Regard sur le champ marqué
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Stylisation du discours
- Pages : 77 à 77
- Collection : Investigations stylistiques, n° 15
Regard sur le champ marqué
Comme on l’a vu, les genres de discours sont ancrés dans des situations sociales qui conditionnent leur matériel expressif, validant des patrons que les genres littéraires transposent en les sémiotisant. Mais les genres ne sont pas les seuls profileurs de style. Entre requalifications stabilisées et formes émancipées du moule, le gain de valeur se déploie largement sur des supports linguistiques : observée sous cet angle, la stylisation use de motifs reconnaissables, voire conventionnalisés, qui cumulativement constituent une langue requalifiée et requalifiante en soi, la langue littéraire1. Nous verrons comment cette langue se nourrit des marques de la stylisation, et comment à son tour elle offre à la stylisation un adossement évolutif et réitérable.
Dans notre représentation du langage, la langue littéraire est à la fois un réceptacle de formes collectives, le creuset de motifs nouveaux, et le départ possible d’une nouvelle visée particularisante. Entrant dans sa deuxième phase, notre exploration pose le regard sur les lieux d’émergence du langage requalifié, autrement dit sur les points sensibles de la stylisation. Elle propose d’abord d’éclairer diverses mises en variation de la langue, où s’impose le rôle majeur des figures, et celui des faits de langue portés à leurs limites de rendement. L’étude des « variations stylisantes » s’est donné cet objectif, en reconnaissant dans les formes de saillance ce que Charles Bally appelait des « germes du style2 ». Pour autant, ces formes ne rendent pas compte à elles seules de la dimension holistique de la stylisation, effet d’un ordonnancement que Proust, dans son intuition des phénomènes, rapportait à une « vision ». Nous l’observerons quant à nous à hauteur de phrase, dans le travail à façon de la syntaxe, puissante machine d’organisation et d’intégration, qui érige une unité grammaticale instable en mesure d’un style accompli.