Présentations des auteurs et résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Le Masculin dans les œuvres d’écrivaines françaises. « Il faut beaucoup aimer les hommes »
- Pages : 271 à 277
- Collection : Rencontres, n° 169
- Série : Littérature générale et comparée, n° 14
Présentations des auteurs
et résumés
Martine Reid, « Représenter le masculin »
Martine Reid, spécialiste de littérature du xixe siècle, est professeure à l’université Charles-de-Gaulle – Lille 3. Elle a publié Signer Sand. L’œuvre et le nom (Paris, 2003), Des Femmes en littérature (Paris, 2010) et une biographie de George Sand (Paris, 2013). Elle a dirigé plusieurs ouvrages collectifs et édité des textes du xixe siècle et quelques textes de référence de la littérature féministe.
Le propos tente d’apporter quelques éléments de réflexion sur la question de la représentation du masculin par les femmes auteurs. Il s’ouvre sur des considérations d’ordre historique sur un genre littéraire, le roman, dans lequel cette opération a été la plus habituellement pratiquée ; il se poursuit par quelques observations théoriques sur le personnage et revient enfin sur deux différences entre hommes et femmes auteurs révélées par la pratique littéraire.
The article aims at proposing a few observations on this issue very topic : the representation of male characters by women authors. It starts with historical considerations on a “genre”, the novel, traditionally linked to women ; it then considers theoretical questions on the “character” ; it ends with comments on two differences between men and women revealed by the literary practice where the gender difference is at stake.
Daniel Martin, « Du masculin troublé à l’indicible objet de désir. Les Euvres de Louise Labé »
Daniel Martin, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille, est spécialiste de la littérature de la Renaissance. Ses travaux portent sur les pratiques littéraires féminines, la poétique de composition des recueils, les milieux littéraires lyonnais. Il a dirigé le secteur littérature française du xvie siècle du Dictionnaire des créatrices (Paris, 2013).
L’entreprise littéraire de Louise Labé apparaît comme une intrusion conquérante dans le champ littéraire masculin. Les Euvres thématisent cette
entreprise qui se veut démonstration de compétence en vue d’obtenir un large assentiment. Il faut, ainsi, faire accepter une parole qui conteste la suprématie masculine, la trouble, et advienne dans le versant poétique du recueil en s’appropriant le code pétrarquiste, en le vouant à devenir un moyen privilégié d’expression du désir féminin porté sur un objet masculin.
Louise Labé’s literary plan seems to be a conquering intrusion into the masculine literary range. The Euvres volume thematizes this plan that expects to be a competence display in the purpose to obtain a broad agreement. Thus, it is necessary to obtain acceptance of a discourse that contests masculine supremacy, upsets it and finds to appear into the poetic part of the collection by appropriating the petrarchan code, by devoting it to become a favoured way to express the feminine desire directed onto a masculine object.
Margarete Zimmermann, « “Une cité des hommes” ? Représentations du masculin dans la pensée de Christine de Pizan »
Margarete Zimmermann, professeure émérite de littérature française et comparée à la Freie Universität de Berlin, a dirigé le Frankreich Zentrum de 2008 à 2014. Ses recherches portent sur la littérature française et italienne du Moyen Âge tardif, la « querelle des femmes », les études de genre et la littérature contemporaine. Elle a publié récemment Après le Mur. Berlin dans la littérature francophone (Berlin, 2014).
À travers la description d’une métamorphose, Christine de Pizan relate la façon dont elle surmonte une crise existentielle et devient écrivaine. Assumer des rôles masculins la dote d’une sensibilité particulière à l’égard d’adversaires et d’alliés. Elle édifie un « panthéon », peuplé de représentants d’une masculinité idéale, tout en bannissant ses adversaires dans l’Orcus des misogynes. Cette construction d’un lieu de mémoire pour le « deuxième sexe » (masculin) est caractéristique de La Cité des Dames.
