Primitivisme ramuzien et expérience phénoménologique
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Le Primitivisme des avant-gardes littéraires
- Auteur : Laborie (Laura)
- Pages : 219 à 239
- Collection : Rencontres, n° 595
- Série : Littérature des xxe et xxie siècles, n° 46
Primitivisme ramuzien
et expérience phénoménologique
Mettant en évidence le décalage entre le savoir acquis et l’impuissance de ce même savoir à satisfaire le sens de la vie, Edmund Husserl pose un nouvel impératif : la conscience n’est plus extérieure au monde, elle naît de sa relation avec le monde, impliquant un « Zur Sache selbst (retour à la chose même)1 ». À sa suite, la phénoménologie telle que l’a définie Maurice Merleau-Ponty explore le sujet humain en ce qu’il possède une compréhension du réel antérieure au langage et aux concepts. S’intéressant aux états préréflexifs, ce dernier rejette l’idéalisme qui confère à la raison un caractère constitutif et souligne l’importance de la perception, nous inscrivant dans le réel et s’imposant tel un jalon « en deçà duquel on ne peut régresser2 ». Base à partir de laquelle s’échafaude la réalité, elle révèle notre présence au monde avant tout processus rationnel, nous ramenant à l’origine de nos connaissances avant même que l’intellect ne soit convoqué. Ce qui conduit Merleau-Ponty à affirmer dans Signes, ouvrage publié en 1960 : « […] les cultures primitives, joue un rôle important dans l’exploration du monde vécu, en nous offrant des variations de ce monde sans lesquelles nous resterions englués dans nos préjugés […]3. » Ainsi, les préjugés de notre civilisation résident dans la suprématie accordée à la raison au détriment du monde sensoriel. C’est pourquoi, la tâche de l’anthropologue qui nous permet « d’élargir notre raison, pour la rendre capable de comprendre ce qui en nous et dans les autres précède et excède la raison4 » est valorisée par le philosophe. Ce 220dialogue entamé avec les cultures extra-occidentales révèle sa fascination pour les systèmes de pensée entés sur le sensible. Ce que l’on nomme les « primitifs » possèdent un ensemble de croyances qui ignorent les cloisonnements occidentaux entre le rationnel et l’irrationnel, entre le réel et le rêve. Au contraire, chez les cultures dites « primitives », le monde perçu n’est pas déprécié, il apparaît dans toute sa fondamentalité. On devine ici dans quelle mesure la phénoménologie est marquée par le sceau du primitivisme. Opposée à l’empirisme et au cartésianisme, cette philosophie, « prédominante dans le paysage intellectuel français à partir des années 19205 », scrute l’« expérience de l’être brut, qui est comme le cordon ombilical de notre savoir et la source de sens pour nous6 ». La notion d’« être brut » suggère l’existence d’un noyau existentiel dépourvu d’artifices, ramené à sa nature première : la phénoménologie nous promet donc l’accès à une strate primitive de la conscience. Selon le Vocabulaire d’esthétique d’Étienne Souriau, « Est brut ce qui reste à l’état naturel et n’a pas été travaillé par l’homme7 » ; par le truchement de l’adjectif « brut », on perçoit les soubassements philosophiques du primitivisme qui souhaitent retrouver un état premier, largement fantasmé, qui serait non vicié par la technique et la culture.
Lucien Dällenbach est le premier critique à faire référence au primitivisme de l’écrivain vaudois C. F. Ramuz. Lors d’un colloque consacré à l’auteur en 1994, il met en évidence la primordialité de son esthétique, la rattachant à des notions d’archaïque et d’originel à travers la figure centrale du paysan. Si le primitivisme de Ramuz est palpable à travers des motifs thématiques (comme par exemple, le tsigane, l’idiot, ou encore l’animisme), il occasionne aussi des bouleversements formels qui révolutionnent les codes de la représentation ; ainsi, Dällenbach insiste sur la spécificité du primitivisme du xxe siècle, qui se détache des exigences mimétiques qui ont prévalu depuis la Renaissance, à l’image de Picasso s’inspirant de la statuaire africaine pour schématiser et déformer la face 221de ses demoiselles d’Avignon et tourner violemment le dos au réalisme académique. En se référant aux sensations primitives et en cherchant une spontanéité perceptive, Ramuz s’écarte du réalisme balzacien, qu’il juge artificiel, explicatif, asservi à une fade copie du réel. Ce refus de restreindre l’art à un dessein mimétique logique, qui ignore les aléas perceptifs, anime également Merleau-Ponty. Les parallèles mis en évidence par le philosophe entre la phénoménologie et la peinture moderne non illusionniste rejoignent les rapprochements réalisés par Ramuz entre l’écriture et la peinture de Cézanne8, qu’il considère comme un « primitif9 ». Malgré l’écart générationnel entre les deux hommes, on constate, chez l’un comme chez l’autre, un même refus du « réalisme » qui les incite à explorer le caractère aléatoire et instable de la perception, afin de convoquer une organisation mouvante et imprévisible. Dans son ouvrage consacré à Jean Dubuffet, Michel Thévoz a souligné la portée restreinte de la mimèsis :
La représentation classique a cultivé exclusivement l’une des virtualités de la perception, celle qui vise à différencier, à focaliser et à identifier des objets, à les mesurer, à évaluer leur grandeur relative […]. C’est une perception appropriée aux sciences dites exactes […]. Cette représentation s’est imposée par le refoulement de tout un registre de la vie perceptive caractérisé par les états instables et diffus […]10.
