Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Le Cas médical. Entre norme et exception
- Pages: 285 to 289
- Collection: Encounters, n° 447
- Series: Nineteenth century studies, n° 50
Résumés
Paolo Tortonese, « Introduction »
Le cas commence à exister là où un fait singulier devient un problème, précisément parce que les règles acquises trouvent en lui une pierre d’achoppement. Sa résistance à la norme peut nous orienter vers différentes issues : le relativisme, le scepticisme, d’une part, la redéfinition de la norme d’autre part. La pensée des cas demande et suscite la souplesse, le sentiment de la contingence, la capacité d’adaptation, toutes vertus qui se distinguent de la discipline et de l’intégrité.
Juan Rigoli, « “Cas” et “cas rares” au xixe siècle »
La terminologie médicale fait l’objet d’une ferme attention dans les premières décennies du xixe siècle, portée par le projet de réguler son usage en l’ajustant aux normes de l’« observation ». Mais les vocabulaires et dictionnaires spécialisés, publiés alors à foison, ne s’attèlent pas à fixer le sens du mot « cas », qui se répand pourtant profusément en médecine. Comprendre ce déficit notionnel, c’est remonter aux tensions qui régissent les rapports entre malade et maladie.
Carle Bonnafous-Murat, « Penser par cas, écrire par cas. Quelques hypothèses concernant la disparition présumée de la casuistique dans la littérature anglaise après 1800 »
Au xixe siècle, les essais de Thomas De Quincey et d’Oscar Wilde nous aident à appréhender la transition de la casuistique à l’étude de cas. La casuistique cesse de préoccuper l’histoire littéraire dès lors que ce qui est digne d’intérêt ou d’attention, c’est la personne humaine saisie dans ce qu’elle a de plus singulier, de radicalement distinct. Là où la casuistique cherchait invariablement à subsumer l’individu sous des types, l’étude de cas exalte l’irréductible différence de la personnalité.
286Laurence Talairach, « Cas médicaux et imaginaire gothique. La circulation des cas de catalepsie au xixe siècle »
Tout au long du xixe siècle, la catalepsie demeure un « désordre » assez mystérieux qui suscite l’intérêt des médecins comme il inspire la scène littéraire. Souvent associée à l’hystérie, à l’épilepsie ou encore à la transe et au mesmérisme, la catalepsie se retrouve fréquemment au cœur des débats médicaux, le premier étant celui sur les signes de la mort et les limites entre les états de vie et de mort. Mais la catalepsie est également liée à toute une tradition littéraire assez noire ou gothique.
Larry Duffy, « Ce traité médical qui n’en est pas un. Récits de lutte disciplinaire sous le régime Orfila »
Le traité Considérations médico-légales sur l’avortement (1844) de Charles-Nicolas Halmagrand est en réalité le récit autobiographique et polémique du conflit entre son auteur et le doyen Mathieu Orfila, qui préside un système de règlement médical sous la monarchie de Juillet. Ce chapitre, constatant des similarités rhétoriques entre certains propos de ce récit et de ceux du pharmacien flaubertien Homais, les situe dans un contexte de luttes autour du règlement de la médecine et de la pharmacie.
Nicole Edelman, « À propos d’un viol sous magnétisme en 1865 »
Il s’agit ici du cas d’un « viol sous magnétisme » commis en 1865 dont le premier récit a été publié en 1867 par le médecin Ambroise Tardieu. Les enjeux de la reconnaissance de ce viol sont de plusieurs ordres : médicalement, reconnaître les effets possibles du magnétisme contredit les affirmations de la médecine académique. Politiquement, la condamnation de l’homme, un prolétaire vagabond, à 12 ans de travaux forcés pose problème car ce viol est commis dans le Var, rebelle au régime impérial.
Rudolf Behrens, « Le Horla, un cas ? »
L’article entreprend l’analyse de trois contes de Maupassant, Lettre d’un fou (1885) et Le Horla dans les versions de 1886 et 1887. Au lieu de comprendre ces textes comme étapes de la maturation d’un sujet littéraire, nous les analysons comme un triptyque de mises en scène d’un cas dont les trois parties 287se réfèrent à de diverses formes de la communication médicale (lettre de consultation, observation clinique, consilium, carnet d’anamnèse) tout en déconstruisant l’épistémologie de l’observation.