On the basis of this description of a metamorphosis, Christine de Pizan explains how she overcame a severe crisis and became a writer. To assume a “masculine” role provides her with a particular sensitiveness towards adversaries and potential allies. She sets up a “pantheon” peopled by representatives of an ideal masculinity, while at the same time banishing her adversaries to the hell-hole of misogyny. This construction of a lieu de mémoire for the “second sex” (the masculine sex) is also part of the foundation of her utopian work The City of Ladies.
Angelica Rieger, « Les passions secrètes d’une reine ou Marguerite de Navarre et le monde masculin »
Angelica Rieger est professeure de philologie romane à l’université d’Aix-la-Chapelle. Ses travaux portent sur le Moyen Âge, la Renaissance, l’occitanistique, la littérature française et espagnole des xixe et xxe siècles, les Gender Studies et l’intermédialité. Elle a publié entre autres Alter Ego. Der Maler als Schatten des Schriftstellers in der französischen Erzählliteratur von der Romantik bis zum Fin de siècle (Köln, 2000).
Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre, se trouve au carrefour de la vie politique, spirituelle et littéraire de la première moitié du xvie siècle en France. Entourée d’hommes, elle nous a transmis une œuvre marquée par les trois passions de sa vie : son amour pour son frère, François Ier, sa quête spirituelle et l’écriture. L’article étudie les représentations du frère, du mari, du clergé et du monde masculin qui l’entoure dans une société imprégnée d’humanisme, de (néo-)platonisme et d’évangélisme.
Marguerite of Angoulême, queen of Navarre, finds herself at the centre of the political, spiritual and literary life of the first half of the 16th century in France. Surrounded by a world of men, she left us a work marked by the three passions of her life : the love for her brother, François I, King of France, her spiritual quest and writing itself. This article does the analysis of the representations of the brother, of the husband, of the clergymen, and of that masculine world which surrounds her in that society intensely marked by Humanism, (Neo)Platonism, and Evangelism.
Renate Kroll, « Les Précieuses au xviie siècle. “Amour amitié”, “Mars jardinier” et “Un héros de toutes les saisons” »
Renate Kroll, professeure de philologie romane à l’université Humboldt de Berlin, étudie la littérature et la culture françaises. Ses travaux portent sur les Gender Studies et des auteures françaises et d’Amérique latine du xxe siècle. Outre de nombreuses traductions, elle a publié Femme poète. Madeleine de Scudéry und die « poésie précieuse » (Tübingen, 1996).
Cet article présente les Précieuses, notamment Madeleine de Scudéry, dans leur engagement en tant que poétesses, épistolières et panégyristes. Elles prennent position contre les représentations de leurs collègues masculins au moyen d’une écriture médiatrice entre la poésie précieuse masculine et la condition féminine. Leurs concepts déconstruisent les idéologies de leur entourage, elles « débrutalisent » les discours ambiants et expriment ainsi leur volonté de corriger, voire de détruire, les normes dominantes.
This contribution proposes to present the Précieuses, notably Madeleine de Scudéry, in terms of their engagement as poets, letter-writers and panegyrists. They position themselves against the representations of their masculine colleagues through a form of writing that establishes a link between the masculine précieux poetry and the female condition. Their concepts deconstruct the ideologies of their entourage, they “debrutalise” the prevailing discourse and express their will to correct and indeed to destroy the dominant norms.
Rotraud Von Kulessa, « La discursivité du masculin dans les romans de femmes du xviiie siècle »
Rotraud von Kulessa est professeure de littératures française et italienne à l’université d’Augsburg en Allemagne. Elle est spécialiste des auteures du xviiie et xixe siècles en France et en Italie. En 2014, elle a publié une nouvelle édition critique des Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny. Actuellement elle travaille, avec Catriona Seth, à un projet ANR/DFG portant sur Marie Leprince de Beaumont.