Parce que « [l]a peinture réaliste, ce “rideau peint”, n’a […] pas pour fonction de représenter la réalité, mais de nous dispenser de la percevoir en lui substituant des leurres plus persuasifs11 », elle est impropre à satisfaire le sens de l’existence. Revenant sur les intuitions de Husserl, Merleau-Ponty constate en 1960, soit plus d’une décennie après la mort de Ramuz :
Bon gré mal gré, contre ses plans et selon son audace essentielle, Husserl réveille un monde sauvage et un esprit sauvage. Les choses sont là, non plus seulement, comme dans la perspective de la Renaissance, selon leur apparence projective et selon l’exigence du panorama, mais au contraire debout, 222insistantes, écorchant le regard de leurs arêtes, chacune revendiquant une présence absolue […]12.
Déformant le système de représentation hérité de la Renaissance, ce « monde sauvage », où les choses « écorch[e]nt le regard », appartient de plain-pied à l’idéologie primitiviste, que le philosophe convoque afin d’opposer le couple nature / culture, ou encore le couple sauvage/civilisé. Pour être compris, le réel n’est plus muselé par les catégories de l’entendement, il s’impose dans toute l’élémentarité de sa présence, à l’image du silvaticus, cet homme des bois, au mode de vie fruste mais authentique ; le sauvage fait craqueler le vernis civilisationnel, cette couche superflue qui a imposé des codes de représentations factices. Dès lors, le monde existe avant l’objectivation, telle pourrait être la principale leçon phénoménologique. À partir de ce constat, Merleau-Ponty reconsidère le langage en dehors de toute intellectualisation, cette dernière étant l’apanage d’une civilisation technicienne sclérosée. Le philosophe souhaite libérer la parole de sa gangue rationnelle pour la relier au vécu, à la présence. La langue est perçue comme un organisme vivant, indépendant de l’activité intellectuelle. De même, Ramuz cherche à concilier l’écriture, par nature illusionniste, et ce besoin des « choses à l’état brut, c’est-à-dire non interprétées, vivantes sous nos yeux vivants13 ». Un lexique similaire et redondant (« brut » « sauvage »), appartenant au réseau sémantique du primitivisme, est employé tant par l’écrivain que par le philosophe et invite au rapprochement.
Afin de comprendre les liens étroits qui se tissent entre la phénoménologie et le primitivisme ramuzien, nous analyserons le discours métapoétique délivré par Ramuz sur la parole, qui déborde, comme chez Merleau-Ponty, le seul cadre limitatif de la représentation pour épouser le corps, réceptacle vivant. En nous référant à deux romans bien connus du grand public, La Beauté sur la terre (1927) et Derborence (1934), nous étudierons ensuite comment l’auteur vaudois parvient à mettre en scène l’activité perceptive rudimentaire, celle-là même qui est comprise comme primitive. Enfin, nous nous intéresserons, à la dissolution du sujet rationnel découlant de cette expérience perceptive.
223Donner corps à la langue
Perçu tel un ensemble de signes arbitraires par les linguistes, le langage fracture le lien entre le monde sensible et l’intelligible. Selon la tradition rationaliste, la pensée serait toute puissante, commandant l’ordonnance des mots, qui répondent à un concept élaboré en amont, intérieurement. À l’inverse, pour Merleau-Ponty, la pensée n’est pas extérieure ou antérieure au langage, elle existe pleinement dans les signes qui véhiculent une émotion indépendamment de tout plan intellectuel. En parlant, nous n’obéissons pas à un schéma préconçu : la pensée s’élabore à travers les mots. « L’orateur ne pense pas avant de parler, ni même pendant qu’il parle, sa parole est sa pensée14 », remarque le philosophe dans Phénoménologie de la perception en 1945.
Langage et signification
Souhaitant dépasser la seule dimension conceptuelle de la parole, la phénoménologie dévoile sa portée existentielle. Par la mise en mots, on accède à une nouvelle expérience de l’être. L’expression confère à la signification « un nouvel organe de sens15 », absent de l’énoncé conceptuel, mais qui est révélé « au cœur même d[‘un] texte16 ». Par conséquent, Merleau-Ponty déclare que « [l]a parole n’est pas le signe de la pensée, si l’on entend par là un phénomène qui en annonce un autre comme la fumée annonce le feu17 ». On comprend que le langage peut précéder la signification. Prenant l’exemple d’une altération de la voix ou encore du choix de la syntaxe qui modifie profondément un discours, le philosophe démontre que le sens n’est pas institué dans la conscience, mais qu’il est façonné par la dimension corporelle. Selon lui, dans le corps, s’élabore le sens. Il ajoute : « [l]a parole est un geste et sa signification un monde18 ». Une telle assertion résonne avec la notion 224de « langue-geste », introduite par Ramuz en 1929, et qui annonce remarquablement la thèse merleau-pontienne. En défendant l’existence d’une langue qui prend appui sur le mouvement physique et l’oralité, l’écrivain vaudois valorise l’écriture comme expression des émotions qui parcourent l’univers sensible. L’expressivité du style s’oppose aux signes inertes et abstraits que seraient les mots au sein de la « langue-signe19 ». À l’inverse, la véritable parole scripturale se nourrit du vivant et résulte de la confrontation d’un être avec le monde ; ainsi, se donne à voir un geste authentique et originel, imprimant une grammaire rythmique et syntaxique unique.
