaetani (marchese) di, Della Sicilia nobile, Palerme, Stamperia de’ Santi Apostoli per Pietro Bentivenga, 1754, Parte II Libro I, p. 20.
70 Voir sa titulature complète dans les instructions qu’il reçoit du roi pour son ambassade auprès de l’Empereur en 1578, Lefèvre, Joseph, Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, deuxième partie, Tome I (1577-1580), Bruxelles, Palais des Académies, 1940, p. 351.
71 Ce parti rassemblait le secrétaire Juan de Idiaquez, le marquis de Santa Cruz, le cardinal de Granvelle, Gian Andrea Doria et le duc de Terranova : Carpentier, Bastien, « L’économie politique de la guerre. Giovanni Andrea Doria, la république de Gênes et la monarchie hispanique (1560-1606) », thèse soutenue à l’Université du Littoral Côte d’Opale, 2017, p. 260.
72 Fonction équivalente au vice-roi, mais le duc de Terranova ne pouvait porter le titre de vice-roi de Sicile en raison de son origine sicilienne – car le titre vicerégale était réservé aux gouverneurs non natifs de la région à gouverner.
73 Lefèvre, Joseph, Correspondance de Philippe II sur les affaires des Pays-Bas, deuxième partie, Tome I (1577-1580), op. cit. p. 329 et 351. Cet ouvrage contient l’essentiel de la correspondance entre Philippe II et Terranova lors de cette mission menée à Cologne entre 1578 et 1580.
74 La cérémonie eut lieu à Piacenza le 11 décembre 1585, AHN EST leg. 7690, Exp. 7.
75 « La mucha satisfación que he tenido de vuestra persona se ha podido conocer en la confiança que siempre he hecho della y continuando en lo mismo quiero agora usar con Vos de términos que uso con pocos… », AGS EST leg. 1265/10 (21/10/1589).
76 Voir la dédicace que fait Luis Collado au duc de Terranova en 1586, dans laquelle il retrace brièvement sa carrière militaire, Collado, Luis, Pratica Manuale di arteglieria, Venise, Pietro Dufinelli, 1586.
77 AGS EST leg. 1135/100 (01/11/1571).
78 García Hernán, Enrique, « La conquista y la pérdida de Túnez por don Juan de Austria (1573-1574) », op. cit.
79 Le récit de la prise de Tunis par don Juan d’Autriche figure dans AGS EST leg. 1139/131 (11/10/1573).
80 AGS EST leg. 1139/134 (18/10/1573).
81 Voir par exemple le rapport du capitaine Ayala sur l’état de la Goulette : AGS EST leg. 1139/46 (avril 1573). Terranova envoie 2 000 fantassins espagnols et dix artilleurs à la Goulette, avant la prise de Tunis, AGS EST leg. 1139/49 (18/04/1573). Puis des renforts d’artilleurs et d’artillerie envoyés après la prise de Tunis AGS EST leg. 1139/86 (20/05/1574) et AGS EST leg. 1142/24 (24/05/1574).
82 Les besoins en artillerie de la Goulette en 1573 s’élevaient à 73 pièces, AGS EST leg. 1139/46 (Avril 1573). Ces besoins semblent avoir été comblés après la conquête de Tunis, voir par exemple l’envoi de douze grandes pièces napolitaines, AGS EST leg. 1142/24 (24/05/1574). Voir aussi l’avis positif du capitaine Jaime Losada sur les préparatifs de défense des forteresses, AGS EST leg. 1139/86 (20/05/1574).
83 AGS EST leg. 1139/134 (18/10/1573).
84 AGS EST leg. 1141/95 (17/07/1574).
85 Les nombreuses lettres reçues par le duc de Terranova sont contenues dans deux legajos de Simancas : AGS EST leg. 1141 et 1142.
86 D’après Enrique García Hernán, le conseil d’État avait pris la décision de ne pas envoyer de renforts, peu importe la tournure que prendraient les évènements, García Hernán, Enrique, « La conquista y la pérdida de Túnez por don Juan de Austria (1573-1574) », op. cit. ; Il faut ici rappeler que la Monarchie hispanique était alors occupée sur de nombreux fronts et organisait notamment une grande armada à Santander à destination des Flandres : Pi Corrales, Magdalena, « La otra Invencible », 1574 : España y las potencias nórdicas, op. cit.
87 Voir le récit d’Alonso de Salamanca : Salamanca, Alonso de, Manuscrit II/1330, Palacio Real de Madrid. Voir aussi González Castrillo, Ricardo, « La perdida de la Goleta y Túnez en 1574 y otros sucesos de historia otomana narrados por un testigo presencial : Alonso de Salamanca », Anaquel de estudios árabes, vol. III, 1992.
88 Pour les effectifs, voir AGS GYM leg. 77/206 (01/03/1573). Pour l’envoi de renfort, voir AGS EST leg. 1139/49 (18/04/1573).
