Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Plume et le Goupillon. L’écrivain catholique en question aux xxe et xxie siècles
- Pages : 417 à 423
- Collection : Rencontres, n° 453
- Série : Littérature des xxe et xxie siècles, n° 37
RÉSUMÉS
Carole Auroy, Olivier Gallet, Denis Labouret et Aude Préta-de Beaufort, « Avant-propos »
Souvent utilisée par la critique depuis le début du xxe siècle, l’appellation « écrivain catholique » est problématique. Rarement revendiquée par les écrivains ainsi baptisés, elle résulte d’une construction historique à laquelle ont contribué tous les acteurs du champ littéraire. Le présent ouvrage se propose d’étudier les enjeux de cette étiquette confessionnelle – d’abord le processus de son émergence, ensuite certains débats qu’elle a suscités, enfin les réactions des écrivains eux-mêmes.
Didier Alexandre, « Devenir un écrivain catholique. L’exemple de Paul Claudel »
Références et formes d’écriture bibliques ou liturgiques ne suffisent pas à identifier un écrivain comme catholique, indépendamment d’une certaine relation à son lectorat : il doit s’affirmer tel, un aveu de catholicisme orientant l’interprétation de l’œuvre. Pour Paul Claudel, ce contrat de lecture fut impliqué par la publication de son récit de conversion, fruit d’une délibération ardue. Il construisit dès lors sa figure d’écrivain catholique en définissant la finalité spirituelle de son art.
Pauline Bruley, « Mystique, spirituel, chrétien, catholique. Extension et valeur dans le discours de Charles Péguy »
L’observation des emplois de quatre substantifs et adjectifs chez Charles Péguy et dans un contexte plus large éclaire le positionnement de l’écrivain dans le champ littéraire. L’extension et les valeurs de mystique indiquent une originalité de Péguy, qui prête au mot des signifiés propres à l’action et à la solidarité. Quant aux mots chrétien et catholique, ils voient leurs emplois trouver un équilibre au fur à et mesure que l’écrivain développe explicitement une réflexion esthétique sur sa foi.
418Christophe Pradeau, « Le “romancier catholique” selon Albert Thibaudet »
Albert Thibaudet consacre, en 1926 et en 1930, deux de ses « Réflexions sur la littérature » à la figure émergente du « romancier catholique ». Il s’agit pour lui de questionner la légitimité historiographique d’un label perçu comme oxymorique. Le roman, genre mal né, mauvais genre, n’est pas catholique. D’un article à l’autre, l’idée s’impose néanmoins de l’invention d’un authentique roman catholique, le « roman des âmes », illustré par des écrivains comme François Mauriac et Georges Bernanos.
Clara Debard, « Jacques Copeau, dramaturge catholique ? »
Après avoir adapté pour la scène Les Frères Karamazov en 1910, Jacques Copeau se lance dans l’écriture de La Maison natale, qu’il crée en 1924. À la fermeture du Vieux-Colombier, il écrit pour les besoins de la troupe et, en lien avec sa conversion au catholicisme (1925), il s’attelle à un drame, Le Petit Pauvre, d’après la vie de François d’Assise. Ces pièces restent très éloignées de sa première écriture dramatique. La Sève (1899) frappe par ses résonances claudéliennes.
Myriam Sunnen, « André Malraux et les écrivains catholiques »
Bien qu’agnostique, André Malraux a attribué aux rapports de force entre la foi et la création artistique une place majeure dans ses écrits esthétiques, dont de longs développements sont consacrés à la sculpture chrétienne. On tentera d’appliquer ces thèses aux paradoxes auxquels est confronté l’écrivain catholique du xxe siècle. Le jugement de Malraux sur les écrivains catholiques est tributaire de sa vision de la création artistique mais aussi d’une conception très personnelle du christianisme.
Hervé Serry, « Devenir un éditeur généraliste reconnu dans la France des années cinquante et soixante. Les éditions du Seuil et leur catalogue littéraire catholique »
Après la Seconde Guerre mondiale, les patrons des éditions du Seuil, fondées en 1935 sur un engagement catholique militant, veulent construire un catalogue littéraire plus ouvert. Cette contribution s’intéresse à la manière dont cette identité éditoriale catholique est gérée et recomposée jusqu’au moment, à 419la fin des années soixante, où elle devient secondaire pour l’identité du Seuil. On voit ainsi comment l’économie d’un catalogue permet de saisir la notion d’écrivain catholique.
Jeanyves Guérin, « Le Ce que je crois de quatre écrivains catholiques. François Mauriac, Pierre-Henri Simon, Gilbert Cesbron, Maurice Clavel »
Entre 1953 et 1995, les éditions Grasset ont publié une trentaine de Ce que je crois qui mélangent réflexions et souvenirs. On étudie ici ceux de quatre écrivains qui ont vécu douloureusement et tenté de penser la crise qui, en France, frappe la société et la culture catholiques à partir des années soixante. François Mauriac, Pierre-Henri Simon, Gilbert Cesbron, Maurice Clavel s’y posent comme écrivains et catholiques, non comme écrivains catholiques.