« Langue-geste » et primitivisme
Dans la « Lettre à Bernard Grasset », publiée suite aux critiques qui s’indignent de son usage incorrect de la langue, Ramuz se réfère à ses ancêtres paysans dont il parvient à se rapprocher par l’écriture :
[…] ils n’ont plus été hors de moi. La distance qui me séparait d’eux a été abolie. Il n’y a plus eu de contradiction entre eux et moi, parce que je m’étais mis à leur ressembler. […] ; et c’est ainsi que je me suis mis à essayer d’écrire comme ils parlaient […] ; à tâcher de les exprimer comme eux-mêmes s’étaient exprimées, de les exprimer par des mots comme eux-mêmes s’étaient exprimées par des gestes, par des mots qui fussent encore des gestes, leurs gestes ; […]20
Privilégiant « le plan expressif21 » sur l’explicatif, l’auteur refuse d’utiliser les mots lorsqu’ils ne sont que des concepts. Ramuz fantasme ses origines paysannes, et « [c]herchant à faire sentir22 », il célèbre l’écriture comme le lieu d’une perception, où la langue n’est pas inféodée à la pensée :
J’ai écrit (j’ai essayé d’écrire) une langue parlée : la langue parlée par ceux dont je suis né. J’ai essayé de me servir d’une langue-geste qui continuât à être celle dont on se servait autour de moi, non de la langue-signe qui était dans les livres23.
225Rattachée à un « français de plein air24 », la parole est chose sentie, part physique et concrète, débordant par la puissance de son expression, la dimension arbitraire et abstraite du langage. Comme le rappelle Rudolf Mahrer, « [i]l est intéressant de noter que, encore de nos jours, les non-linguistes, cultivés ou non, ont tendance à considérer le parlé comme forme primitive du langage, corrompue ou condamnable25 ». Ordinairement dépréciée, la primitivité associée à l’oralité, faite de maladresses et d’accrocs, est réinvestie positivement par Ramuz. Selon Henri Meschonnic, « le primitivisme est recherche du primitif » : dès lors, Ramuz interroge son ascendance afin de revenir aux socles fondateurs de sa naissance et justifier son usage d’un style oral. Si l’on se rappelle que derrière le terme « primitif » on trouve l’étymon primus signifiant à la fois ce qui est premier et ce qui commande, on comprend que toute chose est sous le commandement de son origine ; c’est bien ce que semble suggérer Ramuz avec la « langue-geste », qui est à la fois expression des origines, celle de la généalogie et expression première d’un corps traversé par l’oralité, cette parole vivante, considérée comme originelle par la littérature romantique. À travers le discours méta-poétique de l’écrivain, on reconnaît l’anti-rationalisme caractéristique du primitivisme qui libère l’écrit de la logique « de la pensée, […] imposé[e] par les Lumières26 ». Dès lors, en affirmant que la parole est un geste, Merleau-Ponty, à la suite de Ramuz, rappelle, contre la tradition idéaliste, que l’expression n’extériorise pas la pensée, mais la dépasse par un certain usage de l’intonation et du rythme. Renouant avec un « monde sauvage », qui ignore les règles grammaticales de l’écrit, la confrontation avec le langage, « chair vivante27 », permet la gestation du style. La « chair vivante » de la parole, cette belle formulation ramuzienne, vérifie les conclusions du philosophe, pour qui « beaucoup plus qu’un moyen, le langage est quelque chose comme un être28 ».
226Par le truchement de la syntaxe et de la narration, il s’agit à présent d’évaluer dans quelle mesure l’activité rudimentaire de la conscience mise en scène par Ramuz recoupe l’expérience phénoménologique de la perception théorisée par Merleau-Ponty.
L’activité de la conscience mise en scène
À travers la réduction phénoménologique, ou épochè, Husserl décrit « la méthode universelle et radicale par laquelle je me saisis comme moi pur, avec la vie de conscience pure qui m’est propre, vie dans et par laquelle le monde objectif existe pour moi, tel justement qu’il existe pour moi29 ». Par la réduction, nous comprenons que le sens que nous attribuons aux choses du monde est constitué par notre subjectivité, qui s’articule autour des données perceptives, considérées comme source première de connaissance. Par une mise en parenthèse du jugement, il est possible d’atteindre le siège de l’intériorité et d’apprécier la teneur de la vie psychique, dotée d’un pouvoir représentatif.
Le règne de l’irréfléchi
Avoir conscience nous permet de nous représenter nos processus mentaux ; or, Merleau-Ponty cherche à définir la conscience comme n’étant plus l’acte d’une pensée et prend ses distances avec la pensée d’Husserl qu’il juge tributaire du cartésianisme. Ainsi, redéfinissant la nature de l’activité psychique, qui n’est plus gouvernée par un sujet recteur mais se fond dans l’expérience corporelle, il affine l’analyse du domaine perceptif :
La perception analytique, qui nous donne la valeur absolue des éléments isolés, correspond donc à une attitude tardive et exceptionnelle, c’est celle du savant qui observe ou du philosophe qui réfléchit : la perception des formes, au sens très général de structure, ensemble ou configuration, doit être considérée comme notre mode de perception spontané30.