89 AGS EST leg. 1141/108 (26/07/1574).
90 AGS EST leg. 1141/122 (06/08/1574).
91 AGS EST leg. 1141/114 (09/08/1574).
92 Nouvelles de l’arrivée du groupe d’artilleurs et effet positif sur le moral des troupes dans AGS EST leg. 1141/132 (17/08/1574) et 134 (22/08/1574). Sur le capitaine Federico Venusta, voir le désir du duc de le récupérer après sa capture par les Ottomans : AGS EST leg. 1144/3 (04/01/1575).
93 « Che li Turchi sentirano pena et mormoravano di non haver presa la fregata prima che fussero entrati li detti bombardieri […] perche credevano che non havesse piu bombardieri stanti che non si tirava piu artigliaria. Che si dolevano li Turchi ch’era entrato dentro la Goleta uno che faceva molti artifici di fuoco et ch’abbruciava li Turchi », AGS EST leg. 1141/135 (21/08/1574).
94 AGS EST leg. 1141/115 (15/08/1574).
95 La date de départ se déduit de AGS EST leg. 1141/129 (16/08/1574). Sur l’échec des renforts voir AGS EST leg. 1141/140 (02/09/1574).
96 García Hernán, Enrique, « La conquista y la pérdida de Túnez por don Juan de Austria (1573-1574) », op. cit. p. 92-93.
97 AGS EST leg. 1141/1 (10/11/1574).
98 Pour la mission de Locadello, voir ibid. Pour la mission de Gago, voir AGS EST leg. 1141/10 (15/12/1574).
99 « A Locadello – Che si trata di far scuola di bombardieri » dans AGS EST leg. 1141/1 (10/11/1574).
100 AGS EST leg. 1144/3 (04/01/1575).
101 « Due huomini della medesima professione spagniuoli, casati in questo regno, i quali havevano piazze nel castello di questa citta, et sono esercitati nella disciplina di Milano », ibid.
102 Ces règles figurent dans le document « Instruttioni alli maestri dell’artiglieria », AGS EST leg. 1144/4 (04/01/1575).
103 Ibid.
104 « Insegnare con lettioni […] la professione et dottrina di buon artigliero », ibid.
105 Le contenu de ce programme est l’objet d’une analyse approfondie p. 535-547.
106 « Instruttioni alli maestri dell’artiglieria », AGS EST leg. 1144/4 (04/01/1575).
107 Une réforme des salaires des maîtres de ces écoles eut lieu en 1591, ce qui indique qu’elles fonctionnaient déjà bien avant cette date, AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).
108 Sur l’importance de chacune des garnisons siciliennes, voir p. 64.
109 AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).
110 C’est ce qu’il affirmait devant le conseil de guerre en 1590, AGS GYM leg. 313/121 et 122 (19/02/1590).
111 Voir p. 64 pour les effectifs d’artilleurs dans les garnisons siciliennes.
112 « Tanpoco conviene que en ninguna manera se borren las escuelas y cabos dellas, respeto de ser como sabeys la oficina donde se afinan y de donde se sacan para artilleros los escolares que se crian en ellas, de que es necesario tener proveydo este Reyno por ser frontera del común enemigo », AGS EST leg. 1157/103 (30/05/1591).
113 Voir p. 64 et 93.
114 En 1590, le conseil de guerre pressait le retour à Trapani du directeur de l’école Alonso de Salamanca précisément pour cette raison, AGS GYM leg. 313/121 (18/02/1590).
115 AGS EST leg. 1155/87 (20/03/1587) et AGS GYM leg. 195/41 (29/03/1587).
116 Par exemple, Anton Polo, « cabo de los artilleros de Sicilia », décédé lors d’une explosion accidentelle à Lisbonne, peu avant le départ de la Grande Armada, AGS GYM leg. 220/15 (25/02/1588). Voir aussi, en 1589, le groupe d’artilleurs siciliens autour d’Evangelista, « cabo de una de las escuadras de artilleros de campaña que vinieron de Sicilia », AGS GYM leg. 254/100 (08/12/1589).
117 Terranova arrive à Gênes début mars 1583, s’apprêtant à prendre ses fonctions à Milan dans les semaines suivantes, AGS EST leg. 1417/80 (06/03/1583).
118 « Tengo por muy necessario […] que los unos y los otros artilleros se exerciten ordinariamente y tengan escuela dello, para que vayan aprendiendo otros, con quien se puedan inchir las plaças que fueren vacando », AGS EST leg. 1260/119 (28/10/1583).
119 AGS EST leg. 1260/109 (12/10/1585) et feuillets suivants.
120 AHN EST leg. 7690, Exp. 7 (11/12/1585).
121 Voir la suggestion du successeur de Terranova au gouvernement de Milan, d’augmenter le nombre d’apprentis de l’école : AGS EST leg. 1280/30 (05/01/1596).
