Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Le Passé composé. La mise en œuvre du passé dans la littérature factuelle (xvie-xixe siècles)
- Pages: 321 to 326
- Collection: Encounters, n° 430
- Series: The classical century, n° 14
Résumés
Frédéric Charbonneau et Marie-Paule de Weerdt-Pilorge, « Introduction »
D’une écriture de l’histoire qui fasse autorité à l’élaboration d’une méthode critique en passant par les inflexions de la mémoire personnelle, ce sont les différentes modalités de la composition ou de la recomposition du passé, proche ou lointain, revécu ou refondé par l’écriture, qui sont explorées, engageant un dialogue entre les différentes formes de narrations mémorielles et factuelles dans une période de profondes mutations historiographiques.
Bertrand Binoche, « Les historicités des Lumières »
Il faut en finir avec l’idée que les Lumières auraient construit de l’histoire un concept homogène : aucun « régime d’historicité » ne leur est imputable en propre. En fait, sous le nom vague d’« histoire philosophique » ou « raisonnée », elles ont essayé de recomposer le passé contre la superstition : cela s’est joué sur plusieurs terrains – histoires hypothétiques, universelles, régionales – et c’est pourquoi, des historicités mises en œuvre par les Lumières, on ne peut parler qu’au pluriel.
Béatrice Guion, « Le sens du passé à l’âge classique »
Une enquête sur le sens du passé dans les Histoires et les Mémoires d’Ancien Régime (xvie-xviiie siècles) engage deux questions, difficilement dissociables : celle de la valeur qui lui est conférée et celle du sentiment de la temporalité. Le passé, investi de fonctions diverses – de norme (morale, religieuse, politique), de légitimation, de critique –, apparaît rarement appréhendé pour lui-même, et souvent sollicité dans des combats qui sont ceux du présent de l’écrivain.
322Philippe Hourcade, « Les Mœurs des Israélites. Une lecture ethnographique de l’Ancien Testament par Claude Fleury en 1681 »
Il est question ici d’examiner le propos et la démarche de Claude Fleury dans ses Mœurs des Israélites à partir de l’Ancien Testament. Faisant fi du récit, il expose la courbe évolutive de l’histoire des juifs anciens, le détail de leurs us et coutumes, les compare avec d’autres civilisations. Sa démarche est ethnologique avant la lettre, voisine de celle de la littérature de voyage, et peu religieuse.
Alicia Viaud, « La mort du prince de Condé dans La Vraye et entiere histoire des troubles de La Popelinière. Composer les passés pour penser la guerre »
Le récit de la mort du prince de Condé, abattu au terme de la bataille de Jarnac (1569), permet d’appréhender la conception de l’histoire de La Popelinière. Celui-ci identifie le meurtrier, sans entrer dans la polémique. Le destin de Condé est ensuite intégré à la chaîne paradigmatique de ses précédents historiques. La complexité de l’analyse suggère deux régimes complémentaires d’écriture, au service des particularités de l’épisode et de la vocation didactique d’une histoire exemplaire.
Pierre Bonnet, « De l’écriture et de l’étude de l’histoire comme préalables à la philosophie politique de Mably (1709-1785) »
À travers De la manière d’écrire de l’histoire, l’on montre que le travail de l’historien, dans sa manière, sa matière, ses modalités et ses finalités, relève déjà pour Mably d’une intention philosophique. Puis, on voit comment cette histoire philosophique lui inspire, dans De l’étude de l’histoire, les principes de gouvernement qu’il inculque au jeune duc de Parme, mais surtout informe toute son anthropologie politique et morale. Par là, Mably échappe en partie à l’imputation d’utopisme.
Marc André Bernier, « De l’anecdote historique à l’écriture biographique chez Madame d’Arconville »
Le recours à l’anecdote historique exprime un souci du vrai, dans la mesure où la valeur que revendique ce bref récit tient d’abord à sa véridicité. Les rapports qu’entretient l’anecdote avec la recherche de la vérité historique sont 323toutefois complexes, comme le montre l’un des grands textes que Madame d’Arconville a consacrés à la Révolution française et dont le titre annonce le programme : « Parallèle entre Charles ier, roi d’Angleterre, et Louis xvi, roi de France ».
Lucie Desjardins, « De la croyance à la littérature. La réappropriation du passé chez Nicolas Lenglet Dufresnoy »
À partir du Recueil de dissertations, anciennes et nouvelles (1751) de Nicolas Lenglet Dufresnoy, il s’agit d’examiner le rôle du passé au sein du processus de marginalisation des croyances superstitieuses. En effet, cette compilation de textes publiés à l’origine entre 1526 et 1748 présente bon nombre d’histoires répétées à l’envi au fil du temps. Il s’agit donc d’interroger le statut de ces reprises et d’examiner le rôle d’anecdotes qui appartiennent résolument au passé que celui-ci soit ancien ou récent.
Bruno Morgant Tolaïni, « Recomposer le passé ? La question de la Saint-Barthélemy dans les Mémoires de Jean Choisnin »
Jean Choisnin est un émissaire envoyé en Pologne pour préparer les esprits à la candidature de Henri d’Anjou comme roi. Lorsque la nouvelle de la Saint-Barthélemy est annoncée, elle fragilise le travail entrepris jusque-là. Après d’âpres tractations, la couronne est obtenue le 9 mai 1573. Les Mémoires de Choisnin font état de cette négociation. Ils soulignent les grandes qualités des ambassadeurs, capables de parvenir à leurs fins et soucieux d’être justement récompensés.