Violaine Heyraud, « “Il est de tous les jours, votre cas”. L’impuissance dans la comédie du second xixe siècle »
De 1860 à 1907, des comédies traitent d’un trouble sexuel tabou, l’impuissance masculine. Ces cas spectaculaires émeuvent la censure, moins par leur caractère exceptionnel, que par leur banalité. Labiche, Varin et Delaporte, les Hennequin, La Rounat ou Feydeau convoquent habilement médecine contemporaine et angoisses ancestrales pour inviter les spectateurs à diagnostiquer des cas problématiques, symptômes de craintes multiples face au mariage, à la perte de la virilité ou de l’identité.
Laure de la Tour, « J.-K. Huysmans et le cas médical spiritualisé. L’exemple d’En rade »
Dans En rade de J.-K. Huysmans (1848-1907), le roman clinique naturaliste se mue en critique de la médecine, au nom de l’âme. Cette dernière, oubliée des praticiens, devient l’expression de la subjectivité et d’une résistance à la catégorisation. Typique du récit de cas en apparence seulement, En rade brouille les signes neurologiques de la maladie exposée pour en proposer une interprétation psychologique et spirituelle, interrogeant à nouveaux frais les liens entre médecin et patient.
Régine Plas, « Entre morale et fiction. Les cas cliniques de Pierre Janet »
Au tournant des xixe et xxe siècles, Pierre Janet (1859-1947), philosophe et médecin, était considéré comme le grand psychologue français. Il publia de nombreuses observations cliniques qui lui servirent à formuler une théorie globale du fonctionnement du psychisme humain. Janet privilégie les cas « bizarres » ou « singuliers », et la mise en récit de ses observations est sous-tendue par une valorisation de la volonté et de la maitrise de soi, opposée à l’automatisme et à la faiblesse psychologique.
288Jeanne Weeber, « Le cas du psychiatre fou de Poe à Lobo Antunes »
Le type du savant fou sert la critique de la science. La variante du psychiatre fou entend dénoncer les conditions d’internement, l’arbitraire du diagnostic, la relativité des classifications. Dans Le Sytème du docteur Goudron et du professeur Plume d’Edgar Allan Poe, La Salle no 6 d’Anton Tchékhov, Tendre est la nuit de Francis Scott Fitzgerald et Connaissance de l’Enfer d’Antonio Lobo Antunes, sa folie consiste souvent en une prise de conscience du caractère coercitif, injuste de sa fonction.
Jacqueline Carroy, « Les sujets dramatisés de La Nouvelle Idole. 1893-1914 »
Dans cette étude, sont analysées les versions destinées à la lecture et à la scène d’une pièce à succès de François de Curel. En écho avec son expérience de sujet du psychologue Alfred Binet, celui-ci critique la science comme « nouvelle idole ». Il mêle des références médicales, littéraires et psychologiques en mettant en scène des sujets dramatisés en victimes rebelles, offertes ou s’offrant à la science. Curel amplifie un imaginaire et des représentations liées au thème d’une « banqueroute de la science ».
Alexandra Bacopoulos-Viau, « Une “étrange artiste”. Revendication auctoriale et médiumnité féminine à l’aube du xxe siècle »
Ce chapitre retrace, à l’aide de documents d’archives, le parcours peu ou pas connu de la médium Juliette Hervy (1869-1942), qui se fit un nom en produisant à volonté poèmes, dissertations, écrits autobiographiques, essais philosophiques et autres textes sur le féminisme. Ce cas permet d’examiner les relations entre savoirs profanes et experts de l’époque tout en interrogeant les limites des « lectures symptomatiques » voyant dans la médiumnité l’expression d’un simple contre-discours féminin.
Maria de Jesus Cabral, « Le cas littéraire Fernando Pessoa »
« Le point central de ma personnalité, en tant qu’artiste, c’est que je suis un poète dramatique ; j’ai sans cesse, dans tout ce que j’écris, l’exaltation intime du poète et la dépersonnalisation du dramaturge », écrit Fernando Pessoa. Suivant une mise en scène mentale, il fait évoluer, en lui et à partir de lui, une série de « doubles » qui produisent à leur tour des œuvres différentes entre elles. Pessoa brouille le singulier et le multiple dans une vaste entreprise de recherche sur le sujet.
289Claude Valentin, « La médecine oncogénétique aux fondements et aux risques de la postmodernité »
La médecine personnalisée génère enchantement et désenchantement. Le traitement différencié prenant en compte le génome de la tumeur et du sujet laisse imaginer des thérapies plus courtes, plus efficaces, mieux tolérées. Cependant les critères d’évaluation restant attachés aux critères scientifiques limitent le sens du terme de personnalisation qui inclut normalement le ressenti du patient. Une subjectivité qui invite à chercher des critères qualitatifs pour définir ce qu’est « le cas médical ».
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-10077-5
- EAN: 9782406100775
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10077-5.p.0285
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-27-2020
- Language: French