Résumés
- Type de publication : Article de revue
- Revue : La Revue des lettres modernes
2018 – 6. Textes pour rien / Texts for Nothing de Samuel Beckett. Le corps de la voix impossible - Pages : 503 à 515
- Revue : La Revue des lettres modernes
- Série : Samuel Beckett, n° 6
Résumés/Abstracts
Llewellyn Brown, « Textes pour rien de Samuel Beckett. Place au sein de l’œuvre et enjeux »
Professeur agrégé de Lettres modernes au Lycée international de Saint-Germain-en-Laye, Llewellyn Brown est l’auteur de Figures du mensonge littéraire : études sur l’écriture au xxe siècle (2005), L’Esthétique du pli dans l’œuvre de Henri Michaux (2007), Beckett, les fictions brèves : voir et dire (2008), Savoir de l’amour (2012), Beckett, Lacan and the Voice (2016), Marguerite Duras, écrire et détruire : un paradoxe de la création (2018), Beckett, Lacan and the Gaze (à paraître).
Professeur agrégé teaching at the Lycée international de Saint-Germain-en-Laye, Llewellyn Brown has published Figures du mensonge littéraire : études sur l’écriture au xxe siècle (2005), L’Esthétique du pli dans l’œuvre de Henri Michaux (2007), Beckett, les fictions brèves : voir et dire (2008), Savoir de l’amour (2012), Beckett, Lacan and the Voice (2016), Marguerite Duras, écrire et détruire : un paradoxe de la création (2018), Beckett, Lacan and the Gaze (forthcoming).
Souvent associé à la notion d’impasse, Textes pour rien recèle de grandes richesses, que l’on esquisse dans cette synthèse des travaux critiques précédents. On remarque les multiples significations du titre, le mouvement cyclique des chapitres scandé par des ruptures structurants. Moment de renouvellement, ce recueil ouvre à la suite de l’œuvre. La place centrale accordée au langage conduira à une brèche brisant la linéarité de la prose.
Often associated with the notion of an impasse, Texts for Nothing reveals great riches, which are outlined in this synthesis of preceding critical works. We note the multiple meanings of the title, the cyclic movement of the chapters marked by structuring breaks. Representing a moment of renewal, this corpus opens up to the works that follow. The central place given to language leads to a breach that interrupts the linearity of prose.
504Mark Nixon, « Samuel Beckett. La traduction en anglais de Textes pour rien »
Mark Nixon est Professeur associé dans le département de Littérature moderne à l’University of Reading, où il est aussi co-directeur de la Beckett International Foundation. Avec Dirk Van Hulle, il est rédacteur en chef du Journal of Beckett Studies, et co-directeur du Beckett Digital Manuscript Project. Il est aussi membre du comité éditorial de Samuel Beckett Today/aujourd’hui. Il a publié de nombreuses études sur l’œuvre de Beckett ; parmi ses récentes parutions se trouve une édition critique de la nouvelle « Echo’s Bones » (Faber 2014). Il prépare à présent une édition critique des « German Diaries » (avec Olivier Lubrich : Suhrkamp, 2018).
Mark Nixon is Associate Professor in Modern Literature at the University of Reading, where he is also Co-Director of the Beckett International Foundation. With Dirk Van Hulle, he is editor in chief of the Journal of Beckett Studies and Co-Director of the Beckett Digital Manuscript Project. He is also an editor of Samuel Beckett Today/aujourd’hui. He has published widely on Beckett’s work; recent books include the critical edition of Beckett’s short story “Echo’s Bones” (Faber, 2014). He is currently preparing a critical edition of Beckett’s “German Diaries” (with Oliver Lubrich; Suhrkamp, 2018).
Cette étude trace la lutte de Beckett pour traduire Textes pour rien en anglais. L’histoire de cette traduction est marquée par des hésitations et des difficultés. Ayant commencé la traduction du premier “Texte” en 1958, Beckett allait passer les huit années qui suivaient dans un travail laborieux pour achever cette tâche. Cette discussion trace l’histoire génétique de la traduction, et commente les diverses étapes composant ce processus.