122 AGS EST leg. 1293/24 (06/05/1604).
123 Le nombre de 200 apprentis est fourni par Fuentes lui-même, ibid.
124 Voir p. 143.
125 Les règles étaient déjà en usage en 1543, AGS GYM leg. 146/59 (01/05/1543). Puis on les retrouve décrites dans les instructions de chaque capitaine général de l’artillerie, voir celles de Francés de Álava dans AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572) et celles de Juan de Acuña Vela dans AGS GYM lib. 43 fol. 22v-35r (30/08/1586).
126 Ibid.
127 Voir la version imprimée dans AGS GYM leg. 114/203 (10/02/1553).
128 AGS GYM leg. 146/59 (01/05/1543).
129 « Asientos de 30 artilleros que por mandado de Su Magestad y orden de Don Francés de Alava vinieron de Burgos a servir en este ejercito » AGS CMC 2a epoca, leg. 500 (03/11/1579).
130 Sur l’arrivée des vingt artilleurs à Lisbonne, voir AGS GYM leg. 203/31 (08/11/1587). Voir aussi la lettre de Juan Zorrilla, capturé par les anglais sur le galion de Pedro de Valdés, AGS GYM leg. 268/36 (04/10/1589). La capture du galion de Valdés par les Anglais est racontée dans Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit., p. 168.
131 AGS GYM lib. 63, fol. 79r (23/05/1592).
132 AGS CMC 1a epoca leg. 600.
133 Voir les comptes de Miguel Caro del Rincón, AGS CMC 2a epoca leg. 414.
134 « Juan Perez de Yracaval 3 400 maravedis a buena cuenta de lo que oviere de aber por el tiempo que se ocupare en havilitar e criar algunos artilleros que an de servir en la dicha Armada » avec notation marginale « los artilleros que estan a su cargo durante la dicha Armada », AGS CMC 2a epoca leg. 489. Juan Perez de Yracaval apparaît comme artilleur de Fontarrabie en 1570 et comme caporal d’artilleurs en 1580, AGS CMC 2a epoca leg. 414. Pour en savoir plus sur l’organisation de cette armada de l’adelantado Menendez de Avilés, destinée à rejoindre les Pays-Bas mais décimée par la peste, voir p. 98-99 et Pi Corrales, Magdalena, « La otra Invencible », 1574, op. cit.
135 AGS GYM leg. 316/153, 430 et 431 (année 1590).
136 AGS GYM leg. 271/34 (année 1589).
137 AGS CMC 2a epoca leg. 414.
138 « Mandamos a los gobernadores y capitanes generales de los puertos donde hubiere presidios y fortalezas y a los alcaides que tengan mucho cuidado de que en cada uno haya un terrero donde de ordinario se ejerciten en tirar los artilleros », Recopilación de leyes de los reinos de las Indias, op. cit., Libro III, Tit. X, Ley XXX (26/08/1580).
139 Voir p. 139.
140 AGS GYM leg. 281/230 (12/02/1590) et 240 (13/02/1590).
141 AGS GYM leg. 92/121 (année 1579).
142 Voir p. 66.
143 AGS CSU 2a epoca leg. 91.
144 « La horden que se ha de tener en la abilitación y exercicio de los artilleros conforme a lo que su Magestad tiene mandado en esta manera », ibid. (12/03/1560).
145 Ce bref manuel porte le titre de « Avisos de cosas tocantes al artillería », ibid. (sans date).
146 La nature de ces connaissances sera discutée dans le dernier chapitre.
147 « Desaminar todos los fundidores e artilleros e lombarderos e tiradores para que los que dellos no hallare abiles les despida », AGS EMR leg. 82/5 (02/03/1501) recopié dans Arántegui y Sanz, José, Apuntes históricos sobre la artillería española en la primera mitad del siglo xvi, op. cit., p. 209.
148 ibid., p. 276.
149 Titre et instructions de Francés de Álava, AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572). Formulation exactement identique pour Juan de Acuña Vela, AGS GYM lib. 43 fol. 22v-35r (30/08/1586).
150 Certains enregistrements de ces examens ont été conservés. Voici un exemple de ce type de document, datant du 23 mars 1564 : « Yo Alejandro de Aguilón caporal de los artilleros de Barcelona digo que por orden del señor de San Jorge capitán del artillería de su Magestad he esaminado a Pedro de Aldaba que fue proveido de artillero en plaza de Segovia difunto que era del numero de Perpiñan y doy fee que el dicho Pedro de Aldabala es abil y suficiente para servir la dicha plaza conforme a lo que el señor don Juan Manrique capitán general del artillería por su cedula manda porque es la verdad lo firme de mi nombre » AGS CSU 2a epoca leg. 91.
151 « Sebastian Soler, sirviendo de artillero, […] en los examenes que en mi presencia se le hizieron, dio buena quenta y razon de lo que era obligado saver por razon de su officio como hombre esperto y suficiente al arte », AGS GYM leg. 276/275 (06/03/1589).
152 AGS GYM leg. 401/136 et 137 (23/05/1594).
153 AGS GYM leg. 186/25 (28/06/1586).
154 « No se resciva ningún soldado por artillero sino fuere alguno que sea platico en el manejo del artillería y que para entender si lo se examine en presencia del Vissorey y capitán general », AGS GYM leg. 209/374 (04/11/1587) confirmé par leg. 365/123 (11/12/1587).
