Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Le Politique et le Féminin . Les femmes de pouvoir dans les Mémoires d’Ancien Régime
- Pages : 311 à 316
- Collection : Correspondances et mémoires, n° 43
Résumés
Cyril Francès, « Introduction »
L’introduction aborde la question de la place des Mémoires au sein des études sur l’histoire des femmes, qui reste relativement marginale malgré la richesse et la singularité du corpus. L’opposition de la plupart des mémorialistes aux récits de l’histoire officielle ainsi que l’exigence de vérité qui habite leur témoignage les conduit en effet à s’écarter des modes de représentations traditionnels du pouvoir féminin et à proposer un éclairage inédit sur l’action politique des femmes durant l’Ancien Régime.
Nadine Kuperty-Tsur, « La représentation du pouvoir politique dans les Mémoires de Jeanne d’Albret et de Marguerite de Valois ou le pouvoir politique au féminin »
L’analyse des Mémoires de Jeanne d’Albret de Marguerite de Valois montre que chacune a bien conscience de ce que le pouvoir féminin ne va pas de soi. Aucun homme de l’époque n’évoque son sexe en relation avec son statut alors que dans les écrits féminins, il s’agit toujours d’un obstacle à surmonter afin de pouvoir assumer un rôle de gouvernance. On sera sensible ici au récit de voyage dans chacun de ces deux témoignages qui développent le motif de la femme fuyant devant l’homme et tirant sa gloire à lui échapper.
Emmanuèle Lesne-Jaffro, « Images et discours de Christine de Suède. “Le roi est mort, vive le roi ! Mais quelle différence entre ces deux rois” »
L’autobiographie de Christine de Suède développe une réflexion très singulière sur la relation d’une reine au pouvoir politique au xviie siècle. Son discours expose la contradiction vécue jusqu’à l’abdication entre le féminin et le pouvoir, présentés comme incompatibles. En contrepoint, la vision qu’en donnent deux mémorialistes françaises contemporaines, Mme de Motteville et Mlle de Montpensier reste très en deçà d’une analyse politique.
312Laurène Gervasi, « Anne d’Autriche et Mazarin dans les Mémoires de Madame de Motteville. Un couple politique dans la confusion des genres »
L’analyse du tandem politique que forment Anne d’Autriche et Mazarin sous la plume de Françoise de Motteville révèle des zones de flou. Les rôles sont distribués d’une manière qui ne recoupe pas nécessairement leur statut ni leur identité sexuelle. Ce sont les enjeux de cette ambiguïté et de cette confusion des genres que nous nous proposons d’analyser, en nous intéressant plus particulièrement à la notion d’impureté dans l’exercice du pouvoir, ainsi qu’au conservatisme de madame de Motteville.
Claire Quaglia, « La fête des rois. Anne d’Autriche, le pouvoir et ses mythes »
À travers l’étude d’un extrait célèbre des Mémoires de Madame de Motteville, l’article analyse la nature complexe du pouvoir prêté par la mémorialiste à cette femme forte que célébrait Le Moyne dans sa Galerie. Il montre toutefois qu’il s’agit davantage d’un pouvoir fantasmé, nourri de modèles littéraires et bibliques que d’un pouvoir réel et féminin crédité à cette reine cependant hors du commun.
Éric Tourrette, « Anne d’Autriche dans les Mémoires de La Rochefoucauld »
Dans ses Mémoires, La Rochefoucauld met en évidence quatre aspects principaux d’Anne d’Autriche : une personnalité où dominent l’aigreur et l’irritabilité ; une fascination amoureuse et sensuelle pour Mazarin, qui vire à l’obsession pure et simple ; un être mouvant et instable, qui change aisément d’attitude et oublie les faits quand cela l’arrange ; un simple pantin qui croit diriger le royaume mais s’avère incapable de se diriger lui-même.