Olivier Gallet, « Du côté des poètes protestants (problèmes de l’étiquetage religieux). Francis Ponge, Philippe Jaccottet, Jacques Chessex et les autres »
Le cas des écrivains protestants permet d’aborder dans une perspective plus large la question de l’étiquetage religieux dans le domaine littéraire. Au xxe siècle, l’effacement de l’étiquette « écrivain protestant », à la différence de l’appellation « écrivain catholique », serait le signe d’une efficace dilution des valeurs du protestantisme dans la modernité. Pourtant, le protestantisme continue de structurer des poétiques, de former des éthos et d’alimenter la symbolisation littéraire.
Claire Daudin, « Le magistère introuvable. Un nouveau théologien, M. Fernand Laudet de Charles Péguy et la polémique avec la Revue hebdomadaire »
Attaqué après la publication du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, Charles Péguy affirme sa liberté vis-à-vis des autorités religieuses et intellectuelles. Littérature et religion ont en effet chacune leur pré carré dans le monde moderne ; les mettre ensemble bouscule une répartition des pouvoirs dont s’accommodent gens de Lettres et gens d’Église. Péguy franchit la frontière, en ridiculisant au passage la notion de « poète catholique », lui qui ne veut relever que de son génie prophétique.
420Claire Bompaire-Évesque, « La querelle de l’Oronte (1922). Un débat entre Maurice Barrès et les critiques catholiques sur les devoirs de l’écrivain »
Le conflit qui a opposé Maurice Barrès à plusieurs critiques catholiques (dont Robert Vallery-Radot, Henri Massis), révèle qu’après la guerre une partie des intellectuels catholiques, maurrassiens ou non, a décidé de rompre avec un Barrès jugé trop renanien et n’hésite pas à afficher ses convictions religieuses même dans le domaine de la critique littéraire, en s’appuyant sur un argumentaire emprunté à Jacques Maritain.
Jean-Michel Wittmann, « La “plume au service de son imagination et son imagination au service de l’Église”. André Gide et l’impossible écrivain catholique
André Gide n’a jamais cessé de critiquer la notion même d’écrivain catholique. Pour lui, il n’y a pas d’écrivains catholiques, mais des catholiques qui écrivent, sans être forcément de vrais écrivains. De plus, le catholicisme vient entraver voire corrompre le processus de la création littéraire : il semble difficilement compatible avec les règles éthiques et esthétiques énoncées par Gide dès le début de sa carrière, notamment dans son Traité du Narcisse, qui constituent le fondement de sa poétique.
Denis Pernot, « Le Dialogue avec André Gide (1929) de Charles Du Bos. Une conversion à l’œuvre »
Cette étude s’intéresse au Dialogue avec André Gide de Charles Du Bos et s’efforce de comprendre quel rôle ce livre joue dans la production du critique. Elle met au jour, sur la base d’une correspondance inédite, l’importance de l’influence de Jacques Maritain dans la conception de l’ouvrage. Celui-ci mérite toutefois moins intérêt pour sa condamnation de l’homosexualité de Gide que pour la manière dont il révèle à Du Bos, au lendemain de sa conversion, l’idée qu’il se fait de la littérature.
Florence Lebrun, « La critique catholique dans les revues entre 1939 et 1953 »
Dans les revues des années 1939 à 1953, une critique littéraire aux contours nouveaux voit le jour. Née dans un contexte de guerre, elle se fait quête du travail de Dieu dans l’âme des écrivains. Qu’elle émane ou non de la plume 421de chrétiens, elle s’exprime souvent en des termes catholiques, juxtaposant problématiques littéraires et images bibliques. Dès lors, cette critique peut-elle être considérée comme catholique, et dans quelle mesure peut-elle s’imposer sur la scène littéraire ?
Marie-Ève Benoteau-Alexandre, « “Tout ce que vous écrivez doit être la Vérité pure”. Paul Claudel face au clergé
Pour être pleinement « le poète du catholicisme », Paul Claudel choisit de placer son œuvre sous le regard de la seule autorité susceptible de garantir sa catholicité : le clergé, depuis ses confesseurs successifs jusqu’au pape lui-même. Cette soumission ne va cependant pas sans ambiguïtés puisque, s’il accepte toujours la censure, Claudel n’en garde pas moins une certaine liberté qui le conduit à faire passer les exigences de son œuvre avant le respect de l’autorité.
Frédéric Gugelot, « Témoin ou prophète, la double figure de l’écrivain catholique »
Dans une société en voie de sécularisation, une littérature d’inspiration catholique montre que l’Église demeure susceptible de produire de la fiction et du récit. Elle va néanmoins à contre-courant de la représentation moderne du fait littéraire. Aussi s’inscrit-elle dans une tension entre l’Église, qui cherche des défenseurs mais refuse de nouveaux prophètes, et le champ littéraire, où elle est souvent perçue comme idéologique par nature. Deux veines se dessinent alors au cours du siècle.
