Être disciple de Socrate, cela consiste à chercher à réunifier les hommes entre eux au moyen d’une réunification de chacun avec lui-même ; à constituer un sujet moral comme un sujet de la vérité et penser tout ce qu’il fait comme émanant d’une instance absolument cohérente. Et c’est dans le “rapport à soi”, dans la manière dont chacun est bien soi-même, seulement soi-même, en accord avec soi, et demeure fidèle à soi, que chacun est le même que tous. Chacun n’a donc qu’à être lui-même, c’est-à-dire le même que soi, pour viser un seul Bien et le même que tous les autres. C’est ce Bien que cherche à déterminer chacun des socratiques à sa façon, tous fidèles, chacun pour soi, à Socrate, et tous collectivement infidèles, comme le sont toujours, sans doute, les disciples.
Francis Wolff, Penser avec les Anciens. Un trésor de toujours, Paris, Fayard, collection Pluriel, 2016, p. 256 (version corrigée de L’Être, l’Homme, le Disciple. Figures philosophiques empruntées aux Anciens, Paris, PUF, 2000.)