Svetlana Garziano, « Le politique et le féminin dans les Mémoires de Catherine II »
Le xviiie siècle russe est un siècle de pouvoir au féminin par excellence, dont le point culminant est atteint par le règne de Catherine II. Élève du siècle des Lumières, appartenant à la civilisation des salons et cultivant l’art de la conversation, Catherine la Grande est la première représentante dans l’Empire russe du type de femme qui apparaît en France dans la seconde moitié du xviiie siècle. Dans ses Mémoires, elle aborde abondamment la question de son cheminement vers le pouvoir monarchique.
313Sandrine Caroff-Urfer, « Les femmes dans les Mémoires du cardinal de Retz. Le mauvais genre de la politique ? »
Présentant une galerie variée de femmes puissantes, rédigés à la demande d’une amie, les Mémoires de Retz sont un lieu privilégié pour observer les représentations du féminin et du pouvoir. Si la démolition des figures de la Fronde s’opère sans distinction de sexe, les moyens de la critique sont différenciés, répondant à des stéréotypes de genre. Et si la femme de pouvoir peut être admirable, comme l’exemplaire Palatine, c’est à la condition que son pouvoir soit d’influence et non d’éclat.
Marc Hersant, « La “Choin”. Pouvoir au féminin, pouvoir de l’ombre dans les Mémoires de Saint-Simon »
Épouse secrète du Grand Dauphin, la Choin apparaît comme une des représentations les plus originales du pouvoir dans les Mémoires de Saint-Simon. Vouée à l’obscurité et presque totalement absente de la scène publique, elle n’en manifeste pas moins jusqu’à la mort de son époux une influence décisive sur de grandes décisions de politique familiale. Mais en 1711, ce pouvoir qui ne tenait qu’à son mari disparaît avec lui : l’étonnante anecdote d’Huxelles montre la fragilité extrême d’un pouvoir qui ne devait rien à la naissance.
Delphine Mouquin, « Dans l’ombre et l’obscurité, ou comment le pouvoir vient aux femmes dans les Mémoires de Saint-Simon »
Les Mémoires de Saint-Simon mettent en scène quelques femmes de pouvoir, notamment Mme de Maintenon et la Princesse des Ursins. À travers ces exemples et quelques autres, cet article s’interroge sur la spécificité possible d’un pouvoir féminin. L’œuvre nous apprend que les femmes ont besoin d’obscurité et de détours pour exercer leur influence, et qu’elles se maintiennent au pouvoir moyennant une sorte d’équilibre entre éclat et secret.
Yohann Deguin, « Tenir la plume et porter la culotte. Le pouvoir de femmes au prisme de l’écriture familiale »
Les femmes sont-elles en marge du pouvoir ? Lorsqu’elles écrivent leurs Mémoires, Catherine de La Guette, Sophie de Hanovre et Anne-Marie-Louise d’Orléans-Montpensier ont soin de se présenter en figures politiques 314de premier rang. Parce que le sang et les alliances sont un enjeu capital pour l’aristocratie, ces femmes mettent en évidence leur position dans la lignée, et affirment une liberté d’action qui neutralise, chez elle, toute soumission au mari, à l’État ou au père.
Adélaïde Cron, « Figures de la “femme forte” dans les écrits à dimension autobiographique de Madame Dunoyer »
Les Mémoires et les Lettres historiques et galantes de Madame Dunoyer présentent de nombreuses figures féminines fortes. Certaines d’entre elles eurent un rôle politique connu et reconnu, d’autres non. Pourtant les deux ouvrages ne cessent de tisser un système de renvois entre ces femmes, comme pour rendre hommage aux héroïnes de l’ombre. C’est que l’on peut parler d’une véritable transposition, dans le cadre de la famille, de la figure héroïque de la « femme illustre » à la Mademoiselle de Scudéry.
Inès Morjane, « La duchesse du Maine. Un pouvoir féminin sous la plume de Mme de Staal-Delaunay »
Rose Delaunay, entrée au service de la Duchesse du Maine en tant que femme de chambre, se voit assujettie par cette dernière qui règne à Sceaux sur une petite cour rivalisant dans le domaine des arts et des lettres avec celle de Versailles. L’article s’intéresse à la tension chez Mme du Maine entre une ambition politique classique, assise sur le rang de la princesse et le statut ambigu de son mari et une utilisation plus originale du rayonnement de la cour de Sceaux comme source d’un « pouvoir » d’une autre nature.