This essay charts Beckett’s struggle to translate Textes pour rien into English. The translation history of these texts is marked by hesitations and difficulties. Having begun the translation of the first “Text” in 1958, Beckett would over the next eight years struggle to complete the task. The discussion maps the genetic history of the translation, and comments on the various stages in the process.
Anthony Uhlmann, « Dénaturer la connaissance dans Textes pour rien de Samuel Beckett »
Antony Uhlmann est directeur du centre de recherche Écriture et Société, à l’University of Western Sydney. Il est auteur de deux ouvrages monographiques sur Beckett : Beckett and Poststructuralism (Cambridge UP, 1999), et Samuel Beckett and the Philosophical Image (Cambridge UP, 2006). Il a dirigé le Journal of Beckett Studies de 2007 à 2013, et a dirigé l’ouvrage Samuel Beckett in Context (Cambridge UP 2013).
505Anthony Uhlmann is Director of the Writing and Society Research Centre at the University of Western Sydney. He is the author of two monographs on Beckett: Beckett and Poststructuralism (Cambridge UP, 1999) and Samuel Beckett and the Philosophical Image (Cambridge UP, 2006). He edited the Journal of Beckett Studies from 2007-2013, and is the editor of Samuel Beckett in Context (Cambridge UP 2013).
Cette étude examine la manière dont Textes pour rien utilise le lieu, le récit, la mémoire, l’état d’existence, l’idée d’un départ, et l’idée du scribe comme autant de stratégies pour “continuer”. Elle examine comment chacune de ces stratégies suppose un refus ou le choix de dénaturer les idées de la signification et du savoir, avant que les situations explorées dans L’Innommable reviennent dans la seconde moitié de cette œuvre.
This paper looks at the way in which Texts for Nothing makes use of the place, the story, the memory, the state of being, the idea of departure, and the idea of the scribe as strategies for “going on”. It considers how each of these strategies involves a refusal or denaturing of the ideas of meaning and knowledge, before situations explored in The Unnamable return, in the second half of this work.
Rémy Bertaux d’Orgeville, « Textes pour rien de Samuel Beckett. Une lecture christique »
Agrégé de Lettres classiques, Docteur ès Lettres, professeur en Classes préparatoires au Lycée international de Nice-Sophia-Antipolis, auteur d’une thèse intitulée La Question de Dieu dans l’œuvre de Samuel Beckett.
Holder of the Agrégation de Lettres classiques and a Ph. D., Rémy Bertaux d’Orgeville teaches preparatory classes at the Lycée international de Nice-Sophia-Antipolis. He is author of a doctoral thesis devoted to the question of God in the work of Samuel Beckett.
On s’est plu à imaginer que Beckett a pu faire de la personne du Christ une figure centrale de Textes pour rien, puisque nul doute qu’il ne fut toute sa vie tourmenté par cet homme nommé Jésus, tout à la fois Dieu et homme, Dieu fait homme, au point de ne peut-être plus savoir lui-même s’il fut davantage l’un ou l’autre, si l’un savait qui était l’autre. Beckett imagine. Beckett s’interroge.
We considered it interesting to imagine that Beckett may have made the person of Christ a central figure of Texts for Nothing, since he was assuredly tormented all his life by this man named Jesus, who was both God and man, God made man, maybe 506to the point of not knowing himself if he were more one than the other, if he knew who the other was. Beckett imagines. Beckett questions himself.
Mariko Hori Tanaka, « Une lecture post-apocalyptique du silence dans Textes pour rien de Samuel Beckett »
Mariko Hori Tanaka est professeur à l’Université Aoyama Gakuin, à Tokyo, Japon. Elle a publié de nombreux articles sur Samuel Beckett et sur d’autres écrivains dans des ouvrages collectifs, aussi bien que dans des revues comme Samuel Beckett Today/aujourd’hui et le Journal of the Kafka Society of America. Elle a publié un livre en japonais intitulé Beckett Junrei (“pèlerinage” ; Tokyo, Sanseido, 2007), et a codirigé le livre Samuel Beckett and Pain (Rodopi, 2012).