227Hors de toute intellectualisation, la perception spontanée donnerait accès à une relation primitive avec le monde. Réduit à une schématisation grossière, le réel n’est pas encore étiqueté sous forme de conceptualisation. À la recherche d’une passivité de la conscience, il s’intéresse aux zones d’activités où règne l’irréfléchi. Il constate : « La conscience peut vivre dans les choses existantes, sans réflexion, s’abandonner à leur structure concrète qui n’a pas encore été convertie en signification exprimable31 ». Faisant l’économie de tout concept, la conscience est alors au plus près du réel, perçu comme confus et évanescent. Le choc vécu par Antoine Pont dans Derborence, ce berger enseveli sous les pierres suite à un éboulement montagneux, nous donne une image de « l’être brut » évoqué par Merleau-Ponty. En effet, Ramuz s’intéresse à des cas limites où les relations entre corps et monde témoignent d’une activité rudimentaire de la conscience. Du point de vue de la narration, il refuse le réalisme psychologique, jugé superficiel et codifié dans sa manière d’explorer l’esprit humain, pour lui préférer une écriture tâtonnante, qui malmène les impératifs rhétoriques d’ordre et de clarté.
L’expérience d’Antoine Pont dans Derborence
Dans Derborence, le chapitre ii de la deuxième partie est consacré à la réapparition du protagoniste, qui, pendant deux mois, a été enseveli sous les pierres. Ramuz profite du trouble occasionné par cet accident pour mettre en évidence la suprématie de la perception ; parvenant à s’extirper du sol et réapparaissant enfin à l’air libre, le personnage s’adonne à une saisie purement sensorielle de son environnement :
Maintenant, il regarde, il voit. Les objets se mettent pour lui les uns en avant des autres ; les objets ont de nouveau entre eux des distances plus ou moins grandes. L’espace s’organise aux alentours de sa personne en hauteur et en profondeur32.
Dans une visée synthétique, le foyer perceptif déroule des formes, où nul concept ne vient encore désigner ce qui est vu : seul le contour mal défini « d’objets » refait surface. Dès lors, les verbes d’action dotent les choses du monde d’une volonté tout humaine ; elles se disposent 228et s’agencent en toute autonomie, enfreignant la logique rationnelle. À mesure qu’Antoine « me[t] de l’ordre dans sa tête33 », on assiste à la formation de ses pensées :
Et, de l’autre côté d’une longue nuit (mais est-ce que je suis resté à la même place ou bien si j’ai changé de séjour, cheminant ainsi sous la terre et peut-être que j’ai passé finalement par-dessous la montagne, car combien de temps ça a-t-il duré ?) de l’autre côté d’une longue nuit, il retrouve ce même soleil, mais il voit que, ce que ce même soleil éclairait alors, c’était une belle herbe verte, tout un riche pâturage où les vaches étaient éparses, […]. Tout était en vie […]. Il regarde : plus d’homme, plus de bêtes, plus d’herbe, plus de chalets : il voit des pierres et puis des pierres et puis des pierres. […]34.
Faisant irruption dans ce passage, le monologue intérieur fragilise le patron narratif. L’alternance des points de vue externe et interne nie en bloc la vraisemblance psychologique héritée du réalisme. Le narrateur externe, qui prend en charge le récit de l’histoire, s’efface momentanément pour laisser place au discours intérieur d’Antoine, trahissant un défaut de fluidité qui marque la défaite de la pensée organisée et claire. Le personnage tente de réfléchir, mais sa conscience semble vouloir retomber à tout moment dans l’irréfléchi et la confusion, preuve selon Merleau-Ponty que la raison fait défaut. Édouard Dujardin est le premier auteur à faire usage du monologue intérieur qu’il désigne comme « antérieu[r] à toute logique, c’est-à-dire en son état naissant, par le moyen de phrases directes réduites à son minimum syntaxial de façon à donner l’impression tout-venant35 ». L’organisation chaotique du monologue, perçu comme prémices, participe du primitivisme ramuzien : le brassage de propositions interrogatives désarticule le monologue qui, en allant à l’encontre des préceptes de la rhétorique classique, n’est ni facile à lire ni à dire. Le paragraphe tout entier enchaîne les figures de répétition, freinant toute progression et décrivant un « piétinement langagier36 » remarquable. Dès lors, les contours de cette vie « en dedans37 », entraperçue avec le discours 229intérieur, contaminent la parole narrative qui accumule les maladresses. Provoquant « désorganisation38 » et « désorientation39 », l’énumération rompt l’équilibre phrastique : « plus d’hommes, plus de bêtes, plus d’herbe, plus de chalets : il voit des pierres et puis des pierres et puis des pierres ». Occasionnant une rupture, et semblable sur ce point à la liste, l’inventaire peut être considéré comme de la « ur-littérature40 », de « l’avant- ou de la pré-littérature41 », ce qui en fait un procédé de choix pour mettre en œuvre une stylistique primitiviste qui se construit contre l’esthétique puriste de la « belle langue », rationnelle et claire. On assiste alors à un démembrement de l’ossature rhétorique ; l’écriture retranscrit la claustration d’un homme, ayant été contraint de rester sous terre, « à la même place ». C’est pourquoi, la phrase ramuzienne n’avance pas, souhaitant signifier l’étourdissement d’un être qui a de grandes difficultés à donner un sens à ce qu’il perçoit et dont le fil de l’existence s’est comme arrêté, figé sous terre. Au cours du chapitre, notons que le questionnement d’Antoine ne proclame pas la suprématie de l’esprit. C’est la parole qui précède la pensée, c’est le corps qui guide la conscience :
Il voit qu’il a une voix aussi qui lui revient, parce que les mots qu’il pense à présent se forment à mesure sur sa langue ; une voix qui va plus vite que lui et qui court en avant de lui pour l’annoncer comme ferait un chien42.