155 Voir p. 326-329.
156 Lettre de don Bernardino de Velasco, capitaine général de l’artillerie de Sicile : « no tienen por bien les maestros rationales que yo reciba artillero ni le despida no siendo habil ni suficiente », AGS EST leg. 1144/73 (16/07/1575).
157 « El dicho Andrés de Espinosa, artillero mayor y los dichos tres artilleros dixeron a los dichos señores presidente y juez que el dicho Juan de Toro que se avia examinado tenía platica y abilidad y suficiencia por poder usar el dicho officio de artillero », examen de Juan de Toro, 19 avril 1581, AGI CT leg. 4871.
158 « Desaminamos Pasqual de Vera si es abil y suficiente para servir a su Magestad en la plaza de artillero que esta proveído, ansí pasa a tirar como a conocer todas las otras cosas pertenecientes y tocantes al servicio », AGS CSU 2a epoca leg. 91.
159 « Dio buena quenta y razón de lo que era obligado saver por razón de su officio como hombre esperto y suficiente al arte » AGS GYM leg. 276/275 (06/03/1589).
160 Arántegui y Sanz, José, Apuntes históricos sobre la artillería española en la primera mitad del siglo xvi, op. cit., p. 295-297.
161 « Tengais cargo de haver que los artilleros de yuso declarados se abiliten y exerciten en su oficio de artilleros mostrandoles como han de tirar como su Majestad lo tiene mandado y asi mismo como se hace la polvora y el salitre […] y otodo lo demas que se requiere de artilleros », ibid.
162 « Un bombardiere francese “bocciato” negli esami nel 1530 », Bolletino storico della Svizzera italiana, Année 1891, num. 7 et 8, p. 147-150. Je remercie Fabrizio Ansani pour cette référence.
163 Collado, Luis, Plática manual de artillería, op. cit. fol. 103.
164 « Hazer la prueba y examen de su abilidad », AGS GYM leg. 82/58 (année 1577).
165 « Es necesario para ello instrumentos », ibid.
166 « Hazer la prueva de lo que sabe delante de quien lo entienda », ibid.
167 AGS GYM lib. 57, fol. 145r (24/03/1591).
168 AGS GYM leg. 276/270 (25/12/1589).
169 « Supplica a Vuestra Majestad que siendo menester en Reynos de España, en Lisboa o en La Coruña o otra parte de Teniente de Ingeniero o que el haga tambien este oficio, mande que sea esaminado de personas de la profesión », ibid.
170 La structure d’administration de ces techniciens est décrite p. 137.
171 « Visitareis los officiales y artilleros que oviere a nuestro sueldo en toda la dicha artilleria y en las partes sobre dichas y entendereis si son de la avilidad que conviene cada uno en el officio que a de hazer », titre de Francés de Álava, AGS GYM leg. 76/133 (17/05/1572), repris à l’identique dans le titre d’Acuña Vela AGS GYM lib. 43, fol. 22v-35r (30/08/1586).
172 Ce champ d’étude de la formation des pilotes bénéficie manifestement d’un regain d’intérêt depuis plusieurs années. Voir Sandman, Alison Deborah, « Cosmographers vs Pilots : Navigation, Cosmography and the State in Early Modern Spain », op. cit. Collins, Edward, « Francisco Faleiro and the Scientific Methodology at the Casa de la Contratación in the Sixteenth Century », op. cit. Esteban Piñeiro, Mariano, Vicente Maroto, María Isabel, « La Casa de Contratación y la Academia Real matemática » dans Historia de la ciencia y de la técnica en la Corona de Castilla. Vol. III, Siglo xvi y xvii, José María López Piñero (éd.), Valladolid, Junta de Castilla y León, 2002, p. 35-50.
173 Sandman, Alison Deborah, « Cosmographers vs Pilots : Navigation, Cosmography and the State in Early Modern Spain », op. cit.
174 Ibid. p. 213.
175 Voir l’examen d’Alonso de Hidalgo pour devenir « maestre » de la route de Nouvelle-Espagne, AGI CT leg. 52A, num. 39 (06/02/1587).
176 Santos García, Inés María, « El oficio de maestre en la Carrera de Indias », Revista general de marina, vol. 263, 2012, p. 23-39. Fernández-López, Francisco, « El proceso de admisión de maestres de navíos en la Casa de la Contratación : expedientes y procedimiento », Anuario de Estudios Americanos, vol. 75, no 1, 2018, p. 43-66.
177 Pour une brève description de cette procédure, voir Phillips, Carla R., Six Galleons for the King of Spain, op. cit., p. 133. Les examens de pilotes de la seconde moitié du xvie siècle sont en grande partie contenus dans AGI CT leg. 52A et B et 53A et B.
178 AGI CT leg. 52A, num. 6 (13/11/1580).
179 « Que tomase juramento a todos los dichos pilotos que guardaran el secreto de lo que pasare en el dicho examen », ibid.