Mariko Hori Tanaka is Professor at Aoyama Gakuin University, Tokyo, Japan. She has published many articles on Samuel Beckett and other writers in collections of essays, as well as in journals such as Samuel Beckett Today/aujourd’hui and the Journal of the Kafka Society of America. She has published a book in Japanese entitled Beckett Junrei (‘Pilgrimage’; Tokyo: Sanseido, 2007), and co-edited Samuel Beckett and Pain (Amsterdam: Rodopi, 2012).
Dans Textes pour rien, Beckett cherche un nouveau langage pour exprimer son silence post-apocalyptique. Le narrateur des récits entend des voix, dans un silence rempli de murmures, de chuchotements, de cris, de hurlements et de halètements. Cependant, ces voix n’ont pas de subjectivité, comme si elles étaient des objets traumatiques rejetés par le monde. Ce sont les voix des mots qui cherchent désespérément à exprimer leur agonie et leur douleur et, ainsi, à laisser leur “trace”.
In Texts for Nothing, Beckett attempts to discover a new language to express his post-apocalyptic silence. The narrator of the stories hears voices in a silence filled with murmurs, whispers, cries, screams and breathing. These voices, however, do not display subjectivity, as if they were traumatic objects denied by the world. They are the voices of the dead who are desperately trying to express their agony and pain, and to thus leave their ‘trace’.
Johan Faerber, « La quête poétique du récit dans Textes pour rien de Samuel Beckett. “Avoir voix au chapitre” »
Johan Faerber a publié plus de soixante articles sur le Nouveau Roman et la littérature contemporaine. Auteur de Pour une esthétique baroque du nouveau roman (2010), il prépare un essai intitulé Après la littérature (PUF, 2017). Il dirige la Série « Le Nouveau 507Roman en questions », chez Lettres modernes Minard, et la collection « Classiques & Cie » chez Hatier. Conseiller éditorial du pôle sciences humaines d’Armand Colin et Dunod, il est aussi critique littéraire à Mediapart et La Nouvelle Quinzaine, et co-dirige Diacritik, magazine culturel en ligne qu’il a fondé en septembre 2015.
Johan Faerber has published more than sixty articles on the Nouveau roman and contemporary literature. Author of Pour une esthétique baroque du nouveau roman (2010), he is preparing an essay titled Après la littérature (2017). He edits the Series “Le Nouveau Roman en questions”, for Lettres modernes Minard, and the series “Classiques & cie” for publisher Hatier. He is editorial advisor for the humanities section of publishers Armand Colin and Dunod, and a literary critic for Mediapart and La Nouvelle Quinzaine; he is co-editor of the on-line cultural magazine Diacritik, which he founded in 2015.
Textes pour rien insiste pour tenter de trouver une voix toujours en déshérence. Chacun des “Textes” porte en soi une fable sourde et obscure : les textes ont toujours déjà commencé, prisonniers d’un langage qui ne se tait jamais : qui a commencé bien avant les hommes et se poursuivra après eux. Le destin beckettien est de faire taire le langage en soi afin d’y trouver une histoire et d’habiter le récit. Le sujet beckettien aspire à incarner sa propre voix dans un corps, à avoir enfin « voix au chapitre » pour mettre fin à cette permanente défaisance.
Texts for Nothing insists on attempting to find a voice that is forever abandoned. Each “Text” is bearer of a muted and obscure fable: the texts have always already begun, prisoners of language that can never be silent: that started before men and will continue after them. Beckettian destiny is thus to silence the language within in order to find a story and to inhabit the narrative. The Beckettien subject aspires to to embody his own voice, to at last have “a say”, to put an end to this permanent undoing.
Sjef Houppermans, « Va-et-vient et inscription de l’unheimlich dans Textes pour rien de Samuel Beckett. Trop près, trop loin, c’est trois fois rien »
Professeur émérite de l’Université de Leyde. A publié des études notamment sur Proust, Roussel, Beckett, Robbe-Grillet, Ollier et Renaud Camus, ainsi que le recueil Écritures du désir. Sa recherche combine la stylistique, la psychanalyse et la narratologie.