Isabelle Trivisani-Moreau, « Mémoires partisans. Regards contrastés sur les troubles des Cévennes »
Les Mémoires de trois acteurs de la guerre des camisards, le maréchal de Villars et deux chefs camisards, Cavalier et Marion offrent des divergences qui tiennent aux intérêts que chacun a à défendre. Mais ces intérêts se combinent avec un regard singulier sur le passé, accéléré pour l’un, étiré pour l’autre, inversé par l’enjeu prophétique pour le dernier. L’extension du corpus de trois à cinq textes des mêmes auteurs montre en outre l’importance des contextes de rédaction et de diffusion.
324Hélène Michon, « Le statut de l’histoire dans la controverse des vertus des païens »
L’objet de cette contribution est une querelle de nature théologico-philosophique qui oppose l’académicien François de la Mothe le Vayer au théologien de Port-Royal, Antoine Arnauld, dans les années 1640. Si le conflit porte sur la nature des vertus des païens, il met en cause également deux perceptions de l’histoire – substitution d’une histoire de sens à une histoire savante, pour reprendre les mots de Bernard Chédozeau – se réclamant toutes deux de saint Augustin, dont nous voudrions mesurer ici les enjeux.
Marc Hersant, « Des Mémoires pour servir à la vie de M. de Voltaire au Commentaire historique sur les œuvres de l’auteur de la Henriade. Déconstruction et reconstruction du passé »
L’opposition nietzschéenne entre histoire-monument et histoire critique éclaire les deux « autobiographies » de Voltaire : le Commentaire tente de transformer sa vie en monument, les Mémoires règlent des comptes avec Frédéric II et affrontent d’autres versions possibles des relations entre les deux hommes. La biographie sculpte dans le marbre une version apaisée d’événements que les Mémoires traduisent avec une violence traumatique. D’une œuvre à l’autre, le passé est ainsi composé et recomposé.
François Raviez, « Recomposer le passé dans le Mémorial de Sainte-Hélène »
Dans le Mémorial de Sainte-Hélène, Napoléon lègue un héritage de parole à son fils unique, hypothétique Napoléon II. En évoquant son règne au gré des conversations, en expliquant ses desseins en de longs monologues, l’Empereur dicte un testament composite, fait de récits de batailles, d’analyses géopolitiques et de rêveries prédictives. Le Mémorial, journal du comte de Las Cases, est à la fois la recomposition de son règne et l’appel dramatique d’un père au fils désormais inaccessible.
Annabelle Bolot, « Écriture du passé et silences du présent. La pensée religieuse face aux leçons de l’histoire dans les Mémoires de Saint-Simon »
Cet article s’interroge sur les contradictions qui séparent les convictions religieuses du Saint-Simon des Mémoires de celui du passé, pour y voir le signe 325de la rencontre de plusieurs temporalités. Le rejet de la persécution protestante ne serait-il alors que le fruit d’une lecture rétrospective de l’histoire, lié au devenir de la question janséniste ? Les Mémoires viennent ainsi interroger l’unité du sujet dans le temps et toute possible restitution du passé dans le témoignage historique.
Anne-Sophie Fournier-Plamondon, « Trois passés en un. L’Histoire de l’Église d’Antoine Godeau »
Écrire le passé constitue un geste politique, ancré dans des enjeux présents. Que se produit-il quand le présent de l’écriture rattrape l’histoire ancienne ? Cette question est appréhendée à partir d’un ouvrage d’Antoine Godeau (1605-1672), où se trouvent trois temporalités distinctes : un passé ancien et sacré ; le passé récent de l’auteur ; le temps de l’écriture. Cet entrelacs de temporalités conduit à s’interroger sur les articulations de ces différents passés et leurs usages sociopolitiques.
Malina Stefanovska, « Le passé composé dans l’Histoire de ma vie de Casanova »
Cet article étudie la recomposition du passé dans l’Histoire de ma vie de Jacques Casanova, connu pour son « présentisme » voulu, à rattacher à son statut d’aventurier créant lui-même son destin, ainsi qu’à sa volonté, typique des mémorialistes, de mettre son lecteur au milieu des événements racontés. La contribution montre comment dans son célèbre récit d’évasion de prison Casanova parvient à créer le sentiment d’immédiateté, utilisant divers segments du passé, antérieur ou postérieur à celui de l’événement.
Delphine Mouquin, « “Je vois encore”. Un passé toujours présent chez plusieurs femmes mémorialistes de la Révolution, de Mme Campan à Mme de Chastenay »
Dans certains mémoires féminins relatant la Révolution française, on rencontre une formule frappante pour évoquer un souvenir particulièrement vicace : « Je vois [j’entends, je frémis, je sens] encore ». Elle participe de la mise en scène du je de la mémorialiste dans une continuité historique et narrative troublée. Elle s’inscrit dans une démarche d’hommage aux souverains, au passé ou à la famille. Elle cristallise enfin la dimension pathétique de ces œuvres placées sous l’emprise du passé.
326Damien Zanone, « Art de la mémoire et sens du passé. D’un usage des jardins chez Rousseau et Chateaubriand »
Le legs rhétorique des « arts de la mémoire » (se laisser guider par la représentation d’un lieu pour avancer dans son discours) est-il devenu, dans les Confessions de Rousseau et les Mémoires d’outre-tombe de Chateaubriand, un procédé spécifique de la poétique de l’écriture autobiographique ? L’article explore cette hypothèse en envisageant les descriptions de jardins proposées dans ces deux ouvrages comme autant d’occasions de surprendre le passé et de lui faire rendre sens.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-09721-1
- EAN: 9782406097211
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-09721-1.p.0321
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-13-2020
- Language: French