Frédéric Briot, « Agir en femme ? Quelques réflexions déroutées et perplexes du baron de Breteuil mémorialiste… »
Louis Nicolas Le Tonnelier de Breteuil (1648-1728) exerça la charge d’introducteur des princes étrangers et des ambassadeurs. Le cérémonial neutralise totalement la présence des femmes. Pourtant par trois fois Breteuil va se voir confronté à des femmes ne tenant aucun compte des normes sociales et poursuivant des buts qui échappent complètement au mémorialiste. Aucune de ses grilles de lecture n’est opérante : ces femmes ne contestent pas le système, ce que tout système sait comprendre et circonscrire, elles font un, ou plusieurs, pas de côté.
315Florence Dujour-Pelletier, « Du roman-mémoires d’Henriette-Sylvie de Molière aux Mémoires romancés des sœurs Mancini ou le pouvoir au féminin »
En 1674, Madame de Villedieu invente un personnage, Henriette-Sylvie de Molière, dont les aventures semblent inspirées par celles des sœurs Mancini. Ces trois femmes (fictive et réelles) ne sont certes pas des femmes de pouvoir, mais le récit de leurs aventures rappelle qu’elles ont côtoyé de près les grands de ce monde. Elles ont dès lors pu en parler avec une désinvolture qui deviendra caractéristique de ces écritures au féminin et a pu jouer, face à la tutelle masculine, comme un contre-pouvoir littéraire.
Josiane Guitard-Morel, « Félicité de Genlis, gouverneur des enfants d’Orléans, femme de pouvoir »
Les Mémoires de Stéphanie-Félicité de Genlis retracent, du règne de la Pompadour jusqu’à la Monarchie de juillet, comment la femme de lettres s’est distinguée par son intelligence, ses activités et ses nombreux talents. Son pouvoir s’épanouit progressivement à travers différents rôles : éducatrice, actrice, égérie politique… Le discours autobiographique dévoile une femme d’influences, opposée aux philosophes, et qui s’autorise un registre féministe d’avant-garde, tout en subtilités et paradoxes.
Laetitia Saintes, « Polémique et bataille du genre. La réception des Considérations sur la Révolution française de Germaine de Staël »
L’œuvre staëlienne a souvent fait l’objet d’une réception polémique ; le cas des Considérations sur la Révolution française est à cet égard exemplaire. Un préjugé misogyne traverse l’ensemble de sa réception, contestant la légitimité des femmes à témoigner de l’histoire. Car endosser le rôle de l’historienne revêt une ambition tout autre que celle qui consisterait à écrire l’histoire en romancière ou en mémorialiste : historienne, la femme qui prend la plume s’arroge le rôle de sujet dans une histoire que chaque camp tente de récupérer à son profit.
Éliane Viennot, « épilogue. Le recours à l’histoire des femmes illustres aux lendemains de la chute de l’ancien régime (1789-1860) »
Les femmes de la Révolution française ont en mémoire des modèles féminins qui leur donnent le courage de se lancer dans l’action. Et la période qui 316suit voit de nombreuses femmes se lancer dans l’étude de l’histoire de leur sexe – exploration d’autant plus nécessaire que le présent est marqué par une dégradation sévère de leurs pouvoirs. Exploitant au mieux les opportunités de la période, notamment celle qui consiste à pouvoir vivre de sa plume, elles répondent à la curiosité de leurs contemporaines pour des époques qui avaient vu des femmes occuper les premières places.
- Thème CLIL : 3639 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Art épistolaire, Correspondances, Discours
- ISBN : 978-2-406-09761-7
- EAN : 9782406097617
- ISSN : 2261-5881
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09761-7.p.0311
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 15/04/2020
- Langue : Français