Emeritus professor of the University of Leiden. Has published studies on Proust, Roussel, Beckett, Robbe-Grillet, Ollier and Renaud Camus, in particular, as well as the collection of essays Lectures du désir (Rodopi). His research combines stylistics, psychoanalysis and narratology.
508Cette lecture psychanalytique tentera de circonscrire ce qui, après L’Innommable, resterait à (dé)dire. Son cheminement suivra, dans un premier lieu, les va-et-vient, les prises de distances et les rapprochements que le texte esquisse. La notion de l’unheimlich, telle que Freud l’a définie et illustrée, nous aidera à préciser comment mort et vie, naissance et décès, le sujet et son autre s’attirent et s’excluent par voie de fascination tout au long de ce parcours où alternent le “point de vue de Sirius” et la foudroyante intimité.
This psychoanalytical reading attempts to circumscribe what remains, after The Unnamable, to (un)say. Its unfolding will first follow the coming and going, the distancing and approaches outlined by the text. The notion of the unheimlich, defined and illustrated by Freud will enable us to define how death and life, birth and dying, the subject and his other attract and exclude each other in a form of fascination throughout this unfolding where the “point of view of Sirius” and violent intimacy alternate.
Bruno Geneste, « Rien et dire chez Samuel Beckett à partir d’une notation de Jacques Lacan. Peut-être rien… rien peut-être ? »
Psychologue clinicien, psychanalyste à Bordeaux, membre de l’École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien, Bruno Geneste est auteur de plusieurs articles sur les rapports de l’écriture beckettienne avec l’expérience psychanalytique, parus dans la revue L’En-je lacanien.
Clinical psychologist, psychoanalyst at Bordeaux, member of the Psychoanalytical School of the Forums of the Lacanian Field, Bruno Geneste is the author of several articles on the relationship of Beckett’s writing to the psychoanalytical experience, published in the journal L’En-je lacanien.
Le présent travail articule Textes pour rien à la référence démocritéenne « Rien n’est plus réel que rien » et au labour qu’en fit Lacan. Cette référence extraite, il s’avère capital de considérer que cette guise du Rien n’est pas à verser au compte des négativités de structure qui donnent un accent mélancolique à l’existence. Elle porte une positivité de jouissance qu’indexent les trois termes dire, écrire, rire : ce qui reste au parlant quand il axe son existence du réel lacanien.
The present study articulates Texts for Nothing with the reference to Democritus’ “Nothing is more real than nothing”, and Lacan’s elaboration on this question. Once this reference is isolated, it is crucial to consider that this form of Nothing should not be credited to the structural negativities that give a melancholy tone to existence. They enclose the positivity of the jouissance indexed by the three terms saying, writing, laughing: what remains for the speaking being when he orients his existence from the Lacanian real.
509Stéphanie Ravez, « Les Églogues “pour rien” de Samuel Beckett. Et in Arcadia ego »
Stéphanie Ravez est maître de conférences à l’Université Bordeaux-Montaigne. Ancienne élève de l’ENS-Ulm, elle a écrit sa thèse sur les deux “Trilogies” de Samuel Beckett, ainsi que de nombreux articles et contributions d’ouvrage sur Samuel Beckett. Elle a également écrit sur James Joyce, Graham Greene, Virginia Woolf, Rachel Cusk et Dylan Thomas. Elle enseigne la littérature anglaise et la traduction à Bordeaux.
Stéphanie Ravez is a lecturer at the University of Bordeaux-Montaigne. A former student at the ENS-Ulm, she wrote her thesis on Beckett’s two “Trilogies”, and has written numerous articles and contributions on Samuel Beckett. She has also written on James Joyce Graham Greene, Virginia Woolf, Rachel Cusk and Dylan Thomas. She teaches English literature and translation at Bordeaux.