Alexandre de Vitry, « Charles Péguy en bascule »
En prenant acte des réticences du jeune Charles Péguy à l’égard du catholicisme, nous dégageons ce qui, entre 1904 et 1910, se déplace dans sa pensée et dans son écriture et prépare un « terrain » propice à son auto-identification, par la suite, comme « catholique ». La foi de Péguy s’enracine dans sa critique intégrale du « monde moderne » et fonde en même temps, de manière contradictoire, un catholicisme « personnel », voire individualiste, et un catholicisme « civique », tourné vers l’action collective.
422Dominique Millet-Gérard, « Paul Claudel 1938. “Du sens figuré de l’Écriture”, manifeste du poëte catholique »
Paul Claudel, en dépit de l’évidence, ne se laisse pas facilement classer parmi les « écrivains catholiques » – même s’il lui arrive bien sûr ponctuellement d’écrire sous cette étiquette. Beaucoup plus intéressante est sa propre définition de la « catholicité » de l’écrivain, ou plutôt du « poëte », particulièrement élaborée dans la préface intitulée « Du sens figuré de l’Écriture » et parue en 1938 : définition rhétorique et stylistique, fondée sur l’usage de la figure.
Catherine Mayaux, « Quand Henry Bauchau était un écrivain catholique… »
Le journal inédit tenu par Henry Bauchau dans les années trente dessine les traits d’un jeune intellectuel catholique soucieux d’imprimer ses convictions dans la vie de la cité. Mais une crise intérieure affleure dans l’aveu de sa difficulté à unifier sa vie et sa foi et dans son œuvre en gestation, où s’infiltrent désespérance et révolte. Ces écrits éclairent la persistance et la réorientation, après sa rupture avec le catholicisme, de l’exigence spirituelle qui gouverne en lui la création littéraire.
Carole Auroy, « Julien Green et la hantise de l’imposture »
Jeune auteur d’un pamphlet religieux, Julien Green a soupçonné une imposture éthique et esthétique en ce positionnement littéraire. Le désir de vérité l’autorise à confesser sa foi, mais soumet les confidences autobiographiques à des injonctions complexes. Pour ses romans, nés des profondeurs troubles de la psyché, il récuse l’étiquette catholique : du renoncement à toute visée apologétique dépend paradoxalement le sens spirituel d’une écriture qui explore les obscurités de la condition humaine.
Élisabeth Le Corre, « Les préfaces de François Mauriac ou les stratégies de l’écrivain catholique »
François Mauriac fait un usage parcimonieux des préfaces mais il leur assigne une fonction stratégique. Il s’y défend face aux critiques éventuelles ou effectives, et y justifie ses choix esthétiques, religieux et moraux. La préface prolonge l’histoire en fixant le sort des personnages, et éclaire l’œuvre sous 423un jour optimiste. Mais elle met également au jour les contradictions et les repentirs du romancier catholique, partagé entre sa crainte de scandaliser et son refus d’édifier.
Aude Préta-de Beaufort, « “Poète chrétien”, une étiquette encombrante. Pierre Emmanuel, Jean-Claude Renard »
Pierre Emmanuel et Jean-Claude Renard ont à plusieurs reprises affirmé qu’ils ne se reconnaissaient pas sous l’appellation d’« écrivain catholique », non plus que sous celle de « poète chrétien ». Les origines de l’étiquette sont à chercher du côté du contexte littéraire, mais il faut entendre le refus que les deux poètes opposent à cette classification. L’examen de quelques histoires littéraires et anthologies du xxe siècle permet d’observer quel statut est associé aux deux écrivains.
Aude Bonord, « “Écrivain catholique”, mises en question d’une étiquette. Joseph Delteil, Blaise Cendrars, Christian Bobin, Sylvie Germain »
Le choix d’un sujet chrétien impose souvent une étiquette d’écrivain catholique qui ne convient pas aux auteurs. Pourtant, certains se font publier dans des revues ou maisons d’édition confessionnelles. Quel est le sens de cette démarche au regard de leur refus d’être étiquetés comme catholiques ? À travers l’exemple de quatre auteurs, cet article questionne les critères qui séparent l’écrivain catholique du non-confessionnel, de l’après-Seconde Guerre mondiale au début du xxie siècle.
Denis Labouret, « Conclusion. L’écrivain catholique existe-t-il ? »
La catégorie d’écrivain catholique, d’usage courant dans l’histoire littéraire, est problématique. Elle associe deux mots qui appartiennent à des champs de référence différents. Les qualités attribuées à l’écrivain contredisent toute allégeance à un dogme. Et l’épithète catholique peut recouvrir un éventail très large. De sorte que les plus grands écrivains reconnus comme tels sont les premiers à se méfier de cette appellation. C’est pourquoi l’écrivain catholique, au singulier, n’existe pas.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10142-0
- EAN : 9782406101420
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10142-0.p.0417
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/06/2020
- Langue : Français