Retrouvant la parole, Antoine remarque qu’il ne parvient pas à la maîtriser complètement. « Cour[an]t en avant de lui », le langage déborde les limites d’une activité mentale qui serait recluse dans la conscience, dont Merleau-Ponty nous dit qu’« [elle] est originellement non pas un “je pense que”, mais un “je peux”43 » ; la conscience n’est plus l’acte d’une pensée, d’une seule vie intérieure, mais elle est immédiatement reliée au corps, redéfinissant radicalement l’identité du sujet percevant.
230Le sujet, une entité ouverte
Chez Ramuz, le sujet se signale telle une entité dynamique et protéiforme, qui est à rapprocher de l’anti-essentialisme de Merleau-Ponty. S’intéressant au brouillard mental qui accompagne les personnages dans l’œuvre du nouveau romancier Claude Simon, le philosophe réalise des parallèles avec l’art pictural :
Claude Simon : sa profonde nouveauté, ne plus rendre ce qui est du dehors, […], les hommes selon leur figure, comme “figures”, contours extérieurs et perspective, mais présences sans contours en transparence44.
Les personnages ne sont plus représentés, comme dans la tradition réaliste, dotés d’une structure close, mais comme des présences, dont les contours s’érodent et qui échappent à la saisie rationnelle. Cette analyse s’applique sans mal à l’esthétique ramuzienne ; bien avant le Nouveau Roman, Ramuz inaugure une nouvelle façon de considérer l’humain, en dissolvant la cohésion de l’ego cartésien, au profit d’une subjectivité malléable, poreuse et évanescente. Dans sa quête du primitif, Ramuz met à nu l’état originel de l’individu, ce flottement perceptif a-personnel qui anime l’être, avant que ne soit constituée une identité stable et pérenne. Dès lors, est primitif ce qui précède la clarification, cette opération de pensée qui tente de chasser l’indistinction intrinsèque au monde sensoriel.
Dépersonnalisation et flux de conscience
Dans l’œuvre de Ramuz, si nous connaissons peu de choses des êtres de papier qui nous sont donnés à voir, ce sont leurs gestes les plus prosaïques qui alimentent la narration, venant se substituer aux aventures et aux intrigues, à l’image de Juliette dans La Beauté sur la terre, cette belle orpheline qui va bouleverser la vie des habitants d’un village du Léman. Peu d’indications nous sont données sur son apparence physique 231et sur ses motivations morales. La scène qui marque son arrivée à la gare où l’attend son oncle Milliquet est particulièrement révélatrice ; emmitouflée dans son manteau, la jeune fille qui a fait le voyage depuis les Amériques est décrite comme « une personne sans bras, ni tête, et qui ne bougeait plus, sa valise posée à ses pieds45 » ; dépersonnalisée, elle n’est qu’une « pauvre petite chose grise46 », une tâche de couleur noyée dans un univers qui lui soustrait toute caractéristique. Dans le chapitre suivant, l’écrivain propose au lecteur de suivre le flux de conscience du personnage, alors enfermée dans sa chambre, chez son oncle Milliquet :
Il y avait un grand mélange dans sa tête où toutes sortes d’objets allaient et venaient pêle-mêle, puis l’un deux grandissait, se plaçant devant les autres : c’était un pont de bateau. C’est une toile cirée avec une assiette et un verre, ou une grosse dame à brassard jaune et blanc, sa jaquette grise serrée à la taille et boutonnant sur une guimpe à col montant. On voyait comment une des baleines entrait dans un pli de la peau sous le menton chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, parce qu’elle vous parlait. Elle ne vous parle plus47…
Primesautière, la narration se confond avec le mouvement erratique de pensées, se nourrissant d’images du passé et du présent, et révélant l’ubiquité du voir. Aucun lien causal ne vient organiser ce passage : seule la perception juxtapose un glanage d’éléments et en conditionne le surgissement. Ramuz ne choisit nullement de raconter le voyage effectué par la nièce de Milliquet depuis Cuba ; il évoque cette traversée à la manière d’un peintre qui poserait une simple touche de pinceau : « c’était un pont de bateau », l’image surgit et rappelle le modus operandi de Cézanne, « posant ici et là, […] quelques taches entre lesquelles le spectateur est invité à saisir des rapports48 ». L’incomplétude est encouragée et n’est pas comblée par de vaines explications, seule subsiste une trame sensorielle qui accumule des détails, des « points forts49 » que la conscience a gardés en mémoire : pont de bateau, toile cirée, grosse dame, menton suffisent à ressusciter l’atmosphère sensible du voyage. 232La successivité des images trahit l’absence d’esprit surplombant, capable de hiérarchiser ses impressions. Intermittente, la conscience a enregistré des bribes du réel, qui nous sont restituées ensuite par morceaux et qui se soustraient à toute logique réaliste.