L’écriture de Textes pour rien peut s’élucider, à l’aune du mode pastoral. L’esthétique de la faiblesse – marquée par les processus de réécriture et d’autoréflexivité – est proche de celle qu’on trouve chez Théocrite et Virgile. La rupture apparente avec l’univers idyllique dès “Texte III” ne signifie pas le rejet de la pastorale, mais sa continuation sur un mode moins élégiaque, comme je souhaite le démontrer en m’appuyant sur les études que Erwin Panofsky et Louis Marin ont faites d’un célèbre tableau peint par Poussin : Les Bergers d’Arcadie.
Texts for Nothing can be read and elucidated in the light of the pastoral mode. In fact, the aesthetics of vulnerability as well as the rewriting and self-reflexive processes at work are not dissimilar from those found in Theocritus and Virgil. Moreover, the apparent break with the idyllic world from “Text 3” does not necessarily signify a rejection of pastoral but its continuation on a less elegiac mode. This I wish to demonstrate by focusing, especially, on Erwin Panofsky’s and Louis Marin’s studies of a famous pastoral painting by Poussin: Et in Arcadia Ego.
Éric Wessler, « Présence et absence de l’astre solaire dans Textes pour rien. Quoi de neuf sans le soleil ? »
Éric Wessler est membre de l’Institut de Recherche en Langues et Littératures Européennes (Université de Mulhouse). Sur Beckett, il a notamment publié La Littérature face à elle-même : l’écriture spéculaire de Samuel Beckett (Rodopi, 2009), et contribué au Dictionnaire Beckett (Honoré Champion, 2011). Il coordonne actuellement des travaux de recherche sur l’autoréflexivité littéraire.
Éric Wessler is a member of the European Language and Literatures Research Institute (Université de Mulhouse). On Beckett, he has published notably La Littérature face à elle-même: l’écriture spéculaire de Samuel Beckett (Rodopi, 2009), and contributed to the 510Dictionnaire Beckett (Honoré Champion, 2011). He currently coordinates research on literary self-reflexivity
Dans Textes pour rien, le soleil perd son statut de repère cosmographique : le narrateur s’en affranchit, se situant en un point obscur qui abolit les distinctions logiques et métaphysiques. S’ensuit alors une disparition des personnages individuels, rejetés comme illusions de l’esprit apollonien. Finalement, malgré l’invasion de la boue, un élément aérien (un souffle intérieur) remplace le soleil comme principe de fécondité littéraire, dans un mouvement d’empathie pré-individuelle opposée au logos solaire.
In Texts for Nothing, the sun loses its status as a cosmographical reference point: the narrator frees himself from it in order to situate himself in an obscure point which abolishes logical and metaphysical distinctions. Thus ensues the disappearance of individual characters, who are rejected as illusions created in the Apollonian mode. Finally, in spite of the invasion of mud, an aerial element (an internal breath) replaces the sun as a principle of literary fecundity, in a movement of pre-individual empathy opposed to the solar logos.
Guillaume Gesvret, « Le repentir dans Textes pour rien de Samuel Beckett. Un geste entre écriture et peinture, ou comment se reprendre »
Docteur et agrégé de Lettres modernes, Guillaume Gesvret est actuellement ATER en arts du spectacle à l’Université de Poitiers. Il publiera prochainement un ouvrage issu de sa thèse sur les relations entre Beckett et les arts plastiques intitulé Beckett en échos : rapprochements arts/litterature aux éditions Lettres modernes Minard.
Holder of a Ph. D. in literature, and professeur agrégé, Guillaume Gesvret currently teaches performing arts at the University of Poitiers. He will shortly be publishing a book drawn from his thesis on the relationships between Beckett and plastic arts under the title: Beckett en échos : rapprochements arts/littérature, at Lettres modernes Minard.