180 « Que cada uno dellos le haran tres preguntas las más dificiles que supiere en el arte de la navegación de las Indias », ibid.
181 Voir un feuillet de documents « examenes de notarios » de l’année 1625 inséré au milieu du legajo sur les examens d’artilleurs de la casa de la contratación. On retrouve encore une fois la même terminologie : « os mando le exsamineis y hallándole hábil y suficiente », AGI CT leg. 4871.
182 Belhoste, Bruno, « L’examen », Histoire de l’éducation, vol. 94, 2002, p. 5-16.
183 Julia, Dominique, « Sélection des élites et égalité des citoyens. Les procédures d’examen et de concours de l’Ancien Régime à l’Empire », Mélanges de l’Ecole française de Rome. Italie et Méditerranée, vol. 101, no 1, 1989, p. 339-381.
184 Julia, Dominique, « Gaspard Monge, examinateur », Histoire de l’éducation, vol. 46, no 1, 1990, p. 111-133.
185 Verger, Jacques, Culture, enseignement et société en Occident aux xiie et xiiie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 166-167.
186 Bejarano Robles, Francisco, La industría de la seda en Málaga durante el siglo xvi, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1951, p. 56.
187 Ces lettres sont transcrites à la fin de l’ouvrage de Bejarano Robles, ibid. p. 213-218.
188 « Al qual han hallado abil y suficiente, por quanto para saber y entender lo que en el dicho oficio sabía le hizieron las preguntas y repreguntas que se requieren a las quales dio bastantes razones así de platica como de obra que de sus manos le vieron fazer », ibid. p. 218.
189 La même formulation revient à chaque fois : « Qualquier del dicho oficio que quisiera poner tienda e usar de dicho oficio y obra presta no sea osado de la poner ni tener sin que sea primero esaminado por el dicho alés y veedor de dicho oficio », AMS Sección XVI, doc. no 17, fol. 71r (herreros), fol. 78v (tirados de hilo de oro), fol. 83v (espaderos).
190 AMS Sección I, Tome 15, doc. no 24 « ordenanza de el oficio de los maestros confiteros, impresa en 1723 », signée par le roi Philippe III à Madrid le 20/05/1606.
191 « Nos fue hecho relación que el trato y confituria en la dicha ciudad de Sevilla era muy grueso por ser muy grande como nos era notorio, y […] no había examen del dicho oficio, ni ordenanzas, habiendo como había en otras ciudades de estos nuestros reynos examen del dicho oficio », ibid.
192 « Que a el dicho examen se hallen presentes juntamente con los dichos veedores otros dos oficiales examinados, que así mismo nombren los dichos oficiales confiteros a el tiempo que hizieren la eleción de los doze que assistan a el dicho examen y puedan hazer preguntas, con que no tengan voto con los dichos veedores », ibid.
193 « En todas las ciencias, disciplinas, facultades, artes liberales y mecánicas, ay examen para aprovar a los que las professan o reprobarlos : y este acto riguroso les haze estudiar y trabajar para dar buena cuenta de sí », Covarrubias Horozco, Sebastián, Tesoro de la lengua castellana o española, Madrid, Luis Sánchez, 1611.
194 Je remercie Luca Molà de m’avoir transmis cette référence permettant d’enrichir cet aperçu de l’ampleur de la pratique de l’examen. Biblioteca del Museo Correr, Venezia, Mariegole, n. 48, Tessitori di seta : CAP.120 : fol. 59v-61r (27/06/1509).
195 « Che ogni volta che qualcuno vorrà mettersi alla prova per essere fatto maestro, fatto il deposito di un ducato secondo legge, sia esaminato dai Provveditori e Giudici », ibid.
196 « Sarà interrogado » et un peu plus loin « quando saranno esaminati e interrogati da Giudici e Provveditori », ibid.
197 « Et se el saverà scriver et che el dagi in nota la risposta sua in scriptura », ibid.
198 « El scrivan debi notar fidelmente, iuxtamente et distinctamente quello che loro responderano », ibid.
199 Aux cas vénitiens et espagnols, on peut rajouter celui de certaines guildes et administrations des Pays-Bas dans le courant du xviie siècle : Davids, Karel « Apprenticeship and Guild Control in the Netherlands, c. 1450-1800 » dans Learning on the Shop Floor : Historical Perspectives on Apprenticeship, Bert De Munck, Steven L. Kaplan et Hugo Soly (éd.), Oxford, New York, Berghahn Books, 2007, p. 65-84.
200 Parker, Geoffrey, The Grand Strategy of Philip II, op. cit., p. 269.
201 Voir p. 86 ainsi que Martin, Colin, Parker, Geoffrey, The Spanish Armada, op. cit. ; Geoffrey Parker, The Grand Strategy of Philip II, op. cit.