La chair du monde : interdépendance des êtres et des choses
Par un « renversement de perspective visuelle50 », ce sont souvent les objets qui s’organisent autour des personnages, spectateurs d’un ballet qui fait se mouvoir des éléments ordinairement jugés inertes. Dans l’extrait précédent tiré de La Beauté sur la terre, tandis que nous sommes au plus près de la conscience de Juliette, les choses vont et viennent, « le pont de bateau » « se plaçant devant les autres » objets ; tout est animé d’un même élan de vie qui témoigne de cette « chair » du monde, « dans lequel sujet et objet ne sont pas encore constitués51 ». Par la notion de « chair », empruntée à Husserl52, Merleau-Ponty pose une continuité entre l’Homme et le monde, s’interpénétrant au sein d’un même « horizon d’être brut53 ». Ainsi, cette philosophie, par la place inédite qu’elle accorde au corps, trouve des affinités avec la pensée ramuzienne et éclaire, rétrospectivement, les textes de l’écrivain suisse. Ramuz n’a eu de cesse de rappeler la tension entre unité et séparation qui traverse le destin de l’humanité. La « chair » merleau-pontienne offre une résolution à ce problème :
[…] il y a parenté entre l’être de la terre et celui de mon corps […], dont je ne peux dire exactement qu’il se meut puisqu’il est toujours à la même distance de moi, et la parenté s’étend aux autres, qui m’apparaissent comme « autres 233corps », aux animaux, que je comprends comme variante de ma corporéité, et finalement aux corps terrestres eux-mêmes puisque je les fais entrer dans la société des vivants en disant par exemple qu’une pierre « vole54 ».
L’interdépendance des hommes et des choses est manifeste. Par la corporéité, le sujet se dissout dans la « chair » du monde et lui appartient pleinement. Dans Présence de la mort, roman publié en 1922,Ramuz révèle l’attraction d’un corps qui semble « charnellement apparenté au monde sensible55 » :
Chers corps, pauvres corps, magnifiques corps, ô matière ! matière des cinq sens, goûtable, visible, touchable, qui se respire, qui s’entend, qui se caresse, qui se déguste, et que j’attire encore à moi, malgré moi-même, par toutes mes fenêtres de chair où je me tiens56.
La souveraineté du sujet s’efface progressivement, les sens en éveil brisant la fermeture de l’être, et le coulant doucement dans le monde. Plus qu’une matière, n’étant ni esprit ni substance, la « chair » merleau-pontienne est l’originaire57 qui se déploie au présent et qui pourrait bien dialoguer avec ce fond primitif que guette inlassablement Ramuz. Pour définir cette notion, le philosophe prend appui sur le terme présocratique d’« élément58 » et insiste sur ce moment des origines où « tout était ensemble59 », en se référant à la pensée d’Anaxagore. Dès lors, la « chair » correspond à ce moment des commencements, « l’horizon d’appartenance de tous les étants60 », où toute distinction est abolie : êtres, objets, animaux, végétaux partagent les mêmes caractéristiques 234et s’agrègent dans un moule commun, renvoyant peut-être à ce chaos des commencements où règne l’indifférenciation. Souhaitant gommer les différences qui séparent les objets inertes et le vivant, Ramuz conclut dans son essai Le Grand Printemps publié en 1917 : « Voilà que la leçon, la grande leçon, n’est, en somme, qu’une découverte nouvelle des parentés et des relations61 ». Par l’expérience sensorielle, la constitution du sujet disparaît au profit d’une fusion avec l’univers environnant, dévoilant l’existence d’un fonds commun primitif dont émaneraient tous les « étants ».
Opposée à l’idéalisme, la phénoménologie se nourrit du primitivisme propre au xxe siècle et apporte un éclairage inédit sur l’œuvre de l’écrivain vaudois. Selon Meschonnic, « [c]omme rejet d’une histoire de la raison, le primitivisme est une part constitutive de la modernité […]62 » : en effet, le rationalisme, hérité de la culture gréco-latine, repose sur les règles arbitraires de la mimesis, qui apparaissent comme un contre-modèle auprès des artistes, des écrivains et des penseurs. La découverte d’un langage qui épouse le geste, la mise en suspens du contrôle de la conscience réflexive et l’émergence de la « chair », cette réalité qui rassemble originellement tout le vivant, animé et inanimé, s’imposent comme autant de traits primitivistes.
En 1922, Ramuz écrit dans son journal : « Sentir, chose si bonne ; penser, chose si triste63 ». Contre l’intellectualisme, l’écrivain marque sa préférence pour les sensations premières, qui seraient dénuées de tout artifice, et qui lui permettraient de goûter un moment la naïveté de l’immédiat. Or, l’originaire, tout autant que le primitif sont a priori inaccessibles, issus d’une construction fantasmatique sur lequel se campe le primitivisme. En effet, comme le souligne Étienne Souriau, par l’usage du langage et de la culture, « nous sommes toujours déjà nés, nous ne faisons jamais l’expérience de notre naissance, et nous avons toujours le monde à distance64 ». Cependant, qu’il s’agisse de Ramuz ou de Merleau-Ponty, l’expérience récurrente de la « présence » au monde, 235qui est accord parfait entre tous les éléments, peut nous reconduire dans les parages des commencements. Au-delà de la représentation, l’art ou la phénoménologie nous ramènent à une familiarité ancestrale avec le réel. Ainsi, déjouant tout processus intellectuel, le philosophe met en évidence l’affinité profonde qui s’établit avec le milieu environnant lors d’une perception pure :
Dans le présent, dans la perception, mon être et ma conscience ne font qu’un, non que mon être se réduise à la connaissance que j’en ai et soit clairement étalé devant moi, – tout au contraire la perception est opaque, elle met en cause, au-dessous de ce que je connais, mes champs sensoriels, mes complicités primitives avec le monde, – mais parce que « avoir conscience » n’est ici rien d’autre que « être à… » […]. C’est en communiquant avec le monde que nous communiquons indubitablement avec nous-mêmes. Nous tenons le temps tout entier et nous sommes présents à nous-mêmes parce que nous sommes présents au monde65.