L’écriture de Textes pour rien met en jeu un mouvement de correction perpétuelle, qui appelle une comparaison avec les arts plastiques et graphiques. Dans son dialogue à distance avec les œuvres de Bram van Velde ou de Giacometti, le geste du “repentir” permet de réinterroger les thèmes de la confusion et de la maladresse au principe de la création beckettienne, le rapport entre répétition, subjectivité et mémoire, et l’expérimentation littéraire d’une gestualité pour rien (presque) sans œuvre ni support.
Writing, in Texts for Nothing, involves a movement of perpetual correction which elicits a comparison with the plastic and graphic arts. In its remote dialogue 511with the works of Bram van Velde or Giacometti, the gesture of reworking (pentimento) indeed allows us to question anew certain principles of Beckettien creation. For example, confusion and clumsiness, as well as the relationship between repetition, subjectivity and memory, and the literary experiment of a gesturality for nothing (or almost) without artwork nor medium.
David Lloyd, « Avigdor Arikha illustre Textes pour rien de Samuel Beckett. “Dessins pour rien” »
David Lloyd, Professeur distingué d’anglais à l’University of California, Riverside, travaille essentiellement sur la culture irlandaise et la théorie postcoloniale et culturelle. Parmi ses livres : Beckett’s Thing : Painting and Theatre (2016), Irish Culture and Colonial Modernity : The Transformation of Oral Space (2011) and Arc & Sill : Poems 1979-2009 (2012).
David Lloyd, Distinguished Professor of English at the University of California, Riverside, works primarily on Irish culture and on postcolonial and cultural theory. His books include Beckett’s Thing: Painting and Theatre (2016), Irish Culture and Colonial Modernity: The Transformation of Oral Space (2011) and Arc & Sill: Poems 1979-2009 (2012).
Cette étude examine la place des dessins d’Avigdor Arikha pour Textes pour rien, dans la trajectoire de l’œuvre de l’artiste en comparaison avec le rôle transitionnel joué par Textes pour rien dans l’œuvre de Beckett. De même que les “Textes” de Beckett marquent l’épuisement d’un mode d’écriture pratiqué au cours de la “Trilogie”, les dessins d’Arikha anticipent son propre abandon de l’abstraction, et son choix de dessiner d’après nature dans des manières qui, comme chez Beckett, commencent à interroger les termes de l’image et de la représentation.
This essay examines the place of Avigdor Arikha’s drawings for Beckett’s Textes pour rien in the trajectory of the artist’s work in comparison with the transitional role played by the “Textes” in Beckett’s own œuvre. Much as Beckett’s “Textes” mark the exhaustion of a mode of writing practiced in the “Trilogy”, Arikha’s drawings anticipate his own abandonment of abstraction and turn to drawing from life in ways that, like Beckett, begin to question the terms of the image and representation.
Nadia Louar, « La question du bilinguisme dans Textes pour rien / Texts for Nothing »
Nadia Louar est professeur de littératures de langue française dans le département de langues et littératures étrangères à l’University of Wisconsin Oshkosh. Ses recherches 512portent principalement sur l’œuvre de Samuel Beckett. Elle est l’auteur d’un livre sur les figures du bilinguisme beckettien (Lettres modernes Minard, à paraître), et prépare un recueil d’essais sur l’auto-traduction et le bilinguisme de l’auteur.
Nadia Louar is Associate Professor in French and Francophone Studies at the University of Wisconsin Oshkosh in the Department of Foreign Languages and Literatures. Her main research focuses on the work of Samuel Beckett. She is the author of a forthcoming monograph in French on the figures of bilingualism in his work (Lettres modernes Minard), and is currently preparing an edited volume on the creative processes involved in his practice of self-translation and literary bilingualism.
Textes pour rien – composé des « derniers petits textes » dont Beckett dira qu’ils « ont achevé de [lui] fermer le bec » – donne paradoxalement ses véritables voix à l’œuvre bilingue. Loin de signifier la fin d’une veine créative inégalée et marquer une pause dans le parcours de l’auteur, ces “Textes” figurent une esthétique du recommencement liée de façon organique à la structure fondamentale de l’écriture bilingue.