202 Wernham, Richard B., After the Armada, op. cit.
203 Voir p. 87-88.
204 AGS GYM leg. 254/171 et 181 (09/12/1589).
205 Voir la lettre de Marcos de Aramburu au roi : AGS GYM leg. 254/167 et 168 (10/12/1589).
206 « Que se saquen los artilleros de tierra que se pudieren pues […] darán doctrina del artillería a los marineros […] y se yran ellas cada día enseñando como la han de hussar en la mar », ibid.
207 « E oydo tratar a unos que seria bien que en cada lugar de los destas costas huviese una escuela de artilleros », AGS GYM leg. 280/228 (06/02/1590).
208 « Vuelvo a acordar de la importancia grande que sería havilitar un numero de 1000 artilleros marineros en las costas de España para tenerlos en ellas sin sueldo sufficientes y examinados todas las vezes que sean menester, lo qual con muy poco gasto se podria, poniendo un cabo que tuviese escuela en cada uno de los lugares maritimos de más concurso », AGS GYM leg. 398/294 (19/02/1594).
209 « Que por su orden començo a servir en el dicho castillo con que sea obligado a enseñar en escuela quando se lo mandaren porque lo hizo en Sicilia », AGS GYM lib. 45, fol. 62r (24/08/1588).
210 AGS GYM leg. 280/255 (18/02/1590).
211 « A 49 artilleros de campaña que ay se an dado quatro pagas. Tienen puesta escuela aqui |Ferrol] y en la Coruña dos cabos Italianos […] En quanto a las dichas escuelas, la de aqui sirve de abilitar los artilleros de mar, y hazer algunos de nuevo », AGS GYM leg. 281/32 (07/02/1590).
212 Le marquis de Cerralbo au roi : AGS GYM leg. 254/100 (08/12/1589).
213 AGS GYM leg. 254/169 et 170 (09/12/1589).
214 « Maestre Lazaro de la Isla, cavo maestro de los artilleros de las ocho galeras que llevo a cargo a Lisboa el capitan Cristoval de Monguna […] tenía escuela de artilleros donde se enseñavan los que querían aprender el dicho arte », AGS GYM leg. 271/37 (05/12/1589).
215 Des indices de sa biographie sont contenus dans le document précédent. Voir aussi la préface au lecteur du livre qu’il publia cinq ans plus tard, Isla, Lazaro de la, Breve tratado de artillería, geometría y artificios de fuegos, Madrid, Viuda de Pedro Madrigal, 1595. Pour son rôle dans l’invasion de la Terceira en 1583, voir AGS GYM leg. 148/311 (année 1583).
216 Demande de Lazaro de la Isla : « A Vuestra Majestad suplica de nuevo sea servido darle licencia que pueda enseñar el arte de artillería ». Réponse du conseil de guerre : « que el Adelantado de Castilla haga y procure que en las galeras se enseñen estas cosas a los que se quisieren inclinar a ello », AGS GYM leg. 316/117 (année 1590).
217 « Abiendo considerado la falta de artilleros que a avido […] les he puesto escuela y una pieça con que tiran », AGS GYM leg. 378/85 (12/10/1593).
218 Voir ibid. et AGS GYM leg. 378/98 (08/11/1593).
219 « Los esamina Juan Merlo, milanés, condestable de la Capitana », AGS GYM leg. 378/85 (12/10/1593).
220 Coll. Navarete, vol. 22, doc. no 47. Le document est inséré dans un ensemble provenant du conseil des Indes à la fin des années 1570.
221 « En quanto a lo que convendrá para que aya escuelas de artilleros fuera de las que ay, siendo Vuestra Majestad servido se podrá poner una escuela en Burgos, otra en Pamplona, otra en San Sevastian, otra en Fonterevia, y otra en Gibraltar », AGS GYM leg. 246/191 (20/02/1589).
222 « Desde el año pasado de 84 yo he mandado que los artilleros de los castillos de Lisboa, su ribera y comarca se ejerciten y habiliten en su officio », Le roi à Hernando de Acosta, AGS GYM lib. 57, fol. 9 (29/04/1590).
223 Ces grandes garnisons continuèrent de jouer ce rôle après l’armada de 1588. Voir par exemple les artilleurs de Burgos embarqués pour l’armada de 1597 : AGS GYM lib. 77 fol. 202r (26/08/1597).
224 D’après les mots de don Juan de Acuña Vela : « Ay alli quien enseñe y publicamente lo muestran a quien lo quiere oyr », AGS GYM leg. 280/255 (18/02/1590).
225 AGS GYM leg. 246/191 (20/02/1589).
226 Voir p. 324-325.
227 « El doctor Julian Ferrofino dize a professado en matheria de forticaciones y artillería en que a servido a Vuestra Majestad de 6 años a esta parte en el estado de Milan », AGS GYM leg. 262/284 (27/06/1589).
228 « Es muy docto en las matemáticas y tengo por cierto que en lo que es teórica intruirá muy bien y con la facilidad que promete en el ministerio de la artillería a todos los que le oyeren, lo qual convendría mucho y es bien necesario al servicio de Vuestra Majestad », AGS GYM leg. 263/224 (année 1589).