Cette « complicité primitive » bouleverse l’appréhension temporelle, dont le déploiement n’a plus cours ; condensé, le temps n’est plus compris dans une relation d’extériorité mais fusionne avec l’être dont les repères habituels vacillent. Ce lien originel avec l’univers, dévoilé par les « champs sensoriels », fait écho à une anecdote narrée par Ramuz, dans « Besoin de Grandeur », cet essai inédit rédigé pendant la Première Guerre mondiale. « En communiquant » intimement avec ce qui l’entoure, l’écrivain fait part d’une « communion » harmonieuse, admirablement restituée par l’acte scriptural, qui épouse la saisie sensorielle :
Aller dehors et se laisser aller. Je me souviens d’avoir levé la tête. C’était comme si je me fusse couché sur le dos. Des petits nuages blancs doucement glissaient dans le bleu, l’un à côté de l’autre et les uns derrières les autres. J’ai choisi une de ces barques. C’est ce détachement où il semble qu’on soit des choses dans l’instant de la plus intime communion. Tout à coup, on se fond en elles, tandis qu’elles vous envahissent ; […] ; on devient comme translucide, et comme défait de sa pesanteur66.
À travers la contemplation des éléments naturels, le sujet perd toutes balises identitaires. Devenu « translucide » et délesté de tout son poids, 236l’ego s’érode, réveillant les sensations du petit enfant qui flotte dans l’espace utérin. Par la mise en écriture de cette expérience phénoménologique, Ramuz s’en remet au pouvoir de l’art qui est capable de retrouver des perceptions primitives, et, qui paradoxalement, à partir de l’artificiel, occasionne une nouvelle naissance au monde, affranchie des sédimentations culturelles.
Laura Laborie
Université de Toulouse /
Université de Lausanne
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1 Lucien Dällenbach, « La question primordiale », Sur Claude Simon, Jean Starobinski, Georges Raillard, Lucien Dällenbach, Roger Dragonetti (dir.), Paris, Minuit, 1987, p. 67.
2 Bruno Frère, « De Bergson à Merleau-Ponty : pour une anthropologie de la mémoire », Revue Interdisciplinaire de Philosophie morale et politique, vol. 18, Mons, CIÉPHUM, 2001 : https://orbi.uliege.be/handle/2268/17831 (consulté le 25/03/2020).
3 Maurice Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, coll. « NRF », 1960, p. 173.
4 Ibid., p. 154.
5 Rudolf Mahrer et Antonin Wiser, « La notion de temporalité phénoménologique chez C. F. Ramuz (Présence de la mort, 1919) et Claude Simon (La Bataille de Pharsale, 1969) », Temps et Roman. Évolutions de la temporalité dans le roman européen du xxe siècle, Peter Schnyder (dir.), Paris, L’Harmattan, 2007, p. 216.
6 Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l’invisible, Claude Lefort (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », 1964, p. 209.
7 Étienne Souriau, « Brut », Vocabulaire d’esthétique [1990], Anne souriau (dir.), Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2010, p. 293.
8 Voir le bref texte de Ramuz consacré à Cézanne, C. F. Ramuz, L’Exemple de Cézanne, Tusson, Du Lérot, 2009 [1914].
9 C. F. Ramuz, Les Grands Moments du xixe siècle français, Lausanne, Mermod, 1948, p. 259.
10 Michel Thévoz, Dubuffet, Genève, Skira, 1986, p. 16.
11 Ibid., p. 20.
12 Maurice Merleau-Ponty, Signes, op. cit.,p. 228.
13 C. F. Ramuz, Besoin de Grandeur[1936], Œuvres complètes xvii, Essais 3, textes établis, annotés et présentés par Alain Rochat, Genève, Slatkine, 2010, p. 128.
14 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception [1945], Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des idées », p. 209.
15 Idem.
16 Ibid., p. 212-213.
17 Ibid., p. 211.
18 Ibid., p. 214.
19 C. F. Ramuz, « Lettre à Bernard Grasset » [1929], Œuvres complètes XVI, Essais 2, textes établis, annotés et présentés par Reynald Freudiger et Jérôme Meizoz, Genève, Slatkine, 2009, p. 140.
20 Ibid., p. 136.
21 Ibid., p. 137.
22 Idem.
23 Ibid., p. 140.
24 Ibid., p. 132.
25 Rudolf Mahrer, Phonographie : la représentation écrite de l’oral français, Berlin, De Gruyter, 2017, p. 8.
26 Id., « Introduction », C. F. Ramuz, Œuvres complètes VIII, Nouvelles et morceaux 4, Genève, Slatkine, 2007, p. xxxix.
27 C. F. Ramuz, « Lettre à Bernard Grasset », op. cit., p. 132.
28 Maurice Merleau-Ponty, Signes, op. cit., p. 54.
29 Edmund Husserl, Méditations cartésiennes. Introduction à la phénoménologie[1931], Paris, Vrin, 1947, p. 46.
30 Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens [1948], Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1996, p. 62-63.
31 Id., La Structure du comportement[1942], Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1990, p. 239.
32 C. F. Ramuz, Derborence[1934], Œuvres complètes xxvii, Romans 9, Roger Francillon et Daniel Maggetti (dir.), Genève, Slatkine, 2013, p. 254.