Texts for Nothing – comprising the “last little texts” which Beckett said “have finally managed to shut [him] up” – paradoxically give his bilingual œuvre its true voices. Rather than signifying the end of an unequalled creative vein and signalling an impasse in his career as a writer, these ‘Texts’ exemplify an æsthetics of recommencement that is organically linked to the fundamental structure of bilingual composition.
Llewellyn Brown, « Textes pour rien / Texts for Nothing de Samuel Beckett. Musicalité et structure »
La structure syntaxique sinueuse de Textes pour rien exprime un dégoût mélancolique, où le mouvement protase/apodose produit une impression de stase. Des pseudo-dialogues fonctionnent comme une suppléance, inscrivant le narrateur aux côtés de ses doubles. La musicalité du langage – avec la dimension symbolique incarnée par des ruptures – vient donner une substance au locuteur. Sans doute la vraie brèche se situe-t-elle entre les deux langues : l’intraduisible offre à Beckett un inébranlable point d’appui.
Sinuous syntactic structures in Texts for Nothing express a melancholic loathing, where the protasis/apodosis movement produces an impression of immobility. Pseudo-dialogues function as a substitute, inscribing the narrator in the company of his doubles. The musicality of language – with the symbolic dimension embodied by ruptures – gives the narrator substance. The true breach can doubtless be situated between the two languages: the untranslatable offers Beckett an unshakeable foundation.
513Albert Nguyên, « Incidence de la voix dans Textes pour rien de Samuel Beckett. Un pas rien d’insolitude »
Psychanalyste, AME de l’École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien, membre de l’Internationale des Forums du Champ lacanien. Enseignant au Collège de Clinique psychanalytique du Sud-Ouest. Auteur de La Perdi(c)tion de Georges Bataille (Éditions Stilus, 2016). Auteur de nombreux articles sur Beckett, Bataille, Gide dans la revue L’En-je lacanien. Articles dans la revue et le mensuel de l’EPFCL.
Psychoanalyst, member of the Psychoanalytical School of the Forums of the Lacanian Field and the International Forums of the Lacanian Field. Teaches at the College of Psychoanalytical clinical studies. Author of La Perdi(c)tion de Georges Bataille (Stilus, 2016), as well as numerous articles on Beckett, Bataille, Gide, in the journal L’En-je lacanien. Articles in the journal and the monthly publication of the analytical School of the Forums of the Lacanian Field.
Textes pour rien, de Beckett, est lieu pour la voix qui signe l’impossible de la solitude et de la complète extinction. C’est dans la langue que Beckett joue la partie, l’épurant, lui arrachant les mots qui marquent le “cap au pire”. C’est la transmission qui est sur la sellette, non selon la formule “tel père tel fils”, mais “telle main tel père-fils”. On pourrait résumer ainsi : Beckett décroché de l’affect mais accroché à la langue ; l’exclu du sens pour Lacan, c’est la définition du Réel.
Beckett’s Texts for Nothing is the place for the voice that is the mark of the impossible at the heart of solitude, the impossibility of complete extinction. It is in language that Beckett plays the game: purifying it, tearing from it words that point “worstward”. It is transmission that it questioned, not according to the formulation “like father like son”, but “like hand like father-son”. In the end, unsolitude could be summed up: Beckett disconnected from affects but connected to language; that which is excluded from meaning is, for Lacan, the definition of the Real.
Suzanne Dow, « Lacan avec Beckett »
Suzanne Dow (1978-2011) était maître de conférences de français à l’University of Nottingham. Après avoir étudié l’histoire et les langues modernes (français) à Oxford, elle a fait un masters puis écrit une thèse de doctorat sur la folie dans l’écriture féminine au xxe siècle. Elle était auteur de Madness in Twentieth-Century French Women’s Writing : Leduc, Duras, Beauvoir, Cardinal, Hyvrard (Peter Lang, 2009), et de nombreux articles sur Beckett. Elle a dirigé, avec Colin Wright, un numéro spécial de la revue Paragraph (“Psychoanalysis and the Posthuman” ; 2010). Elle a aussi réalisé de nombreuses traductions dont (avec la collaboration de Lucy Garnier) Hélène Cixous, Double Oubli de l’Orang-Outang (Polity, 2012).