229 « Instruira muy bien y con la facilidad que promete a todos los que le oyeren en lo de ser artilleros […] començando por Burgos dondé ay escuela dellos, adonde acudirían otros muchos », AGS GYM leg. 262/284 (27/06/1589).
230 « Si el doctor Millio [Ferrofino] que así entiendo se llama él a quien Vuestra Majestad a mandado yr a leer a Burgos esta materia de artillería viniese aquí seria a mi juicio mucho más servicio de Vuestra Majestad », AGS GYM leg. 254/179 (03/12/1589).
231 Voir les nombreuses citations des pages précédentes.
232 « Poner escuela para que aprendan y para ello se les de una pieza de artillería pequeña y la polvora y pelotas que pareciere que bastaran y poner aquí un muy buen artillero por cavo para que enseñe y avilite los que ahora ay y hubiere de haver », AGS GYM leg. 254/221 (22/12/1589).
233 AGS GYM leg. 688/57 (14/03/1605).
234 « Se le [Lazaro de la Isla] a mudado a Cádiz para que allí sirba en enseñar y abilitar los artilleros », AGS GYM leg. 627/126 (16/06/1604).
235 AGS GYM leg. 398/291 (19/02/1594).
236 AGS GYM lib. 70 fol. 58r (28/09/1594).
237 « En Catalunia, Navarra, Galicia, Portugal y Cádiz ay escuelas donde se ejercitan los artilleros que ay en estas partes y los que quieren abilitarse y en Gibraltar, Málaga y Cartagena también se ejercitan y no llevan sueldo y solo gozan de las dichas exenciones », AGS GYM leg. 688/57 (14/03/1605).
238 Voir p. 187-190.
239 « E importantissima la provisione de Bombardieri, essendo necessario mandarne buon numero in Armata et altri luoghi, et isole nostre » ASV, Senato Terra, reg. 49, fol. 81 (13/12/1572).
240 Walton, Steven A. « The art of gunnery in Renaissance England », op. cit., p. 294 et suiv.
241 AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604).
242 AGS GYM leg. 688/56 (18/08/1606), accompagné de deux documents plus anciens : no 57 (14/03/1605) et 58 (14/08/1604).
243 La cour du roi Philippe III fut installée à Valladolid à partir de 1601 avant de retourner à Madrid en 1606.
244 « La otra escuela se podría poner en Avila per ser lugar que mas cantidad ay de carpinteros, canteros, herreros y cerrajeros y de otros oficios semejantes de Castilla », AGS GYM leg. 688/58 (14/08/1604). Sur l’origine de Juan de Acuña Vela, voir p. 136.
245 AGS GYM leg. 688/55 (17/10/1608).
246 Coll. Aparici, Tomo XLVIII, sig. 1-3-16, AGS, Mar y Tierra, leg. 1230, année 1638 : « introducir en Burgos la escuela de los 120 artilleros que allí había ».
247 Ibid.
248 « El capitán general de la artillería de España informo que no tan solo se debía hazer la escuela en Cádiz sino es en todos los puertos de mar como era en Malaga, San Sebastian, la Coruña, Mallorca, eligiendo y recibiendo mozos que tengan edad de poder mover las piezas […] y señalarles sueldo al menos de 4 escudos […] Otra escuela en Cathaluñia que también es precisa », consulte du conseil de guerre de 04/07/1678, AGS GYM leg. 2407, sans numérotation de folio. Le thème revient régulièrement à l’ordre du jour des réunions du conseil de guerre de l’année 1678 : le 16/05, le 15/07, le 29/07 et le 21/10. Je remercie Antoine Sénéchal pour cette référence trouvée au détour de ses recherches sur Oran.
249 Andújar Castillo, Francisco, « La educación de los militares en la España del siglo xviii », Chronica nova : Revista de historia moderna de la Universidad de Granada, no 19, 1991, p. 31-56. d’Orgeix, Emilie, « Supports d’enseignement et édition militaire en France : du cahier d’exercice manuscrit à la publication savante (1750-1840) », dans Les savoirs de l’ingénieur militaire (1751-1914), Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, 2013, p. 61-70. Vallet de Viriville, Auguste, Histoire de l’instruction publique en Europe et principalement en France, depuis le christianisme jusqu’à nos jours : Universités, colléges, écoles des deux sexes, académies, bibliothèques publiques, etc, Administration du Moyen Âge et de la Renaissance, 1849, p. 266 et suiv.