33 Idem.
34 Ibid., p. 255.
35 Édouard Dujardin, Le Monologue intérieur, son apparition, ses origines, sa place dans l’œuvre de James Joyce et dans le roman contemporain, Paris, Albert Messein, 1931, p. 59.
36 André Siganos, Mythe et écriture, La Nostalgie de l’archaïque,Paris, PUF, 1999, p. 51.
37 On trouve cette expression dans « Recherche de la vérité », texte inédit de C. F. Ramuz datant de 1923. Le personnage principal, Reymondin, fait l’expérience du monde intérieur : « […] allant dans l’espace extérieur sans même en avoir conscience, parce que de nouveau on s’est tourné vers en dedans », C. F. Ramuz, « Recherche de la vérité », Œuvres complètes XXV, Romans 7, textes établis, annotés et présentés par Stéphane Pétermann, Julien Piat et Noël Cordonier, Genève, Slatkine, 2013, p. 106.
38 Sophie Milcent-Lawson, Michelle Lecolleet Raymond Michel (dir.), « Introduction », Liste et effet liste en littérature,Paris, Garnier, 2013, p. 7.
39 Idem.
40 Idem.
41 Philippe Hamon, « La mise en liste : préambule », ibid., p. 23.
42 C. F. Ramuz, Derborence, op. cit., p. 256.
43 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 160.
44 Maurice Merleau-Ponty, notes préparatoires à la séance du 16 mars 1961, « Notes de cours “Sur Claude Simon” », présentation par Stéphanie Ménasé et Jacques Neefs, Genesis, no 6, 1994, p. 139 : https://www.persee.fr/doc/item_1167-5101_1994_num_6_1_985 (consulté le 17/04/2020).
45 C. F. Ramuz, La Beauté sur la terre[1927], Œuvres complètes XXVI, Romans 8, Roger Francillon et Daniel Maggetti (dir.), Genève, Slatkine, 2013, p. 213.
46 Idem.
47 Ibid., p. 222.
48 Claude Simon, « L’Absente de tous bouquets » [1982], Quatre conférences, Paris, Minuit, 2012, p. 55.
49 Ibid.
50 Stéphane Pétermann, « La Beauté comme absolu », présentation de La Beauté sur la terre, Œuvres complètes XXVI, op. cit., p. 196.
51 Mauro Carbone, La Chair des images : Merleau-Ponty entre peinture et cinéma, Paris, Vrin, 2011, p. 22.
52 Avant Merleau-Ponty, Husserl a recours au concept de « chair », afin de décrire notre expérience des choses mêmes ; comprise comme « sol » ou « arche-originaire Terre », la chair n’est pas un corps situé dans l’espace, mais ce qui conditionne l’existence de toutes choses. C’est dans un texte tardif écrit en 1934, intitulé « Renversement de la doctrine copernicienne dans l’interprétation de la vision habituelle du monde. L’arche-originaire Terre ne se meut pas », que le philosophe allemand développe une pensée de la chair, qui est soustraite à toute physique et à toute géométrie, et qui renoue avec l’intuition. Cf. Edmund Husserl, La Terre ne se meut pas [1934], traduit de l’allemand par Didier Franck, Dominique Pradelle et Jean-François Lavigne, Paris, Minuit, coll. « Philosophie », 1989.
53 Mauro Carbone, op. cit., p. 22.
54 Maurice Merleau-Ponty, Résumés de cours. Collège de France 1952-1960, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 1968, p. 169.
55 Mauro Carbone, op. cit., p. 21.
56 C. F. Ramuz, Présence de la mort [1922], Œuvres complètes XXIV, Romans 6, textes établis, annotés et présentés par Julien Piat, Christian Morzewski et Gérald Froidevaux, Genève, Slatkine, 2012, p. 269.
57 Concernant le concept d’originaire, Merleau-Ponty le théorise de cette façon : « Il n’y a plus pour moi de question des origines, ni de limites, ni de séries d’événements allant vers une cause première, mais un seul éclatement d’Être qui est à jamais », id., Le Visible et l’invisible, op. cit., p. 318. L’originaire n’est donc pas recluse dans le passé, elle ignore toutes les strates temporelles et renvoie à la chair, cette « arche-originaire Terre », pensée par Husserl.
58 Mauro Carbone, op. cit., p. 20.
59 Idem.
60 Idem.
61 C. F. Ramuz, Le Grand Printemps [1917], Œuvres complètes XV, Essais 1, textes établis, annotés et présentés par Reynald Freudiger, Genève, Slatkine, 2009, p. 207.
62 Henri Meschonnic, « Le Primitivisme vers la forme-sujet », La Licorne, 2014 : https://licorne.edel.univ-poitiers.fr:443/licorne/index.php?id=5095 (consulté le 23/01/2021).
63 C. F. Ramuz, Journal, Œuvres complètes I, Journal, notes et brouillons 3, Roger Francillon et Daniel Maggetti (dir.), Genève, Slatkine, 2005, p. 97.
64 Étienne Souriau, « Origine », op. cit., p. 1163.
65 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, op. cit., p. 485.
66 C. F. Ramuz, « Besoin de grandeur », essai inédit, Œuvres complètes XV, Essais 1, op. cit., p. 279.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-15120-3
- EAN : 9782406151203
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15120-3.p.0219
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/09/2023
- Langue : Français
- Mots-clés : Ramuz, Merleau-Ponty, phénoménologie, langue-geste, paysan, sensoriel