514Suzanne Dow (1978-2011) lecturered in French at the University of Nottingham. She received a first-class degree in History and Modern Languages (French) at St Hilda’s College, University of Oxford, before completing an MSt and a DPhil under the supervision of Elizabeth Fallaize and Michael Sheringham. Her publications include Madness in Twentieth-Century French Women’s Writing: Leduc, Duras, Beauvoir, Cardinal, Hyvrard (Peter Lang, 2009), a special issue of Paragraph (Psychoanalysis and the Posthuman (2010), co-edited with Colin Wright), articles on Beckett, and numerous translations, including (with the collaboration of Lucy Garnier) Hélène Cixous, Double Oblivion of the Ourang-Outang (Polity, 2012).
Cette étude explore la rencontre (minimale) de Jacques Lacan avec Samuel Beckett. Avant de situer Beckett comme un “partenaire muet” de Lacan, un aperçu plus général est donné de la place occupée par la littérature dans l’enseignement de Lacan et, en particulier, le rôle joué par les écrits de James Joyce. Les réflexions de Lacan sur le jeu de mots joycien, dans Finnegans Wake, sur les mots litter/letter dessinent le contexte qui permet de comprendre la perspective adoptée par le psychanalyste à l’égard de l’œuvre beckettienne.
This article explores Jacques Lacan’s (minimal) engagements with Samuel Beckett. Before positing Beckett as a “silent partner” of Lacan, the article offers a broader account of the place of literature in Lacan’s teaching and in particular the role played by the writings of James Joyce. Lacan’s reflections on the Joycean punning on “litter”/“letter”, in Finnegans Wake, provide a context for understanding the psychoanalyst’s perspective on Beckett’s work.
Edward Bizub, « The Letters of Samuel Beckett (1957-1965). La griffe de Beckett : cloué à jamais, toujours entre… »
Edward Bizub a enseigné la littérature comparée aux Universités de Genève et de Lausanne, et l’anglais au Collège de Genève. Il est l’auteur de trois livres ainsi que de nombreux articles dans des revues spécialisées : La Venise intérieure : Proust et la poétique de la traduction (1991), Proust et le moi divisé : La “Recherche”, creuset de la psychologie expérimentale (1874-1914) (2006), Beckett et Descartes dans l’œuf : aux sources de l’œuvre beckettienne : de “Whoroscope” à “Godot” (2012).
Edward Bizub has taught comparative literature at the Universities of Geneva and Lausanne, and English at Geneva College. He is author of three books, and of numerous articles in specialised journals: La Venise intérieure: Proust et la poétique de la traduction (1991), Proust et le moi divisé: “La Recherche”, creuset de la psychologie expérimentale (1874-1914) (2006), Beckett et Descartes dans l’œuf: aux sources de l’œuvre beckettienne: de “Whoroscope” à “Godot” (2012).
515Un bref aperçu du quotidien de l’auteur tel que les lettres choisies le présentent conduit à un examen du va-et-vient qui reproduit le schéma de base de l’œuvre : les écrits qui se croisent créent une position entre. Ensuite, cette position se métamorphose, pour se lier à un espace symbolisé par les clous. Au début de la carrière de l’écrivain, cet espace avait pu représenter celui d’une jouissance secrète mais, au fur et à mesure, il se transforme en un lieu de torture, en un véritable calvaire.
A brief glance at the author’s everyday life, as the selected letters present it, leads to a study of the come-and-go movement that reproduces the basic pattern of his work: as they cross each other, the writings create a between position. This is then transformed, as it is linked to a space symbolised by nails. At the beginning of Beckett’s career as a writer, this space represented that of a secret enjoyment but, progressively, it is transformed into a place of torment, into a veritable ordeal.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08143-2
- EAN : 9782406081432
- ISSN : 0035-2136
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08143-2.p.0503
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/11/2018
- Périodicité : Mensuelle
- Langue : Français