250 Voir les remarques p. 208 concernant la procédure de sélection des lieutenants.
251 Pour une description de cette structure administrative, voir p. 137.
252 Voir p. 326-329.
253 AGS GYM leg. 276/275 (06/03/1589).
254 AGS EST leg. 1704/66 (10/08/1604).
255 AGS GYM leg. 209/374 (04/11/1587).
256 « Tiene necesidad de capitán hombre tal que entienda la milicia, como se a de cargar una pieza y asestarla y lo propio advierto a Vuestra Majestad que an de tener todos los alcaides de fortalezas que servieren a Vuestra Majestad porque es de grande importancia, y que sean exsaminados como lo son los condestables de las dichas fortalezas y artilleros porque he visto muchos capitanes de naos y fortalezas que al tiempo que el hartillero quiere disparar para el enemigo hechan a ir de miedo de la pieza […] [pero] entendiendo esto los alcaides de las fortalezas estarían siempre presentes y verían como el artillero o artilleros hacían su oficio », AGS GYM leg. 133/245 (année 1582).
257 « Y el capitán y maestre que supiere esto y las preguntas que ha de hacer al Artillero, sabra pelear en la mar con menos gente y menos artillería » dans le document intitulé « Orden e instrucción del modo y manera que se ha de tener para pelear en el Mar », Coll. Navarete, vol. 22, doc. no 47 (ca 1575).
258 AGI IG leg. 1957 lib.5 fol. 236v-237r (09/10/1601).
259 AGS GYM leg. 77/179 (année 1572).
260 Voir chapitres « la Nouvelle Science » et « traités d’artillerie et écoles d’artilleurs ».
261 Cette institution a été étudiée par Mariano Esteban Piñeiro et María Isabel Vicente Maroto dans plusieurs livres et articles : Vicente Maroto, María Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, Aspectos de la ciencia aplicada en la España del Siglo de Oro, Valladolid, Junta de Castilla y León, Consejería de cultura y turismo, 2006. Esteban Piñeiro, Mariano, « La academia de matemáticas de Madrid » dans Felipe II, la ciencia y la técnica, Enrique Martinez Ruiz (éd.) Madrid, Actas, 1999, p. 113-132. Esteban Piñeiro, Mariano, « Las academias técnicas en la España del siglo xvi », Quaderns d’història de l’enginyeria, vol. 5, 2003-2002, p. 10-19. L’enseignement démarra en octobre 1583, d’après cette lettre de Juan de Herrera : AGS GYM leg. 165/249 (01/01/1584).
262 Herrera, Juan de, Institución de la Academia Real Mathemática, Madrid, Guillermo Droy, 1584 ; Publié en facsimilé : Herrera, Juan de, Institución de la Academia Real Mathemática, Madrid, Instituto de estudios Madrileños, 1995.
263 « Los hijos de los nobles que en la Corte y palacio de Su magestad se crían y se instruyen en el lenguaje y trato cortesano tengan, entretanto que salen a la guerra y cargos del govierno », Herrera, Juan de, Institución de la Academia Real Mathemática, op. cit., fol. 4r.
264 Ibid. fol. 19r et v.
265 Esteban Piñeiro, Mariano, « Las academias técnicas en la España del siglo xvi », op. cit.
266 Vicente Maroto,Maria Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, Aspectos de la ciencia aplicada en la España del Siglo de Oro, op. cit. p. 80-89.
267 Ibid. p. 108, 135 et suiv.
268 Ibid. p. 141.
269 AGI IG leg. 426, lib. 28 fol. 222v-223v (30/09/1595).
270 Voir p. 309-311.
271 AGI IG leg. 427 lib. 31 fol. 238r-239r (18/09/1604).
272 Ibid.
273 Vicente Maroto, Maria Isabel, Esteban Piñeiro, Mariano, Aspectos de la ciencia aplicada en la España del Siglo de Oro, op. cit., p. 173 et suiv.
274 Voir ses deux œuvres : Ferrofino, Julio César, Plática Manual y breve compendio de artillería, Madrid, Viuda de Alonso Martin, 1626. Ferrofino, Julio César, El Perfeto artillero, Madrid, Juan de Barros, 1642.
275 Walton, Steven A., « Mathematical Instruments and the Creation of the Scientific Military Gentleman » dans Instrumental in War : Science, Research, and Instruments between Knowledge and the World, Boston, Brill, 2005, p. 17-46.
276 Biagioli, Mario, « The Social Status of Italian Mathematicians, 1450-1600 », History of Science, Mars 1989, no 27, 1989, p. 41-95. Biagioli, Mario, Galileo, Courtier : the Practice of Science in the Culture of Absolutism, Chicago, The University of Chicago press, 1993.
277 Walton, Steven A. « The art of gunnery in Renaissance England », op. cit., p. 294 et suiv.
278 Lemau de la Jaisse, Pierre, Carte générale de la monarchie françoise, Paris, l’auteur, 1733, section « artillerie du Roy, au 15 février 1730 ». Ces écoles sont également mentionnées par Lesueur, Boris, « L’artillerie et les colonies sous l’Ancien Régime », Revue historique des armées, vol. 271, 2013, p. 6-19 ; Peter, Jean, Les artilleurs de la marine sous Louis XIV, Paris, Economica, 1995.
279 Parker, Geoffrey, The Military Revolution, op. cit.
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN : 978-2-406-11556-4
- EAN : 9782406115564
- ISSN : 2264-458X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11556-4.p.0357
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/08/2021
- Langue : Français