L’article analyse la discursivité du masculin dans trois romans épistolaires d’auteures françaises du xviiie siècle, à savoir les Lettres d’une Péruvienne de Françoise de Graffigny (1747-1752), les Lettres de Mistriss Fanni Butlerd (1757) de Marie-Jeanne Riccoboni et Mémoire de Madame de Valmont (1788) d’Olympe de Gouges.
The article will analyze the discursive construction of masculinity of three French epistolary novels from women authors : Lettres d’une Péruvienne of Françoise de Graffigny (1747-1752), Lettres de Mistriss Fanni Butlerd (1757) of Marie-Jeanne Riccoboni and Mémoire de Madame de Valmont (1788) of Olympe de Gouges.
Vicki Mistacco, « Le masculin, une vieille histoire. Riccoboni et Sand »
Vicki Mistacco, professeure émérite de français à l’université Wellesley College aux États-Unis, est spécialiste de la littérature féminine française. Elle a publié Les Femmes et la Tradition (Yale, 2006 et 2007). Ses travaux portent sur les compilations faites par des femmes entre 1750 et 1970 afin de garantir aux écrivaines une place dans l’histoire littéraire française. Elle est l’auteur de nombreux articles.
La vieille histoire de la femme abandonnée s’impose comme « texte de l’héroïne » dans des romans féminocentriques écrits par des hommes aux xviie et xviiie siècles. Pour Riccoboni au xviiie siècle et même Sand au xixe, reprendre cette vieille histoire masculine constitue une sorte de rite de passage
obligatoire vers la littérature, attestant les difficultés qu’éprouve une femme pour venir à l’écriture, mais aussi ses stratégies pour négocier une place pour elle-même dans l’institution littéraire.
The old tale of the abandoned woman became the rule as “the heroine’s text” in feminocentric novels written by men in the seventeenth and eighteenth centuries. For Riccoboni in the eighteenth century and even Sand in the nineteenth, taking up this old male story constitutes a kind of rite of passage toward literature. Their rewriting of this masculine text of femininity attests to the difficulties a woman experiences in coming to writing, but also to her ambition and her strategies for negotiating a place for herself within the institution of literature.
Béatrice Didier, « Personnages masculins dans l’œuvre de George Sand »
Béatrice Didier, professeure émérite à l’ENS, est l’auteure de nombreux essais sur la littérature française des xviiie et xixe siècles, comme L’Écriture-femme (Paris, 1999), Stendhal ou la dictée du bonheur (Paris, 2004) ou George Sand écrivain : un grand fleuve d’Amérique (Paris, 1998). Elle a codirigé le Dictionnaire des créatrices. Elle dirige les éditions des Œuvres complètes de George Sand et de Chateaubriand.
Le propos donne un aperçu de la multiplicité des personnages masculins dans l’œuvre de George Sand à travers deux genres que l’écrivaine a pratiqué : l’autobiographie et le roman. Son autobiographie, marquée par la figure paternelle, laisse entrevoir la pudeur de l’auteure quant à l’exercice de la confession. À l’inverse, les figures masculines, tantôt protagoniste fort, tantôt figure masculine affaiblie, sont utilisées par Georges Sand afin de mieux dénoncer la réalité des relations homme-femme.
The article attempts to give an outline of the multiplicity of the male characters in the work of George Sand through two literary genres that the writer practiced : the autobiography and the novel. Her autobiography, in which the paternal figure plays a central role, reveals the author’s reserve to the exercise of confession. On the contrary the male figures, which can be as well strong protagonists than weakened male characters, are used by Georges Sand in order to better denounce the true relations between men and women.
Françoise Rétif, « Simone de Beauvoir : le masculin en question »
Françoise Rétif, professeure à l’université de Rouen, dirige l’Institut français auprès de l’université de Bonn. Spécialiste des littératures allemande, autrichienne et française du xxe siècle, elle a publié l’essai Simone de Beauvoir. L’autre en miroir (Paris,
1998). Elle a dirigé, entre autres, Mythes et différences des sexes (Heidelberg, 2007) et Pandore et la généalogie mythique de la femme (Heidelberg, 2012).
Les représentations du masculin dans l’œuvre de Simone de Beauvoir sont plus complexes que ce qu’on a prétendu en affirmant qu’elle cherchait à assimiler la femme à l’homme et que l’homme était son modèle universel. Dès sa venue à l’écriture, dès Les Cahiers de jeunesse, et tout au long de son œuvre, elle prend ses distances par rapport au masculin qui apparaît aussi comme le sexe qui tue. Si elle a critiqué les femmes et le féminin, elle a critiqué non moins sévèrement les hommes et le masculin.
The representation of the male gender in the work of Simone de Beauvoir, or rather her representations of the males and the male characters in her works are more complex than what has been claimed by stating that she sought to assimilate the feminine gender to the masculine and that the man was her universal model. Since her first steps as writer with Les Cahiers de jeunesse and throughout her work, she distanced herself from the male who also appear as the sex that kills. If she criticized women and the feminine gender, she criticized equally severely men and the male one.
Claude Burgelin, « Marguerite Duras et l’amour des hommes »
Claude Burgelin, professeur émérite de littérature à l’université Lumière – Lyon 2, est spécialiste de littérature contemporaine, en particulier des écritures du « je ». Il a publié Georges Perec (Paris, 1988), Les Parties de dominos chez Monsieur Lefèvre (Belval, 1996), Les Mal Nommés, Duras, Leiris, Calet, Bove, Perec, Gary et quelques autres (Paris, 2012). Il a coordonné et présenté Lire Duras (Lyon, 2000).
L’imaginaire de Duras concernant les hommes s’est cristallisé autour des trois figures originaires de la saga familiale : le père, le frère aîné, le puîné. En arrière-fond domine la thématique de l’inceste et de la proximité indicible avec ces figures qu’elle rejette autant qu’elle les rend partie d’elle-même. Elle peine peut-être à faire exister l’altérité masculine. Mais la bascule des frontières entre le masculin et le féminin renouvelle l’écriture narrative.
The imaginary of Duras about men has crystallized around the three figures that originated in the family saga : the father, the older brother, and the younger brother. The background is dominated by the theme of the incest and the inexpressible proximity with these masculine figures, which it rejects as much as it accepts them. It is perhaps the male otherness that Duras can’t truly express. But this blurring of the frontiers between the masculine and the feminine singularly renews narrative writing.
Andrea Grewe, « “Ni animal domestique ni animal sauvage”. Les représentations du masculin dans l’œuvre de Yasmina Reza »
Andrea Grewe, professeure de littératures française et italienne à l’université de Osnabrück, étudie la construction des genres dans le théâtre italien et français au seuil du xviie siècle et dans la littérature des femmes en France et en Italie de la Renaissance jusqu’à l’époque contemporaine (Yasmina Reza, Marie Ndiaye). Nombre de ses travaux portent sur la réception de l’œuvre de Marie-Madeleine de Lafayette en Allemagne.
Les représentations du masculin dans l’œuvre de Yasmina Reza sont marquées par une forte opposition entre les représentants d’une masculinité hégémonique, dont le désir de domination menace la paix sociale, et des hommes faibles, féminins, liés à la sphère de la famille et assumant le rôle de médiateurs dans le conflit dramatique. Le théâtre de Reza met ainsi en scène l’aporie d’une conception traditionnelle de la masculinité qui associe l’homme à la sphère publique du pouvoir et l’exclut de la sphère privée.
The representation of the male in Yasmina Reza’s work is characterized by a strong opposition between the representatives of a hegemonic masculinity, which wish of domination constitutes a danger for social peace, and another kind of men who are weak, feminine and connected to family and assume the task of mediators in the dramatic conflict. Reza’s theatre underlines the deep crisis of a conception of masculinity, which associates the male only with the public sphere of power and excludes him from the private sphere.
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-05939-4
- EAN : 9782406059394
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05939-4.p.0271
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/07/2016
- Langue : Français